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Cet ouvrage d’André Carpentier regroupe en fait, sous forme d’essai, une série d’articles publiés par le chercheur entre 1992 et 2000. Ces études ponctuelles portent sur ce qui a longtemps été les deux sujets de prédilection de leur auteur : les genres de la nouvelle et du fantastique. Elles ont toutefois été légèrement remaniées afin de conférer à Ruptures… plus de cohésion. L’essai se divise en trois sections, d’inégale longueur, et fournit une bibliographie substantielle ainsi que les références des articles originaux.

La section 1 traite du genre de la nouvelle et contient quatre chapitres, dont le premier, intitulé Commencer et finir souvent : rupture fragmentaire et brièveté discontinue dans l’écriture nouvellière, a fait date, car il propose des outils théoriques propres à la poétique de la nouvelle, permettant du coup au genre de trouver sa spécificité. Un deuxième chapitre, écrit en collaboration avec Denis Sauvé, s’attarde aux exigences propres à la constitution du recueil de nouvelles. Dans les chapitres suivants, l’auteur observe deux cas de figures : les nouvelles d’Yves Thériault et le texte La maîtresse de mon père, du nouvellier Jean-Pierre Girard, abordé pour sa part sous l’angle de l’édition critique.

Plus succincte, la section 2 s’intéresse au fantastique. Le chapitre 5 fournit des pistes essentielles quant à l’ouverture, ou incipit, qui joue un rôle particulier dans le cas de la nouvelle à caractère fantastique. Les notions d’embrayage et de modalisation, chères au genre, sont ici convoquées. Quant au chapitre qui complète cette section, il vise à montrer en quoi la représentation du lieu témoigne d’une forme particulière d’espace vécu, et ce, à partir d’une nouvelle de Daniel Sernine, un praticien bien connu du genre fantastique.

La troisième section, appelée Coda, ne comprend qu’un chapitre, qui revêt un caractère plus engagé sur le plan idéologique. Carpentier y soutient la thèse selon laquelle l’écrivain de nouvelles fantastiques québécois serait triplement marginalisé : d’abord parce qu’il écrit des nouvelles, genre sous-estimé par la critique ; ensuite, parce qu’il privilégie le fantastique, souvent considéré comme de la paralittérature et, enfin, parce qu’il appartient à un groupe minoritaire : les francophones d’Amérique.

L’intérêt de cet ouvrage est de permettre de revisiter un phénomène littéraire qui a suscité un certain engouement au cours des années 1980 au Québec, le fantastique. Il aide aussi à mieux connaître un genre fascinant, largement pratiqué par les écrivains québécois, mais trop souvent boudé par le lectorat. En outre, il offre l’avantage de réunir sous une même couverture des articles qui, jusque-là, n’avaient peut-être pas connu la diffusion qu’ils méritaient. En revanche, on peut déplorer que certains passages de Ruptures… accusent les marques du temps qui a passé ; une réactualisation plus conséquente de certains chapitres aurait été souhaitable. Il n’empêche qu’il s’agit là d’un essai fort utile – et accessible – pour qui veut approfondir sa connaissance de la poétique nouvellière et d’un genre qui fera toujours parler de lui, le fantastique.