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Cet ouvrage collectif se veut un bilan critique des premières années d’implantation du programme d’éthique et culture religieuse (ECR) ainsi qu’un ensemble de propositions pour le perfectionner. En ce sens, le livre est pertinent puisque, implanté en 2008 dans un contexte tendu, ce programme souffle cette année ses cinq bougies dans une relative accalmie, même si les tribunaux n’ont pas dit leur dernier mot et que certains partis politiques menacent même d’abolir ce cours. Les auteurs de ce collectif ne vont pas aussi loin dans leurs critiques – ils sont tous favorables au programme –, mais ils ont des suggestions à formuler pour l’améliorer ou pour parfaire son enseignement.

Après une préface assez générale, mais très érudite de T. de Koninck sur l’importance de l’éducation, l’ouvrage est divisé en quatre parties : le contenu en éthique dans le programme, la posture professionnelle de l’enseignant, le contexte de son enseignement et sa cohérence. Tous ces chapitres mettent l’accent sur le caractère nécessairement inachevé de l’implantation du programme, et donc sur la possibilité de l’améliorer. Leroux (chapitre 1) souhaiterait y voir plus de contenu sur les grandes philosophies morales et leurs sagesses, contenu que Hotte (ch. 7) proposerait sans doute d’enseigner par le connexionnisme implicite, approche qu’il propose pour Éthique et culture religieuse. Gendron (ch. 2) aimerait que plus de place soit faite aux questions existentielles et aux courants de pensée séculière. De son côté, Gagnon (ch. 3) milite pour que l’enseignant puisse se libérer de la prescription d’impartialité, pour dialoguer dans une égalité épistémologique avec les élèves, notamment grâce à la communauté de recherche philosophique. Beaupré (ch. 4) présente une démarche bourdieusienne d’élucidation des valeurs et de développement réflexif. Rodriguez et Jutras (ch. 5) suggèrent, eux, de faire place à l’éducation à la consommation en Éthique et culture religieuse. Cornellier (ch. 6) relève deux freins à l’implantation du programme au primaire et retranscrit deux situations d’apprentissage disponibles sur Internet. (Rondeau (ch. 8), pour sa part, propose de privilégier l’approche reconstructive pour réconcilier le postmodernisme et l’éthique de la reconnaissance qui fondent, selon elle, le programme. Enfin, Laprée (ch. 9) reprend son analyse psychosociale de l’implantation de ce programme, et y ajoute une perspective éthique pour décrier l’incohérence ministérielle dans le dossier Éthique et culture religieuse.

Ce genre d’ouvrage se caractérise souvent par une certaine hétérogénéité et celui-ci n’y échappe pas. Les lecteurs visés ne se trouveront donc pas tous intéressés par chaque contribution de cet ouvrage. Notons au passage qu’il est surprenant et sans doute dommage de ne pas trouver de contribution de N. Bouchard qui certes signe (seule d’ailleurs) les remerciements, mais n’offre pas de texte d’analyse sur le programme. On aurait également souhaité une étude solide de la réalité de l’implantation du programme, son acceptation dans les milieux, les différences selon les régions, les ordres d’enseignement, etc. Néanmoins, ce collectif paraît mériter l’attention des lecteurs intéressés par Éthique et culture religieuse et par le perfectionnement de son contenu comme de son enseignement, et il donne un aperçu de l’étendue du travail à accomplir.