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1. Introduction

La population de Taourirt, estimée à 206 580 personnes en 2004, provoque une pression énorme sur les ressources en eau. Cette ville située sur le bassin versant de l’oued Za jouit d’un climat méditerranéen maghrébin de type semi-aride. Les activités anthropiques dans la région telles que l’agriculture et le rejet des eaux usées contribuent à la dégradation de la qualité de l’eau. Au Maroc, les basses eaux, surtout en été, limitent la capacité d’autoépuration des cours d’eau, ce qui les rend vulnérables à la pollution.

Les communautés aquatiques sont les premiers éléments affectés par les modifications physiques et chimiques des écosystèmes. Dans le « Rapid Bioassessment Protocol », BARBOUR et al. (1999) recommandent leur utilisation pour le suivi de l’intégrité écologique des eaux de surface. Les systèmes les plus connus sont le « River Invertebrate Prediction and Classification System » (WRIGHT et al., 1993) et ses dérivés, l’» Australian River Assessment System » (PARSONS et NORRIS, 1996), le « Benthic Assessment of Sediment » (REYNOLDSON et al., 1995) et les indices multimétriques américains (BARBOUR et al., 1995, 1999). De nombreuses méthodes ont été proposées pour déterminer la qualité biologique de l’eau (HELLAWELL, 1986). En particulier, les méthodes basées sur les communautés des macroinvertébrés benthiques sont devenues de plus en plus populaires (BARBOUR et al., 1996; BARBOUR et al., 1999; BUFFAGNI et al., 2000; DE PAUW et VANHOOREN, 1983; LORENZ et al., 2004; NEDEAU et al., 2003; RESH et JACKSON, 1993; SOLIMINI et al., 2008; THORNE et WILLIAMS, 1997). Si les conditions de la perturbation sont présentes pour une période de temps suffisante pour induire des effets nuisibles au niveau de la population, il devient possible d’évaluer des changements dans la structure de la communauté en utilisant des mesures telles que les indices de diversité et de la structure de la communauté (BUSTOS-BAEZ et FRID, 2003; NORRIS et GEORGES, 1993).

Le déversement dans les rivières d’eaux usées domestiques à des degrés divers de transformation peut conduire à des modifications qualitatives et quantitatives importantes des biotopes dans certains endroits. Les eaux usées non traitées renferment des concentrations élevées d’éléments nutritifs (surtout azote et phosphore), de carbone et une grande quantité de bactéries. Elles contiennent également des matières solides en suspension. Ce sont évidemment les écosystèmes aquatiques et leurs peuplements (invertébrés, poissons,) qui sont les plus touchés par les rejets.

La présente étude visait à apprécier l’impact des eaux usées de la ville de Taourirt sur la biodiversité en macroinvertébrés de l’oued Za et à tester la capacité de métriques et d’indices biotiques dans l’évaluation de l’intégrité biologique de l’oued ZA.

2. Site d'études, matériels et méthodes

2.1 Description des stations

L’oued Za, situé au Maroc Oriental, est un affluent permanent de la rive droite de la Moulouya (Figure 1). Son bassin versant à une superficie de 18 000 km2. Il prend sa source dans les Hauts-Plateaux orientaux. Il draine la partie méridionale et occidentale de la chaîne des Horsts, formée de dolomies et de calcaires plus au moins marneux. Sa direction générale est sud-est nord-ouest. Il rejoint la Moulouya à Melga El Ouidane, à l’aval de la ville de Taourirt. Il traverse d’amont en aval l’étage bioclimatique méditerranéen aride dans les Hauts-Plateaux, semi-aride dans la chaîne des Horsts et aride dans la région de Taourirt (BERRAHOU et al., 2001b).

Compte tenu de l’objectif général de l’étude, trois stations sont retenues sur le cours inférieur de l’oued Za :

  • Taourirt au niveau du pont (PT) : située en amont des agglomérations, altitude : 350 m; profondeur maximale : 20 cm; largeur : 20 m. Le substrat est hétérogène, constitué de blocs, de galets, de graviers, de sable et limons. La végétation des rives est composée de quelques pieds de roseaux. À quelque mètres en aval de cette station une grande quantité d’eau est détournée pour l’irrigation.

  • Rejet principal (RP) : altitude : 280 m; profondeur maximale : 25 cm; largeur : 15 m. C’est le point de déversement des eaux usées d’origine domestique de la ville de Taourirt dans l’oued Za. Le fond est constitué de quelques blocs, de galets, de sable sur les rives et de boues des eaux usées et de macro et microdéchets. Dans le lit de l’oued sur la rive droite de cette station se trouve une terrasse d’alluvions de quelques mètres de large et de quelques centaines de mètres de long occupée par des pieds de Tamarix. Cette station est très eutrophisée.

  • Ouled Lefkir (LF) : située en aval des agglomérations; altitude : 230 m; profondeur maximale : 30 cm; largeur : 10 m. La plaine est mois étalée sur la rive droite que sur la rive gauche. Les clôtures des champs sont formées d’arbres d’olivier et les cultures y sont variées. Le substrat est formé de blocs semi-emmergie, de pierres, de galets de différentes tailles, de graviers et de sable sur les bords. La végétation se limite à quelques pieds de Nerium et Tamarix sur la rive gauche, et quelques pieds de roseaux sur la rive droite. Sur les bords et sur le fond, il y a dépôt de sédiments.

Figure 1

Situation géographique des stations d’étude. A : Position de la Moulouya dans le réseau hydrographique du Maroc. B : Réseau hydrographique de la Moulouya. C : Oued Za. PT : Pont de Taourirt. RP : Rejet Principal. LF : Ouled Lefkir.

Geographical location of the study stations. A: Position of the Moulouya River in the hydrographical network of Morocco; B: Hydrographical network of the Moulouya River; C: Za wadi; PT: Bridge of Taourirt; RP: Principal Discharge; LF: Ouled Lefkir.

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2.2 Techniques de prélèvement

La technique d’échantillonnage des macroinvetébrés benthiques généralement utilisée dans les cours d’eau marocains est celle des épuisettes de type Surber (BERRAHOU et al., 2000). L’épuisette utilisée a 0,4 mm de vide de maille et permet d’échantillonner une surface de prélèvement de 0,025 m2 (25 x 20 cm). Le nombre de prélèvements est de l’ordre de six par station, effectués sur des habitats différents (trois habitats lotiques et trois lentiques). Les prélèvements ont été réalisés chaque mois depuis juin 2004 jusqu’à novembre 2004. Les échantillons sont conservés dans le formol à 10 % sur le terrain. Ils sont triés au laboratoire sous loupe binoculaire. Les macroinvertébrés ont été identifiés au niveau de détermination le plus précis possible.

2.3 Paramètres analysés et méthodes de dosage utilisées

Les paramètres physico-chimiques globaux (T°, pH, O2 dissous, conductivité) ont été mesurés sur le terrain durant la période d’étude. Les méthodes d’analyse des descripteurs physiques et chimiques sont résumées dans le tableau 1.

Tableau 1

Méthodes d’analyses physicochimiques.

Methods used for the physico-chemical analyses.

Méthodes d’analyses physicochimiques.

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2.4 Régime de débit

Les mesures des débits des trois stations étudiées ont été effectuées sur le terrain pour chaque mois pendant toute la période d’étude. Ces mesures ont été réalisées de la façon suivante :

  • L’estimation de la vitesse du courant en utilisant un flotteur et un chronomètre. Le flotteur est posé dans le courant au milieu du cours d’eau et une mesure de temps t est prise pour parcourir une distance (d). La vitesse du courant est donc :

  • L’estimation de la section mouillée se fait par la mesure de la largeur moyenne L et de la profondeur moyenne P. On peut calculer la section d’une manière approximative de la façon suivante :

Le débit est donc calculé par la formule :

2.5 les Indices biologiques

La richesse taxonomique, ou nombre de taxons distincts utilisés dans l’ensemble des indices biologiques, est établie à partir d’un niveau d’identification au genre, à la famille ou plus. Cette catégorie, qui reflète la diversité d’un échantillon (RESH et al., 1995), apparaît comme un bon indicateur de la capacité d’un écosystème à soutenir une variété de taxons.

L’indice de diversité de Shannon-Wiener, qui permet d’apprécier la diversité d’un peuplement, est une quantité positive prenant sa valeur maximale quand un seul élément (espèce par exemple) est présenté en plus d’un exemplaire (individu) et sa valeur minimale quand tous les éléments ont la même fréquence. Les espèces rares ont un poids beaucoup plus faible que les plus communes. Cet indice a pour formule :

Avec s = nombre total d’espèces de l’échantillon, pi = abondance proportionnelle ou pourcentage d’importance de l’espèce se calcule ainsi :

ni = nombre total d’individus de l’espèce de rang i;

n = nombre total d’individus de l’échantillon.

L’indice d’équitabilité ou « everness » (indice de Pielou) correspond au rapport de l’indice de diversité H sur la valeur maximale de H en cas d’équirépartition, laquelle correspond au cas où toutes les espèces sont représentées chacune par le même nombre d’individus.

Dans ce cas :

d’où :

où S = le nombre total d’espèces échantillonnées,

H = l’indice de Shannon-Wiener.

L’indice de Simpson (D) permet de mesurer la dominance dans une communauté benthique. Dans notre cas, la dominance calculée est celle de l’échantillon qui est lui-même le reflet de la communauté des macroinvertébrés des sites étudiés. Cet indice est calculé à l’aide de la formule suivante :

Avec S = nombre total d’espèces, pi = abondance proportionnelle ou pourcentage d’importance de l’espèce se calcule ainsi :

pi = ni/n;

ni = nombre d’individus d’une espèce dans l’échantillon;

n = nombre total d’individus de toutes les espèces dans l’échantillon.

La dominance quasi absolue d’une seule espèce est exprimée par un indice proche de 1. Si les espèces sont nombreuses et ont toutes le même poids dans l’échantillon (équirépartition), l’indice s’approche de 0.

L’indice biotique (IB) a été déterminé grâce au tableau à double entrée de TUFFERY et VERNEAUX (1968). L’indice biotique ainsi obtenu varie de 0 à 10. Plus il est élevé, plus les espèces sensibles à la pollution organique sont présentes dans les eaux étudiées et plus le nombre d’unités systématiques est important.

L’indice biotique de Hilsenhoff modifié (mHBI) (Modified Hilsenhoff Biotic Index) : Plusieurs États, y compris le Kentucky, ont employé le mHBI pour évaluer d’autres impacts que l’enrichissement organique et ils ont prouvé que le mHBI est une valeur métrique. Une valeur croissante de mHBI indique la qualité de l’eau décroissante. Cet indice est calculé à l’aide de la formule suivante :

avec ni = nombre d’individus d’une espèce dans l’échantillon;

ai = valeur de tolérance d’espèce au rang « i »;

n = nombre total d’individus de toutes les espèces dans l’échantillon.

Le pointage BMWP (Biological Monitoring Working Party) (ARMITAGE et al,. 1983) est utilisé de préférence dans les cours d’eau à faciès lotique. À chaque famille collectée, selon sa tolérance à la pollution (BARBOUR et al., 1999, MANDAVILLE, 2002), correspond un pointage qui est une note de 1 à 10. Le pointage BMWP est la somme des pointages des familles présentes dans l’échantillon. Les pointages varient entre 0 et 250 : plus ils sont élevés, moins le milieu est pollué. À partir de la liste obtenue, il est possible de calculer le pointage BMWP qui est comparé au score obtenu par l’échantillonnage. Un pointage ASPT (Average Score Per Taxon) peut être calculé en divisant le pointage BMWP par le nombre total de taxons récoltés ayant un score (FRIEDRICH et al., 1996). Ce pointage varie entre 0 et 7.

L’indice d’Éphéméroptères Trichoptères et Odonates (ETO) représente la richesse taxonomique de ces trois groupes (GERRITSEN et al., 1998). L’indice d’ETO égal au nombre total des familles représentées par ces trois groupes dans les échantillons Éphéméroptères, Trichoptères et Odonates sont considérés sensibles à la pollution.

Le pourcentage des dominants : cet indice est une évaluation des taxons les plus dominants (famille ou genre) dans l’échantillon. L’indice est calculé en ajoutant d’abord les deux familles dominantes principales et en le divisant ensuite par le nombre total d’organismes, et en multipliant ce rapport par 100 pour obtenir le pourcentage.

L’indice de racleur/filtreur-collecteur (Rc/FC) est calculé en divisant le nombre total d’individus classifiés comme des racleurs par le nombre total d’individus classifiés en tant que filtreurs-collecteurs dans l’echantillon.

3. Analyse des données

Vingt-neuf métriques, basées sur la richesse taxonomique, la composition et la tolérance à la pollution, ont été calculées à partir des trois sites étudiés (Tableau 2). Ces différentes métriques sont couramment utilisées dans des programmes de surveillance biologique (BARBOUR et al., 1999; MANDAVILLE, 2002). Les métriques sont des caractéristiques de l’habitat qui changent d’une façon prévisible avec l’augmentation des perturbations (BARBOUR et al., 1999). Les valeurs de tolérance à la pollution des taxons sont issues des travaux de BARBOUR et al. (1999), BODE et al. (2002) et HILSENHOFF (1988). Dans cette étude nous avons sélectionné les métriques et les indices multimétriques appropriés pour l’évaluation de l’intégrité des écosystèmes aquatiques (BARBOUR et al., 1999; USEPA, 1998, 2000, 2002).

Les valeurs de coefficients corrélations entre les indices biotiques et les paramètres chimiques ont été calculées (Tableau 3) en utilisant le logiciel STATISTICA 6.0, de même pour les différents indices biologiques entre eux (Tableau 4).

Tableau 2

Les valeurs moyennes des variables environnementales de six prélèvements (juin 2004-novembre 2004) dans les stations étudiées. PT : Pont de Taourirt; RP : Rejet Principal; LF : Ouled Lefkir.

Average values of the environmental variables from six sampling campaigns (June 2004-November 2004) at the studied stations. PT: Bridge of Taourirt; RP: Principal Discharge; LF: Ouled Lefkir.

Les valeurs moyennes des variables environnementales de six prélèvements (juin 2004-novembre 2004) dans les stations étudiées. PT : Pont de Taourirt; RP : Rejet Principal; LF : Ouled Lefkir.

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Tableau 3

Les valeurs de coefficients de corrélations entre les indices biologiques et les variables chimiques les plus appropriés. (Corrélations significatives marquées à p < 0,05).

Values of correlation coefficients between the biological indices and the most relevant chemical variables (Significant correlations marked with p < 0,05).

Les valeurs de coefficients de corrélations entre les indices biologiques et les variables chimiques les plus appropriés. (Corrélations significatives marquées à p < 0,05).

aUnités des variables illustrés dans le tableau 2

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4. Résultats

Les résultats des principaux paramètres physico-chimiques et biologiques des trois sites d’étude pour la période allant de juillet 2004 à novembre 2004 sont représentés dans le tableau 2. Les valeurs les plus élevées du débit ont été enregistrées en amont au niveau de la station PT (5,32 m3•s-1). Par contre, en aval, une légère diminution a été constatée respectivement 3,22 et 3,72 m3•s-1 pour les stations RP et LF. Ceci est dû à des pompages d’eau à des fins agricoles. En ce qui concerne la vitesse du courant, celle-ci n’est pas homogène tout au long des stations étudiées; elle présente des variabilités d’une station à l’autre avec des valeurs extrêmes allant de 0,832 m•s-1 (PT) à 1,066 m•s-1 (RP).

La minéralisation est excessive dans toutes les stations étudiées. La valeur minimale de la conductivité est mesurée au niveau de la station du pont (PT), mais la plus forte minéralisation est marquée au niveau de la station de LF avec 2534 µS•cm-1. L’augmentation de la conductivité de l’amont vers l’aval peut s’expliquer en grande partie par la composition minérale des eaux usées domestiques de la ville de Taourirt à laquelle s’ajoute la nature géologique des terrains traversés. BERRAHOU et al. (2001b) ont montré que la conductivité augmente de l’amont vers l’aval de l’oued Moulouya, grâce à la géologie des terrains traversés et aux eaux usées qui se déversent dans la Moulouya.

Les résultats des teneurs en oxygène dissous au niveau des trois stations étudiées rapportent que les stations PT et LF présentent les valeurs élevées avec respectivement 11,27 mg d’O2•L-1 et 11,49 mg d’O2•L-1, et présentent ainsi des conditions de saturation et de sursaturation. Cependant, la station RP recevant les rejets d’eaux usées domestiques présente des teneurs plus faibles (7,79 mg d’O2•L-1) qu’aux stations PT et LF. Cette diminution de la concentration en oxygène dissous peut s’expliquer par l’utilisation de l’oxygène dissous par les microorganismes pour la biodégradation de la matière organique apportée par le rejet domestique. Cependant, au niveau du rejet principal (RP), la diminution de la teneur en oxygène dissous n’est pas significative (7,79 mg d’O2•L-1). Cette diminution de la concentration en oxygène dissous peut s’expliquer par l’écoulement rapide de l’eau avec un intense brassage de l’eau maintenant l’oxygénation à un niveau plus ou moins élevé.

Les matières oxydables, mesurées par la demande biologique en oxygène (DBO) et la demande chimique en oxygène (DCO), sont parmi les paramètres qui ont été pris en compte pour évaluer l’incidence de la pollution organique sur le cours d’eau étudié. Les valeurs moyennes de DBO et de DCO sont enregistrées au niveau de la station du rejet principal (RP) avec respectivement 658 mg d’O2•L-1 et 1305 mg d’O2•L-1. Dans la station du Pont de Taourirt (PT) et d’Ouled Lefkir (LF), les teneurs moyennes en DBO5 sont respectivement de 5,4 et 8 mg d’O2•L-1. Les teneurs en DCO sont de 11,3 et de 18,4 mg d’O2•L-1 pour les stations PT et LF.

Le suivi des paramètres azotés et phosphorés a montré que la station RP présente des valeurs élevées par rapport aux autres stations PT et LF (Tableau 2). Ceci s’explique par l’apport excessif de ces polluants par les rejets des eaux usées au niveau de cette station.

Les résultats des différentes analyses de macroinvertébrés des stations étudiées sont présentés dans l’annexe A). Ils rapportent que l’abondance moyenne par mètre carré (Individus•m-2) est de l’ordre de 28 686 dans la station PT et de 69 933 dans la station LF. En RP, l’abondance est importante, 48 420 malgré une faible richesse. Ceci est dû à la prolifération des taxons résistants à la pollution surtout les Diptères et les Oligochètes. En ce qui concerne la richesse taxonomique (S), elle est respectivement de l’ordre de 52; 16 et 38 taxons pour PT, RP et LF. Quant à l’indice diversité de Shannon-Wiener (H), il est de l’ordre de 3,74, 0,69 et 3,02 respectivement pour PT, RP et LF. Pour l’équitablité (Eq) des différentes stations, elle est de 84,06 pour PT, 14,73 pour RP et de 62,41 pour LF. Par contre, l’indice de Simpson (D) varie entre 0,099 pour PT, 0,83 pour RP et 0,052 pour la station LF. L’indice biotique (IB) quant à lui présente des valeurs élevées pour les stations PT et LF avoisinant 9 et témoignant ainsi d’une eau de bonne qualité. Par contre, au niveau de la station recevant le rejet d’eau usée RP, son indice est de 2,6 indiquant que les eaux de cette station sont de mauvaise qualité. De même, le BMWP (Biological Monitoring Working Party) et l’ASPT (Average Score Per Taxa) sont faibles au niveau de la station RP et présentent des valeurs élevées dans les autres stations (PT et LF), alors que l’indice de mHBI (Modified Hilsenhoff Biotic Index) présente une valeur élevée au niveau de la station RP (station polluée). Les valeurs enregistrées au niveau de la station recevant le rejet des eaux usées (RP) sont dues à la disparition des taxons sensibles à la pollution tel le cas des Éphéméroptères, Trichoptères et Odonates et à la prolifération des taxons tolérants à la pollution organique, notamment les Tubificidae et les Chironomini (ETO, Tableau 2 et Annexe A).

Le tableau 3 résume les corrélations entre les variables chimiques et les indices biotiques. De même, le tableau 4 présente les corrélations entre les différents variables biologiques.

Tableau 4

Les corrélations entre les différentes variables biologiques. (Corrélations significatives marquées à p < 0,05).

Correlations between the different biological variables (Significant correlations marked with p < 0,05).

Les corrélations entre les différentes variables biologiques. (Corrélations significatives marquées à p < 0,05).

aUnités des variables illustrés dans le tableau 2

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5. Discussion

Du point de vue biogéographique, la macrofaune du secteur étudié appartient à la zone paléarctique avec des espèces endémiques marocaines ou maghrébines, notamment Ecdyonurus rothschildi, Hydropsyche maroccana, Hydropsyche resminida (BERRAHOU et al., 2001a). Le peuplement en macroinvertébrés benthiques récoltés montre l’absence totale de Plécoptères. Ainsi, de nombreux travaux (DAKKI, 1986; CHERGUI et al., 1990; GIUDICELLI et DAKKI, 1984; GIUDICELLI et al., 1985) mentionnent que les Plécoptères se limitent aux seules eaux courantes bien oxygénées de hautes altitudes. La rareté ou même l’absence des Plécoptères dans certains cours d’eau d’Afrique du Nord semble être due aux températures estivales élevées (BERRAHOU et al., 2001a). Le secteur étudié se distingue par la présence des Éphéméroptères, des Coléoptères et les Trichoptères thermophiles, voire potamiques (Caenis luctuosa, Baetis pavidus, Hydropsyche maroccana) qui caractérisent les rivières marocaines à températures estivales élevées (DAKKI 1986).

BOYLE et FRALEIGH (2003) et VOELZ et MAcARTHUR (2000) ont montré que la distribution des macroinvertébrés est influencée par un grand nombre de facteurs de l’environnement telles la disponibilité d’aliments (PEETERS et al., 2004), les conditions hydrauliques (VOELZ et al., 2000), la composition du substrat (SANDIN et JOHNSON, 2004), l’augmentation de la charges nutritive (BUSS et al., 2002; CAMARGO et al., 2004) et la compétition et la prédation (PIANKA, 1983; FEMINELLA et RESH, 1990). De plus, certains auteurs ont indiqué que la faune invertébrée de différents habitats répond différemment aux variations de la qualité de l’eau (ILIOPOULOU-GEORGUDAKI et al., 2003; PARSONS et NORRIS, 1996; SOLDNER et al., 2004). L’interaction de ces facteurs détermine quelques gradients dans la richesse d’invertébrés. Dans un cours d’eau naturel, la richesse augmente de l’amont vers l’aval, comme le cas du Zegzel au Maroc Oriental (BERRAHOU, 1988). Par contre, dans l’oued Za, la richesse minimale est observée au niveau de la station du rejet. Selon WARD et STANFORD (1979), le rejet a entraîné un discontinuum du gradient amont aval du cours d’eau.

De même, AZRINA et al. (2006), CEREGHINO et al. (2002), MINSHALL et al. (1985), RESH et JACKSON (1993) et VANNOTE et al. (1980) ont observé que la richesse spécifique est sensible à l’impact des activités humaines sur les écosystèmes aquatiques, en particulier sur les insectes aquatiques qui sont souvent de bons indicateurs de conditions environnementales dans les cours d’eau, donc très sensibles à la pollution. La richesse peut être un bon descripteur de l’influence de perturbations anthropiques sur les ruisseaux (COLES et al., 2004; COMPIN et CEREGHINO, 2003).

Les paramètres physico-chimiques classiques, les indices de diversité (SHANNON et WEAVER, 1949; SIMPSON, 1949), les indices biotique (TUFFERY et VERNEAUX, 1968) et les autre indices « Modified Hilsenhoff Biotic Index » (BARBOUR et al., 1999), « Biological Monotoring Working Party » (ARMITAGE et al., 1983) et « Average Score Per Taxa » (FRIEDRICH et al.,1996) montrent que la qualité des stations étudiées, PT, RP et LF, est respectivement bonne, polluée et assez bonne. La station témoin PT est diversifiée et contient des taxons considérés sensibles à la pollution et qui appartiennent aux grands groupes des Trichoptères, des Éphéméroptères et des Odonates (GERRITSEN et al., 1998). Dans la station polluée RP, le peuplement est peu diversifié et déséquilibré. La forte pollution a entrainé la disparition des taxons sensibles à la pollution et la prolifération des taxons résistants à la pollution dont la présence est liée à l’abondance de la matière organique des eaux usées. Il s’agit principalement des Oligochètes, des Tubificidae et des Diptères Chironomini. DUMNICKA (2002) et GRZYBKOWSKA (1993) ont montré d’une façon significative l’augmentation de densité des Oligochètes et des Chironomidae dans les rivières affectées par la pollution organique. Les Chironomidae sont plus tolérants à la pollution et peuvent avoir des mécanismes de recolonisation plus efficaces (PIRES et al., 2000). De même, GIUDICELLI et al. (1981) ont montré que la pollution se traduit principalement par une augmentation de la densité des communautés des habitats lénitiques (Diptères et Oligochètes) où se dépose la matière organique. Vers l’aval LF, la qualité s’est améliorée grâce à l’autoépuration, qui consiste en la transformation de matière organique en matière minérale grâce aux microorganismes. Ainsi, il y a réapparition de la faune des eaux propres observée dans la station de référence PT (les Ecdyonuridae, les Hydropsychidae, les Caenidae et les Baetidae). Cependant, on constate un certain déséquilibre par rapport à celle-ci, dû à la forte abondance des Tubificidae, des Baetidae, des Hydropsychidae et des Chironomidae. Cette forte densité est liée à l’abondance de la nourriture, notamment les algues et les fins débris organiques.

6. Conclusion

Le cours inférieur de l’oued Za est très dégradé au niveau du rejet des eaux usées en aval de la ville de Taourirt. Il est nécessaire de le protéger par la canalisation puis l’épuration de ce rejet avant son déversement dans le milieu récepteur.

Annexe A

Le tableau d’abondance totale moyenne (N•m-2) de six prélèvements d’échantillonnage durant la période d’étude (juin 2004-novembre 2004).

Average density macroinvertebrates (N•m-2) from six sampling campaigns during the study period (June 2004-November 2004). PT: Bridge of Taourirt; RP: Principal Discharge; LF: Ouled Lefkir.

Le tableau d’abondance totale moyenne (N•m-2) de six prélèvements d’échantillonnage durant la période d’étude (juin 2004-novembre 2004).

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Annexe A (suite)

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