Recensions

Bougeard-Delfosse, C., Boyer, V., Damak, L., Ertus, P., Gourlay, F., Maheo, C. et Marinos, C. (dir.). (2020). Territoires fabriqués/territoires instrumentalisés : entre considération et négation de la complexité territoriale. Presses universitaires de Rennes[Record]

  • Gabriel Viens

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  • Gabriel Viens
    Université de Montréal

Le territoire n’est pas un objet figé, du moins pas aux yeux des différents contributeurs de cet ouvrage. Il est plutôt dynamique, construit et modelé par une variété d’acteurs, dont les intérêts sont parfois communs et complémentaires, mais surtout divergents. La démonstration en est faite tout au long des 19 chapitres, regroupés en cinq parties. Dans la première, on s’interroge sur les représentations imaginaires et symboliques des individus qui fréquentent les territoires, ces derniers étant vus comme des vecteurs du développement d’une culture, d’une identité et d’un sentiment d’appartenance. Dans la seconde partie, on explore les divergences et convergences d’intérêts entre les acteurs qui agissent sur le territoire. La table est ainsi mise pour la section suivante, qui présente les territoires à travers le prisme des conflits. Selon les auteurs, les confrontations et les résistances qui traversent l’action sur les territoires sont la preuve de leur caractère fabriqué. Ce sont les conflits qui permettent aux territoires de devenir des lieux de vie, d’action et de pensée. La quatrième partie de l’ouvrage met de côté la dimension conflictuelle et présente, au contraire, des situations où les différents acteurs se sont concertés pour valoriser un territoire, notamment au moyen de stratégies marketing visant à améliorer sa visibilité, sa notoriété ou encore son attractivité. Finalement, la cinquième section défend l’idée que le territoire est une construction sociale. L’ouvrage dépeint le territoire à la fois comme un outil et comme l’objet de l’action. Après cette lecture, plus personne ne concevra le territoire comme un espace inanimé, puisque les auteurs s’appliquent à montrer la capacité qu’ont les humains d’influencer et de modeler les territoires. Tous les chapitres sont autant de situations concrètes où les individus et les groupes ont fabriqué et instrumentalisé un territoire. Il est vrai que l’introduction peut paraitre courte aux yeux des lecteurs en quête de définitions conceptuelles et de débats théoriques. Or justement, il ne s’agit pas d’un ouvrage théorique, et c’est ce qui fait sa force : il propose des exemples actuels et ancrés dans la réalité. Il est difficile de trouver un défaut à cet ouvrage, tant il est pertinent, non seulement pour la communauté scientifique, mais aussi pour les acteurs sociaux, communautaires et politiques qui agissent sur les territoires. Bien que ce ne soit pas un ouvrage de vulgarisation, les concepts plus complexes sont bien définis et le langage demeure accessible. Le fait que les thèmes soient variés et que les exemples proviennent de plusieurs horizons (l’économie, la politique, la toponymie, l’identité, le tourisme, l’environnement) est certes ce qui rend l’ouvrage si riche, même si le fil conducteur est parfois difficile à trouver. Mais assurément, ce qui unit tous les chapitres, c’est cette idée que les territoires sont ce que les acteurs veulent qu’ils deviennent. Bref, un ouvrage accessible, qui réussit à nous convaincre que le territoire est un concept plus complexe qu’il n’y parait.