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Issu d’une recherche documentaire dans cinq revues françaises, cet essai tend à resituer la notion multidimensionnelle de la crise de l’éducation, plus spécifiquement celle de l’École française des trente dernières années. Dans une perspective philosophique et axiologique, cette étude propose une analyse critique des interprétations de cette crise par plus d’une soixantaine d’auteurs. Faisant ressortir ses principales causes, elle met en lumière que les questions éducatives contemporaines ne peuvent se jouer en dissociation du contexte social. Apparemment inadéquates, l’institution scolaire et la valeur de l’éducation sont sans cesse remises en question et semblent devoir être réinventées au fil des transformations sociales, d’une génération à l’autre. Pour réhabiliter l’idée éducative comme valeur en soi et lutter contre le relativisme ambiant, Giol mise sur trois piliers d’un leitmotiv pour l’École contemporaine : repenser, adapter et réaffirmer.

Une des principales forces de l’essai s’avère d’amener à bon port une réflexion philosophique ainsi qu’un propos d’ensemble sur l’état de crise d’un système éducatif contemporain en moins de 153 pages. Laissant place à l’explicitation de la thèse, nous saluons la distinction des genres opérée entre l’analyse de la crise de l’école française et ce qui aurait pu être une histoire de l’éducation. Ajoutant une brique à l’édification de l’histoire des idées en éducation, l’étude se veut soucieuse d’apporter une thèse féconde à des réflexions ultérieures. Elle pose d’ailleurs la question des bienfaits, mais aussi des effets pervers de la démocratisation et de la massification des systèmes éducatifs. Bien que le parti pris épistémologique pour une approche philosophique de la question soit clairement affirmé, le lecteur appréciera une opérationnalisation hybride, se conjuguant avec l’histoire et la sociologie.

Cependant, dans une telle logique, il est possible de se questionner sur les allusions fréquentes à une approche hypothético-déductive ; l’auteur désire pourtant dégager le sens d’un phénomène. Rappelons aussi que les disciplines précédemment mentionnées ne font pas appel à la même méthodologie. L’explicitation des causes de la crise aurait-elle bénéficié d’un récit et de démonstrations plus étoffés ? Affirmant que […] l’éducation contemporaine apparaît désormais sans assises solides sur lesquelles fonder un projet qui dépasse le cadre de la stricte gestion des ressources humaines  (p. 151), une mise en contexte des groupes sociaux et leurs dynamiques aurait-elle mieux soutenu la thèse défendue ? Par ailleurs, pourquoi choisir une étude en survol d’une soixantaine de textes généraux sur l’éducation qui ne fait pas spécifiquement appel à la critique des sources ? Pourquoi accorder une place centrale à la ligne éditoriale des revues recensées plutôt qu’à la contribution de certains auteurs choisis ? Le souci d’offrir une diversité de points de vue sur la crise semble parfois primer sur l’essence de la réflexion philosophique amorcée.

Cet ouvrage apporte un regard pertinent à l’histoire de l’éducation française. Cependant, le présent essai pousse certaines réflexions philosophiques et axiologiques en regard de problèmes fondamentaux et actuels dans tous les systèmes éducatifs occidentaux, à l’heure même où s’épanouit une société technoscientifique sécularisée.