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Dans cet ouvrage sur les lieux de savoir, l’auteur, professeur de philosophie retraité de l’Université de Montréal, tente de cerner les composantes physiques des campus universitaires et collégiaux, surtout nord-américains, pour engager une réflexion sur le rôle de ces composantes dans l’acquisition et le développement du savoir. Nous entrons ainsi au coeur de ces campus par l’entremise du regard averti de l’auteur pour y découvrir des richesses culturelles qui nous sont très souvent inconnues. L’objectif principal de l’auteur est de caractériser les campus dans leur état actuel en faisant ressortir leur diversité à partir d’une approche comparatiste. D’ailleurs, c’est en s’appuyant sur cette approche qu’il nous est possible d’entrevoir « l’étonnante complexité » des quelque 300 institutions auxquelles se réfère l’auteur.

L’ouvrage est divisé en cinq chapitres qui permettent au lecteur de suivre la démarche intellectuelle de l’auteur. Dans le chapitre premier, l’auteur expose les définitions associées aux concepts de campus, d’université et de collège pour y départager les missions respectives et pour décrire leur identité propre. La vision idéaliste du campus, comme lieu stimulant l’activité intellectuelle, prend le dessus sur l’accessibilité au financement et les écarts de richesse qui se dévoilent dans les exemples choisis. Notre représentation des campus nord-américains ne peut effacer cette féroce concurrence entre les milieux postsecondaires. Enfin, cela n’empêche pas l’auteur de nuancer ses analyses pour préciser la nature des différences entre les infrastructures d’une université ou d’un collège à l’autre. S’il est impossible de brosser un tableau de l’ensemble des institutions universitaires et collégiales en Amérique du Nord, l’auteur choisit habilement de les classer selon les schèmes de base dans leur aménagement de l’espace et les composantes architecturales qu’ils encadrent.

Cette façon de procéder contribue, dans le deuxième chapitre, à situer ces différents lieux de savoir dans leur plan schématique. Le plan sert alors d’outil pour dégager des différences et similitudes qui se rapportent à l’aménagement d’un campus par les planificateurs ou les autorités responsables. À ce moment, la comparaison des différents plans met en lumière la variété des solutions choisies pour coordonner les multiples fonctions de ces lieux de savoir et de vie. En contrepartie, si le plan facilite la lisibilité d’un campus, il ne permet pas de mesurer l’influence de la disposition des bâtiments sur l’acquisition et le développement du savoir chez les usagers. Du moins, l’auteur n’aborde pas cet aspect.

Dans les trois chapitres suivants, l’auteur nous engage à ses côtés sur un parcours intellectuel dans lequel prennent vie les caractéristiques architecturales et les fonctions des immeubles (chapelles, bibliothèques, centre étudiant, laboratoires, musées, hôpitaux, résidences, centres sportifs) et des oeuvres d’art publics. À l’instar de Pierre Grimal (2004) dans son Voyage à Rome, nous avons l’impression d’arpenter des espaces qui laissent très peu de place au hasard. Cependant, nous sortons de cette promenade en nous interrogeant sur l’impact de ces lieux de savoir sur l’enseignement et l’apprentissage.

Nous sommes d’avis que l’approche comparative facilite l’examen des nombreuses composantes de ces lieux conçus pour stimuler l’activité intellectuelle des usagers. Mais cette approche fait aussi naitre des questions d’ordre pédagogique. En effet, il est difficile d’entrevoir comment ces différents édifices et oeuvres d’art peuvent influencer l’enseignement, l’apprentissage et la pédagogie sur les campus étudiés. L’auteur met plutôt l’accent sur les décisions prises par les gestionnaires pour offrir des lieux de rencontre et d’échange entre les usagers. Or, ce constat ne nous empêche pas d’apprécier l’examen de ces lieux (aménagements, immeubles et oeuvres publics) puisqu’il est possible de les comparer avec ceux que nous côtoyons sur les campus universitaires québécois. Ce rôle de marcheur « urbain » offre une perspective différente des lieux, et ce, même s’il s’avère parfois difficile de visualiser les nombreux éléments qui composent les campus examinés dans cet ouvrage.

Néanmoins, l’auteur a eu la bonne idée, à la toute fin de l’introduction, de fournir une adresse Internet permettant de consulter une centaine d’illustrations supplémentaires à celles qui se trouvent déjà dans l’ouvrage. En contrepartie, il nous semble plus ou moins naturel de sortir du texte pour satisfaire notre curiosité intellectuelle et visuelle sans altérer la fluidité de la démonstration par la preuve. Enfin, l’idée est fort louable, mais son usage en temps réel d’une lecture continue nous apparaît peu réaliste.

En somme, cet ouvrage a le mérite de déplacer le centre d’attention de la personne qui arpente un campus universitaire ou collégial. La mise en perspective des lieux de savoir offre des clés de lecture pour interroger et construire des hypothèses sur les décisions que prennent les responsables de l’aménagement d’un espace, qu’il soit universitaire, collégial, urbain ou touristique. Il reste maintenant à explorer le rôle de ces lieux sur les pratiques enseignantes et le développement des savoirs.