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1. Introduction et problématique

Bien que plusieurs chercheurs se soient intéressés à l’engagement et à la persévérance des étudiants dans l’enseignement supérieur (Kuh, Cruce, Shoup, Kinzie et Gonyea, 2008 ; Pintrinch et Schunk, 2002 ; Pirot et De Ketele, 2000 ; Willis, 1993), très peu l’ont fait dans une perspective curriculaire. Notre recherche a comme objectif d’identifier les prédicteurs de l’engagement et de la persévérance à l’apprentissage d’étudiants engagés dans des programmes innovants en ingénierie et en médecine. Trois programmes de formation au premier cycle de l’Université de Sherbrooke sont concernés : le baccalauréat en génie électrique, le baccalauréat en génie informatique et le pré-doctorat en médecine.

Le présent article, qui met en avant les données colligées concernant les étudiants, est composé de cinq grandes parties. Dans la première, nous faisons état de la problématique. Dans la deuxième, nous présentons le cadre de référence et les différentes variables retenues. Dans la troisième partie, nous décrivons la méthodologie mise en place. Dans la quatrième, nous exposons les résultats. Enfin, dans la dernière partie, nous discutons de ces résultats en ouvrant des pistes de réflexion.

Depuis les années 1980, de plus en plus d’universités, tant nord-américaines qu’européennes, se montrent soucieuses de la qualité de leur enseignement. Dans les années 1980 et 1990, la création de services de soutien à l’enseignement dans la majorité des universités canadiennes (Taylor et Bédard, 2010) et ailleurs en Europe en témoigne. En parallèle, depuis ces mêmes années, il n’est pas rare de voir des professeurs pratiquer partiellement ou totalement autre chose que le traditionnel exposé magistral. En effet, au coeur du système universitaire, sont apparues des méthodes comme l’apprentissage par problèmes, par projets, la méthode des cas ou d’autres formes d’innovations pédagogiques. Si c’est un défi, pour un enseignant, de mettre en place une innovation pédagogique dans le cadre de son cours, c’en est un autre, pour une faculté ou un département, de la mettre en place dans le cadre d’un curriculum complet. Dans ce cas-là, on qualifiera ce programme d’innovant. Béchard (2001) s’est attardé à considérer ce qui caractérisait ce genre de programme. Il a, entre autres, noté la présence d’une collégialité entre les professeurs et d’un partage de leur savoir-faire pédagogique. Dans le même esprit, Hannan, English et Silver (1999) soulignent la réduction du cloisonnement disciplinaire des curricula innovants. De leur côté, Lachiver et Dalle (2003), de même que Van Driel, Verloop, Van Werven et Dekkers (1997), qualifient ces programmes d’innovants lorsque l’enseignement est centré sur ou dirigé par l’étudiant. Ces mêmes curricula ont également la particularité de proposer une formation où la contextualisation de l’enseignement et des apprentissages est fortement mise de l’avant (Frenay et Bédard, 2004), de façon générale dans une optique de professionnalisation (Tardif, 2004). Enfin, selon Van Driel et ses collaborateurs (1997), dans ces programmes de formation, l’évaluation des apprentissages est cohérente avec l’innovation mise en place, en accordant une attention particulière au transfert des apprentissages (Lynch, 2001). Le tableau 1 présente, en résumé, les caractéristiques d’un programme innovant, identifiées par Bédard, Viau, Louis, Tardif et St-Pierre (2005).

Tableau 1

Caractéristiques d’un programme innovant

Caractéristiques d’un programme innovant

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Comme on peut le constater, la perspective d’un programme innovant est différente de celle d’un programme traditionnel, et le degré d’innovation de certains curricula est tel qu’il déstabilise les étudiants et les enseignants participants. En effet, dans de tels contextes, il peut y avoir un écart important avec les pratiques habituelles et, dès lors, des changements importants au niveau des rôles et des tâches, tant pour le corps professoral que pour les étudiants (Bédard et Béchard, 2009).

L’approche proposée par un curriculum innovant est fort différente de ce que l’étudiant a connu, sauf exception, avant son entrée à l’Université (Bédard et collab., 2005). D’aucuns parlent alors de rupture de contexte, et ce, à différents niveaux (Parmentier, 1994). Ainsi, les étudiants peuvent parfois s’adapter avec difficulté à ces nouveaux contextes d’apprentissage et d’enseignement, malgré les mesures prises dans le cadre de l’innovation (Côté, Bellavance, Chamberland et Graillon, 2004 ; Dalle et Lachiver, 2003). Il subsiste d’ailleurs encore un taux d’abandon plus important en première année que dans les années qui suivent. Elder et Paul (1998) définissent la persévérance comme un trait intellectuel qui peut être manipulé. Des recherches ont également indiqué que le succès dans les études dépendait, entre autres, de la motivation, des attitudes (façons de penser) et des caractéristiques socio-économiques des étudiants (Mok et Kwong, 1999). Bien que de nombreuses recherches aient considéré les attributs et les indicateurs de la persévérance, il importe de proposer des projets de recherche qui étudient cette variable dans le contexte de programmes innovants.

En ce qui a trait aux enseignants, il est également possible de noter la présence occasionnelle de difficultés d’adaptation aux curricula innovants (Bédard, 2006 ; Des Marchais, Bureau, Dumais et Pigeon 1992 ; Lachiver, Dalle, Boutin, Clavet, Mabilleau, Cherkaoui, Gonzalez-Rubio et Hivon, 2004 ; Walkington, 2002). Parmi ces difficultés, on peut notamment observer une résistance passive au changement chez différents enseignants engagés dans ces dispositifs de formation, particulièrement dans les premières années de la mise en place de l’innovation (Dalle et Lachiver, 2003), ou encore lorsqu’ils s’intègrent à un dispositif curriculaire déjà bien en place. De plus, leur rôle, sinon leur statut, étant redéfini, les enseignants se questionnent sur leur contribution effective à l’apprentissage et au développement des connaissances des étudiants (Bédard, Viau, Hivon, Louis, Tardif et St-Pierre, 2004).

Notons une fois encore qu’il s’agit bien, dans le cadre de cette recherche, de se pencher sur les incidences du cursus de formation de façon générale, et non sur les activités de classe de façon particulière et distincte. Cette perspective macro-pédagogique sur les programmes innovants amène deux questions : 1) Quels sont les prédicteurs de l’engagement et de la persévérance des étudiants dans ces curricula ? et 2) L’engagement et la persévérance évoluent-ils dans le temps ? L’étude globale s’intéresse aux étudiants et aux enseignants, mais dans le présent article, nous ne traitons que de l’axe étudiant.

2. Contexte théorique

Les questions liées à l’engagement et à la persévérance des étudiants ne sont pas nouvelles dans le champ de l’éducation. De façon typique, les chercheurs ont considéré des tâches spécifiques ou des activités pour essayer de comprendre ces deux manifestations ; par exemple, réaliser une tâche, passer un examen, résoudre un problème (Pintrinch et Schunk, 2002 ; Pirot et De Ketele, 2000 ; Willis, 1993). Ce qui est original dans notre approche, c’est que nous abordons ces questions dans une perspective curriculaire, et plus spécifiquement au niveau des programmes innovants. De plus, nous regardons l’engagement et la persévérance dans le temps (durée d’un programme de formation). Ainsi, n’ayant trouvé ni recherches ni modèles de ce type dans la recension des écrits des chercheurs, nous considérons notre approche comme originale et requérant l’utilisation d’un cadre de référence novateur.

La recension des écrits et un retour sur le modèle après la première année de collecte de données (Bédard, Boutin, Côté, Dalle, Lison, Lefebvre et Lachiver, 2008) ont permis de produire un cadre de référence (Figure 1), qui présente les facteurs susceptibles de prédire l’engagement et la persévérance des enseignants et des étudiants universitaires engagés dans des programmes innovants. À la suite du tableau, nous décrivons chacun des facteurs.

Figure 1

Cadre de référence permettant de prédire l’engagement et la persévérance des étudiants inscrits dans des dispositifs curriculaires innovants

Cadre de référence permettant de prédire l’engagement et la persévérance des étudiants inscrits dans des dispositifs curriculaires innovants

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2.1 Engagement

Une difficulté inhérente au concept d’engagement est que le jugement porté sur l’engagement s’appuie souvent sur des perceptions (Tremblay, 2004). Selon Legendre (2005), l’engagement est défini comme le temps investi par un étudiant pour la réalisation de tâches d’apprentissage. En 1984, Astin précisait qu’il s’agissait d’une énergie physique et psychologique. Partant de ce constat, Pirot et De Ketele (2000) considèrent l’engagement dans les études comme la mobilisation affective, conative, cognitive et métacognitive dans une activité d’apprentissage. Cela implique que l’engagement devrait comprendre l’état d’esprit ou la disposition des étudiants à s’engager, de même que leur comportement dans des tâches universitaires et, enfin, le degré d’intensité ou d’investissement avec lequel ils réalisent ces tâches. En ce sens, Prégent, Bernard et Kozanitis (2009) parlent d’engagement comportemental et d’engagementcognitif.

Il importe ici d’évoquer les deux types d’engagement que distingue Willis (1993) : 1)  l’engagement académique, lié aux apprentissages ; et 2) l’engagement institutionnel, lié à la vie universitaire et sociale. Même si on peut qualifier d’engagement académique la perspective que nous adoptons, il serait également possible de la qualifier d’engagement programme. En effet, nous ne considérons pas directement les activités d’apprentissage d’un cours, mais davantage l’engagement dans le programme et l’investissement dans les études (Tinto et Pusser, 2006).

2.2 Persévérance

Les auteurs s’entendent rarement sur ce qu’est exactement la persévérance (McKeachie et Svinicki, 2010). Pour leur part, Pintrinch et Schunk (2002) définissent la persévérance (ou la persistance) comme le choix conscient de poursuivre cognitivement, métacognitivement et affectivement une activité d’apprentissage malgré les obstacles et les difficultés. Par ailleurs, Viau (2009) utilise le terme persévérance dans le sens de ténacité. Confronté à des obstacles ou à des difficultés, l’apprenant fera preuve de ténacité et continuera de consacrer du temps à l’activité d’apprentissage. Dans ce sens, la persévérance est associée étroitement avec le temps que l’étudiant consacre à ses études en présence de contraintes.

2.3 Sentiment d’efficacité

Pour Bandura (1982), plus le sentiment de confiance (ou de compétence) est présent chez le sujet, plus ce dernier se montre persévérant devant la tâche, en termes de temps et d’efforts. Dans le cas contraire, le sujet a tendance à tomber dans la facilité et à éviter d’utiliser des stratégies qu’il maîtrise plus ou moins bien et qui peuvent générer un sentiment d’anxiété. Bandura (1997) définit la perception que le sujet a de sa compétence comme le jugement que celui-ci élabore à propos de sa propre capacité à organiser et à réaliser un ensemble de comportements spécifiques afin d’atteindre un certain niveau de performance. Pour élaborer ce jugement, les individus se basent sur diverses sources d’informations à partir desquelles ils vont réguler leur comportement.

2.4 Facteurs de stress

Le concept de stress fait l’objet de beaucoup d’attention depuis les années 1960. Il est aujourd’hui admis que le concept de stress perçu par des individus dans un environnement donné permet de mieux rendre compte de cette réalité (Cohen, Kamarck et Mermelstein, 1983). Ainsi, l’impact des situations objectives de stress dans l’environnement est médiatisé par la perception des individus qui peuvent leur accorder un degré d’importance variable. Cette vision implique que les sujets interagissent activement avec leur environnement et qu’ils jugent des événements potentiellement stressants ou menaçants à la lumière des ressources qu’ils possèdent, ou non (Cohen et Williamson, 1988). On peut ainsi définir le stress comme la relation particulière entre la personne et son environnement, relation qu’elle évalue comme dépassant ses propres ressources et mettant en danger son bien-être (Lazarus et Folkman, 1984).

Étant donné les visées et la portée de la présente recherche, nous avons fait le choix de considérer l’environnement et ses facteurs inhibiteurs (supports) ou déclencheurs (stresseurs) de stress comme deux sous-dimensions, deux côtés d’une même médaille.

2.5 Nouvelles tâches cognitives

Une des questions soulevées par l’introduction d’innovations pédagogiques est de savoir si cela a modifié la manière de travailler et d’apprendre des étudiants et donc, leur engagement et leur persévérance dans le programme. Il est effectivement attendu que les étudiants réalisent des tâches qui correspondent à la réalité et aux particularités de l’innovation (par exemple, être un apprenant actif). Dans le présent contexte d’innovation pédagogique, nous nous référons au modèle de l’apprentissage et de l’enseignement contextualisé authentique (AECA) (Frenay et Bédard, 2004), pour retenir deux tâches cognitives attendues de la part des étudiants : l’articulation des connaissances et la capacité de réflexion sur l’action (deux sous-dimensions). La première renvoie à la capacité qu’a l’étudiant de distinguer les différentes connaissances et stratégies afin de mieux les apprendre, de même qu’à sa capacité d’articuler ses connaissances, son raisonnement et ses processus de résolution de problèmes lors de la réalisation d’une tâche. La deuxième tâche souligne le fait que, de plus en plus, l’étudiant est […]invité ou mis dans la position de poser un regard critique ou évaluatif sur ses actions ; par exemple, en comparant son processus de résolution de problèmes avec celui d’une personne experte ou avec celui d’autres étudiants (Vanpee, Frenay, Godin et Bédard, 2010).

2.6 Postures épistémiques

Selon Lange (2005, p. 197), une posture épistémologique peut être considérée comme […]un positionnement épistémologique spontané qui conduit [les enseignants] à chosifier le savoir. Dans le cadre de cette recherche, nous avons tout d’abord travaillé avec l’approche de Perry (1970, 1981), qui porte sur le développement intellectuel et éthique des adolescents et des jeunes adultes (Belenky, Clinchy, Goldberger et Tarule, 1986). Perry (1970, 1981) propose un modèle du développement de la posture intellectuelle des étudiants durant leurs études post-secondaires. Ce modèle présente neuf positions que nous résumerons en trois stades. Le premier stade, le dualisme, correspond à une position qui situe le savoir dans une logique de vérité unique où le dualisme prédomine : l’étudiant aborde le savoir dans une perspective de vrai ou faux. Le deuxième stade, nommé subjectivisme, correspond à une posture subjective du savoir. Dans cette position, l’individu conçoit que chacun a droit d’énoncer sa position, son opinion : le je pense que… occupe beaucoup l’espace des échanges et des représentations. Enfin, le troisième stade, caractérisé par une posture relativiste, apparaît dans la façon de considérer le savoir. Ce relativisme peut être de nature contextuelle (exemple, la perspective d’une situation problème) ou conceptuelle (exemple, deux idées qui s’opposent ou se complètent), en fonction de différents points de vue.

S’ajoute à ces trois postures que sont le dualisme, le subjectivisme et le relativisme, la contextualisation des savoirs (quatrième sous-dimension). Cette posture fait référence au fait que plus l’étudiant prendra en compte les contextes dans lesquels les connaissances acquises seront utilisées (les contextes de mobilisation), plus il sera en mesure de transférer ses connaissances à ces contextes (Bédard, Frenay, Turgeon et Paquay, 2000).

3. Hypothèses

De nature exploratoire, notre recherche vise à identifier les prédicteurs de l’engagement et de la persévérance auprès d’une population d’étudiants de premier cycle inscrits dans des dispositifs de formation innovants à l’Université de Sherbrooke : les dispositifs curriculaires de premier cycle en génie électrique, en génie informatique et en médecine. C’est dans ce sens que nous posons les quatre hypothèses suivantes :

H 1

Les quatre prédicteurs, subdivisés en un total de sept variables, permettent tous de prédire l’engagement, et ce, pour les trois curricula innovants.

H 2

Les quatre prédicteurs, subdivisés en un total de sept variables, permettent tous de prédire la persévérance, et ce, pour les trois curricula innovants.

H 3

L’engagement se maintient dans le temps, et ce pour les trois curricula innovants.

H 4

La persévérance se maintient dans le temps, et ce, pour les trois curricula innovants.

4. Méthodologie

Notre recherche s’inscrit dans le courant des travaux qui tentent d’identifier les déterminants de l’engagement et de la persévérance, mais en contextes curriculaires innovants. De nature exploratoire, la présente recherche tente de valider les prédicteurs de l’engagement et de la persévérance qui ont été identifiés par la recension des écrits auprès d’une population d’étudiants de premier cycle à l’Université de Sherbrooke inscrits dans des dispositifs de formation innovants. D’un point de vue pédagogique, il s’agit de programmes qui ont recours à l’apprentissage par problèmes et par projets en ingénierie, de même qu’à l’apprentissage par problèmes et à l’apprentissage au raisonnement clinique en médecine.

La présente recherche est de nature prédictive. La capacité de prédire ou d’expliquer un phénomène représente deux postures centrales de la recherche scientifique. Plusieurs ambiguïtés ou controverses existent encore quant à la distinction entre ces deux perspectives, raison pour laquelle nous souhaitons ici présenter clairement la façon dont nous nous positionnons.

Soulignons d’entrée de jeu que la capacité de prédire un phénomène n’implique pas nécessairement la capacité de l’expliquer, et vice versa. Dit simplement, la prédiction ne requiert que la corrélation, alors que l’explication exige davantage (Scriven, 1959, p. 480). Ainsi, il est possible de prédire un orage à partir d’une baisse soudaine de la pression barométrique. Par contre, il n’est pas possible de dire que cette baisse de pression cause l’orage. Cette information n’est que prédictive du phénomène.

La distinction entre la recherche prédictive et la recherche explicative a des incidences importantes sur l’utilisation et à l’interprétation valides des résultats de l’analyse de régression. La recherche prédictive vise à optimiser la prédiction des variables prédictives, telles que, dans le cas présent, le stress, les croyances épistémiques, le sentiment d’efficacité. Ainsi, dans de telles recherches, le choix des variables est principalement déterminé par leur contribution à la prédiction du phénomène (criterion). Si la corrélation est élevée, aucun autre standard de référence n’est nécessaire, même si intuitivement la présence d’une variable contredit une relation causale. À titre d’exemple, bien que la psychothérapie contribue à réduire les probabilités qu’une personne se suicide, dans une perspective de prédiction, il est également possible d’affirmer que plus une personne a suivi de séances de psychothérapie, plus elle est susceptible de se suicider (Cook et Campbell, 1979, p. 296). Ainsi, la variable avoir suivi des psychothérapies peut prédire le suicide, mais ne pas en être la cause.

L’objectif de notre recherche est d’identifier les facteurs qui permettent de prédire l’engagement et la persévérance des étudiants dans une perspective curriculaire. La cible principale de la recherche prédictive concerne les applications pratiques des résultats, alors que l’accent est davantage mis sur la compréhension du phénomène pour la recherche explicative. Bien sûr, les fruits de la recherche prédictive peuvent servir de base à l’élaboration de modèles théoriques permettant d’expliquer un phénomène. Ainsi, la recherche prédictive est caractéristique des premières avancées dans un domaine scientifique.

La perspective curriculaire que nous adoptons vis-à-vis de l’engagement et de la persévérance est distincte des travaux antérieurs touchant ces phénomènes. En effet, les modèles explicatifs proposés dans les écrits de recherche font essentiellement référence à un contexte immédiat de réalisation d’une tâche ou d’une activité en classe (Eccles et Wigfield, 2002 ; Wigfield et Eccles, 2000). Les travaux de Tinto (1975, 1997) permettent d’élargir la perspective considérée par la plupart des chercheurs. Ainsi, ces travaux prennent en compte une réalité plus large, notamment les expériences d’apprentissage, mais s’inscrivent néanmoins dans une approche classe ponctuelle, c’est-à-dire dans le court terme et liée à un cours.

4.1 Sujets

Nous avons rencontré 480 étudiants volontaires de premier cycle de l’Université de Sherbrooke à l’automne 2006 et à l’hiver 2007. Le tableau 2 présente la répartition des sujets en fonction de la filière d’études et du sexe.

Tableau 2

Répartition de l’échantillon en fonction de la filière d’études et du sexe

Répartition de l’échantillon en fonction de la filière d’études et du sexe

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Les 480 sujets rencontrés se répartissent dans les différents programmes sur plusieurs années. Cette variable est intéressante, car le degré d’avancement dans les études est susceptible d’avoir une influence sur l’engagement ou la persévé-rance dans le processus d’apprentissage universitaire. Le tableau 3 présente cette répartition.

Tableau 3

Répartition de l’échantillon en fonction de la filière d’études et de l’année d’études

Répartition de l’échantillon en fonction de la filière d’études et de l’année d’études

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4.2 Instrumentation

Deux modalités ont été proposées pour accéder aux perceptions des étudiants : un questionnaire écrit et un focus groupe (échantillon de ± 5 % des sujets). Notons que seules les données du questionnaire ont servi à la validation du cadre de référence présenté précédemment et sont rapportées ici.

Le questionnaire a subi une procédure de validation en trois étapes. Premièrement, nous avons réalisé une analyse de contenu auprès d’experts (n = 5), ce qui a permis de valider le contenu des énoncés en fonction de chacune des dimensions. Deuxièmement, nous avons procédé à une analyse de construit auprès d’un groupe d’étudiants en génie (n = 10), ce qui a permis de vérifier la clarté des énoncés. Enfin, il y a eu une analyse d’items auprès d’étudiants en médecine (n = 102), ce qui a permis de mesurer la consistance interne du questionnaire (α de Cronbach et niveau d’homogénéité). Au final, le questionnaire présentait 129 questions / énoncés auxquels les sujets devaient répondre par le biais d’une échelle de Lickert à cinq points (jamais, rarement, plus ou moins, généralement, fortement). Notons que les répondants avaient également l’occasion de cocher Ne s’applique pas. Les différents α de Cronbach étaient tous supérieurs à 0,70.

Les questions posées portaient sur 1) des données descriptives d’identification ; 2) le dispositif curriculaire innovant en tant que tel ; 3) les quatre déterminants, subdivisés en un total de sept variables ; et 4) les deux conséquences que sont l’engagement et la persévérance. Certaines questions étaient formulées positivement et d’autres négativement, afin de forcer le répondant à rester attentif et à ne pas toujours répondre par le même chiffre sur l’échelle de Lickert. Le tableau 4 propose un exemple de question pour chacune des dimensions prises en compte dans les analyses.

Tableau 4

Exemples d’affirmations par dimensions et sous-dimensions

Exemples d’affirmations par dimensions et sous-dimensions

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À la suite de la collecte des premières données, nous avons quelque peu revu le questionnaire en répétant les analyses d’items avec un nombre de sujets plus significatifs (n = 480). Des questions ont été supprimées sur la base des α de Cronbach et des analyses factorielles réalisées sur la première cohorte de sujets. Ainsi, le questionnaire final comprend 118 questions / énoncés.

4.3 Déroulement

En ce qui concerne la procédure de passation du questionnaire, nous avons rencontré les étudiants avant ou après un moment pédagogique (temps de classe). Il s’agit d’un moment d’apprentissage, puisqu’il n’y a pas de séances d’enseignement à proprement parler dans les programmes innovants dont il est question dans cet article. Nous avons exposé aux étudiants les objectifs de la recherche, son fonctionnement et ses possibles retombées. Ils ont volontairement accepté de répondre au questionnaire, et ce, de manière confidentielle. En moyenne, le temps de passation était de 20 à 30 minutes.

4.4 Méthode d’analyse des données

L’ensemble des données du questionnaire a été analysé en utilisant la version 12.0 de SPSS. À partir du cadre de référence présenté précédemment, d’une part, nous souhaitions explorer la possibilité que les quatre déterminants (subdivisés en un total de sept variables) permettent de prédire l’engagement et la persévérance des étudiants. Pour ce faire, nous avons utilisé l’analyse de régressions (méthode Stepwise). Nous avons considéré qu’une p-valeur < 0,05 était statistiquement significative. D’autre part, nous souhaitions explorer le maintien de l’engagement et de la persévérance dans le temps. Cette seconde partie a été réalisée par le biais de comparaison de moyennes. C’est-à-dire qu’à l’aide d’Anova et de tests de comparaisons multiples a posteriori (Bonferroni), les moyennes pour chacune des variables ont été comparées en fonction des années d’études. Pour ces analyses, le seuil de signification est de 0,01. Notons que la variable dispositif curriculaire innovant n’a pas été incluse dans les analyses, et fera essentiellement l’objet d’une analyse documentaire pour chacun des programmes.

4.5 Considérations éthiques

Une telle recherche ne pourrait être envisagée sans la participation volontaire des sujets. Comme le demande le comité d’éthique de la recherche Éducation et sciences sociales de l’Université de Sherbrooke, afin de s’assurer du consentement libre et éclairé des sujets, ceux-ci ont été invités à signer un formulaire de consentement où nous les informions des objectifs de la recherche et où nous leur décrivions la nature des activités dans lesquelles ils étaient invités à s’engager. Rendues anonymes, les données ont été traitées par des personnes totalement indépendantes des programmes considérés. Par ces considérations éthiques, il est possible de présumer que les droits des étudiants ont été scrupuleusement respectés et qu’aucun préjudice ne leur a été causé. La recherche a d’ailleurs été accréditée par le comité d’éthique ad hoc. Les résultats de la recherche ont été rendus accessibles aux sujets, d’une part par une présentation orale et d’autre part par les articles rédigés qui leur ont été acheminés.

5. Résultats

Les deux premières hypothèses portent sur les modèles de prédiction pour l’engagement et la persévérance des étudiants dans les trois programmes innovants distinctement.  Ces analyses ont été réalisées par le biais de régressions linéaires. Les hypothèses trois et quatre ont, quant à elles, pour objectif de mesurer le degré d’engagement et de persévérance des étudiants en fonction de l’année, dans les trois programmes innovants distinctement. Pour ce faire, des descriptions de moyennes et par la suite des tests de comparaison de moyennes ont été effectués.

5.1 Hypothèse 1

Si nous regardons la première hypothèse portant sur l’engagement des étudiants, en fonction des trois dispositifs curriculaires, nous obtenons les résultats suivants.

  • Génie électrique : Les analyses réalisées pour la prédiction de l’engagement produisent un modèle significatif qui explique 57 % de la variance (R2 = 0,56 ; F(4, 103) = 33,85 ; p < 0,00). Ce modèle se compose de quatre variables : supports (sous-dimension des facteurs de stress) (b = 0,42), contextualisation (sous-dimension des postures épistémiques) (b = 0,17), stresseurs (sous-dimension des facteurs de stress) (b = -0,26) et réflexion sur l’action (sous-dimension des nouvelles tâches cognitives) (b = 0,17).

    Notons que la variable supports permet d’expliquer à elle seule 48 % de l’engagement des étudiants en génie électrique.

  • Génie informatique : Les analyses réalisées pour la prédiction de l’engagement produisent un modèle significatif qui explique 69 % de la variance (R2 = 0,69, F(3, 80) = 60,26 ; p < 0,00). Ce modèle se compose de trois variables : supports (sous-dimension des facteurs de stress) (b = 0,62), réflexion sur l’action (sous-dimension des nouvelles tâches cognitives) (b = 0,24) et contextualisation (sous-dimension des postures épistémiques) (b = 0,19).

    Notons que la variable supports permet d’expliquer à elle seule 60 % de l’engagement des étudiants en génie informatique.

  • Médecine : Les analyses réalisées pour la prédiction de l’engagement produisent un modèle significatif qui explique 66 % de la variance (R2 = 0,66 ; F(6, 281) = 91,20 ; p < 0,00). Ce modèle se compose de six variables : supports (sous-dmension des facteurs de stress) (b = 0,55), contextualisation (sous-dimension des postures épistémiques) (b = 0,14), réflexion sur l’action (sous-dimension des nouvelles tâches cognitives) (b = 0,14), stresseurs (sous-dimension des facteurs de stress) (b = -0,18), stade subjectiviste de l’approche de Perry (sous-dimension des postures épistémiques) (b = 0,12) et sentiment d’efficacité (b = -0,10).

    À nouveau, la variable supports arrive en premier, et permet d’expliquer à elle seule 59 % de l’engagement des étudiants en médecine.

5.2 Hypothèse 2

Si nous regardons la deuxième hypothèse portant sur la persévérance des étudiants, en fonction des trois programmes, nous obtenons les résultats suivants.

  • Génie électrique : Les analyses réalisées pour la prédiction de la persévérance produisent un modèle significatif qui explique seulement 35 % de la variance (R2 = 0,35 ; F(3, 104) = 19,02, p < 0,00). Ce modèle se compose de trois variables : supports (sous-dimension des facteurs de stress) (b = 0,21), stresseurs (sous-dimension des facteurs de stress) (b = -0,32) et stade subjectiviste de l’approche de Perry (sous-dimension des postures épistémiques) (b = 0,21).

    La variable supports permet ici d’expliquer 27 % de la persévérance des étudiants en génie électrique.

  • Génie informatique : Les analyses réalisées pour la prédiction de la persévérance produisent un modèle significatif qui explique 51 % de la variance (R2 = 0,51 ; F(5, 78) = 16,48 ; p < 0,00). Ce modèle se compose de cinq variables : articulation des connaissances (sous-dimension des nouvelles tâches cognitives) (b = 0,26), stresseurs (sous-dimension des facteurs de stress) (b = -0,34), stade relativiste de l’approche de Perry (sous-dimension des postures épistémiques) (b = 0,25), contextualisation (sous-dimension des postures épistémiques) (b = -0,26) et supports (sous-dimension des facteurs de stress) (b = 0,22).

    Exceptionnellement, c’est la variable articulation des connaissances qui permet d’expliquer le pourcentage le plus important de la variance, soit 32 % de la persévérance des étudiants en génie informatique.

  • Médecine : Les analyses réalisées pour la prédiction de la persévérance produi- sent un modèle significatif qui n’explique que 34 % de la variance (R2 = 0,33 ; F(4, 283) = 35,785 ; p < 0,00). Ce modèle se compose de quatre variables : supports (sous-dimension des facteurs de stress) (b = 0,32), articulation des connaissances (sous-dimension des nouvelles tâches cognitives) (b = 0,20), stade relativiste de l’approche de Perry (sous-dimension des postures épistémiques) (b = 0,12) et réflexion sur l’action (sous-dimension des nouvelles tâches cognitives) (b = 0,10).

    À nouveau, la variable supports arrive en premier, et permet d’expliquer 27 % de la persévérance des étudiants en médecine.

5.3 Hypothèses 3 et 4

Si nous considérons les troisième et quatrième hypothèses portant sur l’évolution positive dans le temps de l’engagement et de la persévérance des étudiants des trois dispositifs curriculaires innovants, nous obtenons les résultats suivants (Tableau 5).

Tableau 5

Moyennes et écarts-types de l’engagement et de la persévérance en fonction de la filière d’études et de l’année d’études

Moyennes et écarts-types de l’engagement et de la persévérance en fonction de la filière d’études et de l’année d’études

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En ce qui concerne l’engagement, le seul programme où des différences significatives en fonction des années apparaissent est le programme de génie informatique (F(3, 80) = 6,56 ; p < 0,001). Les étudiants de troisième année ont une moyenne de 3,47, significativement différente (moins élevée) des autres. En ce qui concerne la persévérance, aucune différence significative n’apparaît.

6. Discussion des résultats

Par l’utilisation de régressions linéaires, nous avons exploré les résultats colligés chez les étudiants inscrits aux trois dispositifs curriculaires de premier cycle. L’un des points clés est certainement la variable supports (sous-dimension des facteurs de stress) qui est, à l’exception du modèle de persévérance en génie informatique, le meilleur prédicteur du modèle, et ce, tant pour l’engagement que pour la persévérance. Bédard, Lison, Dalle et Boutin (2010) proposent l’analyse de résultats d’entrevues qui mettent de l’avant des exemples concrets de supports que les étudiants jugent aidants pour leur engagement et pour leur persévérance (exemples, le développement de stratégies efficaces, le rôle du professeur, la collaboration avec les pairs, etc.). Tinto et Pusser (2006) insistent d’ailleurs sur l’importance du soutien offert par l’institution pour l’engagement et la persévérance des étudiants.

Si l’on regarde plus en détails ces deux facteurs, nous constatons qu’en ce qui concerne l’engagement (H1), les modèles diffèrent selon le dispositif curriculaire, mais que les quatre déterminants se retrouvent à un moment ou à un autre dans l’un ou l’autre des dispositifs curriculaires. Par contre, la variable articulation des connaissances (sous-dimension des nouvelles tâches cognitives) n’apparaît pas comme explicative de l’engagement des étudiants, et ce, quel que soit le dispositif curriculaire. De même, les trois postures épistémiques proposées par l’approche de Perry (sous-dimension des postures épistémiques) et le sentiment d’efficacité ne ressortent qu’une seule fois dans le modèle explicatif des étudiants de médecine.

En ce qui concerne la persévérance des étudiants (H2), nous pouvons constater que trois prédicteurs sont présents (facteurs de stress, nouvelles tâches cognitives et postures épistémiques). Ainsi, seul le sentiment d’efficacité semble n’avoir aucun poids dans la prédiction de la persévérance des étudiants. Ce résultat est d’autant plus étonnant que les écrits soulignent la place importante qu’elle joue dans les modèles motivationnels (Viau, 2009) et corrélationnel de la persévérance (Bandura, 1982). Selon Chemers, Hu et Garcia (2001), le sentiment d’efficacité va même jusqu’à diminuer la perception du stress relié aux apprentissages en première année. Au niveau des différents programmes, nous pouvons remarquer que la variable supports est la plus signifiante pour les étudiants de génie électrique et de médecine, tandis qu’elle arrive en cinquième position pour les étudiants de génie informatique. Cette constatation est surprenante et méritera d’être regardée en détail à la lumière de l’analyse du dispositif curriculaire de baccalauréat en génie informatique et dans les prochaines prises de données.

À la suite de ces deux premières hypothèses, force nous est de reconnaître que les variables du cadre de référence proposé prédisent beaucoup mieux la variance du facteur engagement qu’ils ne le font pour le facteur persévérance. Pour l’engagement, le pourcentage de la variance expliquée est particulièrement élevé dans deux des programmes : celui de génie informatique (69 %) et celui de médecine (66 %). En ce qui concerne la persévérance, c’est le pourcentage expliqué pour le dispositif curriculaire de génie informatique qui se distingue, puisqu’il explique mieux la variance (51 %) que les deux autres curricula (35 % et 34 %). Notons néanmoins que certaines variables apparaissent jouer un rôle marginal en tant que déterminants de chacun des facteurs. C’est le cas notamment de la variable sentiment d’efficacité, qui n’apparaît que dans un modèle prédictif, celui de l’engagement en médecine, où il arrive en dernier. Dans le sens positif, c’est la variable supports qui apparaît comme un déterminant important, tant de l’engagement que de la persévérance (Bédard et collab., 2010 ; Tinto et Pusser, 2006).

Les troisième et quatrième hypothèses portent sur l’évolution positive, dans le temps, de l’engagement (H3) et de la persévérance (H4) des étudiants inscrits dans les dispositifs curriculaires innovants. En ce qui concerne l’engagement (H3), quel que soit le dispositif curriculaire, les moyennes sont assez élevées, ce qui tend à montrer que les étudiants sont plutôt engagés dans leur dispositif curriculaire. Cette capacité à maintenir les perceptions initiales généralement positives des étudiants dans le temps représente un enjeu majeur en enseignement supérieur pour les professeurs et les responsables de programmes, comme le soulignent Viau, Joly et Bédard (2004).

Dans notre recherche, un seul dispositif curriculaire présente des différences significatives en fonction des années, celui de génie informatique. Il semble que la troisième année soit particulièrement chargée au niveau du curriculum. Néanmoins, nous devrons regarder cet élément de près dans la suite des analyses pour comprendre pourquoi la moyenne baisse autant. Notons que ce dispositif curriculaire innovant concerne un petit nombre d’étudiants dans les cohortes, ce qui pourrait limiter la possibilité de généraliser ces résultats.

En ce qui a trait à la persévérance (H4), nous constatons que les moyennes sont, dans l’ensemble, moins élevées et qu’il n’y a pas de différences significatives en fonction des années, et ce, quel que soit le dispositif curriculaire innovant.

Cependant nous devons remarquer que les pourcentages explicatifs de variance diminuent avec le temps : (par exemple, pour l’engagement : 73 % en première année ; 69 % en deuxième année et 56 % en troisième année), ce qui semble aller à l’encontre de notre hypothèse. Nous tenons néanmoins à souligner que l’échantillon des étudiants de troisième année est plutôt réduit, ce qui a très certainement pu avoir une influence sur les résultats.

7. Conclusion

Cet article présente les premiers résultats d’une recherche longitudinale qui s’étendait jusqu’à la fin de l’année 2010. Celle-ci avait comme objectif d’identifier les déterminants de l’engagement et de la persévérance en contextes curriculaires innovants (baccalauréat en génie électrique, baccalauréat en génie informatique et pré-doctorat en médecine). Étant donné le caractère original de son contexte, il est difficile de comparer ces résultats avec ceux d’autres recherches menées précédemment. Par contre, nous avons pu constater que plusieurs recherches ont fait appel à un questionnaire pour mesurer les variables d’engagement et de persévérance. Nous avons choisi de travailler, d’une part, à l’aide d’un questionnaire et, d’autre part, avec des groupes de discussion.

À la suite de la présentation de la problématique et du cadre de référence, nous avons formulé quatre hypothèses. Les deux premières hypothèses questionnaient les prédicteurs de l’engagement (H1) et de la persévérance (H2) selon les programmes considérés. Les troisième et quatrième hypothèses questionnaient l’évolution, dans le temps, de l’engagement (H3) et de la persévérance (H4).

Tous les éléments ci-dessus nous amènent à conclure que la recherche des facteurs qui influencent l’engagement et la persévérance des étudiants dans le cadre de programmes innovants est certainement pertinente pour les universités. Ainsi, force est de reconnaître que les étudiants semblent avoir des niveaux d’engagement et de persévérance élevés, dès le début de leur formation, et que ceux-ci se maintiennent tout au long de leurs études. Il s’agit là d’un résultat intéressant pour les directeurs de programme qui, comme ils pouvaient le soupçonner, sont en mesure de constater que la première année, voire la première session, est déterminante pour la suite du parcours universitaire. S’intéresser à ces premières semaines serait donc une piste de recherche à explorer.

Nous pensons également que la question des supports (facteurs inhibiteurs de stress) mérite d’être investiguée plus en profondeur pour en connaître la réelle portée. En effet, cette variable a, presque systématiquement, été identifiée comme la plus prédictive pour l’engagement comme pour la persévérance, et ce, dans les trois programmes.

Enfin, nous estimons que les analyses des dernières collectes de données (focusgroupes et suite des questionnaires) vont certainement nous permettre d’affiner nos analyses à propos des étudiants. Nous pensons également que les résultats de la recherche sur le corps enseignant nous permettront de mieux comprendre la dynamique dans laquelle s’inscrivent les deux principaux acteurs de la relation pédagogique, les étudiants et l’enseignant, ainsi que leur engagement et leur persévérance dans le programme innovant au sein duquel ils évoluent. Évidemment, nous restons conscients qu’une recherche de ce type peut amener un biais de désirabilité sociale chez les sujets, mais nous pensons que l’utilisation de deux méthodes de collectes de données dans des groupes différents peut tout de même atténuer cela. Enfin comme pour toute collecte, le questionnaire pourrait être affiné et revu, afin d’être validé auprès d’autres populations étudiantes. Ainsi, nous pourrions reformuler certaines questions qui semblent plus larges pour nous assurer d’obtenir une information plus précise.