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La compétence a investi massivement les systèmes éducatifs dans le monde depuis les années 1980. Certains estiment qu’il s’agit d’une avancée bénéfique pour l’éducation, alors que d’autres perçoivent ce glissement comme une mainmise croissante du système économique sur celui de l’éducation étatique. Dans ce contexte, ce collectif de 19 chercheurs et spécialistes reconnus en Belgique, en France, au Québec et en Suisse dans le champ d’études de la compétence dresse un bilan critique de ce changement. Les 10 chapitres abordent les processus d’implantation de l’approche par compétence dans les programmes d’études, la compréhension manifestée de celle-ci par les formateurs d’enseignants, sa contribution dans le développement professionnel, les différents cadres théoriques employés pour l’aborder ainsi que les enjeux de son introduction dans la profession enseignante. Les thématiques traitées émergent du point de vue des auteurs ou de leurs résultats de travaux de recherche.

Ce livre s’adresse principalement à des acteurs de l’éducation qui s’intéressent à la formation des enseignants. Il met en relief plusieurs problématiques, dont trois s’avèreraient récurrentes. Plusieurs auteurs reconnaissent d’abord que la compétence représente une notion polysémique. En effet, un certain nombre de recherches citées rapportent des divergences d’interprétation chez les acteurs de l’éducation. Ces résultats rassureront peut-être celles et ceux qui définissent cette notion avec difficulté. Une autre problématique fréquemment soulevée est celle de l’évaluation qui est rendue difficile, étant donné que l’approche par compétence relèverait d’une pédagogie de l’invisible (chapitre 5). Certains auteurs concluent même qu’on ne sait pas réellement si les universités forment des enseignants compétents. Dans ce contexte, le lecteur n’a d’autre choix que de se questionner sur ses propres pratiques. Une troisième critique récurrente est adressée envers le système économique qui requiert des travailleurs compétents. Cela expliquerait pourquoi une large proportion de la classe politique appuie la notion de compétence en éducation.

À la lecture de cet ouvrage, il ne faut pas s’attendre à trouver des résultats de recherches d’envergure sur l’approche par compétence dans la formation des enseignants. Peut-être est-ce parce que ces résultats n’existent pas encore dans la francophonie, car aucune recherche empirique majeure n’est rapportée pour justifier l’avantage des nouvelles pratiques associées à la compétence, par rapport aux précédents cadres de référence. D’autre part, bien que ce ne soit pas l’objet principal de cet ouvrage, il aurait été instructif d’établir explicitement certains parallèles entre l’usage de la compétence dans la formation des enseignants et dans les ordres d’enseignement primaire et secondaire. Quoi qu’il en soit, cette publication ne peut laisser quiconque indifférent. Tant le lecteur qui souhaite s’interroger sur la légitimité de l’approche par compétence que celui qui s’efforce de dégager des pistes de recherche trouveront matière à réflexion. Car, peu importe son opinion, personne ne peut aujourd’hui occulter le débat au sujet de la notion de compétence dans la formation des enseignants.