Recensions

Brossard, M. et Fijalkow, J. (2008). Vygotski et les recherches en éducation et en didactiques. Bordeaux, France : Presses universitaires de Bordeaux[Record]

  • Frédéric Yvon

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  • Frédéric Yvon
    Université de Montréal

Cet ouvrage résulte d’un colloque qui a eu lieu à Albi en avril 2007. Il se compose de 11 chapitres précédés d’une remarquable introduction rédigée par B. Schneuwly, qui dresse le bilan des travaux francophones menés sur Vygotski depuis 1985, date des premières publications en français de ses textes. Malgré de nombreux chapitres et une pluralité de regards, l’ouvrage parvient à conserver une cohérence et une unité d’ensemble grâce à la présence de deux fils problématiques bien mis en évidence. Tout d’abord, l’ouvrage est construit sur la mise à distance de l’interprétation socioconstructiviste, très repandue aujourd’hui, en particulier au Québec. La majorité des chapitres propose, à l’inverse, un retour aux textes dans une perspective historico-culturelle. On mentionnera à ce sujet de très jolis et précieux passages, en particulier sur l’appropriation des signes culturels (Marti), l’émergence de la conscience dans l’usage des signes (Moro et Rodriguez), la place des émotions dans l’apprentissage / enseignement (Nonnon), le rôle des outils d’enseignement (Dolz, Schneuwly et Thévenaz-Christen) et l’articulation entre concepts spontanés et concepts disciplinaires (Heimberg, Tartas). Ensuite, la majeure partie des textes porte sur l’exploitation d’une proposition de Vygotski souvent oubliée : « […] toute discipline a un rapport particulier et concret avec le cours du développement de l’enfant » (Apprentissage et développement à l’âge scolaire, 1933-34). Cette contribution spécifique des disciplines formelles au développement de l’enfant sert de point d’organisation de trois des parties de l’ouvrage, correspondant à trois disciplines scolaires : la langue maternelle, les mathématiques et l’histoire. Les auteurs abordent chacun cette question de manière originale. Il s’agit donc d’approfondir cette thèse en pensant la didactique avec Vygotski. D’autres auteurs interrogent certains aspects de la psychologie de Vygoski par rapport à leur champ de recherche (Bernié, Brissiaud, Joignaud et Rochex, Vergnaud) et se situent un peu plus en extériorité, cherchant à trouver chez le psychologue russe un écho à leurs préoccupations. Rédigée par Bronckart, la partie conclusive aborde la question du développement et annonce, dans un sens, le colloque suivant qui a eu lieu en octobre 2008 à Genève, autre jalon dans le développement d’un réseau de chercheurs qui visent à faire fructifier l’héritage de Vygotski. On ne peut que souligner la richesse des thèmes abordés et des angles d’analyse privilégiés dans l’ouvrage. Au fil des pages, le lecteur se fera une vaste idée de la fécondation possible des idées de Vygotski pour la recherche en éducation et en didactique. Le livre constitue, de ce point de vue, un incontournable. Précisons aussi que l’ouvrage peut être lu par des non-spécialistes de la pensée de Vygotski. Le lecteur à qui l’oeuvre du psychologue russe n’est pas familière pourra parcourir les chapitres sans être trop perdu, et sera aidé en cela par les auteurs qui s’efforcent à chaque fois de resituer leur lecture et leur interprétation en citant les textes de Vygotski. Bref, l’ouvrage est une véritable invitation à penser l’enseignement et l’apprentissage scolaires. Il ravira les chercheurs et les esprits curieux.