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L’auteure de cet ouvrage jette un regard sur des écrits d’étudiants américains et français et s’interroge sur l’existence de différences entre ces discours issus de contextes culturels distincts.

Le livre s’ouvre sur une présentation de la composition theory, qui concerne les écrits d’étudiants universitaires. Après avoir défini les domaines de référence au carrefour desquels se positionne la composition theory, Donahue pose les grandes questions qui intéressent cette discipline, notamment en interrogeant la notion de genre. Le chapitre 2 propose un survol des structures d’enseignement de l’écrit propres aux deux pays visés par l’étude et contextualise le corpus retenu.

Donahue présente ensuite les perspectives théoriques sur lesquelles repose son analyse interculturelle (concepts de zones de contact et de mouvements textuels), et détermine les indices qui lui permettent d’opérationnaliser les caractéristiques à observer dans les 250 textes : le genre, la subjectivité et la cohérence. Son analyse quantitative porte sur un nombre limité d’éléments (déictiques, connecteurs, voix passive) qui font ressortir certaines tendances : voix de l’auteur plus présente dans les rédactions des Américains, connecteurs plus fréquents chez les Français, etc.

L’auteure pousse plus loin ses observations au moyen d’une analyse qualitative menée sur une trentaine de copies. Elle observe d’abord la construction générique des textes en plaçant au centre de son analyse la notion de micro-genre. Un regard qualitatif sur les indices de subjectivité permet des constatations intéressantes, notamment en ce qui concerne la charge de subjectivité variable de certains déictiques. L’analyse se porte ensuite sur trois facettes de la cohérence des textes : macro-cohérence (mise en page, division en paragraphes), méso-cohérence (liens avec les textes d’appui par la paraphrase et la citation) et micro-cohérence (connecteurs et déictiques).

C’est dans le chapitre 6 qu’apparaissent les caractéristiques propres aux copies des deux corpus et que ces différences sont mises en relation avec les exigences institutionnelles des deux cultures. Ces spécificités sont présentées après avoir bien établi que les écrits d’apprentissage universitaire, même dans des univers culturels différents, ont beaucoup en commun, en ce qu’ils sont le fruit de négociations dans la zone de contact entre les étudiants et les textes du monde universitaire.

En initiant les lecteurs francophones à des approches américaines d’analyse du discours en milieu universitaire, cet ouvrage jette les ponts entre des traditions de recherche qui évoluent en parallèle mais dans l’ignorance les unes des autres. L’interdisciplinarité dans laquelle s’ancre l’analyse menée par Donahue, qui puise à la fois dans les théories issues de la critique littéraire, de la composition theory, de la didactique de l’écriture, de la rhétorique, ainsi que la multiplicité des méthodes sollicitées fournissent originalité et profondeur à l’ouvrage. Cet effort d’unification des théories et des méthodes a par contre pour corollaire, pour un lecteur à qui la linguistique bakhtienne ne serait pas familière, l’analyse du discours, la rhétorique contrastive ou les études sur la notion de genre, de rendre plus opaques certains passages ; la richesse de l’analyse et des réflexions proposées pourraient ainsi lui échapper. Une autre des forces du travail de l’auteure réside dans les allers-retours entre approches quantitative et qualitative, la seconde procurant nuance et raffinement aux observations permises par la première. Malgré certaines limites liées à l’hétérogénéité du corpus, la méthodologie proposée pave la voie à d’autres travaux qui favoriseront l’interculturalité dans l’analyse des textes d’étudiants et qui susciteront la réflexion sur la façon d’appréhender de tels écrits et de repenser notre propre rôle de lecteur face à ces textes.