Recensions

Baillargeon, N. (2011). Je ne suis pas une PME. Plaidoyer pour une université publique. Montréal, Québec : Les Éditions Poètes de Brousse[Record]

  • Manuel Crespo

…more information

  • Manuel Crespo
    Université de Montréal

L’essai du professeur Baillargeon sur le devenir de l’Université suscite des sentiments mêlés : on est porté à appuyer sa vision d’une université libre, mais on a peine à endosser les raccourcis qu’il utilise pour prôner une telle université. Car, à la lecture de son texte, on se demande si l’idéal romantique d’une université détachée du monde tient compte des exigences de l’enseignement supérieur aujourd’hui. La proposition du professeur Baillargeon, que d’aucuns qualifieraient d’utopique, de créer un Institut universitaire voué au Studium Generale n’est pas autre chose qu’un refus de la vita activa pour trouver refuge dans une vita contemplativa rassurante et pleinement satisfaisante sur le plan intellectuel. Être dans le monde par l’action ou endehors du monde par la prière et l’abnégation, étaient les deux pôles d’une problématique pressante du Moyen-Âge, laquelle, on le voit, a ses échos chez certains intellectuels contemporains. Contrairement à l’opinion de ceux qui prônent un retrait du monde, l’université n’est plus une tour d’ivoire, pour utiliser le terme de Derek Bok dans son livre Beyond the Ivory Tower (1982) : l’université se doit de contribuer, avec les stratégies et les moyens qui lui sont propres, à l’innovation économique et au progrès social. C’est dans le dosage de son engagement économique et social que se trouve la différence entre une université esclave et une université libre. Pour lutter contre l’envahissement du modèle productiviste de l’industrie et du secteur privé en général dans l’agir académique que l’auteur perçoit, il faut, selon lui, prendre ses distances par rapport à la recherche subventionnée. Il affirme avec force qu’iln’est pas une PME. Par ailleurs, il souligne également que la recherche subventionnée n’aurait pas une grande valeur, parce que les chercheurs se limiteraient à présenter des projets dont les thématiques sont subventionnables, s’abstenant de soumettre des projets plus originaux mais moins convaincants aux fins de financement. Ici, l’auteur navigue dans des eaux périlleuses. Mon expérience d’évaluateur dans des comités de pairs est d’un tout autre ordre : les projets de recherche sont subventionnés en fonction de critères de qualité reconnus dans le domaine, indépendamment des thématiques choisies. Les quelque 80 pages de l’essai du professeur Baillargeon sont stimulantes et ne laissent pas le lecteur indifférent. On y reconnaît sa fougue et le désarroi que lui causent plusieurs dysfonctions qu’il croit trouver dans l’organisation universitaire. Sur un ton léger, son texte est comme une paella, met typique espagnol, consistant en un mélange hétéroclite de produits de la terre et de la mer dans une base de riz condimenté. L’ensemble est fort appétissant, bien qu’il arrive parfois que l’on éprouve de la difficulté à le digérer. Le texte du professeur Baillargeon est, certes, très appétissant, mais de digestion difficile : on y trouve une variété de contenus et d’affirmations intéressantes mais, en même temps, peu ficelés et d’assimilation laborieuse. Toutefois, malgré des propos qu’on aurait voulus plus appuyés, le lecteur est séduit, il faut l’avouer, par l’écriture engagée et passionnée de l’auteur et par son plaidoyer pour une université publique.