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La réforme québécoise de l’éducation, on le sait, n’a cessé d’être l’objet d’appréciations fortement contrastées, tant dans l’opinion publique que dans le milieu de l’enseignement et parmi les spécialistes. En attendant l’indispensable bilan systématique et rigoureux que la simple décence exige de nous que l’on établisse, cet ouvrage propose un bienvenu recul critique et réflexif sur les promesses qu’elle a fait miroiter et leur traduction en politiques, programmes, curricula, méthodes et approches.
Après une brève présentation de Mellouki, l’ouvrage se décline en deux parties. La première se penche sur les fondements, la portée et les limites de la réforme ; la deuxième, sur ses promesses et ratés dans quelques disciplines scolaires. Signalons quelques contributions particulièrement riches.
Dans la première partie, on notera celle de Cerqua et Gauthier (p. 21-50), fort intéressante, et qui retrace les moments du déploiement de cette réforme en tentant d’en saisir l’esprit ; on lira aussi avec le plus grand profit celle, immensément éclairante, de Bissonnette, Péladeau et Gauthier (p. 121-143) qui, adoptant une typologie inspirée des importants travaux de la regrettée Jeanne Chall, se penchent sur les textes parus dans la revue Vie Pédagogique, vecteur majeur de la pen- sée réformiste, pour y découvrir un discours à sens unique, vantant de manière a-critique des stratégies centrées sur l’élève dont la recherche montre pourtant la moindre efficacité (Chall, 2000 ; Gauthier, Mellouki, Simard, Bissonnette et Richard, 2005 ; Péladeau, Forget et Gagné, 2005).
Dans la seconde partie de l’ouvrage, les chapitres abordant la littérature (Falardeau, p. 165-190) et l’enseignement des sciences (Bégin, p. 253-275) me paraissent tout particulièrement dignes de mention. Les programmes d’éthique et culture religieuse, d’histoire et d’éducation à la citoyenneté et les TIC sont également abordés dans cette partie du livre, et tous ces chapitres constituent des contributions non négligeables à un débat qui doit se tenir.
En conclusion, Mellouki suggère que les écarts observés entre les promesses et leurs réalisations se déploient en deux directions. La première est celle où le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, allant plus loin que les réformateurs, a radicalisé le changement, par exemple en optant pour des approches centrées sur l’apprentissage au détriment de celles centrées sur l’enseignement ; la deuxième est celle où il a réduit l’importance accordée par les documents fondamentaux à des changements souhaités au profit d’autres changements […] considérés moins importants (p. 323).
En bout de piste, comme on pouvait s’y attendre, nombre de questions restent posées – et l’ouvrage se termine d’ailleurs sur la longue énumération de certaines d’entre elles.
Le principal reproche que l’on peut faire à cet intéressant travail est d’ailleurs de trop aisément occulter une question cruciale, et qu’à mon avis on ne saurait éluder. C’est qu’il nous faudra en effet, bon gré mal gré, nous interroger sur les conditions institutionnelles et idéologiques de production de savoir et de régulation de pratiques qui, entre facultés des sciences de l’éducation et instances politiques, ont pu rendre possible l’adoption, sans évaluation préalable digne de ce nom, d’une réforme aux fondements si peu solides, tant dans la recherche empirique crédible que dans les sciences cognitives ou la philosophie de l’éducation.