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1. Introduction

L’intégration d’une période de mobilité transnationale au sein d’un dispositif de formation répond à des logiques stratégiques dont l’une des visées est de générer des voies de professionnalisation ouvertes à la singularité des contextes d’apprentissage et à la pluralité des cultures professionnelles associées à l’exercice d’un métier. Cette forme d’internationalisation des formations requiert d’interroger différentes dimensions de l’ingénierie (Ardouin, 2010) : la pédagogie, la formation et la certification. La recherche présentée dans cet article s’intéresse particulièrement aux ingénieries de la formation et de la certification. Elle porte sur les manières de catégoriser les compétences acquises dans des situations marquées par l’interculturalité, puisque la diversité des apprentissages réalisés est conséquente à l’immersion des élèves dans des milieux de vie leur étant étrangers (Jullien, 2012). Du point de vue de l’ingénierie de formation, cette diversité, résultant des influences écologiques, pratiques et sociales conditionnant les cultures professionnelles du milieu, est considérée comme une ressource.

Les ingénieurs de formation ayant contribué à cette recherche à dimension européenne[1], tous employés des Centres de formation des apprentis en France (CFA), ont d’abord identifié les apprentissages, puis catégorisé les compétences développées par les apprentis engagés dans une période de mobilité transnationale dans le but de les reconnaitre, voire de les intégrer dans des procédures de validation, et ce, en prenant acte des cadres de certification des pays d’accueil et d’envoi. Pour y parvenir, ces professionnels ont dû concevoir des instruments de formalisation des compétences compatibles avec les référentiels prescrits par leurs certificateurs de tutelle, ou par ceux du pays d’accueil des élèves mobilisés. Ce sont ces procédés de classification et de catégorisation, situés à l’interface, voire en marge des référentiels de certification, qui font l’objet de l’étude présentée dans ce texte. Cette dernière est conduite en deux temps : 1) l’identification des apprentissages constitués par les apprentis lors de leur expérience de la mobilité ; 2) l’édification d’un cadre permettant de classifier les savoirs et de formaliser les compétences, en vue d’une procédure de validation.

2. Compétences et ingénieries dans l’Europe de la formation : une question politique

La construction de l’Europe de la formation (Bapst et Caspar, 2011 ; Bouder et Kirsch, 2007) s’organise depuis le traité de Rome de 1957 à partir d’une politique de convergence des systèmes de certification des États membres. C’est dans ce cadre que les processus du Système européen de transfert et d’accumulation de crédits (European Credit Transfer System – ECTS[2]) et du Système européen de crédits d’apprentissage pour l’enseignement et la formation professionnels (European Credit System for Vocational Education and TrainingECVET[3]) ont été mis en oeuvre. Ceux-ci ont favorisé l’émergence de dispositifs de reconnaissance des certifications au sein de l’espace de l’Union européenne. Ces politiques ont permis l’élaboration d’un cadre commun pour les certifications relevant de l’enseignement supérieur. En ce qui concerne les nombreuses autres certifications, le principe de l’expérimentation, proposé dans le cadre du processus ECVET, a été encouragé (Breton, 2016a, 2016b). Cela a conduit à de nombreuses expérimentations, chaque fois locales, initiées par des consortiums regroupant des centres de formation disséminés dans différents États de l’Union européenne. Ces expérimentations avaient pour objectifs la structuration d’ingénieries comprenant des périodes de mobilité transnationale, prévues comme certifiantes, afin d’y penser des dispositifs d’évaluation rendant compte des compétences acquises, sur place, par les apprentis et d’ainsi permettre la validation d’unités d’enseignement.

Du point de vue des ingénieries de formation, ce qui est vécu lors des mobilités par les étudiants, stagiaires de la formation continue ou apprentis, comporte dans une proportion variable des dimensions conformes au programme de formation et d’autres qui s’en éloignent, voire qui n’entretiennent tout simplement aucune proximité avec les contenus de la formation et les compétences décrites dans les référentiels de la certification. Différentes stratégies peuvent permettre de normaliser cette situation qui peut effrayer les ingénieurs de formation soucieux du respect du programme et souhaitant de ce fait encadrer les situations d’apprentissage afin que celles-ci soient l’occasion d’acquérir les compétences visées par le référentiel de certification. L’une d’entre elles consiste à préparer en amont la mobilité, en structurant des accords de partenariat avec des centres de formation à l’étranger. Ces accords de partenariat peuvent comporter, en annexe des contrats pédagogiques dans lesquels sont spécifiées les activités des stagiaires ou apprentis durant la mobilité, des classes de situation qui permettront l’acquisition des compétences visées. Des exemples concrets de ces pratiques sont présentés dans la seconde partie de cet article, dans le cadre de l’enquête conduite auprès des ingénieurs de formation impliqués dans des parcours de mobilité certifiante ECVET.

Les mobilités incluses dans les dispositifs de formation certifiants génèrent donc des compétences qui adviennent sans qu’elles soient explicitement visées dans le cadre des cursus et programmes. De manière paradoxale, ces compétences sont acquises par surcroit au regard du cadre des référentiels. Du point de vue du strict exercice d’un métier, elles peuvent paraitre lointaines, mais elles semblent toutefois contribuer de manière essentielle aux dynamiques de professionnalisation et à la constitution de la professionnalité (Wittorski, 2008). La problématique alors posée aux ingénieurs de formation concerne la place à donner, dans l’après-coup, soit lors de la période du retour, à ces compétences, constituées en marge, mais tout de même acquises par les apprentis. Une seconde dimension problématique, cette fois dans le champ de la recherche, peut être identifiée : l’inexistence de procédés de catégorisation permettant de formaliser ces compétences acquises en mobilité et d’envisager ainsi leurs modes d’existence dans les pratiques d’éducation et de formation.

3. Catégoriser et référencer les compétences au cours de la mobilité en formation par alternance

Penser l’interculturalité dans les pratiques d’éducation et de formation suppose d’interroger les théories sous-jacentes à cette notion. Certaines de ces théories peuvent référer aux courants culturalistes qui conçoivent l’existence de cultures pensées comme des entités stables, marquées de traits typiques et génériques qui persistent dans le temps et se trouvent partagés par l’ensemble des membres d’un groupe. Ces théories, notamment représentées par Hall (2014), ont été critiquées du fait des procédés typifiants sur lesquels elles sont fondées. Cette critique a notamment été documentée par Pretceille (2017) qui, en lui substituant la notion de culturalité, a inscrit l’éducation interculturelle au sein d’un paradigme fondé sur le singulier et les processus d’historicité.

Dans le cadre de la recherche présentée dans ce texte, il est possible de différencier deux dimensions non antagoniques de l’expérience interculturelle. La première est centrée sur les contenus de l’expérience, soit ce qui se donne à vivre dans les situations concrètes de l’ailleurs : rencontre avec de nouvelles pratiques ; des manières de communiquer inédites ; des modes d’interaction non familiers ; des modes de vie dont la structure apparait dans un premier temps étrange, etc. Selon cette perspective, le périmètre du vécu des apprentis au cours de la mobilité est augmenté. La complexité de la situation vécue durant la mobilité génère, chez ces derniers, un élargissement des horizons de perception et d’attente, lequel est provoqué par la découverte de pratiques professionnelles se donnant sur le mode de l’inédit, de la surprise, voire de l’étrange. Un second niveau de débordement, cette fois d’ordre processuel, est aussi observé. Il est provoqué par la masse du donné éprouvé lors de la mobilité, du fait de l’expérience de l’éloignement, du dépaysement, de l’immersion et de la désorientation plus ou moins massive qui en résulte. Face à ces phénomènes, l’apprenti doit apprendre à se maintenir accueillant à l’inattendu, disponible et attentif aux détails (Laplantine, 2003), et ce, dans des situations non familières ayant pour caractéristiques de déroger aux habitudes, d’interroger les allants de soi, de fragiliser les formes d’évidence qui régissent le monde de la vie (Schütz, 1943/1987).

Il apparait donc que le vécu d’interculturalité des apprentis est caractérisable à partir de l’irruption de données expérientielles marquées par l’étrange et l’inédit. Certaines de ces données réfèrent à la sphère du professionnel et des situations de travail, d’autres sont davantage transversales et référent aux modes d’existence. En d’autres termes, l’élargissement du périmètre du métier et l’irruption de nouvelles pratiques générés par la variation des contextes d’exercice, comporte une dimension formatrice. À ce premier processus dit d’élargissement doit en être ajouté un second qui, lui, ne réfère pas à la sphère de la formation du professionnel, mais plutôt à celle du sujet. Cette distinction entre la sphère du sujet et celle de la vie professionnelle comporte une dimension en partie artificielle. Elle permet cependant de différencier ce qui relève des compétences professionnelles, caractérisables en tant qu’unités d’un référentiel, de ce qui relève de la sphère du sujet, se concrétisant en tant que mode d’existence dans des situations professionnelles ou de voyage.

Ces éléments sont de nature à rendre problématiques les logiques conduisant à formaliser, dans les référentiels, les compétences en fonction d’un périmètre métier défini de manière stricte et potentiellement ethnocentré. C’est précisément ce périmètre qui pose problème dans le cadre des ingénieries de formation intégrant une période de mobilité certifiante. Ce problème peut être formalisé de la manière suivante : il existe une codépendance entre le périmètre de l’expérience prise en compte, les processus de formation générés et le périmètre des référentiels d’activités et de compétences. Dans le cadre des dispositifs de formation intégrant une période de mobilité transnationale, le travail de formation s’étend à la totalité des sphères du vécu, professionnelle ou non. L’expérience de la mobilité est donc marquée par différentes formes d’immersion (Fernandez, 2002) qui relèvent des domaines professionnel, éducatif et existentiel. C’est cette immersion qui génère l’effet de contraste avec le vécu de quotidienneté (Bégout, 2007) et qui participe au pouvoir de formation des expériences de mobilité au sein des dispositifs de formation à visée certifiante. Les apprentissages qui en résultent restent cependant difficiles à formaliser, à reconnaitre et à valider. La construction d’instruments rendant possibles ces opérations suppose d’examiner le périmètre des référentiels d’activités, de compétences et de certification (Chauvigné, 2010). Ce travail d’examen conduit à interroger les logiques catégoriales (Quéré, 1994) qui déterminent les types de compétences venant fonder ces référentiels : compétences métiers (Morel, 2012) ; compétences transversales (Duru-Bellat, 2015) et compétences associées aux processus d’autoformation (Tremblay, 2003).

4. Enquête sur les procédés de classification des compétences liées aux expériences de mobilité à partir de récits de pratiques

Dans le cadre d’un appel à projets porté par l’Agence Erasmus +, un dispositif de recherche-action-formation (Pineau, 2006 ; Monceau, 2013) a mobilisé huit responsables de formation. Ceux-ci se sont impliqués dans la structuration de dispositifs expérimentaux comprenant une période de mobilité à visée certifiante dans des centres de formation des apprentis. Ce projet de recherche intitulé Eure-K avait, entre autres, pour objectif de caractériser les apprentissages qui se constituent au cours des périodes de mobilité en formation et d’identifier les outils permettant de formaliser ces acquis.

L’implication des responsables de formation dans la recherche-action s’est traduite par une démarche collective d’expression et d’examen des pratiques d’ingénierie visant à formaliser des cadres et des catégories permettant de classifier les compétences acquises par les apprentis en cours de mobilité. Chacun de ces professionnels s’est impliqué dans cet appel à projets, afin de contribuer à l’évolution des dispositifs de validation des compétences acquises par des apprentis au cours de mobilités transnationales. La recherche-action comprenait trois ateliers collectifs, respectivement programmés avant, pendant et à la suite des périodes de mobilité vécues par les apprentis. Les échanges durant ces séances, d’environ deux heures chacune, ont été enregistrés afin que les propos puissent être transcrits, ce qui a permis de constituer un verbatim de 65 000 mots environ. Durant ces trois séances, chaque responsable de formation a décrit de manière détaillée ses stratégies, ses logiques et ses points de vigilance, afin qu’une mise en commun des manières de caractériser les compétences puisse avoir lieu. Les données collectées ne résultent donc pas d’entretiens conduits auprès des apprentis, mais relèvent du récit des professionnels qui les ont accompagnés. Des entretiens ont eu lieu avec les apprentis afin qu’ils puissent caractériser, avec leurs mots et leur cadre, les compétences acquises durant la période de mobilité. La transcription de ces entretiens conduits auprès des apprentis aurait permis de disposer de données complémentaires pour cette. Cependant, cette modalité de recueil n’a pas pu être intégrée au protocole.

5. Méthodologie, sujets et instrumentation

La recherche-action a donc mobilisé huit ingénieurs de formation dans le cadre d’expérimentation visant la mise en oeuvre de mobilité en parcours de formation marquée par l’alternance (Geay, 1998). Ces ingénieurs (sept femmes et un homme) disposaient d’une expérience confirmée dans l’ingénierie de la formation et la gestion des programmes de mobilité Erasmus, ainsi que d’une ancienneté de plus de dix années dans les fonctions d’ingénierie de formation. Leur implication dans la recherche-action s’appuyait sur une volonté de transformer les systèmes de certification afin de les rendre compatibles avec des cursus de formation incluant des expériences marquées par les vécus d’interculturalité. Pour la recherche et la collecte de données, trois réunions de travail ont été programmées à l’Université de Tours, ces sessions étant organisées en trois temps : prises de parole individuelles et successives, sous la forme d’un retour d’expérience, pour la présentation des mobilités dont chaque ingénieur avait la responsabilité dans le cadre de cette recherche (temps 1) ; mise en commun des procédés et pratiques visant la thématisation et la catégorisation des compétences acquises en situation de mobilité (temps 2) ; opérationnalisation et co-construction de dispositifs et d’outils (temps 3).

Le dispositif de recueil de données peut être décrit de la manière suivante :

  • 2016 : conception des ingénieries de formation incluant des périodes de mobilités certifiantes dans les CFA participant à la recherche-action ;

  • 2017 : première phase de collecte de données afin de nommer et d’identifier les savoirs et compétences acquis en situation d’interculturalité, lors de la mobilité ;

  • 2018 : seconde et troisième phase de recueil de données, dans le cadre d’entretiens collectifs enregistrés – la seconde phase portant sur l’édification d’un système catégorial et la troisième sur les stratégies permettant l’inclusion de ces catégories au sein des référentiels et cadres de certification.

Comme cela a été dit, les entretiens collectifs ont été enregistrés lors de trois séances successives entre le début de l’année 2017 et la fin de l’année 2018. Chacune des sessions a duré trois heures environ. Les verbatims (volume de 65 000 mots environ) ont été transcrits et remis aux participants. L’analyse des données a donc été conduite à partir de la lecture partagée des verbatims, de la caractérisation des procédés singuliers à chacune des actions de formation décrites et de la thématisation des dimensions communes à chacun des dispositifs. Pour cet article, parmi l’ensemble des éléments recueillis, seules les données portant sur les stratégies de validation et sur la caractérisation des apprentissages et compétences résultant du vécu de l’ailleurs ont été extraites.

6. Déroulement et méthode d’analyse des données

La caractérisation des apprentissages et compétences en situation d’interculturalité procède de différentes logiques qu’il est possible de différencier selon qu’elles relèvent du contenu du vécu d’immersion ou des processus de formation expérientielle (Pineau, 1991) générés par le contact avec ces contenus. Les formes de catégorisation exposées ci-dessous résultent donc du travail d’analyse et de thématisation réalisé par le collectif de recherche, à partir des données narratives (Breton, 2022a) résultant de la mise en récit de chacune des expérimentations. À l’issue de la recherche, un document-cadre a été structuré, celui-ci permettant d’identifier, de nommer et de classer les compétences acquises par les apprentis durant leur mobilité, celles-ci résultant d’une double interculturalité : professionnelle, du fait de l’intégration de manières d’exercer les métiers se donnant sur le mode de l’inédit lors de l’immersion dans les contextes professionnels locaux ; existentielle, du fait de la découverte de la pluralité des modes d’existence associée au vécu de l’ailleurs.

7. Catégorisation des savoirs et compétences acquis lors des périodes de mobilité à l’international

Concernant les données relevant du vécu en mobilité des apprentis et des compétences en résultant, différentes dimensions ont été identifiées selon qu’elles relevaient de sphères associées à l’exercice du métier dans des collectifs de travail ou dans des situations vécues en centre de formation. Ces éléments sont présentés via différents extraits de verbatims ; chacun de ces extraits a permis de formaliser un premier palier de thématisation, en vue de la construction d’un cadre de référence permettant de classifier les compétences.

7.1 Mobilité à l’international et compétences métier

Les métiers s’incarnent dans des actes, des pratiques, des conceptions, des manières d’exercer qui, selon les pays, se déploient selon des dynamiques singulières. La mobilité conduit à découvrir la diversité des manières de vivre et d’incarner le métier. Cette diversité peut se manifester à l’échelle des relations interindividuelles, pédagogique ou institutionnelle.

7.1.1 Comprendre la diversité des cultures associées au métier

Ce premier thème réfère à la capacité de l’apprenti de comprendre de manière plurielle le métier pour lequel il se forme, en prenant en compte la singularité des contextes locaux découverts lors de la mobilité.

Mais il y a quand même un moment donné… l’expérience fait qu’on ne travaille pas de la même façon avec des interlocuteurs hongrois que finlandais, qu’il y a des approches culturelles quand même qui doivent être prises en compte aussi bien, du coup, quand on est, comme c’était leur cas au centre de formation, donc en apprentissage, donc la posture à avoir par rapport à ses camarades de classe, à l’enseignant ou au formateur qui dispensait, et puis la posture en entreprise qui doit être adaptée en fonction du contexte interculturel.

Ingénieure 1, Compagnons du Devoir, mobilité en Finlande

Cette diversité des manières d’exercer est ensuite précisée dans un autre extrait à l’échelle des pratiques, situées cette fois dans le domaine de la cuisine, dans le cadre d’une mobilité certifiante en Hongrie.

7.1.2 Appréhender la diversité des pratiques associées aux métiers

Ce thème, proche du précédent, porte sur la capacité de l’apprenti à appréhender la diversité des pratiques pouvant être associées au métier, en les situant au regard des coutumes et modes d’existence locaux.

On a vu avec les chefs d’entreprise ce que les jeunes allaient apprendre en entreprise au niveau des techniques, mais des techniques complètement différentes de la France. Alors c’est plutôt… on va plutôt tourner autour des produits des terroirs et des recettes. Je donne un exemple. En France, on fait de moins en moins de consommés et de potages. Voilà. Ce n’est plus dans l’air du temps, alors qu’en Hongrie, ils sont des professionnels du potage, de la soupe, des consommés.

Ingénieure 2, CFA de Vendée, mobilité en Hongrie

7.1.3 Apprendre au contact de nouvelles matières

L’apprentissage de techniques, du fait du travail avec des matières non utilisées en France, est un autre aspect favorisant le développement de compétences inédites, résultant de facteurs d’ordre écologique.

Par rapport donc à cette préparation à la mention complémentaire, les compétences acquises qui ne leur permettent… ne leur ont pas permis certainement directement de viser la mention complémentaire mais qui, en tout cas, leur ont permis… est un plus dans la pratique de leur métier, on en a déjà parlé… le fait de faire des brioches, etc., enfin… travailler sur aussi tout un tas de recettes de cakes […]. Par exemple, ils me disaient qu’ils utilisaient beaucoup de confitures parce que beaucoup de desserts sont faits à base de confiture, beaucoup aussi de crème pâtissière ou chantilly.

Ingénieure 1, Compagnons du Devoir, mobilité en Finlande

Ce qui est désigné dans le troisième extrait, ce sont les pratiques rendues nécessaires par les matières travaillées pour la fabrication et la production, la place de ces matières dans les recettes – leur distribution étant dépendante des habitudes, des gouts –, mais également, puisque les trois extraits proviennent des métiers de bouche, de la géographie et de l’histoire de l’alimentation du lieu ayant contribué à former les métiers et les pratiques auxquels se forment les apprentis.

7.2 Mobilité à l’international et compétences transversales

Les compétences qui ont été caractérisées dans la section précédente relèvent de l’acquisition d’un contenu : découverte de nouvelles conceptions pour penser le métier ; appropriation de pratiques et de techniques nouvelles ; connaissance acquise de nouvelles recettes ; manières inédites d’utiliser des ingrédients, etc. Une seconde classe de processus, qui concerne l’acquisition de capacités, peut être également identifiée, elle comprend notamment la capacité linguistique (savoir s’exprimer dans une langue étrangère) ; la capacité de communication (savoir communiquer dans des milieux interculturels) et la capacité d’action (savoir agir au sein de collectifs non familiers). Ces compétences relèvent essentiellement de l’« inter » : interaction, interlocution, interprétation, etc. Il s’agit d’exercer des facultés d’évolution dans un « espace d’entre » (Jullien, 2012).

Que ce soit en Hongrie ou en Finlande, la mobilité suppose une préparation linguistique avant le départ et une implication active au cours de la mobilité afin de communiquer dans une langue étrangère.

7.2.1 Savoir s’exprimer dans une ou plusieurs langues étrangères

Les compétences désignées ici sont langagières. Selon le niveau d’immersion dans les contextes locaux, l’acquisition de cette capacité de s’exprimer dans une langue autre que celle du pays de naissance apparait maximisée.

[…] La partie théorique où, là encore, ça a pu être, et d’une part, travaillé dans le cadre des périodes de formation en centre de formation, également sur leur temps de travail personnel, les compétences linguistiques qui sont omniprésentes puisque, encore une fois… en plus, ils étaient vraiment les deux seuls Français, donc ils devaient obligatoirement communiquer a minima en anglais et, sur les derniers mois, ils ont été plus en capacité de communiquer en finnois, en tout cas sur les échanges très basiques.

Ingénieure 1, Compagnons du Devoir, mobilité en Finlande

Le développement des compétences langagières semble ensuite permettre le développement, chez les apprentis, de capacités d’agir et d’interagir, lors de la mobilité, avec différents types de collectifs : collectifs de travail, groupes de pairs en mobilité provenant d’autres pays, tuteurs et maitres d’apprentissage rencontrés sur place.

7.2.2 Savoir interpréter les situations de travail en contexte d’interculturalité

Cette capacité d’interagir avec des collectifs se traduit par l’intégration de nouvelles manières d’agir ensemble et de coopérer dans les situations de travail concrètes.

Le rythme de travail… parce que, encore une fois, je n’ai pas pu échanger outre mesure avec eux ces dernières semaines, mais en tout cas, lors des derniers échanges, ce qui ressortait, c’était vraiment la façon de travailler… comparativement à la France et puis, en plus, la pâtisserie est quand même un environnement aussi qui est très exigeant professionnellement.

Ingénieure 1, Compagnons du Devoir, mobilité en Finlande

Une autre capacité décrite par les responsables de formation est celle de savoir s’informer, s’ajuster et comprendre les règles de fonctionnement des collectifs de travail (Clot, 2006) en situation d’interculturalité. Cette capacité d’interagir avec des collectifs se traduit par l’intégration de nouvelles manières d’agir ensemble et de coopérer dans les situations de travail concrètes.

Alors, après, il y a… Là, je vois « attitude et comportement professionnels ». Bon, après, c’est « observer, s’informer, questionner, montrer son engagement, sa motivation, garder la maitrise de soi ». C’est plus des compétences d’ordre, oui, personnel : « faire preuve de ponctualité, respecter les horaires, effectuer son travail, prendre des initiatives ».

Ingénieure 3, CFA de Vendée, mobilité en Italie

Ce sont donc des capacités proches des compétences transversales (Duru-Bellat, 2015) qui ont été mises au jour à partir de ces trois exemples. Les capacités (Chauviré, 2002) relèvent, selon cette perspective, d’un type de savoir-faire qui se situe à l’interface des compétences métiers (de boulanger, de cuisinier, etc.) et de compétences transversales, non associées à une profession, telle la capacité de communiquer dans une langue étrangère, de s’adapter dans des collectifs de travail, de s’informer ou de métacommuniquer sur ses intentions.

7.3 Expérience de l’ailleurs et formation de soi

Un troisième type de compétences peut ensuite être identifié. Plutôt que d’être associées aux métiers ou professions, les compétences semblent avant tout relever de l’autoformation des apprentis, sans lien exclusif avec l’exercice professionnel.

Un premier exemple porte sur le vécu du dépaysement, de l’éloignement, de la perte de repères, ce qui conduit à prendre le risque de s’immerger dans des situations non balisées qui vont demander de savoir innover, s’aventurer et attendre pour comprendre.

7.3.1 Savoir s’aventurer dans des milieux incertains

La compétence dont il est question ici apparait très ouverte. Elle désigne une capacité alliant la curiosité, la confiance, l’acceptation de l’incertain (Breton, 2022b).

L’aventure commence… Au moment du départ, l’aventure commence. J’aime bien dire ça, l’aventure… C’est quoi, l’aventure ? C’est quand on s’éloigne du… des chemins connus… de la zone de confort.

Ingénieure 1, Compagnons du Devoir, mobilité en Finlande

Cette acceptation de l’incertain est associée, dans les récits des responsables de formation, au développement de la confiance (Cornu, 2007). L’épreuve de l’incertain est pensée comme favorable aux dynamiques de formation de soi (Cicchelli, 2013).

Et puis ce travail de retour. Là, c’est vraiment peut-être le truc sur lequel on a le plus bossé ces dernières années, sur la restitution aux entreprises des acquis. Et, d’ailleurs, maintenant, elles le disent beaucoup plus : « On voit bien que les jeunes ont pris de l’assurance ou ont grandi, même sur trois semaines… »

Ingénieure 4, CFA en Touraine, mobilité en Irlande

Ces processus de formation ont mis en relation la confiance en soi, la capacité d’initiative, le maintien d’une capacité d’étonnement (Thievenaz, 2017) et l’accueil de la diversité des manières d’agir et d’exercer.

7.3.2 Savoir agir en situation d’incertitude

Les capacités d’accueil de l’incertain viennent interroger les dynamiques d’agentivité des apprentis durant la mobilité, celles-ci se distribuant entre l’expérience du pâtir, l’acclimatation et l’adaptation et la prise d’initiatives réfléchies.

Donc je pense qu’au niveau personnel, ils ont appris beaucoup de choses et aussi la simplicité, l’humilité parce que, quand on arrive dans d’autres pays, certains cuisiniers arrivent en terrain conquis en disant : « Les Français, nous sommes les meilleurs en cuisine. » Les serveurs aussi : « On n’a rien à apprendre. » Et, en fait, ils ont tout à apprendre. Je pense qu’ils ont joué le jeu justement de l’ouverture et d’apprendre plein de choses.

Ingénieure 3, CFA de Vendée, mobilité en Italie

Au cours de la mobilité, les apprentis apprennent à interroger les allants de soi. Cette dynamique de « défixation » (Jullien, 2013) peut être entendue comme une capacité de s’interroger, d’envisager d’autres possibles, de penser selon différents points de vue.

Le retour, ce que je disais ce matin… l’atterrissage du jeune qui est quand même souvent un bouleversement parce que, comme on l’évoquait, même si on a la chance d’avoir des jeunes qui, encore une fois, s’acclimatent très vite et n’ont pas de problème à changer d’environnement, puisqu’ils sont déjà habitués à ça, là, il y a quand même la dynamique interculturelle.

Ingénieure 1, Compagnons du Devoir, mobilité en Finlande

7.3.3 Développer ses capacités d’autoformation

Cette dynamique de formation relève d’un processus d’autoformation (Pineau, 2019) qui comporte plusieurs dimensions : complexification des modes d’existence, transformation du rapport au savoir, développement des capacités réflexives.

Et, après, il y a ces compétences que, parfois, en fait, on oublie ou on n’en parle pas forcément, ces savoir-être qui accompagnent chaque vécu à l’étranger et qui permettent un peu plus d’ouverture d’esprit, de curiosité, de connaissance du monde… donc finalement qui sont justement riches et qui s’ajoutent aux compétences classiques scolaires ou de pratiques professionnelles en entreprise.

Ingénieure 5, Campus des métiers en Touraine, mobilité au Portugal

Ces compétences transversales sont pensées à la croisée de la formation du sujet, des dynamiques de professionnalisation et de l’acquisition des compétences associées à l’exercice du métier.

C’est un tout. C’est d’abord, je pense, pour eux, un développement personnel avant de parler d’un développement professionnel… enfin… voilà… pour eux, c’était… quand je les avais interviewés, c’était surtout un challenge pour eux, un défi qu’ils se lançaient, qu’ils voulaient… Ils sont jeunes donc ils avaient envie de se lancer ce défi de vivre une expérience européenne complètement différente de la leur et ils savaient qu’à travers leur métier, de toute manière, ils allaient sans difficulté s’intégrer dans une entreprise puisque les métiers de la cuisine et de la restauration, c’est facile de s’exporter, on va dire.

Ingénieure 3, CFA de Vendée, mobilité en Italie

L’expérience de la mobilité est pensée dans les récits comme un mode de formation intégré qui répond aux aspirations de jeunes qui souhaitent se professionnaliser, mais également s’éprouver en tant que sujet devenant agent de leur devenir. En d’autres termes, les processus de formation générés par les dispositifs construits par les responsables de formation impliqués dans la recherche-action comportaient des dimensions initiatiques intégrées à une dynamique de professionnalisation.

8. Résultats : de la thématisation aux logiques de catégorisation

L’analyse des verbatims a été conduite en trois étapes : relecture collective des transcriptions, première thématisation, intégration des thèmes dans des catégories. Le travail de thématisation ayant été présenté dans les sections précédentes, il devient possible de présenter le cadre de compétences coconstruit avec le groupe. Il est restitué dans les lignes ci-dessous, de manière étayée et synthétisée.

L’examen des procédés de thématisation mis en oeuvre par les responsables de formation pour caractériser les apprentissages et compétences des apprentis permet d’appréhender les tensions à l’oeuvre dans ce qui organise le discours sur ces objets. Pour les huit expérimentations, les certifications portées par le ministère de l’Éducation nationale en France ont servi de cadre de référence à la validité des actes de catégorisation.

Le cadre de compétences produit durant la recherche-action résulte donc d’un travail de thématisation réalisé à partir des récits de pratiques, mais prend également en compte les cadres déjà établis de la certification. En d’autres termes, le travail de catégorisation a été réalisé en conjuguant deux logiques : celle du respect de la singularité des compétences acquises dans des contextes locaux ; celle d’une dynamique de transaction afin de faire en sorte que la thématisation située reste compatible avec les cadres de certification établis et officiels. Il restitue donc ces compétences en cherchant à les intégrer aux logiques référentielles qui régissent les modes d’existence des compétences dans les cadres de certification des pays de l’Union européenne. Cela a conduit à forger des catégories en marge (voire à la marge) des référentiels officiels.

Le cadre de compétences (tableau 1) proposé dans cette section résulte donc d’un travail de thématisation et de classification aboutissant, par modélisation, à l’édification d’un cadre de référence dont la validité est restreinte aux huit expérimentations portées par les responsables de formation, sans pour autant faire fi des référentiels habilités par les certificateurs.

L’idée de base est que nous ne pouvons pas appréhender la réalité dans sa richesse infinie, dans son individualité foncière, dans son caractère vivant et concret, et que pour la penser, et pour y agir, nous devons limiter sa multiplicité et réduire sa complexité en l’organisant dans des catégories.

Quéré, 1994, p.7

Ainsi, les compétences dont il est question dans les verbatims sont caractérisées du point de vue des ingénieurs de formation qui, pour les exprimer, tiennent compte des systèmes de normes qui ont configuré les référentiels des certifications qui régissent les programmes et parcours de formation dont ils ont la responsabilité. Cependant, ce qui advient en tant que problème, pour ce qui concerne les savoirs, connaissances et compétences acquis lors de la mobilité par les apprentis, c’est que plusieurs compétences, capacités et savoirs apparaissent absents ou étrangers aux référentiels des autorités certificatrices. Cela a alors généré des ruptures dans les chaines logiques et terminologiques à l’oeuvre lors du travail de thématisation, de classification et de catégorisation.

Le problème est alors de rendre compte de la façon dont nous découpons cette réalité, organisons ses variations et ses différences, réduisons la particularité des objets, des évènements et des situations pour les identifier, les qualifier, les manipuler, etc.

Quéré, 1994, p. 7

Un travail d’examen portant sur les procédés de catégorisation a donc été organisé, au cours de la recherche-action, afin d’expliciter les critères concourant à la structuration du cadre de compétences présenté ci-dessous.

Tableau 1

Cadre de formalisation des compétences acquises en mobilité, à l’international

Cadre de formalisation des compétences acquises en mobilité, à l’international

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Le cadre de compétences présenté dans le tableau ci-dessus comporte une structure qui croise trois catégories de connaissances, capacités et compétences : 1) la connaissance des cultures professionnelles associées aux métiers ; 2) les compétences transversales aux manières d’exercer le métier, prenant acte de la diversité des cultures professionnelles ; 3) les compétences d’ordre biographique qui relèvent de la formation du sujet faisant l’expérience de l’ailleurs et apprenant à gérer l’incertain et le divers durant les périodes de mobilité en formation. Cette structure déroge aux cadres classiques des référentiels de compétences en France qui sont adossés aux référentiels de certification, ceux-ci étant généralement centrés de manière quasiment exclusive sur les compétences professionnelles. Certains référentiels peuvent, selon les certificateurs, intégrer une part, souvent restreinte, de compétences transversales. Cependant, le problème alors posé est que les compétences transversales ne sont pas contenues dans le périmètre d’une profession ou d’un métier. De plus, un renversement de proportion dans les référentiels entre compétences professionnelles et compétences transversales a pour effet de transformer la logique de construction de la certification.

Il apparait donc que le travail de formalisation des compétences résultant de l’expérience de la mobilité en formation conduit à interroger les logiques à partir desquelles s’élaborent les référentiels de compétences. Cette perspective tend à intensifier les débats déjà vifs sur les cadres et les logiques associés à la compétence dans le domaine de l’éducation et de la formation (Crahay, 2006). Selon que le métier soit pensé comme une entité stable ou, qu’à l’inverse, il soit appréhendé de manière dynamique et plurielle, par intégration de la pluralité des manières de l’exercer au sein des pays de l’Union européenne, la stratégie visant la formalisation des cadres de validation des compétences et de certification des parcours de formation varie. Une première stratégie, caractérisée par le statu quo, peut consister à en rester à un travail de typification des pratiques dans un cadre national. Un second scénario serait d’admettre la variation des registres de pertinence des modes de penser et d’agir au sein des métiers selon les contextes et les cultures dans lesquels un métier se déploie. C’est le scénario retenu dans le cadre de la recherche-action dont il a été fait état dans ce texte. La logique qui en résulte vient cependant réinterroger les pratiques de la certification, en rendant nécessaire le recours à des catégories promouvant les compétences transversales non associée à la personne (tel que le modèle des compétences clés) mais associée à la pluralité des situations et contextes d’exercice professionnels pour un métier donné.

9. Conclusion : stratégies pour l’évolution des certifications en contextes de mobilité

L’élaboration de ce cadre de compétences a permis la classification des compétences acquises en situation d’interculturalité. Cette recherche-action, menée par le collectif composé de huit ingénieurs de formation a également conduit à examiner les stratégies de reconnaissance et de validation des apprentissages d’apprentis en mobilité. La formalisation d’un cadre permettant la classification des compétences acquises par les apprentis faisant l’épreuve de l’interculturel et du divers est en effet venue étayer les stratégies de réingénierie des certifications professionnelles afin d’intégrer dans le périmètre de la validation les compétences métiers, transversales aux contextes professionnels situés et aux domaines de vie du sujet. Cette mise en perspective a conduit les ingénieurs à identifier les écarts de logiques, de structures et d’équilibre entre les catégories de compétences, puis à inventer différents procédés pour ajouter, aménager ou transformer les cadres catégoriaux des certifications. Ces différents scénarios, testés par les ingénieurs de formation mobilisés dans la recherche-action, sont venus interroger les processus de reconnaissance et de validation des compétences interculturelles selon deux dimensions : 1) les manières de dire et de catégoriser les ressources, connaissances et capacités constituées par les apprentis du fait de leur vécu de l’ailleurs lors des périodes de mobilité ; 2) les stratégies d’hybridation des logiques catégoriales qui permettent la classification des savoirs et compétences acquis en situation d’interculturalité dans les cadres, tels les référentiels.

Différents champs de force viennent déterminer et contraindre les modes d’existence de ces objets étranges que sont les compétences dans l’espace social (Batal et Fernagu-Oudet, 2013), en France et en Europe. Tout comme les savoirs, les compétences sont enserrées dans des rapports de pouvoir qui traversent les discours, contraignent les énoncés, imposent des cadres et des logiques pour désigner des objets qui s’imposent ensuite aux acteurs, encadrent les pratiques et façonnent des usages. Il reste à tirer les conséquences, à une échelle plus politique, d’une appréhension de la compétence qui puissent intégrer les tensions dialectiques entre la singularité des situations de travail situées et la diversité des cultures professionnelles pour un métier donné, et qui permettraient d’articuler l’effectivité de l’agir du professionnel et les capacités d’autoformation du sujet en formation. Ce qui est en jeu, en amont de l’édification de cadres et de catégories, ce sont les manières d’appréhender et de nommer les savoirs et connaissances acquis, puis de les hiérarchiser au sein d’un système de valeurs qui fait loi pour les certificateurs, qui fait sens pour les ingénieurs de formation et les apprenants. Dans le cadre de la stratégie ECVET, les États membres, en prenant acte de la complexité des systèmes de certification relevant de la formation professionnelle, ont conclu qu’il était nécessaire d’encourager les expérimentations locales, d’inciter à leur formalisation pour, graduellement, transformer les référentiels et systèmes de certification des États. C’est notamment l’une des visées de cette recherche que de produire une connaissance située et détaillée, permettant de mettre au jour des processus et des champs de contraintes, afin de s’inscrire dans une dynamique de fond : celle de l’évolution des cadres de référence permettant de formaliser les compétences afin de soutenir les logiques de convergence des systèmes de certification dans l’Union européenne.

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Hervé Breton
Professeur des universités, Université de Tours