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1. Introduction

Plus de 1500 conseiller⋅ère⋅s pédagogiques oeuvrent aujourd’hui dans les 60 centres de services scolaires et écoles privées du Québec (Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec, 2015 ; Guillemette, Vachon et Guertin, 2019). À l’origine, le travail des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques consistait à évaluer le travail des enseignant⋅e⋅s pour assurer sa conformité aux prescriptions ministérielles. Depuis, ce rôle s’est complètement transformé : il consiste avant tout à former et à accompagner le personnel scolaire dans le développement de ses compétences professionnelles. Dans cette perspective, l’accompagnement offert se définit comme étant :

une démarche par laquelle une personne (une accompagnante ou un accompagnant) guide une ou plusieurs personnes (accompagnées) dans une visée établie d’un commun accord et définie dans le temps : un changement, une adaptation ou une régulation des pratiques. La pratique réflexive lie les stratégies de la démarche.

Guillemette et coll., 2019

Plus encore que la formation, l’accompagnement s’avère une avenue prometteuse pour développer les pratiques pédagogiques du personnel enseignant (Richard, 2017 ; Timperley, 2011). Or, apprendre à accompagner n’est pas intuitif et peu de formations sont offertes aux conseiller⋅ère⋅s pédagogiques à cette fin. Par conséquent, il s’avère pertinent de s’interroger sur ce qui préoccupe les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques lorsqu’elles⋅ils sont amené⋅e⋅s à développer une nouvelle façon d’accompagner le personnel enseignant dans le changement des pratiques.

2. Problématique

Depuis les années 60, les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques font partie des responsables de la formation continue des enseignant⋅e⋅s dans les commissions scolaires québécoises, devenues des centres de services scolaires en juin 2020. Jusqu’en 2011, moment de la création d’un microprogramme de 2e cycle en conseillance pédagogique à l’Université de Sherbrooke, aucune formation officielle n’existait pour former les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques. De plus, très peu de formations sont destinées spécifiquement au développement professionnel des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, tant pour leur insertion que pour leur développement professionnel (Duchesne, 2016 ; Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec, 2015). Encore aujourd’hui, elles⋅ils sont principalement sélectionné⋅e⋅s sur la base de leurs compétences d’enseignant⋅e⋅s et apprennent leur nouveau rôle en le pratiquant (Draelants, 2007 ; Duchesne, 2016 ; Tekkumru-Kisa et Stein, 2017 ; Verdy, 2005). Pourtant, leur profession est valorisée et reconnue essentielle dans les milieux scolaires, surtout pour appuyer les enseignant⋅e⋅s dans leur volonté de perfectionner leurs pratiques.

Très peu de recherches ont aussi porté sur ce que représente la transformation de l’identité d’enseignant⋅e vers celle de formateur⋅rice, particulièrement en ce qui concerne l’animation et l’adaptation aux participants (van Es et Sherin, 2017). Des auteur⋅e⋅s dénoncent d’ailleurs « le peu de savoirs concernant la manière dont les facilitateurs de développement professionnel construisent des interactions et comment ils mettent en oeuvre des activités pour créer les conditions qui supportent ce type d’apprentissage professionnel. » (Traduction libre, Goldsmith et Seago, 2008, dans van Es, Tunney, Goldsmith, et Seago, 2014, p. 340).

Pourtant, le travail des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques est complexe puisque ces dernier⋅ère⋅s travaillent dans divers contextes et soutiennent des enseignant⋅e⋅s ayant des besoins variés. L’étude de Duchesne (2016) rapporte huit rôles de la⋅du conseiller⋅ère pédagogique : formateur⋅rice, accompagnateur⋅rice, conseiller⋅ère, agent⋅e de changement, expert⋅e, collaborateur⋅rice, praticien⋅ne réflexif⋅ve et gestionnaire. Les résultats font entre autres état du peu de place qu’accordent les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques au rôle de praticien⋅ne réflexif⋅ve, soit ce rôle où elles⋅ils développent leurs connaissances et où elles⋅ils régulent leurs pratiques. L’auteure attribue en partie ce manque d’attention relevé par les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques concernant ce rôle par « l’absence ou l’insuffisance de formation ou d’encadrement des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques » (Duchesne, 2016, p. 652). De plus, le rôle de gestionnaire (en particulier de la gestion du temps et de l’agenda) entre en conflit avec celui de praticien⋅ne réflexif⋅ve : « une fois placés devant l’obligation de répondre aux demandes les plus pressantes exprimées par le milieu, [elles⋅ils] se trouvent contraint⋅e⋅s de négliger le seul rôle, parmi ceux colligés, qui leur permet de répondre à leurs propres besoins de développement professionnel. » (p. 652) Pour amener les enseignant⋅e⋅s qu’elles⋅ils accompagnent à réfléchir à leurs pratiques en classe, les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ne devraient-elles⋅ils pas elles⋅eux-mêmes développer ce rôle de praticien⋅ne réflexif⋅ve plus profondément ?

Dans la même veine, un récent référentiel de l’agir compétent en conseillance pédagogique (Guillemette et coll., 2019) établit quatre situations emblématiques qui peuvent être dégagées de situations concrètes du travail des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques et qui exigent toutes ce temps de recul et cette capacité de réflexion approfondie. En effet, selon la recherche menée auprès de 75 conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, celles⋅ceux-ci sont amené⋅e⋅s à faire preuve d’agir compétent lorsqu’elles⋅ils conseillent, forment, accompagnent et innovent. L’agir compétent est défini comme étant :

la capacité des professionnels à mobiliser diverses ressources internes et externes dans le but de résoudre une situation problématique ou d’agir sur une situation complexe. [Il] renvoie à leur capacité de prendre un temps d’arrêt et un moment de recul pour poser un regard sur la façon de mobiliser ces ressources, en réponse à la situation réelle.

p. 21

Cette définition s’appuie sur celle de Masciotra et Medzo (2009) dans laquelle l’agir compétent place la compétence « en action et en situation ». La⋅le conseiller⋅ère pédagogique compétent⋅e agit grâce à son intelligence de la situation, ce qui lui permet de s’adapter au contexte (Jonnaert, 2006).

Il s’avère donc important d’identifier ce qui se trouve au coeur des réflexions des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques lorsqu’elles⋅ils développent leurs pratiques d’animation dans des situations emblématiques d’accompagnement et comment elles⋅ils parfont leurs savoirs pour accompagner le développement professionnel des enseignant⋅e⋅s (van Es et Sherin, 2017).

La question qui a orienté cette recherche est donc la suivante : quelles préoccupations guident les réflexions d’une équipe de conseiller⋅ère⋅s pédagogiques au cours de leur appropriation des stratégies d’animation d’un cercle pédagogique ? En comprenant mieux les préoccupations des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, cette étude a le potentiel de mieux les accompagner dans leur développement professionnel.

3. Cadre conceptuel

Cette section aborde d’abord les caractéristiques de l’accompagnement, du dispositif du cercle pédagogique, puis présente les stratégies d’animation pour le piloter.

3.1 Accompagnement

L’accompagnement comme dispositif de développement professionnel revêt « quatre dimensions récurrentes et structurantes : l’autonomie de l’acteur, la dimension sociale du processus, la composante éthique du processus et enfin l’imprévisibilité de la dynamique et de ses objets » (Vacher, 2017). Ainsi, on reconnait aux participant⋅e⋅s une autonomie et une liberté d’action, tout en leur fournissant des balises et des guides. À l’aspect relationnel que représentent les interactions s’ajoutent l’aspect social (s’ancrer dans une profession) et l’aspect axiologique (tenir compte des valeurs de chacun⋅e) que devra canaliser l’accompagnateur⋅rice. Enfin, le processus d’accompagnement n’est jamais tracé d’avance ; il se construit avec les participant⋅e⋅s (Vacher, 2017). Ces caractéristiques se trouvent au coeur du dispositif du cercle pédagogique.

3.2 Cercle pédagogique : une modalité d’accompagnement

Le cercle pédagogique est un dispositif de développement professionnel qui réunit pendant une heure, une fois par mois, pendant au moins une année, de huit à douze enseignant⋅e⋅s qui analysent un exemple de pratique sur vidéo, dans un esprit convivial (Giguère, 2015). Les participant⋅e⋅s lèvent la main pour arrêter l’exemple de pratique sur vidéo lorsqu’elles⋅ils discernent un élément clé d’une leçon et interprètent les gestes pédagogiques des enseignant⋅e⋅s en lien avec les apprentissages des élèves (Giguère, 2015 ; Santagata, 2009, Sherin et van Es, 2009). Ce faisant, le cercle pédagogique développe le regard professionnel des enseignant⋅e⋅s, c’est-à-dire leur capacité à discerner les éléments importants d’une interaction en classe et à les interpréter pour mieux s’ajuster aux représentations des élèves (Sherin et van Es, 2009). Parce qu’il exploite des exemples de pratique sur vidéo à des fins interprétatives plutôt qu’illustratives, ce dispositif accorde une grande place à l’expertise des participant⋅e⋅s. Les thèmes discutés proviennent de leurs observations, de leurs intérêts et soutiennent leurs apprentissages en fonction de leurs connaissances antérieures. Ainsi, les enseignant⋅e⋅s développent de concert leur regard professionnel au moment du cercle, leur permettant ensuite de réguler davantage leurs actions une fois de retour dans leur classe. Le dispositif rend aussi visibles les cadres de référence et les valeurs sur lesquels s’appuient les enseignant⋅e⋅s et permet au formateurrice de s’ajuster d’une rencontre à une autre pour soutenir les apprentissages. Le partage d’expertise permet enfin une coconstruction des représentations d’éléments pédagogiques et didactiques afin de développer une vision et un répertoire de pratiques partagées (Shulman et Shulman, 2004). Ce dispositif se situe dans la situation emblématique d’accompagnement puisqu’il mise sur « un contexte de collaboration ou de mobilisation pour mieux soutenir l’amélioration des pratiques éducatives, pédagogiques ou didactiques » (Guillemette et coll., 2019, p. 43) et amène les participant⋅e⋅s à réfléchir collectivement à leurs pratiques.

3.3 Stratégies d’animation du cercle pédagogique : un objet d’apprentissage

Puisque le cercle pédagogique nécessite la mise en oeuvre de stratégies d’animation souples s’adaptant aux interactions dans les groupes, il ne peut s’implanter intuitivement. Ce dispositif rigoureux nécessite une compréhension approfondie de ses fondements et de son déroulement pour optimiser ses effets. Il s’avère important que les animateur⋅rice⋅s du cercle s’approprient des stratégies d’animation particulières permettant de guider la discussion tout en s’appuyant sur l’expertise professionnelle des participant⋅e⋅s.

L’objet d’apprentissage que sont les stratégies d’animation pour les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques est tiré d’études portant sur les cercles pédagogiques. Selon Tekkumru-Kisa et Stein (2017), sept stratégies doivent être développées par les animateur⋅rice⋅s (ou facilitateur⋅rice⋅s) dans la préparation d’un dispositif de développement professionnel basé sur l’exploitation d’exemples de pratique sur vidéo.

Tableau 1

Liste des stratégies d’animation d’un cercle pédagogique (Tekkumru-Kisa et Stein, 2017)

Liste des stratégies d’animation d’un cercle pédagogique (Tekkumru-Kisa et Stein, 2017)

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Des recherches antérieures (Giguère et David, 2016 ; van Es et coll., 2014) ont permis de construire une liste de stratégies d’animation du cercle pédagogique. Cette liste, présentée dans le tableau 2, a aussi été exploitée dans l’accompagnement des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques. Ces stratégies ont été analysées par l’entremise des exemples de pratique du cercle sur vidéo qu’elles⋅ils ont été invité⋅e⋅s à interpréter.

Tableau 2

Composantes de l’animation d’un cercle pédagogique

Composantes de l’animation d’un cercle pédagogique

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Enfin, cet apprentissage de l’animation en situation emblématique d’accompagnement peut contribuer à transformer l’identité professionnelle des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques – définie par Legendre (2005) comme l’ensemble des savoirs, savoir-faire , savoir-être, savoir-agir, qualités professionnelles et valeurs communes – par les actions qu’elles⋅ils posent, soit les stratégies d’animation déployées. Ainsi, selon Guillemette et coll. (2019), « la construction identitaire passe par une tension entre l’identité qu’on tente d’attribuer à la profession, ce que la profession est pour l’organisation et la vision que les acteurs ont de leurs actions quotidiennes » (p. 23).

4. Méthodologie

La recherche collaborative (Desgagné, Bednarz, Lebuis, Poirier et Couture, 2001) réalisée vise à approfondir les connaissances scientifiques sur le développement professionnel des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques en décrivant les préoccupations qui guident leurs réflexions au cours de leur appropriation des stratégies d’animation d’un cercle pédagogique. « La recherche collaborative est une méthodologie d’intervention qui suppose que des praticiens s’engagent, avec le chercheur, à explorer un aspect de leur pratique et que l’objet même de la recherche porte sur leur compréhension en contexte de cet aspect. » (Morrissette, 2013, p. 41) L’aspect collaboratif de cette recherche réside dans l’association à des praticien⋅ne⋅s pour investiguer un aspect de leur pratique, dont l’intérêt commun se retrouve au carrefour entre les deux parties (Desgagné, 2001). La collecte de donnée, effectuée par l’entremise de l’enregistrement des rencontres et d’une entrevue collective, ainsi que l’emploi d’une technique d’analyse de données qualitatives, soit une analyse de contenu (Gaudreau, 2011), permettent de dégager leurs préoccupations en appui sur le point de vue des participant⋅e⋅s du point de vue des participant⋅e⋅s par l’accompagnement d’une équipe de conseiller⋅ère⋅s pédagogiques (Paillé, 2007). Cette étude s’inscrit dans une approche compréhensive (Mucchielli, 1996), au regard du développement de l’agir compétent des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, des besoins exprimés et des stratégies développées pour y répondre, puisqu’elle « vise à reconstituer le monde des significations de l’action et des pensées pour les acteur⋅rice⋅s considéré⋅e⋅s » (Mucchielli, 2005, p. 30).

4.1 Déroulement

Pour parvenir à l’atteinte de ces objectifs, nous avons réuni dix conseiller⋅ère⋅s pédagogiques provenant tou⋅te⋅s d’une commission scolaire de la Rive-Nord de Montréal et intervenant auprès d’enseignant⋅e⋅s du secondaire de disciplines variées. Elles⋅ils cumulent entre quelques mois et une douzaine d’années d’expérience comme conseiller⋅ère⋅s pédagogiques. Un désir collectif de développer leur répertoire de pratiques d’animation a encouragé cette équipe à solliciter une formation pour apprendre à animer des cercles pédagogiques dans leur milieu. Elles⋅ils sont tou⋅te⋅s volontaires pour contribuer à la recherche et ont signé un formulaire de consentement.

L’accompagnement offert aux conseiller⋅ère⋅s pédagogiques a pris la forme d’un cercle pédagogique visant l’apprentissage de stratégies d’animation d’un cercle pédagogique. Ainsi, dès la première rencontre, chacun⋅e des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques a été invité⋅e à animer des cercles pédagogiques auprès des enseignant⋅e⋅s qu’elles⋅ils accompagnent. Les rencontres d’accompagnement mensuelles, que nous avons documentées, ont amené les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques à partager et analyser l’effet de leurs propres pratiques d’animation d’un cercle pédagogique sur les apprentissages des enseignante⋅s avec leurs collègues, créant une mise en abyme inédite (un cercle pédagogique sur l’animation d’un cercle pédagogique).

Au cours de ces rencontres, des thématiques ont été abordées selon un calendrier prédéterminé – mais laissant aussi la place aux besoins exprimés par les participant⋅e⋅s – selon les caractéristiques d’un accompagnement (Vacher, 2017) et les prescriptions d’une recherche collaborative vécue par itérations (tableau 3). Chaque rencontre de trois heures débutait par un tour de table sur les questions et démarches entreprises depuis la séance précédente (une heure). Ont suivi une courte présentation sur la thématique et une analyse d’exemple de pratique sur vidéo (une heure et demie). Les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont parfois analysé des pratiques provenant de la banque de l’animatrice et ont aussi été invité⋅e⋅s à se filmer, à l’occasion et de manière volontaire, pour proposer des extraits de leur animation d’un cercle pédagogique à leurs collègues. Puisque, lors d’un accompagnement, la liberté d’action est accordée aux participant⋅e⋅s (Vacher, 2017), seulement deux participant⋅e⋅s sur les dix ont pu expérimenter un cercle pédagogique durant l’année d’accompagnement et ont soumis à trois reprises une séance à leurs collègues. Des stratégies d’animation ont ainsi pu être identifiées et des interprétations tirées de ces exemples.

Tableau 3

Calendrier des rencontres

Calendrier des rencontres

* Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des participant⋅e⋅s.

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4.2 Méthodes de collecte et d’analyse

Deux modes de collecte de données sont utilisés dans cette recherche. D’abord, les sept rencontres d’accompagnement mensuelles, visant à codévelopper l’expertise des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques dans l’animation de cercles pédagogiques, ont été enregistrées numériquement (audio) et transcrites.

Le deuxième outil de collecte est un entretien collectif semi-dirigé d’une durée d’une heure lors de la dernière rencontre de l’année. Les questions ont porté sur leur expérience du dispositif de formation de même que sur les apprentissages perçus, qu’elles⋅ils aient ou non animé un cercle pédagogique. Cet entretien a aussi été transcrit. Le questionnaire se trouve en annexe.

4.3 Méthodes d’analyse des données

Une analyse de contenu des thématiques émergentes (Gaudreau, 2011) a été menée. Cette méthode qualitative permet à la⋅au chercheu⋅se de partir des données brutes (transcriptions) et de les associer à des thématiques qui lui semblent ressortir des propos des participante⋅s à la fin de chacune des rencontres. Ainsi, chaque rencontre est thématisée et les besoins exprimés permettent de restructurer le calendrier pour y répondre. Par exemple, les deux premières rencontres ont presque exclusivement porté sur la mise en oeuvre d’un cercle pédagogique (sur quoi ? avec qui ? quels outils vidéos utiliser ?). Il était prévu au calendrier que ces sujets soient abordés, mais ce sont les enjeux discutés par les participant⋅e⋅s en lien avec ces sujets qui ont fait l’objet de l’analyse. À la troisième rencontre, une première validation des préoccupations des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques a été présentée et elles-ils y ont réagi. Aussi, la 6e rencontre s’est organisée autour du besoin exprimé par les participant⋅e⋅s lors des rencontres 4 et 5 pour mieux se préparer à diriger les échanges lors des cercles. Une fois que l’accompagnement s’est terminé (rencontres 6 et 7) et que l’entretien collectif a eu lieu (rencontre 8), les thématiques émergeant de l’ensemble des rencontres ont été regroupées et classées en catégories et sous-catégories de manière à obtenir une grille finale permettant d’exprimer les préoccupations des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques et ce, à partir de leur point de vue.

Une validation de ce regroupement de données a ensuite été réalisée, un an plus tard, auprès des participant⋅e⋅s, au cours d’une rencontre qui a également été enregistrée, transcrite et analysée afin de prendre en compte leur point de vue quant à la fidélité des résultats et de les affiner. Les nuances apportées sont directement intégrées au discours des participant⋅e⋅s dans les résultats.

5. Résultats

La section suivante présente les résultats des analyses de contenu thématiques menées sur l’ensemble des rencontres et validées par les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques participant⋅e⋅s pour décrire leurs préoccupations dans l’implantation et l’animation d’un cercle pédagogique. Au final, deux dimensions générales ont émergé de l’analyse et peuvent être subdivisées en huit sous-dimensions (tableau 4). Cette section se conclut par les apprentissages que les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont estimé avoir acquis au terme de l’année d’accompagnement, qu’elles⋅ils aient ou non animé des cercles pédagogiques.

Tableau 4

Dimensions abordées par les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques dans une situation emblématique d’accompagnement

Dimensions abordées par les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques dans une situation emblématique d’accompagnement

* Les italiques identifient les préoccupations des participant⋅e⋅s non planifiées dans le calendrier

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Tant et aussi longtemps que les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques n’ont pas réussi à mettre sur pied un groupe d’enseignant⋅e⋅s désirant participer à un cercle pédagogique, elles⋅ils se sont préoccupé des composantes liées à l’organisation du cercle, mettant en relief leur rôle de gestionnaire (Duchesne, 2016). Quant à leur identité professionnelle, elle s’est définie au moyen de discussions de groupe et de la forte identification des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques aux pratiques de leurs collègues dans les exemples de pratique sur vidéo. Les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont pu s’engager dans leur rôle de praticien⋅ne réflexif⋅ve grâce à l’effet vicariant de cet outil vidéo.

5.1 Première préoccupation : l’organisation du cercle

L’accompagnement offert a d’emblée ouvert sur les questions préalables à la mise sur pied d’un cercle pédagogique : Quelle thématique choisir ? Quels exemples sur vidéo analyser ? Quel⋅le⋅s participant⋅e⋅s sélectionner ? (Tekkumru-Kisa et Stein, 2017) C’est ce qui apparait dans la colonne Sous-dimension abordée dans l’accompagnement. Des stratégies de recrutement ont été discutées lors du premier cercle, de même que l’explicitation aux participant⋅e⋅s des consignes propres aux échanges dans un cercle pédagogique (par exemple : observer et interpréter plutôt que juger ou évaluer une pratique) afin de démystifier les attentes et de mieux expliquer le contexte aux enseignant⋅e⋅s qu’elles⋅ils allaient aborder.

Or, tout au long des rencontres, des questionnements ont émergé, mettant en lumière les préoccupations des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques liées aux sous-dimensions abordées dans l’accompagnement. Le point de vue des participant⋅e⋅s est donc indiqué dans la colonne Sous-dimension émergeant des préoccupations des conseillerères pédagogiques. D’abord, une première préoccupation sur la thématique à privilégier a émergé, notamment dans la question du choix d’un objet pédagogique (par exemple, l’enseignement d’une stratégie) ou didactique (par exemple, l’enseignement d’un concept disciplinaire). Il a été discuté que, si le cercle porte sur une pratique pédagogique, l’apprentissage visé n’est plus lié au savoir, mais à la pratique (Shulman et Shulman, 2004). Selon les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, les enseignant⋅e⋅s du secondaire ont souvent plus besoin d’apprendre de nouvelles pratiques que de nouveaux savoirs, étant des spécialistes de leur matière. Toutefois, analyser un exemple sur vidéo permet parfois d’apprendre des savoirs et des pratiques simultanément (par exemple, apprendre ce qu’est une dictée 0 faute et apprendre à la piloter en classe). L’extrait suivant en témoigne : « Elles semblaient avoir choisi la “dictée 0 faute” parce qu’elles ne connaissaient pas c’est quoi, là elles sont comme en apprentissage. Finalement, c’est comme des connaissances, alors on rate un petit peu l’objet de [la nouvelle grammaire]. Parce que là, ils sont comme en appropriation de comment faire une dictée. » (Véronique – R1) Ce double apprentissage est plus difficile à gérer tant pour les enseignant⋅e⋅s que pour les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques : selon elles⋅eux, il faut prévoir plus de temps dans ce contexte.

La question des outils vidéo a également été soulevée tant dans l’accompagnement que dans les préoccupations des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques. Elles⋅ils se sont demandé si elles⋅ils devaient d’abord présenter un exemple interne ou externe au groupe. Elles⋅ils perçoivent comme un défi majeur le fait d’aborder un⋅e enseignant⋅e pour lui demander de filmer sa pratique pour ensuite la proposer à l’analyse par un groupe. Cet extrait illustre cet enjeu : « Ben moi, où je vois la difficulté, c’est d’aller filmer en classe. Une fois que t’es rentré dans une classe puis que tu filmes, t’as fait 90 % de la job. Pis c’est là qu’on va avoir le plus de barrières, quant à moi. » (Véronique – R1) En revanche, elles⋅ils ont été nombreux⋅ses à dire que, lorsque les enseignant⋅e⋅s acceptent, on peut avoir de bonnes surprises : « Donc, cette enseignante a dit qu’elle faisait telle chose et, spontanément, j’ai demandé : Est-ce que tu accepterais que j’aille te filmer ? Elle a dit : J’ai pas de problème avec ça ! Là, je me suis dit : Mon Dieu! » (Frédéric – R2) Cela peut représenter une occasion pour l’enseignant⋅e de montrer ce qu’elle⋅il fait de bien et de voir son expertise reconnue par ses pairs comme le mentionne Rachid qui a aussi convaincu un enseignant de soumettre sa pratique à ses collègues : « Ils ont fait du bon travail aussi, il faut le dire. On est là justement pour les supporter aussi. Il était heureux de se voir : Ah oui je participe, donc je suis important dans tout ça”. » (R5)

La question des pratiques externes s’est aussi posée : les banques d’exemples de pratique sur vidéo sont plutôt rares, en particulier au secondaire, rendant le choix de la thématique beaucoup plus restreint. L’extrait suivant l’illustre bien : « Moi je vais te dire honnêtement, j’espère pouvoir filmer au secondaire, parce qu’il n’y a pas grand-chose qu’on trouve au secondaire en ce moment. » (Maryse – R2) Les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont d’ailleurs mentionné qu’il est important pour elles⋅eux de présenter des exemples du même ordre scolaire et de la même discipline que les participant⋅e⋅s pour favoriser l’identification au contexte et ainsi, la pertinence des apprentissages visés.

La seconde question relative au choix des exemples de pratique sur vidéo, selon les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, concerne son contenu. Doit-on présenter un exemple parfait (exemplaire) ou imparfait ? Un consensus a émergé dans le groupe de conseiller⋅ère⋅s pédagogiques : on doit présenter un exemple réaliste. L’extrait suivant l’illustre : « C’est une prof extrêmement organisée, même trop à mon goût. J’aurais voulu qu’il y ait plus de “réalisme”. J’aurais voulu qu’elle soit peut-être un peu moins organisée et un peu plus dans “je vais essayer telle, telle chose, une telle pratique, différemment”. » (Maryse – R6) En effet, si la pratique est perçue comme étant trop parfaite, elle peut décourager les enseignant⋅e⋅s, tout comme une situation trop désorganisée. En revanche, si on épure en réalisant des montages, on enlève à l’exemple son réalisme qui perd alors de son potentiel d’analyse. Comme l’indique Frédéric : « Finalement, tu es rendu avec des vidéos tellement épurées, y’a comme pas de potentiel d’exploitation pour faire une analyse et amener une discussion. » (R7) Toutefois, toujours selon les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, une pratique imparfaite permet d’observer ses effets chez les élèves. Elle permet également de se situer en contexte d’accompagnement en faisant appel à l’expertise professionnelle des enseignant⋅e⋅s qui peuvent proposer des améliorations et bonifier l’exemple de certains gestes pédagogiques déjà expérimentés. L’extrait suivant décrit bien cette situation vécue par un conseiller pédagogique :

Je me rappelle que quand Frédéric est allé filmer la prof, il s’attendait à quelque chose et c’était pas ça ! Moi je trouvais pas ça grave, moi je pensais qu’il pouvait juste dire que la pratique de la vidéo n’était pas tout à fait une pratique de dictée 0 faute, mais que ceci dit, il y a quand même des effets positifs et on va la garder pour l’analyser. On peut présenter une vidéo qui n’est pas parfaite! On le disait au départ qu’il n’existe pas de pratique parfaite!

Véronique – R4

Par contre, l’expérience de Frédéric a montré qu’avec les pratiques imparfaites, le risque existe que certain⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s se désengagent quand elles⋅ils ont le sentiment d’analyser des pratiques qu’elles⋅ils estiment moins bonnes que les leurs. Enfin, les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont aimé la possibilité d’offrir un choix si les banques de vidéos permettent de le faire pour laisser une plus grande latitude aux participant⋅e⋅s.

La question des participant⋅e⋅s et du recrutement a occupé une très large part des échanges. D’abord, le volontariat représente, pour les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, une condition préalable et incontournable, comme l’indique Frédéric : « Tu peux pas forcer des gens à faire partie d’une CAP [communauté d’apprentissage professionnel]. Et là, j’ai démarré avec le cercle pédagogique. Je peux pas annoncer ça comme une formation, puis obliger des gens à adhérer, à embarquer dans ce dispositif-là. » (R6) Selon les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, il faut éviter de dénaturer le dispositif en le forçant. Elles⋅ils ont conclu qu’il est préférable de commencer avec moins d’enseignant⋅e⋅s (volontaires) et compter sur l’engouement pour élargir le groupe. Enfin, pour les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, il semble qu’il faille développer des stratégies particulières pour recruter des enseignant⋅e⋅s qu’on ne juge « pas prêt⋅e⋅s » et qu’il faille « oser » proposer un cercle pédagogique comme une modalité d’accompagnement disponible. Comme le dit Maryse : « Il y a une espèce de sensibilité de dire qu’“ils sont pas encore prêts”, mais tranquillement, ils viennent. J’attends, je suis peut-être moins prête avec cette équipe-là à foncer et à proposer. » (R4) Parmi ces stratégies de recrutement, la reconnaissance par les enseignant⋅e⋅s d’un enjeu de formation nécessaire pour la réussite des élèves semble aussi un préalable important.

Toujours dans ce contexte de recrutement, les groupes de formation/réflexion déjà en place semblaient constituer une option intéressante pour certain⋅e⋅s conseiller⋅ère⋅s pédagogiques. Cependant, elles⋅ils ajoutent qu’elles⋅ils espaceraient davantage les rencontres, en raison des contraintes organisationnelles, et envisageraient la possibilité d’ajouter des rencontres selon les besoins : « Frédéric l’a offert en en parlant déjà, lors de sa première formation, où il était déjà en partage d’expériences, en partage de pratiques. Il était déjà dans une atmosphère de collaboration, donc quand il en a parlé, bah c’était naturel. » (Véronique R4) Pour d’autres conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, les groupes d’accompagnement formés dans les écoles semblaient faire partie du contexte le plus propice à l’implantation d’un cercle pédagogique.

Dans ces deux derniers contextes de pratique réflexive et de partage d’expertise, les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont évoqué l’importance du climat positif entre les enseignant⋅e⋅s et entre le conseiller⋅ère pédagogique et chacun⋅e des enseignant⋅e⋅s. Ce climat positif leur permet de parler ouvertement de leur propre pratique, alors que ce serait moins favorable dans une formation plus formelle, comme l’observe Marie-Andrée : « Celle avec le manteau dit “moi, ça m’arrive souvent”. J’aime ça. Il y a un environnement de confidence. Elle parle de sa classe, de sa pratique ! My God ! Tu n’as pas ça dans une formation ! » (R7)

Pour les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, des conditions existent pour créer et maintenir ce climat, dont s’assurer de l’objectivité des échanges et de l’absence de jugements, mais elles⋅ils en sont parfois dépendant⋅e⋅s. « Donc, dans mes écoles où j’accompagne, j’ai un milieu où, oui il y aurait quelque chose à faire, mais c’est un milieu où les profs n’ont pas une très bonne chimie d’équipe. Je sais pas comment l’aborder. » (David R3)

Tout au long de l’année d’accompagnement, les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont discuté de la question suivante : Serait-il préférable de créer un climat d’échange en joignant des analyses de pratiques à des formations plus formelles dans un premier temps, puis, dans une deuxième année, proposer un cercle pédagogique ? Véronique propose un compromis :

Mais justement, comme formule hybride, je me demande si c’est pas gagnant d’amorcer les rencontres avec un retour sur la pratique, parce qu’il y a déjà un climat de confiance qui s’installe. Ils ont déjà commencé à parler de leurs pratiques, ils trouvent ça intéressant, on arrive au cercle pédagogique et c’est déjà installé.

R3

Des difficultés d’implantation ont émergé de l’analyse et expliquent en partie le fait que la majorité des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques n’aient pas expérimenté de cercle. Outre la complexité d’aborder les enseignant⋅e⋅s et les besoins en matière de ressources techniques et financières, elles⋅ils ont mentionné la difficulté de démarrer rapidement quand le contexte ne convient pas ou encore lorsque leur tâche est trop lourde. Elles⋅ils ont plutôt proposé de reporter l’organisation d’un cercle à l’année suivante. Cette idée est partagée par plusieurs conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, mais Catherine la formule explicitement : « J’ai la motivation pour le faire, pis c’est comme une corde de plus à mon arc. C’est juste qu’en ce moment, moi dans mes dossiers, je n’ai pas de fissure dans laquelle je pourrais m’insérer. » (R2) Par ailleurs, il semble plus important pour les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques de préserver le lien de confiance établi avec les enseignant⋅e⋅s que de proposer un dispositif à tout prix et risquer de détériorer ce lien. L’extrait suivant est très explicite à ce sujet : « Je me disais qu’après 3 échanges de courriels où je la harcèle à vouloir aller au bout... je ne voulais pas casser le lien. » (Frédéric – R6)

L’enjeu du temps a aussi été soulevé comme une difficulté d’implantation : elles⋅ils évoquent leur horaire chargé, contraignant et rigide. Ainsi, elles⋅ils se demandent comment articuler la réponse aux besoins des enseignant⋅e⋅s et l’offre d’un dispositif réflexif étendu dans le temps, dans un contexte où le temps est restreint avec ces dernier⋅ère⋅s. Pour certain⋅e⋅s conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, il n’est pas acceptable de manquer une occasion d’apprentissage pour les enseignant⋅e⋅s, vu le temps précieux passé avec elles⋅eux. Enfin, il semble qu’une majorité d’enseignant⋅e⋅s préfèrent recevoir des trucs, des activités ou des évaluations clé en main, du matériel prêt à l’emploi. Catherine ajoute que : « Ce processus réflexif là pis aller prôner les meilleures pratiques… C’est perçu comme, pas une perte de temps, mais y’a comme un irritant qu’à la limite, avec du recul je ne comprends pas, parce que c’est un réflexe qui n’a pas été développé… » (R4) Ce sentiment est aussi perçu par une majorité de conseiller⋅ère⋅s pédagogiques comme étant un obstacle à l’implantation de cercles pédagogiques.

En somme, l’analyse thématique des rencontres d’accompagnement a fait émerger, du point de vue organisationnel, des enjeux et des défis d’apprentissage pour les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, à savoir le choix de la thématique, le choix et la disponibilité d’outils vidéos ou encore le recrutement des participant⋅e⋅s dans un climat favorable. Les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont en outre partagé et envisagé des difficultés d’implantation – en particulier celle du manque de temps ou d’occasions propices –, difficultés s’avérant importantes, car seuls deux conseillers pédagogiques ont pu expérimenter un cercle pédagogique durant l’accompagnement.

5.2 Deuxième préoccupation : l’identité professionnelle de la⋅du conseiller⋅ère pédagogique

En ce qui concerne l’identité professionnelle du⋅de la conseiller⋅ère pédagogique, certaines sous-catégories ont pu être dégagées : les effets anticipés du cercle pédagogique, la situation emblématique d’accompagnement que suppose le cercle, de même que des stratégies d’animation reconnues efficaces.

D’abord, parmi les effets anticipés du cercle, ce dispositif permettrait de passer d’un accompagnement individuel à un accompagnement collectif, de pratiques privées en objets d’analyse neutres et publics en engageant la réflexion collaborative. Maryse fait ressortir le fait que le cercle serait une occasion de connaitre les pratiques réelles en classe auxquelles elle et ses collègues ont peu accès en formation, ou en accompagnement :

Mon questionnement auprès de cette équipe-là, ça serait vraiment de les amener à partager les pratiques, parce que là on parle des vidéos sur l’enseignement explicite de certaines notions de français. Ils sont supposés avoir mis en place depuis l’an dernier de l’enseignement explicite, des stratégies d’inférence, par exemple. Mais, on n’en a jamais vraiment discuté!

R3

Les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont exprimé à plusieurs reprises une ouverture plus grande pour les interactions entre les participant⋅e⋅s et ont souvent été surpris⋅es de la teneur pédagogique des échanges dans les cercles analysés :

Ce qui me frappe c’est que les enseignants ont des stratégies intéressantes. Elle dit, les élèves n’ont pas le temps de verbaliser. Je trouve ça intéressant parce que souvent on serait porté à dire qu’il faut permettre aux élèves de verbaliser. Les enseignants ont tous une intuition et une expertise qu’ils ont développées sur le terrain et ça leur permet de le nommer là, et après de l’attacher à la théorie, je trouve ça intéressant.

Marie-Andrée – R4

Elles⋅ils ont évoqué que ce partage riche permettait une reconnaissance de l’expertise professionnelle des enseignant⋅e⋅s et parfois même de révéler un potentiel insoupçonné. Marie-Andrée a été particulièrement touchée par les interventions dans un cercle de son collègue : « Ça apporte une connaissance de l’affectif, du sentiment d’efficacité personnel et professionnel des individus. C’est une lunette qui peut nous permettre d’intervenir différemment et de façon adaptée avec chacun. Je suis émue de voir le potentiel qui est là et la force du groupe. » (R7) Le cercle pédagogique a donc permis de rendre visibles les expérimentations, les forces, les cadres de référence et les pratiques des enseignante⋅s, des contributions nécessaires pour construire l’identité professionnelle de la⋅du conseiller⋅ère pédagogique en tant qu’accompagnateur⋅rice.

L’analyse des échanges au cours des rencontres de cercles pédagogiques avec les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques a aussi permis de dégager leurs représentations des situations emblématiques de l’agir compétent (Guillemette et coll., 2019). Ces situations ont été perçues comme étant linéaires : former d’abord, accompagner ensuite. Par conséquent, les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont contesté l’usage du cercle au moment de l’analyse de pratiques, sans formation préalable. Ellesils ont semblé peu à l’aise de ne pas transmettre de nouvelles connaissances. Pour elles⋅eux, il semble nécessaire de commencer par les savoirs avant de parler de la pratique, comme s’il existait un préambule théorique nécessaire au développement de la compétence des enseignant⋅e⋅s :

Dans leurs interventions, il y avait des interrogations sur ce qui se passait là. Sans tout vous raconter, mon but a quasiment failli ne pas être atteint : ils préféraient le contre-exemple à l’exemple. Donc, je me disais, comment, dans une année, si c’est juste une heure huit fois, où je place mon nouveau contenu ? Je le voyais un peu comme : je te présente du nouveau contenu, on s’en va en expérimentation, je filme un de vous ce coup-là pis on revient de fois en fois. Mais là, où je prends ce temps-là pour discuter des nouveaux sujets ?

Frédéric – R3

Sa collègue interprète la situation ainsi : « C’est qu’il faut que tu fasses un pas en arrière ; y’a des appuis théoriques qui ne sont pas là. Au niveau des connaissances, les enseignantes dont il est question ont besoin d’une base pour se sentir compétentes. » (Julie – R3) L’équilibre dans l’articulation de l’offre et de la demande dans un temps restreint doit donc être également trouvé pour offrir à la fois une formation et un accompagnement. En ce sens, le développement de l’identité professionnelle d’accompagnateur⋅rice est freiné par une certaine retenue de la part des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques.

Dans le dispositif du cercle pédagogique, la⋅le conseiller⋅ère pédagogique endosse le rôle de gardien⋅ne du discours et du climat de confiance, et non le rôle d’expert⋅e de la situation. Cependant, les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont constaté que la ligne est mince entre être en retrait pour laisser les enseignant⋅e⋅s exprimer leur expertise et occuper tout l’espace. Il faut trouver un nouvel équilibre entre les deux rôles. Catherine s’exprime directement sur ce fait :

Ce que je comprends dans le fond, c’est qu’il y a une marge entre prendre toute la place pis s’effacer complètement. Quand on parle d’attirer l’attention sur un élément, là ça nous porte à arrêter la vidéo et stimuler une discussion et d’initier quelque chose. Donc finalement, moi ça me fait dire que notre rôle est beaucoup moins passif que ce que j’avais anticipé au départ.

R7

La deuxième sous-dimension évoque le rôle de praticien⋅ne réflexifve qui s’avère nécessaire pour les enseignant⋅e⋅s tout comme pour les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques : elles⋅ils ont compris qu’il fallait délaisser la posture argumentative qui consiste à trouver des arguments rapidement pour conserver sa crédibilité devant un groupe, comme le montre l’extrait suivant : « Je sais pas si vous avez déjà été en posture du petit canard, mais moi je peux vous dire que ça m’est arrivé souvent ! C’est de trouver LA phrase, ou l’opportunité de ramener à notre objectif. » (Julie – R4) Pour les enseignant⋅e⋅s, la pratique réflexive consiste à délaisser la posture de réception lors des activités de formation : lors d’un cercle pédagogique, la⋅le conseiller⋅ère pédagogique doit remiser sa formation magistrale, relancer les questions au groupe et laisser les participant⋅e⋅s arrêter la vidéo. L’échange suivant montre que Rachid s’est préparé à questionner ; Mélanie observe : « Ce que je comprends, c’est que tu reformules : tu prends leurs idées et tu remets dans d’autres mots ce qu’ils essaient d’expliquer. » Rachid répond : « Oui, [j’avais planifié] qu’ils regardent ces 3-4 minutes-là, parce qu’il y a une idée et une intention derrière ça. Quand ce segment de vidéo-là sera fini, si ça bouge tant mieux, sinon c’est moi qui vais provoquer. » (R5)

La prise de recul nécessaire à cet agir compétent les amène à changer leur identité et leur posture professionnelle. Véronique fait le constat suivant : « C’était plus justement projeter des connaissances, pis c’est ça que les profs étaient habitués de recevoir ! Nous aussi on a un tournant, mais eux aussi ! Donc, c’est juste de bien analyser qui on a devant nous pour nous aussi ajuster notre pratique pour répondre. » (R3)

Finalement, plusieurs stratégies d’animation ont été analysées lors des différents cercles de l’année. Les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont identifié des problèmes rencontrés fréquemment au cours d’accompagnements. Que faire si aucune observation n’émerge ? Que faire si le propos des enseignants s’avère erroné ? Marie-Andrée indique que :

[…] ça exige de nous, en mode codéveloppement, de gérer notre impatience. C’est là que moi j’aurais le goût de dire qu’il faut que le groupe soit davantage porteur que nous, mais je mets un petit bémol parce qu’à un moment donné, ça se peut qu’il y ait des méprises pédagogiques où il faut arrêter.

R4

Les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont conclu qu’elles⋅ils devaient demeurer calmes et noter ce qui accroche plutôt que de prendre la parole et ainsi réendosser le rôle d’expert⋅e. En retournant les questions aux participant⋅e⋅s, Véronique estime que « ça suscite d’autres échanges, ça permet aux autres de réfléchir, faire du pouce, de donner de l’importance à ce que l’autre a dit donc ça valorise la prise de parole » (R5). Les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques se sont aussi demandé comment analyser certaines pratiques sans les juger. Comment faire rayonner et valoriser un⋅e enseignant⋅e sans discréditer les autres ? Les stratégies d’animation discutées visent à préparer des questions sous forme d’entonnoir. D’abord, planifier des questions larges (par exemple : Qu’avez-vous observé dans cet extrait ?), jusqu’à d’autres très spécifiques (par exemple : Pourquoi l’enseignant⋅e pose-t-elle⋅il tel geste ? Comment l’enseignant⋅e déploie-t-elle⋅il tel geste ? Quel en est l’impact chez les élèves ?) pour recadrer les échanges d’une éventuelle dérive ou devant un silence. Ces questions amènent les échanges à demeurer objectifs. Véronique témoigne en ce sens :

Frédéric, lui, il avait tout écouté, il s’était fait plein de notes avec par exemple « à 10 min 25 s ça pourrait être une intervention possible », donc il avait déjà réfléchi aux questions qu’il allait poser pour relancer. Je pense qu’avoir déjà ça en poche, ça fait en sorte que t’aies pas à dire « OK là j’arrête pis je pose une question, peut-être que ça va aider… ». T’as déjà tout préparé et t’as déjà pensé à des questions qui ne sont pas menaçantes, très ouvertes, qui ne prétendent pas que vous auriez dû voir quelque chose… Ce travail de préparation-là est nécessaire et peut éviter d’être menaçant dans nos questions parce qu’on y a réfléchi préalablement.

R4

Amener les enseignant⋅e⋅s à observer les effets d’une pratique chez les élèves, ainsi que débuter le cercle en explicitant clairement les consignes, et ce dans le but d’obtenir des observations neutres, ont également été considérés comme des stratégies efficaces. Enfin, les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont dégagé que les stratégies de relance, de validation, de reformulation, permettent à tou⋅te⋅s de s’exprimer efficacement au regard de l’intention, tout en préservant un climat d’échange approprié.

En résumé, du point de vue de l’identité professionnelle de la⋅du conseiller⋅ère pédagogique, l’analyse des cercles pédagogiques a permis d’identifier : 1) les effets qu’elles⋅il perçoivent d’un tel dispositif ; 2) leur posture dans la situation emblématique d’accompagnement ; 3) des stratégies d’animation à développer prioritairement.

Par ailleurs, les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques questionné⋅e⋅s sur leurs apprentissages lors de l’année d’expérimentation, qu’elles⋅ils aient ou non tenté d’animer un cercle pédagogique, ont indiqué que le dispositif leur permettait de voir comment faire, d’avoir accès à la vision des enseignant⋅e⋅s et ainsi qu’aux enjeux auxquels elles⋅ils sont confronté⋅e⋅s. Ellesils ont aussi mentionné avoir appris plusieurs stratégies d’animation et ont apprécié le fait qu’il n’existe pas de bonne ou de mauvaise pratique d’animation. Elles⋅ils disent que leur regard professionnel s’est développé et que cela leur permet d’observer en classe avec plus d’acuité : « Dans le fond, s’il y a un changement que ça m’a apporté cette année, c’est peut-être un meilleur sens d’observation. D’observer plus les détails, d’être plus attentif. » (David – R8) Elles⋅ils ont en outre indiqué que le fait d’observer l’animatrice du cercle les avait amené⋅e⋅s à favoriser le questionnement efficace et les stratégies de relance, entre autres grâce à l’intention d’écoute qui permet de mieux renvoyer la question aux participant⋅e⋅s et de soutenir les échanges sans les dominer :

Moi c’est dans mon questionnement. Je valorisais ça et je valorise encore plus les questions ouvertes. Puis de plus freiner mon élan d’aller au-devant avec la réponse [pour] favoriser l’échange. Je le faisais, mais le cercle [vécu avec mes collègues] m’a amenée encore plus loin dans le fait que ça devienne un réflexe.

Catherine – R8

En somme, elles⋅ils ont nommé elles⋅eux-mêmes le changement de posture requis qui redéfinit leur agir compétent et leur identité professionnelle, ce que nous discuterons dans les paragraphes suivants.

6. Discussion

Cette section s’intéresse à la faible mise en oeuvre d’un cercle pédagogique durant l’année d’expérimentation de même qu’aux enjeux soulevés par les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques. Enfin, un paradoxe sera relevé à la suite de cet accompagnement.

D’abord, bien que l’autonomie et la liberté d’action soient accordés aux participant⋅e⋅s d’un accompagnement (Vacher, 2017), il peut s’avérer étonnant que huit conseiller⋅ère⋅s pédagogiques sur dix, ayant pourtant demandé un accompagnement pour l’animation du cercle pédagogique, n’aient pas expérimenté ce dispositif pendant l’année de la recherche. La lourdeur de leur tâche et le manque de temps, la difficulté de recrutement ainsi que le manque d’outils vidéos ont été évoqués comme des freins à l’implantation. Il semble exister une interaction de tous les éléments organisationnels qu’il serait intéressant de faire ressortir en faisant d’autres recherches sur les dispositifs de développement professionnel des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques. De plus, elles⋅ils ont pu se rendre compte qu’elles⋅ils avaient justifié leur manque d’engagement, tout comme les enseignant⋅es le font auprès d’elles⋅eux. Cet effet miroir les a bousculé⋅e⋅s et leur a fait prendre conscience de la difficulté d’innover dans un contexte rigide, tout efficaces soient les pratiques à instaurer.

Ensuite, l’animation d’un cercle pédagogique susciterait des réflexions sur l’identité professionnelle des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques (Guillemette et coll., 2019 ; Legendre, 2005). D’une part, le choix de la thématique a amené les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques à réfléchir sur cette identité : elles⋅ils ont en effet l’habitude de proposer des formations/accompagnements selon les besoins exprimés par les enseignant⋅e⋅s. Selon la perspective des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, leur rôle est de répondre à un besoin, ce qui leur donne une certaine légitimité auprès des enseignant⋅e⋅s. Elles⋅ils ne devraient donc pas avoir à cibler de thématique elles⋅eux-mêmes et elles⋅ils ont manifesté un malaise face à cette dimension puisqu’elle redéfinit les rôles de formateur⋅rice et d’expert⋅e relevés par Duchesne (2016), mais aussi les situations emblématiques de formation et de conseil évoquées par le Référentiel de l’agir compétent en conseillance pédagogique (Guillemette et coll., 2019). D’autre part, le cercle les campe d’emblée dans le rôle d’accompagnateur⋅rice plutôt que de formateur⋅rice. Pour plusieurs conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, former semble plus facile qu’accompagner, car ce rôle les maintient dans une situation de contrôle : elles⋅ils sont porteur⋅se⋅s du discours, des contenus et des savoirs. Dans ce contexte, ellesils manifestent un grand souci d’efficacité : elles⋅ils veulent rentabiliser le temps dont elles·ils disposent avec les enseignant⋅e⋅s, elles⋅ils veulent répondre adéquatement à un besoin en analysant la situation et en y répondant rapidement, ajustant leur pratique. De ce fait, elles⋅ils créent un lien de confiance avec les enseignant⋅e⋅s basé sur leur expertise et leur rapidité à répondre à une demande. Or, la nature du dispositif redéfinit ces rôles à la fois pour la⋅le conseiller⋅ère pédagogique et pour les enseignant⋅e⋅s. Cette situation nouvelle peut déstabiliser les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, car elle offre moins de contrôle sur les situations et établit un lien plus égalitaire avec les enseignant⋅e⋅s, une relation professionnelle positive et une reconnaissance mutuelle des compétences. Ainsi, si elles⋅ils ne sont pas en charge de tous les contenus de la rencontre, elles⋅ils envisagent un impact sur leur identité professionnelle : Qui suis-je si je ne suis pas porteur⋅se de savoirs ? Au sortir d’une rencontre de réflexion et d’échanges pédagogiques, donc d’une situation emblématique d’accompagnement, au cours de laquelle elles⋅ils ont peu parlé, leur nouvelle posture nuira-t-elle au lien de confiance qu’elles⋅ils ont établi avec les enseignant⋅e⋅s ? Ce lien de confiance semble représenter une assise non négociable dans l’expérimentation d’un nouveau dispositif. Ce questionnement sur leur identité professionnelle et leur sentiment de compétence devrait donc se déplacer vers leur rôle capital dans l’animation du cercle pédagogique comme l’exprime Marie-Andrée : « Le conseiller pédagogique devient le gardien de ce qui va se dire, mais non pas le pourvoyeur, mettons. C’est dans l’accompagnement que ton rôle d’animation prend vraiment toute la place. » (R7) Bien qu’il soit difficile pour elles⋅eux de demeurer en retrait des échanges, cela permet de valoriser l’expertise des enseignant⋅e⋅s, de changer le rapport à l’expérimentation et au tâtonnement et de rendre les pratiques pédagogiques plus neutres, c’est-à-dire un objet dont on peut discuter. Ce rôle d’accompagnateur⋅rice consiste à faire émerger les pratiques et à les valider, ce qui demande tout de même un regard d’expert⋅e sur la situation. L’extrait suivant l’illustre : « Moi, ça me donne le gout d’être plus soucieuse des interactions, pas juste pour la bienveillance, mais pour avoir un impact plus grand. » (Marie-Andrée – R4)

Enfin, ces propos des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques soulèvent un paradoxe concernant une dimension de leur propre apprentissage professionnel. Ce paradoxe a surgi lors des discussions sur le recrutement des participant⋅e⋅s : le cercle pédagogique (ou toute autre forme d’accompagnement) doit, par définition, répondre à un besoin, provenir d’une liberté personnelle d’engagement et non d’une commande du centre de service scolaire ou de la direction (Vacher, 2017). Or, plusieurs conseiller⋅ère⋅s pédagogiques étaient d’avis qu’un dispositif d’accompagnement se propose mieux quand la volonté est organisationnelle pour répondre à un besoin (leadership fort, tel que proposé par Richard, 2017). Elles⋅ils semblent ainsi avoir parfois besoin d’un⋅e allié⋅e en position hiérarchique pour se sentir pleinement légitimé⋅e⋅s d’endosser le nouveau rôle d’accompagnateur⋅rice. Ceci confirme la fragilité de leur identité professionnelle dans ces situations emblématiques d’accompagnement. D’autres recherches seront nécessaires pour identifier ce qui pourrait amener les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques à assumer plus facilement cette nouvelle identité.

7. Conclusion

Les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques ont rarement fait l’objet de recherches et bénéficient de peu de formation et d’accompagnement professionnel. La recherche collaborative qui a été menée auprès d’une équipe de conseiller⋅ère⋅s pédagogiques du secondaire a décrit leurs préoccupations concernant l’implantation et l’apprentissage de l’animation d’un cercle pédagogique, au cours de rencontres mensuelles et à l’issue d’un entretien collectif. Des aspects principalement organisationnels ont retenu leur attention, mais également des dimensions liées à leur identité professionnelle. Elles⋅ils ont dû apprendre à développer leur rôle d’accompagnateur⋅rice et à délaisser leurs rôles de formateur⋅rice et d’expert⋅e pour permettre aux enseignant⋅e⋅s de faire preuve d’expertise lors des analyses.

Comme toute recherche, cette étude comporte des limites, entre autres associées à la petitesse de l’échantillon. Néanmoins, comme très peu de recherches s’intéressent au développement professionnel des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques, celle-ci demeure une pierre portée à l’édifice. Même si tou⋅te⋅s les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques n’ont pas expérimenté un cercle pédagogique lors de l’année d’accompagnement, elles⋅ils se sont reconnu⋅e⋅s dans l’animation du cercle auquel elles⋅ils participaient et dans les exemples de pratiques partagés par leurs collègues. Elles⋅ils ont pu ainsi se projeter dans ces situations professionnelles et affiner leur capacité à observer des situations pédagogiques et à questionner les enseignant⋅e⋅s. Il serait pertinent de poursuivre les recherches sur l’apprentissage des conseiller⋅ère⋅s pédagogiques en considérant leur charge de travail et leur identité professionnelle d’accompagnateur⋅rice.