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1. Introduction et problématique

Au cours des dix dernières années, avec la mise en place des Centres de la petite enfance, le Gouvernement du Québec a développé un véritable réseau de services de garde à l’enfance. Ces services visent à combler divers besoins, dont la conciliation travail-famille, mais ils ont également une mission de stimulation précoce. En ce sens, un programme éducatif commun à tous les Centres de la petite enfance a été adopté lors de leur création par le Gouvernement du Québec (1997) puis révisé récemment (2007). Son application s’étend maintenant à tous les types de services de garde à l’enfance régis par le gouvernement. Les concepteurs du programme, tout en confirmant la vocation éducative de ces services, insistent également sur le rôle des parents comme premiers éducateurs et, en ce sens, ils encouragent la collaboration entre les parents et les éducatrices (notons ici que, comme la majorité du personnel éducateur des services de garde à l’enfance est de sexe féminin, ce genre sera utilisé afin d’alléger le texte). En effet, dans une perspective écologique du développement humain (Bronfenbrenner, 1979), la qualité de la relation entre le parent et l’éducatrice est de plus en plus souvent évoquée comme un indice important de la qualité des services offerts à l’enfant. Des recherches empiriques attestent de l’existence d’un tel lien ; par exemple, on observe une corrélation positive entre une communication parent-éducatrice plus fréquente et la qualité globale du service offert (Ghazvini et Readdick, 1994). Endsley, Minish et Zhou (1993) ont également fait ressortir un lien positif entre un engagement formel des parents dans le milieu et trois dimensions de la qualité du service de garde : soins de santé et sécurité, relations adulte-enfant ainsi que coordination maison-milieu de garde. De plus, la qualité de la relation parent-éducatrice (Elicker, Noppe, Noppe et Fortner-Wood, 1997) ou encore la qualité du partenariat parent-éducatrice (Zellman et Perlman, 2006) s’associent fortement à d’autres indices reconnus de la qualité globale d’un service de garde à l’enfance.

Toutefois, même si une relation de qualité entre le parent et l’éducatrice se traduit par des impacts positifs, il n’en demeure pas moins que plusieurs difficultés sont régulièrement observées dans les milieux, au fil des interactions quotidiennes entre parent et éducatrice. Pour certains, les relations entre la famille et le milieu éducatif semblent difficiles à mettre en place (Kuhn, 2001 ; Perrenoud, 2001 ; Workman et Gage, 1997). En fait, même si plusieurs moyens de communication et de collaboration sont connus, les pratiques observées en service de garde à l’enfance demeurent peu développées (Coutu, Lavigueur, Dubeau et Beaudoin, 2005). Diverses hypothèses sont avancées afin d’expliquer cette situation ; ainsi, selon Katz (2000), une confusion dans les rôles de parent et d’éducatrice vient parfois nuire à la relation. Pour Powell (1980, 1998), la présence de discontinuités éducatives entre le milieu familial et le milieu de garde entraîne des problèmes de communication. Bosse-Platière (2004) fait également remarquer que la question des discontinuités est très présente dans les rapports parent-éducatrice, notamment parce que les attentes multiples des parents exigent de grands efforts d’adaptation de la part des éducatrices.

Les difficultés observées pourraient s’expliquer également par une formation initiale déficiente. Par exemple, aux États-Unis, après avoir procédé à une analyse des programmes de formation pour les éducatrices en service de garde à l’enfance de 367 collèges, Coffman (1999) affirme que la grande majorité n’offre pas une formation adéquate pour préparer les futures éducatrices à travailler avec les familles. Le développement de la capacité des éducatrices à travailler en collaboration avec les parents semble également un problème généralisé dans l’ensemble des programmes canadiens de formation du personnel éducateur, selon Kuhn (2001). Elle évoque plusieurs causes à cette difficulté :

  • problèmes de conception des programmes de formation (tant dans les éléments de contenus que les stratégies pédagogiques en place) ;

  • possibilités réduites d’intervention en stage, alors que pour divers motifs, les relations entre les étudiantes / stagiaires et les parents sont limitées, les interventions plus délicates étant effectuées par les éducatrices expérimentées (par exemple, communiquer au parent un problème vécu par l’enfant) ;

  • manque de modèles concrets de collaboration ou de partenariat parent-éducatrice dans le milieu éducatif, la grande majorité des milieux n’ayant pas de position claire sur ce point ;

  • attitudes des étudiantes qui ont choisi ce métier parce qu’elles souhaitent travailler auprès des enfants, mais ne sont pas conscientes qu’elles auront également à interagir avec les parents.

En somme, l’établissement de relations constructives entre parent et éducatrice dans les services de garde à l’enfance requiert une formation initiale appropriée, ce que les programmes de formation semblent avoir de la difficulté à offrir. En ce sens, dans la plus récente version du programme d’études collégial en Techniques d’éducation à l’enfance, destiné aux futures éducatrices des services de garde à l’enfance du Québec, une nouvelle compétence a été introduite : Établir une relation de partenariat avec les parents et les personnes-ressources (Gouvernement du Québec, 2000). De manière explicite, une relation de partenariat avec la famille est donc mise de l’avant, et les futures éducatrices doivent avoir développé cette compétence au terme de leur formation. Cependant, compte tenu des difficultés observées dans les milieux de pratique et de formation initiale, comment parvenir à soutenir adéquatement les futures éducatrices dans l’apprentissage de cette compétence particulière ? Cette préoccupation pédagogique nous a amené à réaliser des travaux de recherche dont les principaux résultats figurent dans cet article. Au préalable, nous décrivons le cadre conceptuel qui a servi de trame de fond à cette réflexion, et plus particulièrement les notions de collaboration et de partenariat avec la famille, ainsi que le rôle des représentations dans l’apprentissage. Par la suite, nous explicitons la méthodologie retenue pour cette étude. Puis, les principaux résultats sont présentés et discutés. Finalement, en conclusion, nous soulevons des enjeux en matière de formation du personnel éducateur des services de garde à l’enfance.

2. Contexte théorique

2.1 Types de relations parent-éducatrice

Avant de poursuivre, il est essentiel de clarifier les termes de collaboration et de partenariat, qui semblent parfois utilisés dans certains textes en éducation comme autant de synonymes. Cette polysémie témoigne probablement de l’état embryonnaire de la réflexion dans le domaine. Pour Deslandes (1999), la collaboration correspond à la participation du parent à la réalisation d’une tâche ou d’une responsabilité. Miron (2004) précise que la collaboration est souvent initiée à la demande du milieu éducatif. Quant au partenariat, il se distingue par son caractère de réciprocité (Bouchard, Pelchat et Boudreault, 1996 ; Miron, 2004), c’est-à-dire qu’il exige une reconnaissance des talents de chacun, mais également un partage des pouvoirs, notamment dans la prise de décision. La réciprocité prend donc un caractère de reconnaissance mutuelle et de partage du pouvoir entre le parent et l’éducatrice. On comprendra qu’il s’agit d’un type de relation qui demande un engagement plus important de la part des partenaires, si on le compare au caractère ponctuel de la collaboration. En ce sens, nous sommes tenté d’illustrer théoriquement, sur un continuum, les types de relations entre parent et éducatrice (Figure 1).

Figure 1

Types de relations et engagement requis (Cantin, 2006)

Types de relations et engagement requis (Cantin, 2006)

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À une extrémité de la figure, il n’y a aucune relation, aucun échange entre les éducatrices et les parents. Cela se produit dans un milieu où le parent n’a aucun contact avec l’éducatrice chargée de son enfant. Par exemple, il laisse son enfant à une personne intermédiaire (directrice, remplaçante) qui fait le lien avec l’éducatrice. Il y a donc absence de relation, ce qui ne demande aucun engagement de part et d’autre. L’échange d’information, et ce, d’autant plus s’il est bidirectionnel, permet déjà d’établir des liens et d’amorcer une relation. À ce niveau, parent et éducatrice échangent des informations pour mieux comprendre l’enfant et adapter les interventions. Peu à peu, une communication suivie et ouverte permet de mettre en place le climat de confiance requis pour accéder à d’autres types de relations plus exigeantes de la part des participants (Deslandes, 2004 ; Lavallée et Marquis, 1999 ; Martin, Poulin et Falardeau, 1992). Cette communication ouverte requiert déjà un certain engagement de chacun envers l’autre, comme le simple fait de prendre le temps de communiquer son point de vue ou encore de s’efforcer de comprendre celui de l’autre. L’engagement requis dans la collaboration est encore plus important, puisqu’il s’agit alors de s’investir dans des activités communes (Deslandes, 1999). Par exemple, en situation de collaboration, un parent acceptera de venir donner un coup de main dans l’organisation d’une fête. Toutefois, comme il s’agit d’activités ponctuelles, la collaboration demeure moins exigeante que le partenariat. En effet, ce dernier type de relation exige un engagement des participants dans plusieurs activités de partenariat (Epstein, 2001), souvent réparties sur une plus longue période. De surcroît, par sa nature, le partenariat implique également la réciprocité. Ainsi, les participants à un tel type de relation doivent être en mesure de montrer toute l’ouverture nécessaire pour travailler ensemble (Azdouz, 2004) et en arriver à prendre des décisions par consensus (Miron, 2004). Par conséquent, participer à une telle relation requiert un engagement optimal, au sens où chacun doit accepter d’y consacrer les efforts requis et d’y apporter son expertise personnelle (Bouchard, 1998 ; Bouchard et collab.,1996).

Alors que la relation de partenariat est prônée en vertu des nombreux effets positifs qu’elle peut générer pour tous les partenaires (Bouchard, 1999 ; Bouchard et collab., 1996 ; Lopez et Dorros, 1999 ; Miron 2004 ; Tochon et Miron, 2000), il faut reconnaître aussi qu’elle représente la forme de relation la plus exigeante en ce qui concerne l’engagement de chacun. Cela constitue assurément un défi, voire une limite à sa mise en place. En définitive, bien qu’il soit difficile de cerner où se termine la collaboration et où commence le véritable partenariat, ces deux concepts s’inscrivent sur un même continuum. De plus, toute relation constructive, qu’il s’agisse de collaboration ou de partenariat, se traduit par des impacts positifs pour les parents, l’enfant et le personnel éducatif (Epstein, 1991, 2001).

2.2 Apprentissage et représentations

Afin de comprendre l’apprentissage et, également, de mettre au point des interventions pédagogiques appropriées, le cognitivisme offre un cadre de référence (Barbeau, Montini et Roy, 1997 ; Develay, 1992 ; Perrenoud, 1998). Cette approche s’intéresse tout particulièrement à l’étude de la connaissance (Gaonac’h et Golder, 1996). Le cognitivisme cherche à expliquer le processus par lequel un sujet peut recueillir, traiter, emmagasiner diverses informations dans sa mémoire et les réactiver par la suite. Dans ce cadre conceptuel, l’apprentissage peut se définir comme un processus par lequel un être humain modifie les réseaux d’informations qui existent déjà dans sa mémoire et en crée de nouveaux (Viau, 1994). Alors, l’apprentissage présuppose l’établissement de liens entre les nouvelles informations et les connaissances antérieures, ainsi qu’une réorganisation constante de ces connaissances (Tardif, Désilets, Paradis et Lachiver, 1992). Le résultat de l’intégration de ces nouvelles informations peut être de confirmer les connaissances, de les compléter ou encore de les contredire. Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas simplement d’ajouter de l’information, mais plutôt de délaisser un point de vue pour en adopter un autre. Tardif parle d’une […]longue négociation avec les connaissances antérieures avant que les nouvelles puissent les remplacer (1992, p. 37). En fait, il arrive souvent que même après une démonstration pratique, des représentations erronées soient maintenues telles quelles chez l’individu (Giordan et de Vecchi, 1987). Comme le souligne Develay, […] ces représentations ont un pouvoir explicatif puissant qui les rend peu sensibles à l’accumulation des erreurs qu’elles entraînent, aux contradictions qu’elles recèlent, à la valeur des corrections auxquelles on peut les contraindre. Elles résistent très fortement au changement (1992, p. 77). Dans le domaine de la formation des futurs enseignants, le même phénomène a été observé : Wubbels (1992) constate que les préconceptions des futurs enseignants ont une remarquable résistance aux tentatives traditionnelles de changement. La force de ces représentations tient souvent à leur grande charge émotive (Forcier et Laliberté, 1993). Dans le domaine de l’éducation ou encore de la famille, il y a là des représentations forcément puissantes d’un point de vue affectif. Non seulement les représentations des étudiantes quant aux rôles de parents et d’éducatrice ont une charge affective qui contribue à leur résistance, mais ces représentations peuvent être également en bonne partie contradictoires avec l’essence d’une relation de partenariat avec la famille. Pour de tels motifs, plusieurs auteurs insistent sur le fait que l’on ne peut comprendre le processus d’apprentissage sans considérer les effets de ces préconceptions ou connaissances antérieures (Désilets et Tardif, 1993 ; Develay, 1992 ; Forcier et Laliberté, 1993 ; Turgeon, 1998) que l’on peut regrouper sous le concept de représentations sociales.

2.3 Représentations sociales

Les représentations sociales constituent en quelque sorte un savoir de sens commun, un savoir naïf issu de l’expérience et des interactions entre les individus. Selon Jodelet (2003), ce type de savoir s’oppose en quelque sorte au savoir scientifique. Elle souligne également que les représentations sociales constituent un objet d’étude légitime, puisque leur examen permet de mieux comprendre les processus cognitifs, notamment l’assimilation des connaissances ainsi que les interactions sociales (Jodelet, 2003). Fischer définit la représentation sociale comme :

[…] un processus d’élaboration perceptive et mentale de la réalité qui transforme les objets sociaux (personnes, contextes, situations) en catégories symboliques (valeurs, croyances, idéologies) et leur confère un statut cognitif, permettant d’appréhender les aspects de la vie ordinaire par un recadrage de nos propres conduites à l’intérieur des interactions sociales.

1987, p. 118

Ainsi, c’est à travers ses expériences, ses actions, qu’un individu en vient peu à peu à élaborer des modèles intériorisés représentant divers éléments de la réalité extérieure. Ces représentations lui servent à interpréter ce monde environnant mais aussi à déterminer ses conduites. Elles jouent donc un rôle important dans l’expérience quotidienne des personnes, car elles permettent de se repérer dans l’environnement physique et humain (Mannoni, 2001) ; et ce, d’ailleurs, bien souvent à l’insu de la personne puisque […] l’activation temporaire d’une représentation n’implique pas nécessairement, pour le sujet, l’expérience consciente de cette activation (Bloch et collab., 1997, p. 110). Elles servent en quelque sorte à guider l’interaction d’un individu avec son environnement tant physique que social, et elles permettent d’agir de manière adaptée à la situation. Abric (1994) apporte des précisions quant aux fonctions des représentations sociales (Tableau 1).

Tableau 1

Fonctions des représentations sociales (Abric, 1994)

Fonctions des représentations sociales (Abric, 1994)

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La première fonction de savoir réfère au savoir pratique auquel les individus ont recours pour comprendre et expliquer la réalité. Les représentations précisent en quelque sorte un cadre de référence commun permettant la communication sociale. Cette fonction permet d’acquérir des connaissances, puis de les intégrer de manière cohérente avec les valeurs de la personne et de son groupe. Une seconde fonction est dite identitaire : elle permet de définir l’identité d’un groupe. Abric précise qu’elle aide également à sauvegarder cette identité. À travers les représentations sociales qu’ils partagent, les membres d’un groupe s’identifient à un collectif tout en se démarquant d’autres groupes. Les représentations ont aussi une fonction d’orientation, en ce sens qu’elles servent à guider les comportements, les pratiques. Cette troisième fonction est particulièrement significative dans le cadre de cette recherche. Les représentations sociales des futures éducatrices guideront leurs pratiques quant à la nature même de la relation qu’elles établiront avec les parents dans les services de garde à l’enfance.

Abric (1994) estime que les représentations agissent de trois manières dans ce processus d’orientation des conduites. D’une part, elles ont un rôle à jouer dans la définition de la finalité de la situation. Les représentations servent à décider de l’importance d’une tâche, de la manière dont il faut traiter la situation. D’autre part, de par leur rôle prescriptif, les représentations permettent aussi de définir ce qui est adéquat, tolérable ou inacceptable comme comportement ou pratique. Elles précisent donc les normes sociales appropriées et, en ce sens, elles guident le choix des conduites à privilégier. En définitive, les représentations ont un rôle d’anticipation, en ce sens qu’elles permettent de prévoir un résultat. Par le fait même, ce rôle d’anticipation amènera une personne à sélectionner et à filtrer les informations en fonction du résultat attendu (Bousquet, 2003). Finalement la quatrième fonction des représentations est dite justificatrice. Pour Abric, les représentations sociales permettent […] a posteriori de justifier les prises de position et les comportements (1994, p. 17). La personne interprète le résultat de ses actions à la lueur de ses représentations.

Ces diverses fonctions des représentations sociales aident à saisir la grande résistance des étudiantes aux changements. Une des causes des difficultés des étudiantes en Techniques d’éducation à l’enfance à développer leur compétence à établir une relation avec les parents pourrait donc résider dans leurs représentations quant aux parents eux-mêmes et à la nature de la relation à entretenir avec ceux-ci. Dans le cadre de cette recherche, nous avons poursuivi l’objectif suivant : Identifier les représentations des futures éducatrices en services de garde à l’enfance à l’égard des parents et de la relation avec ces derniers.

3. Méthodologie

Cette recherche revêt un caractère exploratoire et sa fonction est essentiellement descriptive, parce qu’elle porte sur un sujet complexe encore peu étudié (Deslauriers et Kérisit, 1997). La nature de ce problème de recherche incite à privilégier une méthodologie mixte, c’est-à-dire qui fait appel à des données quantitatives et qualitatives, des chiffres et des lettres pour reprendre une image simplifiée généralement reconnue (Pires, 1997). Souvent considérées comme incompatibles, et en opposition, les approches quantitatives et qualitatives sont de plus en plus utilisées simultanément en recherche dans le domaine de l’éducation (Karsenti et Savoie-Zajc, 2004). En effet, la synthèse des résultats provenant de méthodes différentes s’avère particulièrement révélatrice car elle aide à mieux comprendre un phénomène dans toute sa complexité. Ainsi, dans cette étude, les questionnaires permettent de tracer un portrait large et global, alors que les entretiens font ressortir le contexte et les particularités. Cette complémentarité correspond à une triangulation des données qui se complètent et s’éclairent mutuellement.

3.1 Sujets

Les sujets étaient les étudiantes du programme d’études collégiales en Techniques d’éducation à l’enfance. Il s’agissait principalement de jeunes femmes, 82 % d’entre elles étant âgées de 22 ans ou moins. Afin d’avoir un aperçu de l’évolution des représentations des étudiantes au cours du processus de formation, nous avons choisi un échantillonnage stratifié, c’est-à-dire composé d’étudiantes de chacune des trois années du programme d’études. Un tel échantillon stratifié permettait de déceler d’éventuelles différences entre le point de vue des étudiantes débutantes et celui des plus avancées. Au total, 426 étudiantes (trois hommes et 423 femmes) ont répondu au questionnaire, ce qui correspond à 10,47 % de l’ensemble des étudiantes inscrites à ce programme d’études au moment de la collecte des données.

3.2 Déroulement

Les questionnaires ont été distribués dans des salles de classe au cours des dernières semaines de la session d’automne 2002 au cégep de Saint-Jérôme (fin novembre et début décembre). La distribution des questionnaires au cégep de Sherbrooke s’est réalisée au cours des deux premières semaines de la session d’hiver, soit en janvier 2003. Les entrevues individuelles et de groupe ont été réalisées au cours des mois de mars et d’avril 2003 au cégep de Saint-Jérôme.

3.3 Instrumentation

Trois méthodes de collecte de données ont été utilisées : le questionnaire, l’entrevue semi-dirigée individuelle et l’entrevue semi-dirigée de groupe. Le questionnaire, créé pour le projet, comprenait une vingtaine de questions servant à recueillir les perceptions de l’étudiante en stage à l’égard de sa relation et de ses expériences avec les parents. Il comprenait deux types de questions : fermées (échelle de Likert) et ouvertes. Les données quantitatives autorisaient un traitement statistique. Quant aux questions ouvertes, elles permettaient aux étudiantes de décrire en toute liberté leur point de vue sur la relation avec les parents. L’outil a été conçu de manière à être complété dans un court laps de temps (15 minutes), afin de favoriser la participation optimale des étudiantes.

Pour compléter la collecte de données, des entrevues ont également été réalisées auprès d’étudiantes du programme de Techniques d’éducation à l’enfance. D’une part, des entrevues individuelles semi-dirigées ont été menées auprès de quatre étudiantes pour chacune des trois années du programme d’études, pour un total de 12 entrevues. Les entrevues visaient à approfondir les informations recueillies dans les questionnaires. Un protocole d’entrevue a été mis au point en fonction du cadre théorique. Les étudiantes ont été choisies de manière aléatoire et elles ont accepté de participer à l’entrevue sur une base volontaire. Trois entrevues de groupe ont également été réalisées, un groupe pour chacune des années du programme d’études. Comme le souligne Van der Maren, de telles entrevues sont appropriées […] lorsque l’information recherchée est une représentation sociale, partagée par plusieurs personnes (1999, p. 154). Les groupes étaient composés de 5 à 6 étudiantes, sollicitées lors d’une séance de cours régulier pour participer à cette entrevue sur une base volontaire.

3.4 Méthode d’analyse des résultats

Les données qualitatives, soit les réponses aux questions ouvertes du questionnaire ainsi que les entrevues, ont été retranscrites puis analysées selon la méthode d’analyse de contenu de L’Écuyer (1990), adaptée pour les fins de cette recherche. Les unités thématiques ou unités de sens ont été retenues pour la codification des énoncés. Selon l’expression de L’Écuyer, les unités de sens sont […] des éléments du texte possédant un sens complet en eux-mêmes (1990, p. 61). Ces unités de sens ont été codifiées en fonction d’une grille de codification élaborée d’après une formule mixte, c’est-à-dire qu’une partie des catégories servant à l’analyse du matériel découlait du cadre conceptuel, alors qu’une autre partie a été en quelque sorte induite en cours d’analyse, ce qui a permis de tenir compte de certaines observations inattendues (Landry, 1997 ; Van der Maren, 1999). Par exemple, nous n’avions pas prévu que les étudiantes utiliseraient systématiquement des anecdotes pour illustrer leurs propos. Ces anecdotes correspondaient à des situations observées ou vécues. Ces catégories ont donc été ajoutées à la grille de codification. Quant aux données quantitatives provenant du questionnaire, elles ont été soumises à une analyse de variance (ANOVA) afin de déceler la présence de différences significatives dans les réponses des trois cohortes d’étudiantes.

3.5 Considérations éthiques

Diverses précautions ont été prises afin de suivre les principes et les règles d’éthique reconnus en matière de recherche sur les humains. Notamment, la page couverture du questionnaire contenait un texte permettant d’informer clairement les participantes des buts du projet. Le traitement des données a fait l’objet de nombreuses mesures afin d’en assurer la confidentialité (dénominalisation, conservation des données dans un lieu sécuritaire, utilisation exclusive par le chercheur). Pour les entrevues, les participantes ont signé un formulaire de consentement. Finalement, toujours dans une perspective de respect des participantes, celles-ci avaient la possibilité d’interrompre l’enregistrement à tout moment en cours d’entrevue et de se retirer si elles ne souhaitaient plus participer. Cette possibilité a contribué à rassurer les participantes, même si aucune d’entre elles n’y a eu recours.

4. Résultats

4.1 Représentations à l’égard des parents

À la lecture des retranscriptions des différentes entrevues, un premier constat se dégage : les étudiantes utilisent systématiquement des anecdotes pour illustrer leurs points de vue quant aux parents qui recourent aux services de garde à l’enfance. En fait, la majorité de ces anecdotes correspond à des observations personnelles réalisées dans des milieux de garde. Plus précisément, dans 59 % des anecdotes rapportées, les étudiantes adoptent le point de vue de l’éducatrice (Figure 2) en rapportant leur observation d’une situation vécue par une éducatrice d’expérience. Les étudiantes racontent également des expériences personnelles où elles ont joué un rôle actif dans une proportion de 38 %. Fait à noter, une seule étudiante (1re année) raconte deux expériences (3 %) en prenant la perspective de parents.

Figure 2

Perspectives adoptées par les étudiantes dans les anecdotes évoquées (Cantin 2006)

Perspectives adoptées par les étudiantes dans les anecdotes évoquées (Cantin 2006)

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Toujours dans les entrevues, les étudiantes formulent divers commentaires sur les parents (n = 161). Les énoncés sur les parents se regroupent en trois sous-catégories : des commentaires neutres, des commentaires positifs et des commentaires négatifs (Figure 3). Les commentaires d’ordre négatif (46 %) sont les plus fréquents, suivis des commentaires neutres (29 %) et des commentaires positifs (25 %).

Figure 3

Répartition en pourcentage des énoncés sur les parents recueillis en entrevue (Cantin, 2006)

Répartition en pourcentage des énoncés sur les parents recueillis en entrevue (Cantin, 2006)

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Plusieurs de ces énoncés se regroupent sous divers thèmes où l’on observe des commentaires en opposition : parents compréhensifs (n = 7) par opposition à exigeants / critiques (n = 10) ; parents intéressés par la communication avec l’éducatrice (n = 17) par opposition à parents non intéressés (n = 22) ; parents disponibles (n = 5) par opposition à non disponibles (n = 15) ; parents collaborateurs (n = 6) par opposition à non collaborateurs (n = 4) ; et parents compétents (n = 5) par opposition à parents peu compétents (n = 15). Le thème le plus souvent présent dans les propos des étudiantes est celui de la communication avec les parents, et ce, tant pour les commentaires positifs que négatifs.

En ce qui concerne les compétences des parents, les étudiantes font peu de commentaires positifs et, lorsque c’est le cas, leurs propos sont particulièrement flous dans ce domaine. Par exemple, une étudiante émet le commentaire suivant : Les parents, je pense que c’est important de les intégrer davantage. Ça je suis certaine…, je suis certaine qu’il y a quelque chose qu’ils peuvent apporter aux enfants qu’on n’a peut-être pas encore autant trouvé. En d’autres mots, même lorsque les étudiantes indiquent leur appréciation des compétences des parents, elles ne parviennent pas à identifier clairement ces compétences.

4.2 Représentations à l’égard des activités de partenariat

Dans le questionnaire et lors des entrevues, les futures éducatrices ont été invitées à faire part des moyens qu’elles comptaient mettre en place pour favoriser la relation avec les parents. Leurs réponses ont été classées en fonction de la typologie des activités de partenariat mise au point par Epstein, Coates, Salinas, Sanders et Simon (1997). La catégorie des activités reliées à la communication ressort comme étant de loin la plus présente dans les représentations des étudiantes (Tableau 2). L’analyse des thèmes de communication évoqués par les étudiantes laisse entrevoir qu’il s’agit principalement d’une communication unilatérale (milieu éducatif vers la famille) et non d’une communication bilatérale, comme l’entend toutefois Epstein. En d’autres mots, les futures éducatrices font mention principalement des informations qu’elles souhaitent transmettre au parent et elles ne parlent que très peu des informations que peuvent leur communiquer les parents.

Tableau 2

Représentations à l’égard de la communication et de la collaboration : types d’activités évoquées

Représentations à l’égard de la communication et de la collaboration : types d’activités évoquées

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Parmi les autres catégories de la typologie d’Epstein, la participation du parent aux activités du milieu éducatif, le soutien au rôle parental et la participation du parent à la prise de décision sont parfois évoqués par les étudiantes, mais nettement moins fréquemment que la communication. L’apprentissage à domicile et la collaboration avec la communauté sont des types d’activités presque complètement absents. Le répertoire des activités de partenariat des étudiantes est donc limité et axé principalement sur la communication.

4.3 Obstacles à la relation parent-éducatrice

Lorsqu’on demande aux futures éducatrices d’identifier les obstacles à la relation avec les parents (questionnaire et entrevue), on constate dans leurs propos que la plus importante source de difficultés provient des parents eux-mêmes (Tableau 3). Plus de la moitié des répondantes au questionnaire identifie les parents comme à l’origine de difficultés.

Tableau 3

Origine des obstacles à la relation parent-éducatrice

Origine des obstacles à la relation parent-éducatrice

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La seconde source en importance pour d’éventuelles difficultés tient à l’éducatrice elle-même. Dans les énoncés de cette catégorie, les étudiantes font des commentaires quant à leur manque d’assurance, leur inexpérience en ce domaine, etc. On remarque que les propos sont plus nuancés lors des entrevues, bien que les parents demeurent la cause de difficultés la plus fréquemment évoquée. Dans leurs réponses du questionnaire, une certaine proportion d’étudiantes (14,5 %) reconnaissent que les difficultés peuvent avoir des causes multiples (parent et éducatrice). C’est ce que confirment également 18 énoncés se retrouvant dans 9 des 15 entrevues.

4.4 Évolution des représentations des étudiantes au cours des trois années du programme de formation

Dans le questionnaire distribué aux étudiantes en Techniques d’éducation à l’enfance, quatre questions avaient pour but de vérifier le sentiment de préparation des étudiantes à l’interaction avec le parent. Par une analyse de variance, nous avons cherché à mesurer la présence de différences significatives entre les réponses des étudiantes de chacune des trois années du programme de formation. Le test statistique n’a pas permis de constater de différence significative entre le sentiment de préparation des étudiantes de 1re année, de 2e année et de 3e année. De la même manière, dans l’analyse qualitative des représentations des étudiantes de ces trois cohortes, aucune différence notable n’a été identifiée. Les étudiantes des trois années émettent des commentaires semblables sur les parents, et elles font référence aux mêmes types d’activités de partenariat, aux mêmes obstacles à la relation. En fait, la seule différence concerne la perspective adoptée dans les anecdotes rapportées : en première année, les étudiantes évoquent plus souvent des anecdotes observées et en deuxième et troisième année, ayant effectué des stages ou occupé des emplois d’été dans les milieux de garde, elles racontent plus souvent des expériences où elles ont personnellement interagi avec le parent.

5. Discussion des résultats

Les résultats laissent voir que les étudiantes utilisent abondamment des anecdotes pour illustrer leurs propos. Dans ces anecdotes, elles adoptent le point de vue des éducatrices d’expérience rencontrées au fil de leurs stages ou de leurs expériences de travail d’été dans les services de garde. Ces étudiantes sont beaucoup plus rarement portées à rapporter une situation en épousant le point de vue du parent.

5.1 Fonction identitaire des représentations

Cette observation semble confirmer la fonction identitaire des représentations (Abric, 1994), les aspirantes professionnelles s’identifiant aux éducatrices d’expérience. Il est toutefois surprenant de constater que ce processus d’identification professionnelle semble avoir débuté avant même que les étudiantes aient eu l’occasion de rencontrer les éducatrices d’expérience. En effet, les étudiantes de première session, qui ne sont pas encore allées en stage et n’ont pas eu l’occasion de rencontrer des éducatrices expérimentées, ont déjà des représentations semblables aux étudiantes plus avancées qui ont réalisé un ou deux stages. Les représentations seraient donc rapidement construites dès les premiers moments dans le programme d’études. Nous ne pouvons cependant clairement identifier à travers quels types d’expériences ces représentations se développent : lectures, discussions entre étudiantes, cours offerts par les formateurs ?

5.2 Représentations pouvant nuire aux relations

D’autre part, les commentaires des futures éducatrices à l’égard des parents sont plus souvent négatifs que positifs. Ce fait peut laisser soupçonner une certaine tendance à juger négativement les parents. Ces résultats s’inscrivent dans la lignée de travaux précédents (Kontos, 1987 ; Kontos, Raikes et Woods, 1983 ; Kontos et Wells, 1986) qui avaient recensé chez des éducatrices en service de garde à l’enfance des perceptions généralement plus négatives à l’égard des parents. Toutefois, ces travaux datent d’un certain nombre d’années, dans un contexte qui était fort différent (émergence des services de garde à l’enfance, milieux américains). Cette prépondérance des commentaires négatifs est à prendre en considération dans le développement de la compétence de l’étudiante en Techniques d’éducation à l’enfance à établir une relation de partenariat avec le parent. En fait, la réciprocité, nécessaire au partenariat, pourrait être compromise, dans la mesure où les étudiantes semblent éprouver des difficultés à reconnaître les compétences des parents. Comme l’indique Abric (1994), les représentations exercent des fonctions d’orientation (guider les pratiques) et de justification (justifier les comportements et les prises de position). Par conséquent, il y a lieu de se demander si les futures éducatrices seront capables de reconnaître les compétences des parents et de chercher à en faire des partenaires, ou si elles ne seront pas portées à s’appuyer sur leurs représentations plus négatives des parents pour les considérer comme peu aptes à la collaboration. D’autant plus que, selon les propos de ces futures éducatrices, les parents constituent la source le plus souvent évoquée des difficultés potentielles dans la relation parent-éducatrice. Par ailleurs ces données peuvent être interprétées à la lueur du jeune âge de ces étudiantes. Elles se préparent pour une carrière où, en tant que professionnelles, elles devront être en relation avec des parents, alors que, pour la plupart, elles n’ont pas encore développé une véritable autonomie quant à leurs propres parents. Il devient évidemment très difficile pour elles de se mettre à la place des parents, de reconnaître les compétences des parents, alors qu’elles sont elles-mêmes peu rassurées quant à leurs propres compétences. De plus, tisser des liens professionnels avec de nouveaux parents qui, eux aussi, sont souvent en période d’appropriation de leur propre rôle (Bosse-Platière, 2004) n’est pas en soi une mince tâche pour toute éducatrice.

5.3 Importance des échanges avec les parents

Dans leurs représentations, les étudiantes accordent une grande importance à la communication avec les parents, ce qui constitue assurément un terreau fertile pour développer la relation avec eux. Cependant, cette communication est avant tout unilatérale, c’est-à-dire que les étudiantes semblent nettement plus préoccupées de transmettre des informations aux parents que de recueillir le point de vue de ces mêmes parents. Encore ici, le jeune âge de ces professionnelles en devenir pourrait expliquer cette propension à donner des informations plutôt qu’à écouter. Elles pourraient rechercher, plus ou moins consciemment, une certaine reconnaissance professionnelle dans le fait de transmettre des informations.

5.4 Activités de collaboration peu diversifiées

Quant au répertoire des activités évoquées par les étudiantes afin de mettre en place des relations avec les parents, il est limité en regard de la typologie d’Epstein (1997) et de son modèle de l’influence partagée. Le partage du pouvoir, le soutien au rôle parental et la collaboration avec la communauté pourraient contribuer à offrir un soutien à la famille et à enrichir les relations, mais ces types d’activités ne se retrouvent que rarement dans les propos des étudiantes. Ce constat est fidèle à ce que l’on observe actuellement des milieux de la petite enfance, où le rôle de l’éducatrice quant au soutien à la parentalité demeure encore très peu précis (Bosse-Platière, 2004).

5.5 Stabilité des représentations

Finalement, cette recherche permet de constater que les représentations des étudiantes du programme d’études en Techniques d’éducation à l’enfance ne se modifient pas entre la fin de la 1re session et la fin de la 5e session de ce programme d’études collégial. Ce dernier constat confirme bien la grande résistance des représentations aux tentatives de changement, tout en ouvrant une réflexion quant aux avenues que devraient explorer les programmes de formation afin de mettre en place des stratégies favorisant un travail en profondeur des représentations.

6. Conclusion

Quoi qu’il en soit, les limites de cette recherche sont celles attribuées habituellement aux recherches qualitatives : une certaine subjectivité inhérente à cette approche et l’impossibilité de démontrer hors de tout doute le respect de tous les critères de validité et de fidélité. Notamment, chez les étudiantes elles-mêmes, un biais de désirabilité sociale peut avoir influencé leurs réponses. De plus, le nombre d’entrevues et la distribution du questionnaire dans seulement deux collèges compromettent évidemment la validité externe des résultats obtenus et nous incitent à la prudence sur ce point.

Dans le milieu des services de garde à l’enfance, deux constats se dégagent quant à la relation parent-éducatrice : 1) des relations constructives soutiennent le développement harmonieux de l’enfant ; et 2) la mise en place de telles relations est une tâche complexe pour laquelle la formation des futures éducatrices s’avère difficile. Cette recherche de type exploratoire, dont la fonction est essentiellement descriptive, avait pour objet l’étude des représentations qu’entretiennent les futures éducatrices en services de garde à l’enfance à l’égard des parents et de la relation avec eux. Nous considérons que notre objectif de recherche est atteint en bonne partie, puisque les données recueillies permettent une vue d’ensemble de ces représentations et de leur évolution sur les trois années du programme. Il reste à déterminer à quel moment exactement elles sont construites et de quelles façons.

Ces résultats ont permis d’identifier des éléments de contenu nécessaires pour assurer une meilleure préparation des futures éducatrices à l’enfance quant à leurs responsabilités face aux familles. Notamment, il semble utile d’aider les futures éducatrices à réfléchir aux distinctions fondamentales entre les rôles de parent et d’éducatrice. Il nous apparaît également nécessaire de chercher à accroître et à diversifier l’éventail des activités de collaboration dont disposent les futures éducatrices pour établir des relations avec les parents. Il faut évidemment leur permettre de réaliser ces apprentissages tout en les invitant à réfléchir au rôle de l’éducatrice en ce qui concerne le soutien à la parentalité.

Cette recherche contribue au débat sur les limites des méthodes de formation plus traditionnelles (centrées sur l’enseignement) par rapport aux pédagogies de l’apprentissage (Altet, 1997) lorsqu’il s’agit de favoriser un travail en profondeur des représentations des étudiantes. À ce propos, depuis la collecte et l’analyse des données présentées dans cet article, nous avons pu mettre au point et expérimenter auprès d’étudiantes de ce programme d’études (Techniques d’éducation à l’enfance) une stratégie pédagogique pour le développement de la compétence Établir une relation de partenariat avec les parents et les personnes-ressources. Les résultats de cette expérimentation confirment qu’il est possible d’aider concrètement les étudiantes à modifier leurs représentations par des méthodes qui les plongent dans l’action. La stratégie expérimentée misait sur une approche de résolution de problème ainsi que sur un stage d’immersion dans des organismes où les étudiantes avaient l’occasion de rencontrer des parents et des intervenants oeuvrant directement avec les parents (Cantin, 2004).

Diverses pistes de recherche se dessinent pour la poursuite de l’exploration de cette problématique des relations parents / éducatrices en services de garde éducatifs. D’une part, il nous semblerait utile de vérifier à quel moment les représentations des futures éducatrices sont construites et de quelles façons. Dans la plupart des collèges québécois, les activités d’apprentissage abordant le thème de la relation avec les parents sont situées à la fin du programme d’études, alors que les représentations de ces étudiantes, selon les données recueillies dans cette étude, sont déjà en place dès la fin de la première session. Ne serait-il pas plus approprié d’amorcer des activités d’apprentissage permettant aux futures éducatrices de réfléchir à ces questions beaucoup plus tôt dans le programme ?

De plus, la nature des relations que les éducatrices établissent avec les parents dans leurs premières années de pratique reste un thème à explorer. Les difficultés, les réussites de ces éducatrices en début de carrière seront assurément révélatrices à maints égards. Ces informations permettront de déterminer dans quelle mesure leur préparation est adéquate, mais elles aideront également à préciser si les représentations se transforment dans l’action ou si elles se maintiennent. Ces travaux aideraient à cerner les facteurs, tant personnels que ceux du milieu de travail, qui contribuent à soutenir les éducatrices débutantes dans cet aspect de leur rôle. Finalement, un autre champ de recherche concerne les pratiques et les représentations d’éducatrices d’expérience, reconnues pour la qualité de leurs relations avec les parents. Des recherches dans ce domaine permettraient de mieux comprendre le développement de cette compétence à travers l’acquisition d’une plus grande expérience. Toutes ces données pourraient servir à améliorer la formation initiale, mais également à développer des activités de formation continue, puisque la maîtrise de cette compétence à entrer en relation avec les parents de manière adéquate, comme le souligne Bosse-Platière (2004, p. 210), […] n’est pas innée mais acquise par la formation initiale et continue, et par l’expérience. Cette remarque nous amène à conclure sur le rôle d’une formation initiale dans ce domaine. Certes, la formation initiale doit permettre à la jeune éducatrice de développer une maîtrise de base de la compétence Établir une relation de partenariat avec les parents de manière à ce qu’elle puisse intégrer le marché du travail et amorcer des relations avec les parents de manière satisfaisante. À nos yeux, une formation initiale vise également à outiller la future éducatrice pour qu’elle soit en mesure de prendre en charge son développement professionnel de façon autonome. En effet, la formation initiale est probablement le meilleur moment pour sensibiliser la jeune éducatrice au fait que son apprentissage en matière de relations avec les parents se poursuivra tout au long de sa carrière et qu’elle peut prendre divers moyens afin d’acquérir de plus en plus d’aisance pour le mieux-être de tous.