Article body

1. Introduction

Les films biologiques jouent un rôle déterminant dans de nombreux systèmes en ingénierie environnementale; ils sont d’un grand intérêt dans ce domaine de la recherche. Plusieurs modèles développés visant la description du comportement du biofilm ont été formulés jusqu’alors. Molzet al. (1986) abordent la simulation de la dynamique de croissance microbienne couplée au transport de substrat et d’oxygène dans un milieu poreux. Il ressort de ses travaux que des conditions anaérobies se développent rapidement dans un filtre biologique, la biodégradation aérobie cessant pour une quantité importante de substrat à l’entrée du système. À partir d’une expérience et de l’étude descriptive de la croissance d’un film biologique en six étapes, Capdevilleet al. (1988) proposent les fondements d’un nouveau concept de modélisation. Il devient alors possible de simuler les évolutions temporelles de la biomasse active, de la biomasse désactivée et de la masse totale du biofilm. Ses résultats demeurent sans lien avec les profils de consommation d’oxygène. On assiste durant les années 2000 à un foisonnement de modèles numériques sur le développement du biofilm. Chen-CHARPENTIER (1999) synthétise ce qui se fait sur les modèles mathématiques de croissance de la biomasse à l’échelle microscopique et macroscopique. Utilisant les équations de Navier-Stokes couplées à celles d’advection-diffusion, il parvient à corréler les quantités de biomasse, sa distribution dans le milieu poreux aux propriétés macroscopiques que sont la porosité et la perméabilité. Raughet al. (1999) montrent à l’aide d’un modèle simplifié les méthodes de découplage du calcul des processus majeurs dans le biofilm que sont : la diffusion du substrat et la conversion biochimique. L’hypothèse d’une distribution homogène des espèces bactériennes est faite et la conversion est calculée en considérant uniquement la fraction active de la biomasse.

Parmi les travaux les plus récents dans ce domaine, on peut citer, d’une part, ceux de Schwarzet al. (2001) dont les investigations portent sur le lien entre les chutes de pression dans les structures poreuses et la croissance bactérienne. À l’aide du modèle développé, ils seraient en mesure de prédire la croissance d’un biofilm non uniforme sous certaines conditions, et, d’autre part, ceux de Tiwari et BOWERS (2001) qui suivent l’évolution de la porosité et la perméabilité affectées par la croissance bactérienne. Le modèle qu’ils développent intègre la structure microscopique du biofilm. Cooper (2004) souligne l’importance de la maîtrise des transferts d’oxygène au sein des filtres à sable à écoulement vertical. Il précise que du fait des taux de transfert d’oxygène élevés, les rendements d’abattement de la charge polluante sont mieux comparés à ceux obtenus au sein de filtres à sable à écoulement horizontal.

Du fait de la complexité de la représentation du biofilm (modèles de Monod, des Micro-colonies et du Biofilm) et des interactions physico-chimiques, la majorité des problèmes traités sont unidimentionnels. Quelques modèles numériques bidimensionnels (Rifai et al., 1988; Odencrantz, 1992; Mills et al., 1991) et tridimensionnels (Sleep et Sykes, 1993; Zheng, 1993) ont toutefois été développés. Optant pour une simplicité dans l’approche modélisatrice qui n’enlève rien à une exploitation efficiente des résultats, le problème étudié ici est unidimensionnel.

Les modèles recensés jusqu’ici prennent en compte séparément le développement bactérien, le transport du substrat ou de l’oxygène et l’hydrodynamique des filtres. En outre, ils sont développés presque exclusivement pour des milieux poreux saturés. Celui que nous proposons permettra : soit un suivi temporel, soit une distribution verticale dans un filtre à sable de plusieurs paramètres liés à l’activité biologique, au transport et transfert d’oxygène et à l’hydrodynamique du système qui gouverne tous les phénomènes. Dans une approche nouvelle qui combine le génie chimique des réactions et l’approche mécaniste des transferts, nous différentions la consommation de l’oxygène gazeux de celle de l’oxygène dissous. Celle-ci serait stoppée dès lors qu’elle est inférieure à une concentration critique. Nous examinons la cohérence ainsi que la concordance des variations des paramètres clés. L’exactitude des solutions numériques est abordée après implémentation des solutions pseudo-analytiques en milieu poreux non saturé. À travers différents essais de vérification du modèle, l’importance relative du coefficient de dispersion d’un soluté par rapport au taux de dégradation est analysée. Par la connaissance des flux d’infiltration d’air puis des profils de concentration en oxygène dans la phase gazeuse, la prédiction de l’avènement des conditions indésirables telles que l’anaérobiose est effective. Ce modèle permet en outre une caractérisation qualitative et quantitative des apports convectifs et diffusifs nécessaires au maintien d’une dégradation aérobie.

2. Formulation du modèle

2.1 Modèle d’écoulement en milieux poreux non saturé

L’écoulement vertical dans un milieu poreux non saturée est décrit par l’équation de Richards (1931) dont la forme mixte (c’est-à-dire la forme en teneur en eau et pression) est donnée ci-dessous :

où :

K

la conductivité hydraulique du milieu (L·T-1),

h

la pression relative de l’eau par rapport à la pression atmosphérique (L),

z

la profondeur mesurée positivement vers le bas (L),

θ

la teneur en eau volumique (L3·L-3).

Plusieurs descriptions empiriques liant la teneur en eau du sol, la conductivité hydraulique et la hauteur de succion sont proposées classiquement dans la littérature. Les modèles de van Genuchten (1980) et de Mualem (1976) ont été retenus.

avec (van Genuchten, 1980) :

et où θr (L3·L-3) et θs (L3·L-3) sont respectivement la teneur résiduelle en eau et la teneur en eau à saturation; θe la teneur effective en eau, Ks (L·T-1) la conductivité hydraulique à saturation, α(L-1) un paramètre empirique dont l’inverse peut se référer à la pression d’entrée d’air, n et m deux paramètres empiriques liés à la distribution de la taille des pores (equation: 013538are005n.png), d’après Mualem, 1976) et l un paramètre lié à la connectivité des pores.

2.2 Modèle de transport de la biomasse active

Le transport macroscopique de la biomasse active en suspension dans la phase liquide du milieu poreux est décrit par l’équation de Taylor et JAFFÉ (1990) :

où :

CB

la concentration de la biomasse active par unité de volume de la phase liquide (M·L-1),

Disp

le coefficient de dispersion hydrodynamique (L2·T-1),

RB

le taux de production de la biomasse dans la phase liquide (M·L-1·T-1),

q

le débit spécifique d’infiltration (L·T-1)

Le terme (RS –RD) traduit les échanges entre la biomasse de la phase liquide en mouvement et la biomasse de la phase liquide immobile liée au support granulaire fin. Si par hypothèse nous supposons que la croissance de la biomasse est décrite par les fonctions cinétiques de Monod (Hermanowicz, 1997) et si sa décroissance est un processus cinétique du premier ordre, RB est donné par :

où :

k1

le taux d’utilisation maximale du substrat (T-1),

k2

le coefficient d’utilisation de l’oxygène pour la synthèse bactérienne (adimentionnel),

b

le taux de respiration endogène de la biomasse (T-1),

KS

le coefficient de demi-activité de Monod par rapport au substrat (M·L-1),

K0

le coefficient de demi-activité par rapport à l’oxygène (M·L-1).

Les variables CS et C0 sont explicitées dans un paragraphe ultérieur.

2.3 Modèle de transport du substrat

L’équation de transport macroscopique du substrat (Taylor et JAFFÉ, 1990) est donnée par :

avec :

CS

la concentration du substrat dans la phase liquide (M·L-1).

Rsub

représente dans la phase liquide le taux d’utilisation du substrat par la biomasse (M·L-1·T-1)

Ssub

le transfert net du substrat vers le biofilm par diffusion à travers l’interface eau/biofilm (M·L-1·T-1).

Exploitant les travaux d’Atkinson et DAVIS (1974) puis ceux de Rittmann (1982), Taylor et JAFFÉ (1990) donnent les expressions de Rsub et Ssub (Équations 7 et 8) en milieux poreux saturés. Elles ont été réécrites pour un milieu poreux non saturé, en présence d’oxygène dissous et gazeux.

où :

η

un facteur d’efficacité corrigeant la résistance à la diffusion du substrat (adimentionnel),

Y

le rendement de conversion du substrat en biomasse (adimentionnel),

ρbiof

la masse volumique du biofilm (M·L-1).

2.4 Modèle de conservation du biofilm

En tenant compte des échanges considérés dans les équations 4 et 6, il résulte l’équation de conservation de la phase du biofilm qui s’écrit comme suit :

où :

θbiof

la teneur volumique du biofilm (L3/L3),

RD

le taux de sédimentation, de filtration ou d’adsorption de la biomasse sur le support minéral (M·L-1·T-1),

RS

le taux de cisaillement de la biomasse du biofilm (M·L-1·T-1).

Des auteurs cités par Taylor et JAFFÉ (1990) montrent que RD est du premier ordre par rapport à la concentration de la biomasse active; d’où l’expression suivante :

où c1 et c2 sont des constantes introduites par Deb (1969). Rittmann (1982) montre que le cisaillement n’est pas très significatif dans un milieu poreux dont les particules sont de la taille des graviers, mais est par contre très important dans un milieu poreux constitué de sable. Il propose l’expression :

où bS est le coefficient spécifique de perte par cisaillement.

2.5 Modèle de transport et de consommation d’oxygène

Dans un massif filtrant, l’oxygène est apporté sous forme dissoute dans l’influent avec une concentration maximale de l’ordre de 10 mg·L-1, par convection suite au mouvement d’air lié au déplacement de la phase liquide et par diffusion moléculaire (Vasel, 2003). Kruh et SEGALL (1981) développent un modèle qui simule la consommation d’eau, d’oxygène et de nitrate par les plantes du sol. Ils tiennent compte de l’oxygène dissous dans l’eau et incluent une concentration critique en deçà de laquelle la consommation d’oxygène est stoppée. Il est admis par ailleurs en boues activées que l’oxygène ne devient limitant, du point de vue cinétique, qu’en dessous d’une concentration critique de l’ordre de 0,5 mg·L-1 (Vasel, 2003).

2.5.1 Équation macroscopique de transport et de consommation de l’oxygène gazeux

où :

COG

la concentration d’oxygène dans la phase gazeuse du massif filtrant (M·L‑1),

ϕa =

(ϕ - θ) la porosité libre à l’air; ϕ étant la porosité,

ROG

le taux de consommation d’oxygène gazeux lié à l’activité biologique (M·L‑1·T‑1),

RT

le taux de transfert d’oxygène de la phase gazeuse vers la phase liquide (M·L‑1·T‑1),

qa

le débit spécifique d’infiltration d’air (L·T‑1),

DG

le coefficient de diffusion de l’oxygène dans la phase gazeuse (L2·T‑1).

Plusieurs modèles du coefficient DG sont proposés dans la littérature, celui de Currie (1960) est des plus utilisé et largement diffusé. Il a été exploité durant cette étude.

Le débit spécifique d’infiltration d’air qa est déterminé par l’équation de conservation ci-dessous :

Cette équation exprime que la divergence du flux d’infiltration de l’effluent et celui de l’air sont égaux et varient en sens inverse. Dans un volume élémentaire représentatif, la décroissance de q est compensée par l’augmentation de qa et réciproquement.

2.5.2 Équation macroscopique de transport et de consommation de l’oxygène dissous

où :

COD

la concentration de l’oxygène dissous (M·L‑1),

ROG

le taux de consommation d’oxygène dissous lié à l’activité biologique (M·L‑1·T‑1),

DL

est le coefficient de dispersion de l’oxygène dans la phase liquide (L2·T‑1).

Par ailleurs, l’évolution de COD est liée au taux de transfert d’oxygène de la phase gazeuse vers la phase liquide de la matrice poreuse selon l’équation :

où :

kLa

le coefficient volumique de transfert d’oxygène (T‑1),

CODS

la concentration à saturation de l’oxygène dissous (M·L‑1)

Dans chaque volume élémentaire représentatif, il existe par le biais de la loi d’Henri un équilibre entre CODS et la concentration d’oxygène dans la phase gazeuse :

avec He la constante d’Henri adimensionelle.

2.5.3 Termes de consommation d’oxygène ROD et ROG

La consommation d’oxygène résulte à la fois de la conversion du substrat en biomasse, c’est-à-dire de la combustion de la matière organique et de la respiration endogène des micro-organismes. D’où l’expression du taux de consommation suivant :

avec :

Dans les deux équations 17 et 18, l’indice ‘O’ est remplacé par les indices ‘OD’ ou ‘OG’ désignant l’oxygène dissous et gazeux respectivement. Lorsque le régime d’alimentation du massif filtrant est permanent, le biofilm baigne en permanence dans la phase liquide, et nous faisons l’hypothèse que la consommation d’oxygène dissous est prioritaire et se produit jusqu’à ce que sa concentration soit inférieure ou égale à une concentration critique CC. Dans ce dernier cas, la consommation d’oxygène se ferait directement dans la phase gazeuse; son transfert de la phase gazeuse vers la phase liquide s’accélère et le processus recommence.

Le modèle ainsi formulé se résume à six équations de transports macroscopiques couplés et non linéaires. Les termes puits/sources sont des fonctions des variables inconnues.

3. Résolution numérique

La linéarisation des équations obtenues après discrétisation des équations de conservation et de transport par la méthode de différences finies avec un schéma temporel d’Euler est effectuée à l’aide de la technique itérative de Picard, bien explicité dans Lehmann (1996). La résolution des systèmes algébriques se fait par l’algorithme de Thomas et la programmation en Fortran 95. Le choix d’un schéma implicite en temps nous affranchit des critères temporels d’instabilité (valeur de CFL très faible). Toutefois, les pas de temps et d’espace sont choisis de façons à obtenir des nombres de Peclet (equation: 013538are022n.png) assez petits et éviter ainsi des oscillations liés à la discrétisation spatiale des termes dispersif et convectif.

3.1 Paramètres du modèle

Les paramètres du modèle ont été tirés de la littérature. Les principaux sont issus des travaux publiés et recensés dans le tableau 1.

Tableau 1

Principaux paramètres du modèle.

Main model parameters.

Principaux paramètres du modèle.

*cf : cultures fixées, cl : cultures libres

-> See the list of tables

4. Vérification du code de calcul

4.1 Exactitude des solutions numériques

Cette partie constitue une étape capitale qui permet au programmeur de s’assurer de l’exactitude de la solution numérique. Il s’agit ici de comparer les solutions analytiques et numériques. Pour que ce processus soit légitime, les problèmes identiques sont résolus analytiquement et numériquement, et ce, pour les mêmes conditions initiales et aux limites.

Peu de solutions analytiques décrivant le transport de soluté dissous couplé aux réactions existent. Celles existantes dans la littérature le sont presque exclusivement pour des milieux saturés pour lesquels la vitesse de Darcy est constante. En milieu non saturé, la nécessité de calculer le champ d’écoulement s’impose. Nous exploitons donc ici, dans une approche innovante, des solutions analytiques développées pour des milieux saturés et modifiées pour tenir compte d’un champ d’écoulement hétérogène en milieux poreux non saturés.

De façon méthodique, deux problèmes s’inscrivant dans un processus graduel de vérification sont testés :

  • Convection-dispersion d’un soluté sans réaction cinétique.

  • Transport unidimensionnel d’un soluté dissous en milieu poreux non saturé avec une dégradation de premier ordre.

4.2 Mesure des performances

Les solutions numériques et analytiques sont comparées qualitativement et quantitativement. L’analyse qualitative comporte une comparaison visuelle des solutions alors que l’analyse quantitative emploie des moyens mathématiques afin de mesurer la différence entre les solutions numériques et analytiques. Elle peut se faire de différentes façons par la détermination de l’erreur absolue maximum, la somme d’erreur absolue et la somme d’erreur au carré, l’erreur sur le bilan de matière, la somme relative d’erreur au carré (Srec). Cette dernière grandeur, dont l’expression est donnée ci-dessous, a été utilisée.

avec :

Srec

la somme relative d’erreur au carré,

N

le nombre de noeuds du domaine,

CAi

la concentration analytique au noeud i,

CNi

la concentration numérique au noeud i,

C0

la concentration du soluté à la source.

4.2.1 Transport d’un soluté dissous avec une source continue sans réaction cinétique

La solution analytique en milieu poreux saturé est donnée par Fetter (1993) :

avec :

t

le temps (T),

x

la distance à la surface (L),

C0

la concentration à l’entrée du domaine (M·L‑3),

V

la vitesse intersticielle = vitesse de Darcy / porosité (L·T‑1 ),

D

le coefficient de dispersion (L2/T).

La solution pseudo-analytique en milieu poreux non saturé est implémentée en déterminant numériquement V dans chaque pore à l’aide de l’équation de Richards (Équation 1).

Le débit imposé par la condition de Neumann assure une vitesse V constante et un milieu non saturé.

La solution numérique s’obtient en imposant une valeur nulle à tous les termes puits/source des six équations de transport du modèle.

4.2.2 Transport d’un soluté dissous avec une source continue et une dégradation de premier ordre

La solution analytique avec une vitesse uniforme V est donnée par Poulsen, (1991) :

où :

C0

la concentration à l’entrée du domaine (M.L‑1),

Ci

la concentration initiale dans le domaine (M.L‑1),

K

le coefficient de dégradation du premier ordre (T‑1),

et :

La solution pseudo-analytique s’obtient de la même façon que précédemment. La solution numérique à partir du code développé s’obtient en considérant tous les termes puits/source nuls sauf ceux de l’équation 6 du transport du substrat. Le terme de consommation résulte dans (6) de la double cinétique de Monod. Afin d’obtenir une dégradation du premier ordre, il suffit de prendre : KS >> CS et KO << CO . Avec la première inégalité, le terme de consommation du substrat devient une fonction linéaire de la concentration en substrat (CS) et la seconde inégalité annihile l’action de l’oxygène.

5. Résultats et discussions

5.1 Hydrodynamique en milieu vierge

Les paramètres physiques et hydrodynamiques du milieu poreux étudiés sont les suivants :

L’hydrodynamique est le module central du modèle car il gouverne l’ensemble des phénomènes de transfert et de transport dans le milieu poreux. Il est donc essentiel de s’assurer de sa justesse. Les profils d’humidité obtenus en milieu vierge, c’est-à-dire non colonisé par la biomasse, sont comparés à différents instants aux solutions analytiques de l’équation de Richards obtenues par Broadbridge et WHITE (1988) puis Warrick et al. (1990) (Figure 1). Les solutions développées par le modèle sont d’autant plus satisfaisantes que le temps de simulation est long. Un écart relatif maximal de 0,5 % est ainsi obtenu pour un temps d’infiltration de 48 heures.

Figure 1

Comparaison des solutions analytiques de l’équation de Richards et celle du modèle développé pour un débit de 8,64 cm/j.

Comparison between the analytical solutions to Richard’s equation and those yielded by the model developed for a flow of 8.64 cm/day.

Comparaison des solutions analytiques de l’équation de Richards et celle du modèle développé pour un débit de 8,64 cm/j.

-> See the list of figures

5.2 Dispersion hydrodynamique et temps de séjour

Lors d’études similaires, Viottiet al. (2002) puis Bancoléet al. (2003) ont calé leur modèle avec des charges hydrauliques maximales de 3,46 cm/jour et 25 cm/jour respectivement. La charge hydraulique testée durant toutes les simulations varie de 8,64 cm/j à 20 cm/j. La dispersion d’un soluté dissous dans un fluide en écoulement au sein d’un milieu poreux traduit la répartition du soluté en concentration au sein de ce milieu. La figure 2 représente, pour différentes valeurs du coefficient de dispersion, l’évolution temporelle des profils de concentration relative d’un soluté.

Figure 2

Convection-dispersion d’un soluté dissous sans réaction chimique.

Convection and dispersion of a solute without a chemical reaction.

Convection-dispersion d’un soluté dissous sans réaction chimique.

-> See the list of figures

On observe une bonne superposition des solutions numériques et pseudo-analytiques, l’ordre de grandeur de la somme des écarts relatifs au carré (Serc) étant de 10-2. Le code développé assure une très bonne approximation du transport de soluté au sein d’un milieu non saturé. Pour un débit et un temps d’alimentation fixés, la distribution du soluté sera d’autant plus rapidement homogène que la dispersion est élevée. Dans le traitement des eaux usées au sein des lits de sable, le temps de séjour ou temps de contact entre la matière polluante véhiculée dans l’effluent et la biomasse épuratrice fixée sur le support est donc un paramètre corrélé à la dispersion de l’effluent au sein du milieu. Quel impact la dispersion a-t-elle sur le traitement? Cette question est abordée à la section suivante.

5.3 Pouvoir dispersif et capacité de dégradation

Le transport d’un soluté couplé à une dégradation du premier ordre est simulé. Sur la figure 3, nous vérifions la solution numérique et nous observons l’effet conjugué du taux de dégradation et du coefficient de dispersion. Il faut remarquer que dans ces simulations, Ci = C0 (voir équation 22).

Figure 3

Illustration de l’effet conjugué de la dispersion et du taux de dégradation du substrat.

Illustration of the combined effect of dispersion and the rate of degradation of the substrate.

Figure 3a

Figure 3b

Figure 3c

Figure 3d

-> See the list of figures

Les solutions numériques sont ici parfaitement superposées aux solutions analytiques avec un Serc de l’ordre de 10-4 à 10-3. Pour un débit d’alimentation fixé, la figure 3 représente l’évolution temporelle du profil de concentration relative du soluté pour les différents cas suivants :

  1. Faible dispersion et taux de dégradation élevé

  2. Faible dispersion et faible taux de dégradation

  3. Forte dispersion et taux de dégradation élevé

  4. Forte dispersion et faible taux de dégradation

Les pourcentages d’élimination du substrat pour les quatre cas de figures simulés sont donnés dans le tableau 2.

Tableau 2

Pourcentage d’abattement du substrat pour différents couples (k; Disp).

Percent reduction of the substrate for different conditions (k; Disp).

Pourcentage d’abattement du substrat pour différents couples (k; Disp).

-> See the list of tables

Il apparaît, au vu du tableau 2, que l’abattement des charges polluantes est optimisé au sein d’un biofilm à taux de dégradation élevé et pour un effluent à faible coefficient de dispersion (cas a). Ce résultat est parfaitement cohérent avec la corrélation dispersion/temps de séjour de l’effluent évoquée au paragraphe précédent.

Des cas simples de convection-dispersion sans réaction cinétique puis avec une dégradation de premier ordre sont donc parfaitement pris en compte par le modèle numérique.

5.4 Évaluation des capacités d’oxygénation

5.4.1 Spécification des apports en oxygène

L’infiltration percolation est une filière aérobie de traitement des eaux usées à travers un massif poreux. L’oxygénation du milieu a lieu du fait d’une ventilation naturelle et essentiellement par convection et diffusion. Le taux de transfert d’oxygène est l’un des facteurs les plus importants dans le dimensionnement des filtres à sable à écoulement vertical (Cooper, 2004). Il apparaît donc capital de déterminer, d’une part, l’ordre de grandeur relatif des phénomènes de convection et de diffusion, et, d’autre part, les principaux paramètres influençant sensiblement ces phénomènes.

Par ailleurs, d’après Headleyet al. (2004), la charge hydraulique est un facteur critique pour le dimensionnement des filtres à écoulement vertical.

Dans la suite, nous examinons l’impact de la charge hydraulique et de la concentration en substrat d’un effluent sur les capacités d’oxygénation d’un massif filtrant.

L’alimentation est continue, deux charges hydrauliques sont testées tout en maintenant la charge organique apportée constante telle que le montre le tableau 3.

Tableau 3

Paramètres hydrauliques et organiques de l’influent.

Hydraulic parameters and organic content of the influent.

Paramètres hydrauliques et organiques de l’influent.

-> See the list of tables

Pour la détermination numérique des flux entrants convectifs (JConv) et diffusifs (JDiff), nous utilisons la méthode développée par Wind et van Doorne (1975) et Poulsen (1994), et bien explicité par Fabritz (1995).

Dans le cas d’un maillage en une dimension, JConv et JDiff sont déterminés de la façon suivante :

où :

equation: 013538are038n.png

le flux d’air entrant au niveau de la maille supérieure (déterminé par l’équation 13),

COG1 et COG2

respectivement les concentrations d’oxygène aux mailles 1 et 2,

DG

le coefficient de diffusion de l’air qui dépend de la porosité libre à l’air.

5.4.2 Conditions initiales et aux limites - Constantes du modèle

Concernant l’hydrodynamique, la condition à la limite supérieure est celle de Neumann (flux constant) et la condition à la limite inférieure est celle d’un drainage libre ou gradient unitaire (Lehmann, 1996). S’agissant du substrat et de l’oxygène, les conditions aux limites inférieures du domaine sont dites de transmission (CN‑1 = CN).

Hydrodynamique

Substrat

Oxygène

Les principales constantes utilisées pour les simulations sont rassemblées dans le tableau 1.

La figure 4 présente les résultats des simulations numériques.

Figure 4

Évolution des flux entrants convectifs (gauche) et diffusifs (droite).

Variation of convection (left hand side) and diffusion (right hand side) inflow.

Évolution des flux entrants convectifs (gauche) et diffusifs (droite).

-> See the list of figures

Les flux convectifs et diffusifs varient en sens inverse durant une alimentation continue du massif poreux. Très élevés en début d’alimentation (régime transitoire), les flux convectifs décroissent assez rapidement lors de l’établissement du régime permanent. L’apport convectif en oxygène est donc maximal en début d’alimentation et est d’autant plus important que le débit d’alimentation l’est, d’où la préconisation d’une alimentation intermittente ou par à-coups favorisant plusieurs pics de convection (Wankoet al., 2004). Très faibles en début d’alimentation, les flux diffusifs croissent d’autant plus rapidement que la concentration en substrat de l’influent est élevée. L’explication provient du fait que la biodégradation des influents très pollués (CS élevé) nécessite d’importantes quantités d’oxygène, ce qui induit des gradients de concentration en oxygène considérables et par la suite des flux diffusifs de plus en plus élevés. Toutefois, la valeur limite maximale que peuvent atteindre les flux diffusifs s’obtiendra en prenant l’écart calculé avec la concentration en oxygène maximal approximativement égal à la concentration à saturation de l’oxygène dans l’air atmosphérique. L’ordre de grandeur du phénomène de diffusion demeure nettement inférieur à celui de convection pour le temps d’infiltration simulé.

Le modèle permet donc une analyse qualitative et quantitative des flux d’oxygène entrants. Ainsi, la prépondérance des flux convectifs par rapport aux flux diffusifs a été établie en début d’alimentation.

5.4.3 Dégradation aérobie

La figure 5 représente les profils croisés de consommation d’oxygène et de substrat au sein du milieu poreux pour différentes charges hydrauliques et concentrations en substrats (Tableau 3). Les conditions initiales et aux limites sont données à la section précédente.

Figure 5

Profils croisés d’abattement du substrat et de consommation d’oxygène.

Cross profiles of substrate reduction and oxygen consumption.

Profils croisés d’abattement du substrat et de consommation d’oxygène.

-> See the list of figures

Les travaux expérimentaux ainsi que les modèles numériques en milieux saturés de Molzet al. (1986), puis ceux de Taylor et JAFFÉ (1990) prévoient un développement significatif de la biomasse dans la partie supérieure des filtres où le substrat est en abondance. Il y règne par conséquent une activité bactérienne intense : c’est la biodégradation du substrat. Il apparaît sur la figure 5 que les profils d’abattement du substrat sont tout à fait bien corrélés avec les profils de concentration d’oxygène. On peut ainsi observer une décroissance rapide des concentrations en oxygène due à une activité bactérienne intense, puis une remontée en oxygène vers le fond du filtre du fait d’une absence de substrat.

Par ailleurs, il faut noter que la décroissance est ici accentuée pour une alimentation à forte charge hydraulique et faible concentration en substrat (H = 17,28 cm/j; CS = 0,6 g/L). Ce constat est parfaitement lié aux faibles diffusions évoquées au paragraphe précédent pour ce cas de figure. Autrement dit, pour une gestion optimale de l’oxygénation des massifs filtrants et pour une charge organique apportée constante, l’alimentation à faible charge hydraulique de l’effluent fortement concentré est préférable à l’alimentation à forte charge hydraulique de l’effluent plus dilué. Au vu de ce résultat très important, les lits d’infiltration percolation devraient être connectés préférentiellement aux réseaux séparatifs plutôt qu’aux réseaux unitaires.

Le modèle construit permet donc, pour des conditions opératoires bien spécifiques, d’anticiper sur l’état physique et biochimique d’un filtre à sable, de localiser d’éventuelles zones anaérobies. La connaissance de la proportion du lit opérationnel, parce que effectivement efficace au bout d’un certain temps, est une aide au dimensionnement et à l’évaluation de la pérennité des installations.

6. Conclusion

Le modèle développé permet une meilleure compréhension des processus hydrodynamiques et biochimiques qui s’établissent au sein d’un lit d’infiltration percolation. Combinant une approche génie chimique des transferts d’oxygène gazeux vers la phase liquide et une approche mécaniste des équations de transport macroscopiques, une mise en équation assez simple des différents phénomènes complexes est effectuée. Nous procédons par la suite à une étape de vérification méthodique des phénomènes qui s’y établissent afin de s’assurer de l’exactitude de la solution numérique. Pour ce faire, des solutions pseudo-analytiques en milieux non saturés sont implémentées à partir de solutions analytiques obtenues en milieux poreux saturés. La comparaison qualitative et quantitative des résultats est satisfaisante. La dispersion d’un soluté, son temps de séjour au sein du filtre et le taux de dégradation sont des paramètres clés dont les influences sur le taux d’abattement de la matière polluante ont été analysées.

Nous avons abordé par ailleurs l’évaluation des capacités d’oxygénation de cette filière de traitement des eaux usées à aération naturelle. Pour ce faire, un cas complexe mettant en exergue un substrat primaire (charge polluante) et un substrat secondaire (oxygène) est traité. Il ressort principalement que, d’une part, le choix de la charge hydraulique et la connaissance de la concentration en matière polluante de l’influent fournissent des indications précises sur les apports convectifs et diffusifs d’oxygène gazeux. D’autre part, pour une optimisation des capacités d’oxygénation au sein des lits d’infiltration percolation, nous montrons qu’il est préférable de les connecter aux réseaux séparatifs d’où proviennent, par nature, des effluents plus concentrés que ceux des réseaux unitaires. L’étape ultérieure au niveau de la simulation est la prise en compte par le modèle numérique du fonctionnement des filtres à sable de première génération (Cooper, 2004) ou à alimentation alternée.