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Peu d’études sur la littérature de jeunesse présentent une telle ampleur quant au champ d’investigation et une telle finesse dans l’appréciation des oeuvres.

L’ouvrage offre une séquence de 10 chapitres touchant l’ensemble des aspects de la production littéraire pour jeune lectorat, et ce, à l’échelle de la planète. Le chapitre I, inspiré des travaux de Zygmunt Bauman sur la culture popu- laire, s’attache aux tensions entre modèles culturels et nouvelles réalités socio-économiques. Dans le chapitre suivant, l’auteur observe les transformations que les cultures asiatiques apportent aux mythes de l’Occident. Ces particularismes, cependant, ne vont pas sans difficultés ; ainsi, la vidéosphère entre souvent en conflit avec les traditions orales, qui doivent s’adapter face aux mirages du synopticon occidental (chapitre III). Le chapitre IV approfondit l’opposition entre l’émergence des littératures nationales et la convergence imposée par les grands centres culturels ; cette partie s’enrichit de l’analyse des récits provenant des territoires d’outremer, qui remettent en valeur leurs traditions pour contrer les visées assimilatrices de la métropole. L’attention accordée à cette production trouve son prolongement dans le chapitre V, qui analyse l’imaginaire des récits issus des îles des Antilles et de l’Océanie. En contrepoint, le sixième chapitre est consacré à l’oeuvre de Laurent Chabin, qui privilégie l’exploration des grands espaces canadiens. Le chapitre suivant montre comment les auteurs contemporains reformulent, voire contestent, l’idéalisme de Saint-Exupéry. Le huitième chapitre aborde les mutations des codes graphiques des albums qui s’inspirent des calligraphies orientales. L’avant-dernier chapitre examine la spécificité de l’écriture féminine actuelle pour la jeunesse. Enfin, le dernier chapitre aborde de front la crise de l’école de la République, confrontée à l’impératif d’englober des cultures naguère étrangères, d’où de pénétrantes observations sur des récits d’écrivains français de souche ou issus de l’immigration.

Jean Perrot se prononce en faveur de l’invention d’un lecteur européen et mondialiste. Ouvert aux diverses spécificités culturelles, le critique se montre sensible à l’émergence des littératures nationales, aux échanges entre la production française et celle des anciennes colonies, qui transforment le visage même de la culture en France. Son propos définit les enjeux de la culture globale créée par les nouveaux médias, qui aplanissent les différences culturelles. À cet égard, le lecteur appréciera les remarques sur les tentatives du monde anglo-saxon de déloger les modèles issus de la tradition française.

Cette ouverture universaliste s’appuie sur une solide connaissance des productions nationales comme en témoigne le regard sur les oeuvres québécoises. Ainsi Jean Perrot accorde au romancier Laurent Chabin le mérite qui lui revient : celui-ci représente un cas unique dans la littérature franco-canadienne, car ses récits créent une confluence particulière des identités francophones de France et d’Amérique.

Mondialisation et littérature de jeunesse constitue enfin un ouvrage de référence exceptionnel sur les voies nouvelles qui s’ouvrent à la littérature de jeunesse.