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L’ouvrage vise à circonscrire la place et le statut de l’histoire de l’immigration dans l’ensemble des apprentissages transmis à l’école, du primaire au lycée (niveau collégial, au Québec). Pour ce faire, les auteurs présentent les résultats d’une analyse des programmes d’études, des manuels scolaires ainsi que des pratiques déclarées et effectives d’enseignants. Les premiers chapitres sont consacrés à la définition de l’objet d’étude (Qu’est-ce que l’histoire de l’immigration ?) et à la recension des écrits (État des savoirs sur les questions d’enseignement de l’histoire de l’immigration). Il s’ensuit un aperçu historique de l’intégration de cette thématique dans le monde scolaire (L’histoire de l’immigration à l’école a aussi une histoire… 1970-1990). Les chapitres subséquents présentent et discutent les résultats des analyses des programmes et des manuels scolaires (Vers la prise en compte nouvelle de l’histoire de l’immigration dans les programmes et manuels scolaires), puis ceux des pratiques enseignantes (Au coeur des pratiques scolaires). Les pratiques déclarées et effectives sont par la suite analysées plus spécifiquement sous l’angle de leurs rapports avec l’histoire coloniale (Le poids du colonial dans l’appréhension du phénomène migratoire dans l’histoire), avec le vécu des élèves (Le recours aux familles), avec la référence identitaire (Espace privé et assignation à résidence identitaire), avec la temporalité (Une histoire au présent) et avec les visées compensatoires et curatives (La reconnaissance comme schème d’action pédagogique).

De manière succincte, les résultats révèlent une diversité dans le traitement de la thématique de l’immigration selon les programmes, les manuels et les filières scolaires. Le traitement différentiel s’accompagne toutefois d’une centration sur l’ici et le maintenant. L’analyse des pratiques déclarées et effectives montre que c’est en géographie, en éducation civique et dans les lettres et les langues que la question de l’immigration est la plus fréquemment abordée. L’immigration est appréhendée presque systématiquement en lien avec la colonisation et l’histoire familiale des élèves. On convoque ainsi la différence individuelle pour l’intégrer au cadre commun. Il s’agit alors, pour les enseignants, de valoriser scolairement ce qui est considéré comme faisant l’objet d’une dévalorisation sociale.

Bien qu’indissociable du contexte français, cet ouvrage dense, nuancé et éclairant soulève des réflexions et des interrogations qui concernent l’ensemble des pays occidentaux marqués par le pluralisme et la diversification des populations. À l’heure d’une demande accrue du développement du vivre-ensemble, l’ouvrage identifie les écueils liés à une réalité pensée en termes d’intégration plutôt qu’en termes de partie intégrante d’une identité nationale. Il questionne également les effets d’une valorisation bienveillante de la diversité qui enferme les élèves dans un particularisme culturel décontextualisé. S’il est temps, comme le souligne Joutard dans la préface […] que la mémoire nationale rejoigne la réalité historique (p. 7), l’ouvrage démontre que cette jonction demeure parsemée d’embûches.