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1. Introduction

Dans la perspective de la réussite éducative, la visée de l’atteinte du plein potentiel de chaque élève incite la mobilisation de l’ensemble de ses partenaires (Feyfant, 2014). L’implication parentale, étant reconnue pour avoir un impact sur la réussite dès le début du primaire (Jeynes, 2015 ; Périer, 2019), est encouragée, notamment dans le contexte des devoirs (Camacho et Alves, 2017 ; Deslandes et Cloutier, 2005 ; Dumont, Trautwein, Lüdtke, Neumann, Niggli et Schnyder, 2012 ; Katz, Kaplan et Buzukashvily, 2011). L’accompagnement des devoirs par le parent se traduit par ses interactions avec son enfant lors des tâches d’apprentissage données par la personne enseignante que l’élève doit accomplir en dehors des heures de classe (Bardou, Oubrayrie-Roussel, Safont-Mottay, Lescarret, Deslandes et Rousseau, 2012 ; Cooper, 2001).

Les parents d’un enfant d’âge primaire s’engageraient davantage lorsque leur enfant rencontre des difficultés scolaires (Tazouti et Jarlégan, 2010) ou comportementales (Hoglund, Jones, Brown et Aber, 2015). Quant à la période de l’adolescence, l’implication parentale serait plus grande lorsque l’élève réussit bien à l’école (Bardou et coll., 2012). L’implication parentale dans le contexte des devoirs peut avoir des effets mitigés (Cooper, Lindsay et Nye, 2000 ; Hoglund et coll., 2015 ; Patall, Cooper et Robinson, 2008). Notamment, Dumont et ses collègues (2012) suggèrent que les résultats scolaires sont associés positivement à la perception qu’a l’enfant du soutien parental et de la compétence de son parent à l’aider, et négativement aux conflits en rapport avec les devoirs et à l’intrusion, soit une participation du parent non désirée par le jeune.

Plus spécifiquement chez les parents plus scolarisés, des formes à la fois positives d’implication parentale, comme la capacité d’accompagner leur enfant dans sa scolarité tout en ne se limitant pas seulement aux activités scolaires (Tazouti et Jarlégan, 2010), et négatives, comme l’intrusion (Dumont et coll., 2012), ont été relevées. Dans les milieux caractérisés par un faible revenu familial, les parents s’impliqueraient davantage lorsque leur enfant montre des comportements agressifs ou de faibles compétences scolaires (Hoglund et coll., 2015). Les parents moins scolarisés (Wingard et Forsberg, 2009) ainsi que ceux ayant immigré (Dumont et coll., 2012) rencontreraient, pour leur part, plus de difficultés à offrir une aide efficace dans le contexte des devoirs. Il ressort ainsi que l’implication parentale est moindre et perçue plus négativement par les jeunes issu⋅e⋅s de familles moins favorisées (Dumont et coll., 2012 ; Hoglund et coll., 2015). En revanche, il semble que le contexte social, comme les interactions entre l’enfant et son parent, et des variables parentales, comme le sentiment de compétence, prédisent plus efficacement l’implication parentale que les variables sociodémographiques familiales (Dumont et coll., 2012 ; Green, Walker, Hoover-Dempsey et Sandler, 2007 ; Hoover-Dempsey et Sandler, 1997).

Dans le but de favoriser la réussite éducative, il apparait ainsi pertinent de se pencher sur l’implication des parents dans l’accompagnement des devoirs. Cette étude propose donc de répondre à la question suivante : Quels sont les facteurs sociaux et personnels susceptibles d’influencer la qualité de l’implication parentale dans l’accompagnement des devoirs ?

2. Contexte théorique

Le modèle du processus d’implication parentale d’Hoover-Dempsey et Sandler (1997, 2005) illustre ce qui justifie l’implication du parent dans la scolarité de son enfant, en portant un regard sur le contexte social et les variables personnelles du parent. Ce modèle suggère que la décision du parent de s’impliquer se base sur trois construits : 1) les croyances motivationnelles ; 2) la perception d’être invité⋅e à s’impliquer par l’équipe-école, la personne enseignante ou le⋅la jeune ; 3) la perception du contexte de vie. Pour ce dernier, par exemple, ceux qui perçoivent manquer de temps et d’énergie s’impliquent moins (Yotyodying et Wild, 2014). Pour revenir aux croyances motivationnelles, Hoover-Dempsey et Sandler (2005) y incluent la construction du rôle parental et le sentiment d’efficacité personnelle. La première renvoie aux attentes et aux croyances qu’il a de son rôle en ce qui concerne la scolarité de son enfant. Quant à la deuxième, elle porte sur sa perception de sa capacité à l’aider à réussir. Selon Bardou et coll. (2012), les parents s’impliquent davantage lors des devoirs s’ils croient que cette implication fait partie de leur responsabilité, qu’ils possèdent les ressources nécessaires et que leurs interventions feront une différence.

2.1 Le sentiment de compétence parentale

De manière générale, le sentiment de compétence parentale est défini à partir de deux dimensions : le sentiment d’efficacité et le sentiment de satisfaction (Johnston et Mash, 1989 ; Mash et Johnston, 1983). Le sentiment d’efficacité reflète la perception du degré d’aptitude et d’habileté à résoudre des problèmes liés au rôle parental, alors que le sentiment de satisfaction correspond à la dimension affective du rôle de parent. Celui-ci inclut le degré de frustration, d’anxiété et de motivation des parents dans leur rôle d’éducateur·rice·s.

Dans le contexte scolaire, le sentiment de compétence parentale correspond aux croyances qu’a le parent en ses capacités à exercer une influence positive sur les apprentissages et les résultats scolaires de son enfant (Hoover-Dempsey, Bassler et Brissie, 1992 ; Poncelet, Dierendonck, Kerger et Mancuso, 2014). Il se limite ainsi davantage à la dimension du sentiment d’efficacité décrite précédemment. Les parents ayant un sentiment de compétence parentale plus élevé dans l’accompagnement des devoirs perçoivent avoir les connaissances et habiletés pour intervenir efficacement, notent une plus grande fréquence des invitations générales en provenance de l’école et ressentent cet investissement dans le cursus scolaire de leur enfant comme étant moins énergivore et moins chronophage (Poncelet et coll., 2014). Ainsi, comparativement aux parents ayant un sentiment de compétence parentale plus faible, ils s’impliquent davantage dans la scolarité de leur enfant (Deslandes et Bertrand, 2004, 2005 ; Hoover-Dempsey et Sandler, 1997 ; Tazouti et Jarlégan, 2010), mettent en oeuvre des pratiques éducatives stimulantes et renforçatrices favorables au sentiment de compétence de l’enfant lui-même (Bouffard et Bordeleau, 2002) et agissent plus efficacement en soutien à ses besoins (Katz et coll., 2011).

La théorie d’autoefficacité de Bandura (1986, 2003) suggère que le sentiment de compétence se traduit par la croyance qu’a un individu quant à ses capacités d’organiser et de réaliser des actions pour accomplir une tâche avec succès. Au-delà de sa compétence réelle, cette perception est liée à la régulation de ses comportements pour l’accomplissement de la tâche, motive ses efforts et favorise sa persévérance. Un parent dont le sentiment d’efficacité personnelle est fragile vivrait une plus grande difficulté à assumer son rôle parental, à diversifier ses stratégies éducatives et à prédire les résultats de ses actions (Bandura, 2003). Le sentiment de compétence peut être influencé par divers facteurs contextuels. Les contraintes de l’environnement, comme les sources de stress ou le manque de ressources, peuvent agir sur les croyances d’efficacité personnelle (Razurel, Desmet et Sellenet, 2011).

Dans le même sens, le modèle de Belsky (1984) propose que les caractéristiques du parent, chez qui le bienêtre psychologique apparait central, et le contexte social, notamment influencé par les sources de stress et le soutien disponible, constituent les deux principaux déterminants de la qualité du fonctionnement parental qui, dans une perspective écologique, doivent être considérés. Ainsi, dans le but de soutenir la réussite de l’élève, notamment à l’aide de l’implication parentale, il apparait pertinent de s’intéresser à l’influence du bienêtre psychologique des parents, ainsi qu’à celle des sources de stress et de soutien, sur le sentiment de compétence parentale.

2.2 Le bienêtre psychologique et les sources de stress

Le sentiment de compétence parentale, tout comme le sentiment d’autoefficacité, serait lié au bienêtre psychologique du parent (Barahmand, Piri et Khazaee, 2015 ; Razurel et coll., 2011). Les parents rapportant un niveau de stress plus élevé montrent un sentiment de compétence parentale plus faible (Geikina et Martinsone, 2015). Le sentiment de compétence, incluant la confiance en ses capacités, détermine largement la façon dont les sources de stress issues de l’environnement sont évaluées. Si elles sont perçues comme un défi, le sentiment de compétence devient une ressource pour faire face au stress. En revanche, lorsque le stress surpasse le sentiment de compétence, les parents perçoivent moins d’efficacité dans leur rôle parental (Geikina et Martinsone, 2015).

Dans certaines familles, les devoirs représentent une source de stress pour le parent. C’est le cas notamment des familles non traditionnelles, peu scolarisées ou dont l’enfant rencontre des difficultés scolaires (Balli, Wedman et Demo, 1997 ; Hoover-Dempsey et Sandler, 1995, 2005). Les parents d’élèves ayant des difficultés scolaires ainsi que ceux moins scolarisés ont l’impression d’être moins outillés pour accompagner efficacement leur enfant dans le contexte des devoirs (Deslandes, Rousseau, Rousseau, Descôteaux et Hardy, 2008).

Dans la situation plus particulière des jeunes ayant un trouble spécifique de l’apprentissage, un stress parental peut être causé par l’attention et le soutien plus continuels demandés (Barahmand et coll., 2015). Dans ce contexte, Barahmand et coll. (2015) suggèrent que l’obtention de résultats scolaires plus faibles par l’élève permet de prédire un stress maternel plus élevé ainsi qu’un sentiment d’efficacité parentale plus faible.

Quant aux élèves manifestant des comportements perturbateurs, le sentiment de compétence parentale serait également moins élevé (Latham, Mark et Oliver, 2018), et plus spécifiquement du côté de la mère lorsque l’enfant manifeste une plus grande impulsivité (Barahmand et coll., 2015). De plus, les mères rapportent rencontrer des difficultés à faire face au stress lorsque leur enfant montre une grande impulsivité tout en maintenant des résultats scolaires moyens, alors qu’elles se sentent plutôt submergées par le stress lorsqu’elle·il rencontre des difficultés scolaires en plus de difficultés comportementales (Barahmand et coll., 2015).

Les parents sains physiquement et mentalement et dont le sentiment de compétence parentale est élevé seraient mieux préparés à soutenir leur enfant face aux difficultés rencontrées (Dekovic, Asscher, Hermanns, Reitz, Prinzie et van den Akker, 2010 ; Finzi-Dottan, Triwitz et Golubchik, 2011). Le stress lié à la précarité financière (Kettani et Zaouche-Gaudron, 2012), au contexte migratoire (Poncelet et coll., 2014), à la fatigue (Studts, Pilar, Jacobs et Fitzgerald, 2019), aux problèmes de santé mentale ainsi qu’aux conflits conjugaux affecte le sentiment de compétence parentale (Chau et Giallo, 2015 ; Giallo, Treyvaud, Cooklin et Wade, 2013).

Les parents de milieux défavorisés seraient ainsi plus à risque de rapporter un sentiment de compétence plus faible considérant leur plus grande exposition à de multiples facteurs de stress, comme un taux de criminalité et de violence plus élevé, en plus du manque de ressources, formelles ou informelles, pour les soutenir dans leur rôle parental (Ben-Arieh, 2010 ; Coulton, Korbin et Su, 1999 ; Freisthler, Gruenewald, Ring et LaScala, 2008).

Considérant les sources de stress auxquelles elle peut faire face, cette population se situe à un niveau élevé de détresse psychologique, se traduisant par un ensemble d’émotions négatives (Camirand, Traorée et Baulne, 2016). Bien que plusieurs études se soient penchées sur diverses sources de stress et le bienêtre psychologique du parent au regard de son sentiment de compétence parentale, son niveau de détresse psychologique n’a pas été abordé dans ces études. En revanche, il pourrait fournir des indicateurs pertinents à considérer afin de cibler efficacement les parents à soutenir dans l’accompagnement des devoirs.

Enfin, bien que la communauté d’appartenance de la famille puisse représenter une source de stress, elle peut également représenter une source de soutien pour les parents.

2.3 Le soutien de la communauté

La communauté du quartier dans lequel la famille réside est liée au sentiment de compétence parentale (Davidson Arad, McLeigh et Katz, 2020). Selon Weiss (1973), le soutien social joue un rôle essentiel pour le bienêtre émotionnel et l’adaptation humaine.

Une étude réalisée en Israël auprès d’une communauté juive rapporte que la perception qu’ont les parents de l’efficacité collective, définie par un sentiment partagé d’efficacité conjointe au sein d’un groupe (Bandura, 2003), est liée à leur sentiment de compétence, notamment leur sentiment d’efficacité parentale (Davidson Arad et coll., 2020). Elle serait perçue plus élevée par les membres féminins de la communauté ; par ceux rapportant un niveau socioéconomique plus élevé et ceux engagés dans le bénévolat ; par les familles plus nombreuses ainsi que par les personnes plus pratiquantes (Davidson Arad et coll., 2020). Il est possible que les mères, comparativement aux pères, fassent plus de bénévolat, ce qui serait lié à un plus grand nombre d’interactions avec les membres de la communauté, expliquant cette perception d’une efficacité collective plus élevée (Price-Wolf, 2015). Du côté des membres de familles plus nombreuses, le plus grand nombre d’enfants pourrait amener les parents à entrer en relation avec plus de membres et services de la communauté (Davidson Arad et coll., 2020). Quant aux personnes pratiquant une religion, leur affiliation à la communauté religieuse les amène à interagir quotidiennement et à partager les mêmes valeurs que les autres membres de ce groupe.

La relation entre l’efficacité collective et le sentiment de compétence serait directe et indirecte. Le fait qu’il perçoive une efficacité collective plus élevée permettrait au parent de se sentir plus habile à résoudre des problèmes (Davidson Arad et coll., 2020). Le parent peut évaluer son habileté à influencer le comportement et le développement de son enfant plus positivement s’il partage les mêmes valeurs que les gens de son entourage, si les actions sont orientées vers ces mêmes valeurs et qu’une aide est disponible au besoin (Davidson Arad et coll., 2020 ; Latham et coll., 2018). Ainsi, le parent croira davantage en son habileté à prendre soin de son enfant s’il sait que son entourage renforcera ses pratiques parentales.

Les quelques études s’étant intéressées aux interactions entre les membres d’un quartier et le sentiment de compétence parentale ne s’entendent pas sur le rôle du soutien social face au stress parental et au sentiment de compétence des parents. Certaines ne reconnaissent aucun lien entre ces variables (Katkic, Morovic et Kovacic, 2017), alors que d’autres soutiennent que le soutien social pourrait contribuer à la diminution du stress parental, mais qu’il n’aurait pas d’effet à l’égard du sentiment de compétence parentale (Geikina et Martinsone, 2015). Enfin, d’autres soulignent un lien entre le soutien social et le sentiment de compétence du parent (Coert, Adebiyi, Rich et Roman, 2021 ; Razurel et coll., 2011), notamment en ce qui concerne la disponibilité et l’adéquation de ce soutien (Razurel et coll., 2011).

La perception qu’a un individu de ses affinités avec un groupe auquel il s’identifie renvoie au sentiment d’appartenance qu’il développe face à cette communauté (Breton, 1994). Ces affinités peuvent être liées aux caractéristiques personnelles, aux conditions sociales ou aux traits culturels. Ainsi, au-delà du soutien social, il apparait pertinent de se pencher sur le lien entre le sentiment d’appartenance à la communauté et le sentiment de compétence parentale.

Dans l’objectif de soutenir l’implication parentale dans la réussite éducative de leur enfant, une plus grande connaissance des facteurs liés au sentiment de compétence parentale dans l’accompagnement des devoirs permettrait de cibler les ressources de soutien à mettre en place. L’objectif général de cet article est donc d’explorer si le niveau de détresse psychologique et le sentiment d’appartenance à la communauté sont liés au sentiment de compétence parentale dans l’accompagnement des devoirs. Une première hypothèse est qu’un parent se situant à un niveau élevé de détresse psychologique a un sentiment de compétence plus faible. La deuxième hypothèse est que ce sentiment de compétence est plus élevé chez les parents ayant un plus grand sentiment d’appartenance à leur communauté.

3. Méthode

Pour répondre à l’objectif, notre analyse repose sur un devis de recherche quantitatif, transversal et corrélationnel exploratoire qui profite de l’important échantillon du sondage populationnel mené dans le cadre de l’Enquête de santé populationnelle estrienne de 2018. Des analyses multivariées de type logit permettent de vérifier les hypothèses formulées en tenant compte de plusieurs variables confondantes.

3.1 Personnes participantes et procédure

La population cible de l’Enquête de santé populationnelle estrienne est constituée de l’ensemble de la population adulte (18 ans et plus) résidant dans la région de l’Estrie, dans le sud du Québec, à l’exception des personnes vivant en institution. Les 10 650 répondant⋅e⋅s composant l’échantillon, stratifié pour refléter la composition des neuf territoires des réseaux locaux de services de santé et services sociaux en Estrie, ont été joint⋅e⋅s par téléphone entre les mois de juin et novembre 2018. Parmi elles⋅eux, 2 015 sont parents d’au moins un·e enfant âgé⋅e entre 6 et 17 ans fréquentant un établissement scolaire au moment de l’enquête. Un total de 1 903 de ces parents ont fourni des réponses à l’ensemble des items utilisés pour la présente analyse.

La collecte s’est déroulée en français et en anglais. Les questionnaires ont été remplis lors d’un entretien téléphonique (d’une durée moyenne de 35 minutes) ou en ligne lorsque les personnes échantillonnées en exprimaient le souhait après avoir été jointes par téléphone. La marge d’erreur estimée pour l’ensemble de l’Estrie est de 0,83 %.

3.2 Mesures

Le but premier de l’Enquête de santé populationnelle estrienne est de mieux connaitre la composition de la population, ses caractéristiques et ses facteurs de risque. Le questionnaire est composé d’une section de base (composition du ménage, données sociodémographiques, etc.) et de plusieurs sections sur les habitudes de vie, ainsi que sur la santé physique et psychologique. Lors de l’élaboration du questionnaire d’enquête, notre équipe a été invitée à soumettre quelques questions sur l’éducation, considérant qu’il s’agit d’une dimension importante dans l’appréciation de la santé d’une population. Puisque les variables à l’étude dans la présente recherche ne renvoient pas au principal objectif de cette enquête, certaines variables n’ont été mesurées qu’à l’aide d’un item.

3.3 Variable dépendante

Le sentiment de compétence parentale dans l’accompagnement des devoirs est mesuré à l’aide d’une échelle de Likert en quatre points (totalement en désaccord à totalement d’accord). L’item est ainsi libellé : « Je me sens compétent pour aider mon enfant âgé de 6 à 17 ans à faire ses devoirs et ses travaux scolaires. »

3.4 Variables indépendantes principales

Deux variables explicatives principales ont été retenues pour les analyses. La détresse psychologique est mesurée à l’aide de l’Échelle de détresse psychologique de Kessler en six items (K6) mesurés sur une échelle de Likert à 5 points (0 = Jamais ; 4 = Tout le temps ; score maximum de 24) (Kessler, Barker, Colpe, Epstein, Gfroerer, Hiripi, Howes, Normand, Manderscheid, Walters et Zaslavsky, 2003). Comme les points de rupture utilisés pour définir les niveaux de détresse modéré et élevé diffèrent passablement d’une étude à l’autre, qu’ils semblent aussi varier en fonction de la population étudiée (Kessler, Green, Gruber, Sampson, Bromet, Cuitan, Furukawa, Gureje, Hinkov, Hu, Lara, Lee, Mneimneh, Myer, Oakley‐Browne, Posada‐Villa, Sagar, Viana et Zaslavsky, 2010), et que notre objectif n’est pas d’établir un diagnostic, notre analyse a utilisé le score brut à l’échelle (minimum 0, maximum 24).

Le sentiment d’appartenance à la communauté est mesuré à l’aide d’une échelle de Likert en quatre points (très faible à très fort) libellée ainsi : « Comment décririez-vous votre sentiment d’appartenance à votre communauté locale ? » Cette question est tirée de l’Enquête sociale générale sur l’identité sociale de Statistique Canada. Lors des entretiens, les intervieweur⋅se⋅s pouvaient, au besoin, préciser la question en ajoutant : « Il est question ici du sentiment d’attachement que vous éprouvez envers les gens et le quartier dans lequel vous vivez. » Cette précision était aussi présente sous la question dans la version en ligne du questionnaire.

3.5 Variables confondantes

Quatre variables considérées comme des variables confondantes dans les analyses – l’âge en mesure continue, le sexe (homme ou femme), le statut d’immigration (né⋅e au Canada ou hors Canada) et le plus haut niveau de scolarité complété par le ou la répondant⋅e – ont été mesurées directement par des questions de l’enquête. Le plus haut niveau de scolarité complété, mesuré en cinq catégories dans l’enquête, a été regroupé en trois catégories (diplôme secondaire ou moins ; postsecondaire non universitaire ; diplôme universitaire) pour la présente étude. En l’absence de données portant sur l’âge des enfants, l’âge du parent a été introduit afin d’être interprété comme approximation de l’âge et du cycle d’études des enfants. Quant au sexe du parent, cette variable a été intégrée puisqu’elle a été peu considérée dans les études portant sur le sentiment de compétence parentale dans l’accompagnement des devoirs alors que son association avec la réussite scolaire et les rapports à la scolarisation est bien connue. Enfin, le statut d’immigration et le niveau de scolarité ont été introduits puisqu’ils seraient liés, selon les études recensées, au sentiment de compétence parentale.

3.6 Analyses

Toutes les analyses ont été réalisées grâce aux procédures pour échantillons complexes du logiciel SPSS 25.0 (IBM Corp. Released 2017. IBM SPSS Statistics for Windows. Armonk, NY : IBM Corp.), sauf les statistiques d’ajustement liées à la vraisemblance (-2 LL) des modèles logistiques, qui ont été obtenues grâce au logiciel SAS v9.4 (SAS Institute Inc., Cary, NC, USA). Une variable de pondération est fournie afin d’équilibrer les caractéristiques liées à l’âge, au sexe et au lieu de résidence de l’échantillon stratifié par rapport à la population. Cette variable de pondération est utilisée à toutes les étapes d’analyse.

Les variables catégorielles sont présentées à l’aide de pourcentages pondérés alors que les variables continues sont décrites par des moyennes et erreurs standards tenant compte de la pondération. Deux régressions logistiques multivariées ont été réalisées pour modéliser le fait d’avoir répondu « totalement d’accord » plutôt que « d’accord », « plutôt en désaccord » ou « totalement en désaccord » à l’énoncé sur le sentiment de compétence face aux devoirs et travaux scolaires. Nous nous sommes assurés que trois postulats étaient respectés : 1) observations indépendantes ; 2) absence de colinéarité entre les variables explicatives du modèle ; 3) lien linéaire entre le logit (ln(pi/(1-pi)) où pi est la probabilité que la⋅le répondant⋅e i se sente totalement compétent⋅e pour aider son enfant dans ses devoirs) et les variables explicatives continues. L’indépendance des observations est assurée par la nature du devis de collecte des données. L’absence de colinéarité a été vérifiée par l’estimation du facteur d’inflation de variance pour chacune des variables explicatives du modèle. Comme tous les facteurs d’inflation de variance sont très près de 1 (1,019 à 1,100), on peut conclure à l’absence de problème de multicolinéarité. Le postulat de linéarité du logit en fonction des variables âge et score de Kessler a été vérifié par le test de Box-Tidwell. Aucune valeur aberrante n’a été repérée. La majorité des variables sont catégoriques et ne présentent pas de valeurs hors des catégories prévues. Du côté des variables continues, le score de Kessler varie entre 0 à 24 comme attendu et les valeurs d’âge observées dans l’échantillon sont toutes plausibles. Un premier modèle logistique est estimé en tenant seulement compte des variables confondantes, puis un second est bâti en ajoutant les deux variables indépendantes principales au premier. Un modèle incluant l’interaction entre le score de Kessler et le sentiment d’appartenance à la communauté a été testé, mais il s’est avéré non significatif (= 0,076) et n’est pas présenté. Les valeurs p inférieures à 0,05 sont considérées comme étant statistiquement significatives.

3.7 Considérations éthiques

L’Enquête de santé populationnelle estrienne a été financée par la Direction de santé publique de l’Estrie et menée sous la direction de Dre Mélissa Généreux et d’une équipe de cochercheur⋅se⋅s incluant deux auteur⋅e⋅s du présent article. La participation à l’enquête était libre, volontaire et confidentielle. Seul⋅e⋅s la chercheuse principale et les professionnel⋅le⋅s directement associé⋅e⋅s à la collecte ont eu accès aux données nominatives, et l’analyse présentée dans cet article s’est faite à partir d’une base de données dénominalisée. Le projet de recherche a été approuvé par le Comité d’éthique de la recherche du Centre intégré universitaire de santé et services sociaux de l’Estrie – Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CIUSSS de l’Estrie – CHUS).

4. Résultats

Le tableau 1 présente les caractéristiques de l’échantillon sur l’ensemble des variables mobilisées dans l’analyse. On constate que les parents d’enfants scolarisé⋅e⋅s de l’échantillon de l’Enquête de santé populationnelle estrienne ont un âge moyen de 40,8 ans (erreur standard = 0,24) et sont représentés à 49,4 % par des pères. Leur scolarité est majoritairement de niveau postsecondaire : 44,0 % des parents participants possèdent un diplôme postsecondaire non universitaire et 38,2 %, un diplôme universitaire. Au Québec, le diplôme postsecondaire non universitaire inclut la formation professionnelle et la formation générale ou technique de niveau collégial ; elle équivaut aux niveaux 3C, 4A, 4C et 5B de la Classification internationale type de l’éducation. On note par ailleurs que les parents ont un (41,0 %), deux (38,9 %), trois (16,3 %) ou quatre (3,8 %) enfants de 6 à17 ans fréquentant un établissement scolaire au moment de l’enquête et que 91,9 % des parents participants sont nés au Canada. Quant au sentiment d’appartenance à la communauté, il se révèle plutôtfaible ou très faible pour 45,3 % des parents – dont 9,4 % le rapportent très faible –, alors qu’il est plutôt fort ou très fort pour 54,7 % de l’échantillon – dont 10,6 % l’estiment très fort. Un score moyen de 4,90 (erreur standard = 0,11) a été obtenu sur l’Échelle de détresse psychologique de Kessler. Enfin, 51,5 % des parents interrogés déclarent se sentir compétents pour aider leur enfant à faire ses devoirs et travaux scolaires.

Tableau 1

Caractéristiques des parents d’enfants de 6 à 17 ans fréquentant un établissement scolaire (n = 1 903)

Caractéristiques des parents d’enfants de 6 à 17 ans fréquentant un établissement scolaire (n = 1 903)

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Le tableau 2 présente les deux modèles logistiques visant à prédire le sentiment de compétence parentale dans l’accompagnement des devoirs. Le Modèle 1, qui introduit uniquement les variables confondantes, fait ressortir l’influence significative de l’âge, du sexe et du niveau de scolarité sur ce sentiment de compétence. On note une augmentation significative du Pseudo R2 de Nagelkerke (240,7240 (df = 9) p < 0,001) en passant du Modèle 1 au Modèle 2. On peut en conclure que l’ajout des deux variables indépendantes principales aux variables confondantes constitue une amélioration significative, bien que modeste, de 12,1 % à 14,3 % de la variance totale expliquée. Dans le premier bloc de ce second modèle, on note que, toutes choses égales par ailleurs, la propension à se sentir très compétent diminue avec l’âge du répondant (p < 0,001) et qu’elle est passablement plus élevée chez les hommes que chez les femmes (OR = 1,71, p < 0,001). Les parents diplômés universitaires sont aussi plus de trois fois plus enclins à se sentir très compétents que les diplômés du secondaire ou moins (OR = 3,58, p < 0,001). Le second bloc du modèle indique que, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de la détresse psychologique du parent est associée à une diminution du sentiment de compétence parentale de l’ordre d’environ 5 % pour chaque point sur l’échelle de Kessler (OR = 0,95, = 0,003). Inversement, les parents qui ont un très fort sentiment d’appartenance à la communauté sont plus de deux fois plus susceptibles que ceux dont ce sentiment est très faible d’avoir un sentiment de compétence parentale très élevé (OR = 2,14, = 0,007) dans l’accompagnement des devoirs. Les différences associées aux modalités intermédiaires de cette variable (plutôt faible et plutôt fort) ne sont toutefois pas significatives.

Tableau 2

Régression logistique binomiale, variables prédisant une réponse « totalement d’accord » à l’énoncé « Je me sens compétent pour aider mon enfant âgé⋅e de 6 à 17 ans à faire ses devoirs et ses travaux scolaires. » (n = 1903)

Régression logistique binomiale, variables prédisant une réponse « totalement d’accord » à l’énoncé « Je me sens compétent pour aider mon enfant âgé⋅e de 6 à 17 ans à faire ses devoirs et ses travaux scolaires. » (n = 1903)

* Les modalités de référence sont indiquées entre crochets.

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5. Discussion

Cette étude appuie l’idée que la détresse psychologique du parent ainsi que son sentiment d’appartenance à la communauté sont liés au sentiment de compétence parentale dans l’accompagnement des devoirs. Les résultats indiquent également que le sexe, l’âge ainsi que le niveau de scolarité des parents sont associés au sentiment de compétence parentale pour accompagner leur enfant dans la réalisation des devoirs.

Comparativement aux mères, les pères se sentiraient plus souvent très compétents pour accompagner la⋅le jeune dans ses devoirs. Ce résultat va à l’encontre de ce qui avait été obtenu par Tazouti et Jarlégan (2016). Cette différence peut s’expliquer par la méthode utilisée afin de mesurer le sentiment de compétence parentale, puisqu’il n’a été mesuré qu’avec un item dans le cadre de la présente étude. Il est également possible que d’autres facteurs soient à considérer afin de mieux comprendre les influences qui pourraient expliquer ces résultats contradictoires, tels que le rôle parental des pères et des mères pour l’accompagnement des devoirs ainsi que les caractéristiques du contexte familial, et de nuancer les résultats obtenus.

Les résultats de notre étude indiquent qu’il est plus probable que les parents moins âgés se sentent plus souvent très compétents pour accompagner leur enfant dans leurs devoirs que les parents plus âgés. Ce qui nous semble être un constat original. Considérant que les personnes participantes retenues peuvent être parents d’enfants âgé⋅e⋅s de 6 à 17 ans, il est probable que les plus jeunes parents de l’échantillon aient davantage à intervenir auprès d’enfants d’âge primaire alors que ceux des parents plus âgés soient en plus grande proportion à l’école secondaire. Dans un tel cas, le niveau de complexité des savoirs mobilisés dans la réalisation des devoirs pourrait expliquer le résultat obtenu : les parents pourraient se sentir moins compétents pour l’accompagnement des devoirs lorsque ceux-ci nécessitent la maitrise de notions plus complexes.

Dans le même sens, il est probable que les parents ayant un diplôme universitaire soient plus à l’aise quant aux contenus d’apprentissage de leur enfant pouvant ainsi expliquer leur plus grande propension à se sentir très compétents pour l’accompagner dans ses devoirs que les parents ayant un diplôme d’études secondaires ou moins. Dumont et coll. (2012) ont d’ailleurs montré que les jeunes perçoivent également une compétence plus faible chez leurs parents lorsque ceux-ci ont un niveau d’étude moins élevé. Les parents n’ayant pas réalisé d’études postsecondaires pourraient se sentir davantage dépassés au regard des contenus abordés et limités quant à l’aide qu’ils peuvent donner, remettant ainsi en question leur sentiment quant à leur capacité à faire une différence dans les apprentissages de leur enfant. Ce résultat souligne la pertinence d’être sensible au vécu scolaire et à l’aisance des parents en ce qui concerne les notions puisque leur historique scolaire peut être vécu comme un fardeau personnel (Poncelet et coll., 2014). Dans de tels cas, une attention particulière devrait être portée à renforcer les perceptions de ces parents quant à leur capacité à accompagner leur enfant en ciblant, au besoin, les ressources d’aide et en les communiquant aux parents afin qu’ils puissent bénéficier du soutien offert pour l’accompagnement des devoirs.

Quant aux variables d’intérêt de cette étude, le sentiment de compétence parentale apparait plus faible chez les parents ressentant se situer à un niveau plus élevé de détresse psychologique, confirmant ainsi notre première hypothèse de recherche. Ce résultat corrobore ceux obtenus par Geikina et Martinsone (2015) quant à l’effet du niveau de stress ressenti sur le sentiment de compétence du parent. Ainsi, la présence de diverses sources de stress affectant le bienêtre psychologique du parent apparait comme un déterminant de la qualité du fonctionnement parental (Belsky, 1984), se traduisant par une moins grande confiance en ses capacités (Chau et Giallo, 2015 ; Geikina et Martisone, 2015 ; Giallo et coll., 2013 ; Studts et coll., 2019).

Dans l’optique de favoriser la réussite éducative des élèves, considérant que les difficultés d’apprentissage ainsi que la baisse du rendement scolaire sont deux facteurs de stress rencontrés par les parents (Barahmand et coll., 2015 ; Corno, 2000), il apparait pertinent de mettre en place des ressources visant à les soutenir en ce qui concerne l’aide qu’ils peuvent apporter aux jeunes. Puisque des parents peuvent se sentir limités dans l’aide qu’ils peuvent apporter à leur enfant lorsque celle⋅celui-ci rencontre des difficultés (Deslandes et coll., 2008), l’offre d’ateliers ou de capsules informatives portant sur des stratégies d’apprentissage fréquemment liées aux difficultés des élèves pourrait permettre aux parents de développer des stratégies d’accompagnement optimales favorisant ainsi leur sentiment de compétence parentale pour l’accompagnement des devoirs (Epstein, 2019) et, donc, la probabilité qu’ils s’impliquent dans la scolarité de leur jeune malgré la présence de difficultés d’apprentissage.

Dans cette optique, la communauté peut représenter un soutien disponible pour les parents (Davidson Arad et coll., 2020 ; Razurel et coll., 2011), leur offrant la possibilité d’échanger et d’obtenir des conseils pour soutenir les apprentissages de leur jeune. Nos résultats confirment aussi notre seconde hypothèse de recherche en montrant une plus forte propension à se sentir très compétents dans l’accompagnement des devoirs de leur enfant chez les parents rapportant un très fort sentiment d’appartenance à leur communauté, contrairement à ceux pour qui ce sentiment est très faible. Il est possible qu’un très fort sentiment d’appartenance à la communauté soit développé à partir d’une fréquence et d’une qualité des interactions au sein de la communauté, dans le respect de leurs valeurs, permettant possiblement aux parents de discuter, de questionner et de partager des conseils sur les difficultés rencontrées et les stratégies pouvant être mises en place pour soutenir l’apprentissage (Davidson Arad et coll., 2020). Ces parents ont aussi potentiellement une meilleure connaissance des ressources disponibles pour les soutenir au regard de l’accompagnement de leur jeune (Davidson Arad et coll., 2020 ; Latham et coll., 2018). Les parents ayant à leur portée un plus grand éventail de connaissances et de stratégies pour accompagner leur enfant peuvent donc s’adapter plus facilement à la situation et aux difficultés rencontrées par celle⋅celui-ci, leur permettant ainsi de mieux répondre à ses besoins spécifiques.

Le fait que seul un sentiment d’appartenance très fort à la communauté permette de prédire un sentiment de compétence parentale significativement plus élevé, en opposition à un sentiment d’appartenance très faible, renforce l’intérêt de provoquer des occasions d’interactions sociales visant à favoriser ce sentiment d’appartenance au sein d’une communauté locale. Ainsi, la mise en oeuvre de communautés de parents où ceux-ci peuvent interagir et échanger sur leurs réalités, les difficultés rencontrées par la⋅le jeune ainsi que les stratégies mises en place représente un intérêt certain afin de soutenir les parents dans l’accompagnement des devoirs de leur enfant en leur permettant de développer leurs stratégies d’accompagnement tout en renforçant leur sentiment d’appartenance à la communauté.

En revanche, Poncelet et coll. (2014) suggèrent d’aller au-delà des simples échanges afin de renforcer le sentiment de compétence des parents en leur fournissant des outils concrets pour qu’ils puissent mieux identifier leur rôle dans la réussite de leur enfant. Dans le but d’approfondir et d’enrichir ces échanges entre parents, des personnes issues du milieu de l’éducation pourraient participer à ces rencontres afin de conseiller et guider les participant⋅e⋅s quant aux stratégies pouvant être mises en place pour soutenir les apprentissages de la⋅du jeune : idées d’activités d’apprentissage informelles, apprentissages attendus au niveau scolaire de l’élève, possibilités de réinvestir les apprentissages au quotidien, mise en place de méthodes de travail efficaces, soutien face aux difficultés d’apprentissage, etc. Au sens du modèle de Belsky (1984), notamment pour les parents se situant à un niveau élevé de détresse psychologique, un tel soutien social pourrait représenter un apport considérable afin de contribuer à leur sentiment de compétence, soulignant la pertinence de les inviter spécifiquement à participer à ces rencontres dans le but de favoriser leur implication auprès de leur enfant et d’ainsi soutenir sa réussite éducative.

6. Conclusion

Notre étude souligne que le sentiment de compétence parentale pour l’accompagnement des devoirs est lié à la détresse psychologique du parent ainsi qu’à son sentiment d’appartenance à la communauté. Afin de favoriser l’implication parentale pour promouvoir la réussite éducative, le soutien social que le parent perçoit de la communauté représente ainsi un facteur non négligeable, notamment pour les parents se situant à un niveau élevé de détresse psychologique et ressentant un faible sentiment de compétence. La mise en oeuvre d’un lieu d’échanges entre parents, avec l’appui de personnes issues du milieu de l’éducation, pourrait ainsi contribuer au sentiment de compétence parentale quant au soutien qu’ils peuvent offrir au quotidien à leur enfant dans ses apprentissages. Ce lieu d’échanges pourrait ainsi favoriser leur sentiment d’appartenance à la communauté en créant des occasions d’interactions sociales et en favorisant le sentiment de compétence parentale par la découverte de pratiques et de stratégies parentales pour accompagner leur jeune.

Considérant que les parents s’impliquent moins lorsqu’ils font face à plus de facteurs de stress, il serait pertinent de s’attarder à la forme que pourraient prendre ces lieux d’échanges ainsi qu’aux moyens de communiquer l’invitation aux parents. Il importe également que ces lieux s’inscrivent dans des conditions permettant aux parents d’avoir le temps et l’énergie pour y participer.

Malgré son intérêt associé à un important échantillon et sa représentation populationnelle, cette analyse comporte certaines limites. Considérant que les données utilisées sont issues de l’Enquête de santé populationnelle estrienne, il est à noter que le sentiment de compétence parentale ainsi que le sentiment d’appartenance à la communauté ont été mesurés à l’aide d’un seul item, une méthode susceptible de ne pas rendre de manière optimale toutes les nuances du construit. Cette limite pourrait expliquer la faible amélioration de la variance expliquée par l’introduction de ces deux items dans le modèle qui ne capterait pas toute l’étendue de ces deux concepts. L’utilisation d’échelles reconnues fidèles et valides dans une prochaine étude serait susceptible d’améliorer la capacité d’explication et de mener à une compréhension plus nuancée des liens entre le sentiment d’appartenance à la communauté et le sentiment de compétence parentale.

Le sentiment de compétence des parents est mesuré en référence à l’ensemble de leurs enfants de 6 à 17 ans, et non vis-à-vis du soutien à un enfant en particulier. Il ne s’agit pas d’une limite directe étant donné que l’analyse porte sur l’influence du sentiment d’appartenance à la communauté et de la détresse psychologique sur le sentiment de compétence parentale, et non sur ce sentiment et la relation avec l’enfant ou ses caractéristiques. Il se pourrait toutefois que certains parents, notamment les moins scolarisés, se sentent moins compétents à soutenir leur jeune à la fin des études secondaires (15-17 ans) qu’en début de scolarisation.

Une troisième limite renvoie à l’absence d’une mesure liée à l’adaptation de l’élève, comme son rendement scolaire, considérant que le sentiment de compétence parentale ainsi que la détresse psychologique peuvent être influencés par les difficultés rencontrées par l’élève. Il serait ainsi intéressant, dans une prochaine étude, de considérer l’influence du sentiment d’appartenance à la communauté sur le sentiment de compétence parentale dans une diversité de contextes, notamment ceux où la⋅le jeune rencontre des difficultés d’apprentissage ou comportementales.

Il apparait également pertinent de porter un regard sur les formes que peuvent prendre les interactions au sein de la communauté et leur contribution respective sur le sentiment de compétence parentale, l’implication du parent ainsi que la réussite de l’élève.

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Sandy Nadeau
Professeure, Université de Sherbrooke

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Sylvain Bourdon
Professeur, Université de Sherbrooke

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Anne Lessard
Professeure, Université de Sherbrooke