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1. Introduction

Il est impossible de comprendre le fonctionnement d’un fleuve sans s’intéresser à son bassin versant : ensemble de la superficie alimentée par tous les cours d’eau et nappes souterraines qui se déversent dans un même lieu. D’amont en aval, l’eau coule, s’infiltre, ressurgit, s’évapore, érode, transporte. D’aval en amont, les poissons migrateurs remontent pour se reproduire. L’eau forme un système complexe et interactif dont dépendent les équilibres naturels du cours d’eau, de la ressource, et surtout les usages. C’est à l’échelle des bassins versants que la gestion opérationnelle peut le mieux s’imaginer, tout en se souvenant que la complexité de ce territoire condamne à l’échec toute approche institutionnelle trop uniforme ou trop rigide.

Les cours d’eau outrepassent les découpages administratifs, et une approche interdépartementale, interrégionale, voire internationale est souvent incontournable en matière de gestion de ces territoires de projets. Pour le Rhin, ou la Garonne, des coopérations transfrontalières se sont déjà engagées préfigurant ainsi le district hydrographique international prévu dans la directive cadre sur l’eau (DCE 2000/60/CE) mais aussi depuis peu dans la « Directive inondation » 2007/60/CE.

2. Les EPTB : une stucture nouvelle pour adapter le cadre institutionnel français à la gestion de l’eau et des bassins versants

2.1 Les fondements institutionnels

Après les lois de décentralisation de 1982, les Communes, en particulier les grandes villes et les Départements, furent les premières collectivités à s’investir fortement, tant techniquement que financièrement, dans la gestion de l’eau. Les Communes sont les seules collectivités à posséder des compétences claires en matière de dépollution, d’alimentation en eau potable et de gestion des risques. La plupart des syndicats d’eau potable ou d’aménagement de rivières tiennent leur mandat du transfert de compétence des communes.

Les Départements sont des partenaires techniques et financiers majeurs dans tous les programmes d’eau potable, d’assainissement et de restauration des cours d’eau. Ce sont des collectivités engagées dans la programmation et la péréquation financière, en grande partie du fait de leur proximité historique avec les services préfectoraux, et aussi du fait de la représentation majeure du monde rural à travers leurs assemblées. On notera ainsi la place importante toujours donnée par les Agences de l’Eau aux contractualisations avec les Conseils généraux.

Venues plus tardivement dans le paysage institutionnel, les Régions sont devenues des partenaires financiers importants. Leurs compétences très larges en matière d’aménagement du territoire, mais aussi leurs besoins de positionnement identitaire, les amènent à souvent accompagner les porteurs de projets locaux de valorisation de l’espace comme la restauration d’espèces migratrices ou la restauration de cours d’eau. Ce sont également les territoires de référence pour la déclinaison des politiques européennes et de la contractualisation avec l’État des contrats de plan (aujourd’hui contrats de projets); les conseils régionaux prennent donc une part active à la négociation des politiques structurelles européennes et nationales.

Pour ce qui est de l’État et de ses établissements publics, les mêmes organisations spatiales se retrouvent. Le pivot de l’action régalienne est la conduite de la police de l’eau au sens large. Ce sont généralement les administrations déconcentrées qui assurent ces missions. Cependant, une tendance à la régionalisation se dessine, déjà effective en matière d’environnement par les DIrections Régionales de l’ENvironnement (DIREN), et en matière d’industrie (et donc d’établissements classés) par les Directions Régionales de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (DRIRE). À l’échelon central, c’est au sein du Ministère de l’Écologie, mais également dans un cadre interministériel impliquant de nombreux ministères (l’Agriculture, l’Équipement, l’Industrie, l’Intérieur …et la liste n’est pas close), que se débattent les grandes politiques de l’eau. Elles peuvent être d’origine nationale ou concourir à la transposition des Directives et règlements européens. Ces Directives, dont la Directive Cadre sur l’Eau, constituent un exemple emblématique et consacrent le rôle essentiel de l’Europe dans la définition des grandes politiques de l’Eau.

Ces dernières années ont vu la création d’Agences spécialisées de l’État, comme l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA), mais surtout le transfert de nombreuses interventions financières de l’État vers le budget des Agences de l’Eau. Celles-ci deviennent, au-delà de leur fonction de mutualisation des dépenses, et de l’application du principe pollueur ou consommateur - payeur, les véritables outils de la politique décidée à l’échelon central. Il reste cependant aux Comités de Bassins quelque latitude dans la mise en oeuvre pratique à l’échelle de leur District hydrographique de la DCE à travers les plans de gestion et les Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE).

2.2 La naissance des EPTB

Le concept d’aménagement du territoire, thème structurant de réflexion des politiques publiques françaises depuis l’après- guerre, ne pouvait pas se croiser avec la gestion « globale » des bassins hydrographiques, ne serait-ce qu’en constatant le mouvement croissant de concentration de la population le long des fleuves et rivières.

La Loi sur l’eau du 16 décembre 1964 avait imaginé un dispositif cohérent reposant sur trois grands types d’acteurs : les comités de bassin, les agences financières de bassin, et des établissements publics d’État. Ces derniers étaient prévus pour se porter maître d’oeuvre d’opérations à l’échelle du bassin versant ou d’un sous-bassin, ce que l’Agence de Bassin ne pouvait faire. Aucun des ces établissements publics de l’État n’a été créé. Trop lourde et trop compliquée, la procédure instaurée s’est révélée être un frein à la constitution de ces établissements (MARC, 2006). Cependant, quelques regroupements de Collectivités furent impulsés par l’État, souvent sous la forme d’institutions interdépartementales, tout autant pour répondre aux objectifs de la loi de 1964, que pour porter des grands dossiers d’aménagement local où l’hydraulique fluviale conditionnait la réussite du projet. Ces institutions, comme celle de la Charente ou de la Vilaine, se retrouvèrent, pour la plupart, dans le mouvement créant les EPTB.

Les lois de décentralisation, en transférant de nouvelles compétences aux Collectivités territoriales, et surtout en leur confiant les moyens de l’exécution de leurs politiques, les ont amenées à se regrouper pour répondre à des besoins communs : prévention des inondations, aménagement hydrauliques pour le soutien des étiages, etc. La Loi sur l’eau de 1992,- dont on a pu dire qu’elle était la première loi environnementale dans le train des lois de décentralisation, confirme le bassin versant comme territoire d’action. Elle met en avant, en créant les Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) et les SDAGE, l’idée de l’action planifiée à l’échelle de ces bassins, et cherche à renforcer le poids des élus dans les décisions de gestion de ces territoires.

Pour agir à l’échelle fonctionnelle des bassins hydrographiques et pour gérer de façon durable les bassins versants en renforçant la capacité institutionnelle, les départements et les régions structurent leur organisation et renforcent leur implication au sein d’établissements publics : Loire, Seine, Garonne, Dordogne, Lot, Adour, etc. (Figure 1). Ils ont le statut de syndicat mixte ou d’institution interdépartementale. Ils sont toujours présidés par un élu et gérés par un conseil d’administration également composé d’élus représentant les collectivités membres. Ils sont dotés de l’autonomie budgétaire théorique, très relative dans la pratique.

Figure 1

Répartition des sur le territoire national.

Distribution of « Etablissements Territoriaux de Bassin » in France.

Répartition des sur le territoire national.

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2.3 La reconnaissance des EPTB

Regroupés de façon informelle depuis les années 90, les institutions, ententes et syndicats mixtes, qui opéraient à l’échelle des bassins fluviaux, ont cherché à mettre en avant leur capacité à répondre aux besoins d’action et de coordination. La dénomination d’EPTB est apparue pour la première fois en octobre 1997 (MARC, 2005). Les EPTB ont été reconnus officiellement en 2003 comme acteurs de la politique de l’eau à l’échelle des bassins et sous-bassins.

L’article L 213‑12 du Code de l’environnement, complété par la loi de février 2005 sur les territoires ruraux, consacre ces structures en précisant que « pour faciliter, à l’échelle d’un bassin ou d’un sous-bassin hydrographique, la prévention des inondations et la gestion équilibrée de la ressource en eau, les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements peuvent s’associer au sein d’un établissement public territorial de bassin ». Différents textes précisent peu à peu la notion d’EPTB et définissent leurs domaines d’intervention et leurs missions : faciliter la prévention des inondations, la gestion équilibrée de la ressource, la préservation et la gestion des zones humides (art L 213‑10 du code de l’environnement).

Au-delà des simples définitions administratives, la diversité des activités des EPTB peut se résumer triplement :

  • Par l’adaptation aux territoires, les EPTB sont une solution institutionnelle à l’équation complexe des bassins versants, en cela, ils sont un outil ad hoc précieux;

  • Par leur expertise pluridisciplinaire et leur fonction de programmation, les EPTB disposent d’une capacité à croiser les enjeux hydrauliques et environnementaux, qui leur permet d’approcher le problème de la gestion des cours d’eau dans ses différentes dimensions;

  • Par la fonction démocratique qu’ils assurent en organisant le travail commun d’échelons institutionnels différents et en assurant la participation des citoyens à la gestion des fleuves et des rivières.

Les EPTB agissent principalement en tant que maîtres d’ouvrage dans les trois domaines suivants :

  • Hydraulique (gestion des étiages, protection et prévention des inondations, production d’eau potable, entretien de la voie navigable);

  • Environnement (action en faveur des poissons migrateurs, entretien des berges, observatoires de bassin, qualité de l’eau, inventaire et gestion des milieux aquatiques);

  • Développement local (action en faveur des patrimoines naturel et culturel, développement touristique).

Sur ces bases et en fonction du critère de cohérence hydrographique, chaque établissement peut demander une reconnaissance de son mandat et de son périmètre d’intervention par l’État conformément à une circulaire qui en définit précisément les modalités. L’article R. 213‑49 du Code de l’environnement prévoit que « le préfet coordonnateur de bassin délimite par arrêté le périmètre d’intervention de l’EPTB dans un délai de six mois à compter du jour de la réception de la demande, après avis des conseils régionaux et généraux intéressés, du comité de bassin, ainsi que, s’il y a lieu, de la commission locale de l’eau ». La circulaire du 9 janvier 2006 portant reconnaissance officielle des EPTB précise que, lorsque la demande de reconnaissance émane de la part d’un groupement existant qui répond aux caractéristiques d’un EPTB par son statut et son objet, la consultation du préfet est limitée, pour les régions et les départements, à ceux qui n’adhèrent pas à ce groupement. La géographie de l’eau a été consacrée au moment de la délimitation du territoire des agences de l’eau et des comités de bassin (district) et du territoire des EPTB (bassin).

Avec la dernière loi sur l’eau de 2006, les EPTB se voient proposer des implications fortes dans la mise en place des SAGE et la formulation d’avis sur les projets les plus importants en matière de gestion des eaux.

Aujourd’hui au nombre de 24, ils couvrent les trois-quarts du territoire métropolitain et sont fédérés depuis 1997 au sein d’une association nationale : l’Association Française des EPTB (AFEPTB). Présidée par un élu, elle a pour but de promouvoir et de favoriser l’aménagement intégré et le développement durable des bassins hydrographiques, d’assurer les échanges d’informations entre les élus responsables d’EPTB, d’ouvrir le dialogue avec tous les acteurs intéressés au présent et à l’avenir des EPTB, en particulier en France et en Europe, et d’être l’interprète des EPTB auprès des pouvoirs publics. L’Association Française des EPTB a été reconnue très officiellement par le décret n°2007‑833 du 11 mai 2007 relatif au comité national de l’eau. L’AFEPTB est désormais membre es qualité de ce comité au titre des associations nationales des collectivités territoriales (art. D. 213‑4 du Code de l’environnement).

Les EPTB affichent comme ambition leur volonté de resserrer le lien entre géographie et politique de l’eau, de mettre en place des solidarités. Mais comment peut-on analyser cette situation nouvelle à l’heure où, dans tous les pays du monde, la gestion intégrée de l’eau prend le bassin versant comme modèle de territoire pour une gestion novatrice?

2.4 Le cadre d’action des EPTB

En France, la complexité du paysage institutionnel impose une collaboration constante entre toutes les parties prenantes de la gestion des fleuves et des rivières : l’État, les collectivités territoriales, les Agences de l’Eau et les usagers. Les EPTB se présentent dans ce contexte comme un acteur ayant un rôle d’interface.

Les outils disponibles sont nombreux et relèvent de trois domaines : le financier, le réglementaire et le contractuel.

  • Outils financiers (fonds européens, contrats de projets État - Régions, programmes des Agences de l’Eau, politiques territoriales, etc.);

  • Outils réglementaires (directives et règlements européens, législation nationale et code de l’environnement, SDAGE, SAGE, etc.);

  • Outils contractuels (plans de gestion des étiages, contrats de rivière, de baie, contrat d’objectif : retour aux sources, etc.).

En fonction des problèmes à régler sur leur bassin, les EPTB choisissent, conçoivent et mettent en oeuvre les outils les mieux adaptés à la nature et à l’échelle des enjeux, et ce, à partir des concertations organisées avec tous les partenaires concernés. Ils formalisent ensuite les accords passés entre les usagers, les pouvoirs publics et l’EPTB, et s’engagent dans la mise en oeuvre des actions relevant de leur mandat propre (Tableau 1).

Tableau 1

Présentation synthétique des principales missions des Etablissements membres de l’Association Française des EPTB.

Synthetic presentation of main missions of the members of the French association EPTB.

EPTB

Données collectées en janvier 2008

Thèmes fondateurs

Thèmes abordés

Actions prioritaires

Actions les plus remarquables

ADOUR(1978)

Nombre de salariés : 12

Territoire d’intervention : 16 900 km2

- gestion et augmentation de la ressource en eau

- protection contre les crues

- lutte contre la pollution

- gestion des inondations

étiages, poissons migrateurs, inondations, déchets flottants

gestion des étiages

- mise en place d’un barrage flottant en milieu sous l’influence de la marée pour arrêter, récupérer et traiter/valoriser les déchets

- reconstitution des stocks de saumons

- gestion contractuelle des prélèvements sur les rivières réalimentées 

AUTHIE(1993)

Nombre de salariés : 3

Territoire d’intervention : 1 305 km2

- contribuer à la gestion équilibrée de la ressource en eau

- promouvoir une politique cohérente de développement du tourisme et des loisirs

- assumer un rôle général de coordination, d’animation, d’information et de conseil dans ces domaines pour faciliter l’action des collectivités, en assurer la cohérence et l’efficacité

qualité des eaux, milieux, poissons migrateurs et aménagements piscicoles des barrages, protection de la ressource en eau, dynamique fluviale, maîtrise d’ouvrage pour l’élaboration du SAGE, maîtrise d’ouvrage pour l’élaboration des DOCOB des sites d’Intérêt Communautaire de la vallée de l’Authie (Natura 2000), développement économique, tourisme

 

 

BRESLE(1995)

Nombre de salariés : 6

Territoire d’intervention : 748 km2

- préserver la qualité des eaux de la Bresle et favoriser le développement de ses richesses piscicoles,

- améliorer la gestion hydraulique du bassin versant dans le respect des équilibres naturels

- mettre en valeur le patrimoine naturel et paysager de la vallée

développement du tourisme pêche, étude et travaux pour restaurer la libre circulation des poissons migrateurs, lutte contre les inondations (SAGE), sensibilisation des scolaires à l’environnement, sauvegarde du patrimoine naturel à forte valeur écologique

- gestion intégrée de la ressource sur le bassin versant

- développement du tourisme pêche

- travaux de lutte contre les inondations et les ruissellements

- restauration libre circulation des poissons migrateurs

 

CHARENTE(1977)

Nombre de salariés : 6,5

Territoire d’intervention : 10 500 km2

gestion intégrée des ressources en eau à l’échelle du bassin fluvial

étiages, inondations, poissons migrateurs, écologie, barrages, valorisation touristique du fleuve

gestion du cycle de l’eau

- plan de gestion interdépartemental des étiages

- tableau de bord de la ressource en eau (constat, anticipation…)

- soutien d’étiages

DORDOGNE(1991)

Nombre de salariés : 19

Territoire d’intervention : 24 500 km2

résolution des conflits entre usages

étiages, poissons migrateurs, inondations, qualité baignade, pollution diffuse agricole, barrages

gestion des débits

- réduction de l’effet des éclusées

- concertation (Sommet et Charte Vallée Dordogne)

DURANCE(1976)

Nombre de salariés : 11

Territoire d’intervention : 14 250 km2

protection contre les inondations

gestion des crues, transports solides, patrimoine naturel, gestion des usages

gestion des ouvrages hydrauliques (seuils, digues)

- mise en place observatoire Durance,

- Natura 2000 Durance

GARDONS(1995)

Nombre de salariés : 17

Territoire d’intervention : 2 000 km2

protection contre les inondations

gestion du risque inondation, gestion de la ressource en eau (quantité, qualité), protection et gestion des milieux aquatiques, entretien des cours d’eau, coordination des actions

gestion du risque inondation

- plan Gardon

- équipes vertes

- plan anticipation des crues

- repères de crues

- assistance à gestion des ouvrages ISP

- concertation (SAGE, contrat de rivière, gestion quantitative)

GARONNE(1983)

Nombre de salariés : 12

Territoire d’intervention : 56 000 km2

création d’une société nationale pour l’aménagement du bassin garonnais

étiages, poissons migrateurs, dynamique fluviale, paysages, entretien du lit et des berges, zones humides, déchets flottants, patrimoine

gestion des étiages

- schéma directeur d’entretien du lit et des berges

- plan Garonne

GIRONDE(2001)

Nombre de salariés : 5

Territoire d’intervention : 3 900 km2

tourisme

environnement, zones humides, ressources halieutiques, prévention des inondations, tourisme.

tourisme

programme LEADER

ILLE ET RANCE(1990)

Nombre de salariés : 21

Territoire d’intervention : 832 km2

gestion du canal d’Ille et Rance, développement touristique

entretien, gestion, aménagement et développement touristique de la voie navigable

restauration, dragage et sauvegarde du patrimoine

curage de la Rance fluviale par aspiro-dragage

ISERE(2004)

Nombre de salariés : 6

Territoire d’intervention : 4 600 km2

protection contre les inondations

inondations, milieux naturels, usages des berges

prévention des inondations

projet de rétention dynamique de protection de l’agglomération grenobloise

LOIRE(1983)

Nombre de salariés : 38

Territoire d’intervention : 65 160 km2

aménagement hydraulique de la Loire

hydraulique (prévention des inondations et gestion de la ressource en eau), recherche / données / informations, environnement, valorisation du patrimoine

- réduction de la vulnérabilité aux inondations,

- exploitation des ouvrages hydrauliques,

- appui aux SAGE

- étude 3P

- réduction de la vulnérabilité aux inondations des activités économiques

- stimulation de la recherche et de l’innovation ligérienne

- appui à l’élaboration PCS et DICRIM

LOT(1980)

Nombre de salariés : 3

Territoire d’intervention : 11 400 km2

aménagement hydraulique de la vallée du Lot

tourisme, navigation, étiages, qualité baignade 

- aménagement et développement touristique de la Vallée du Lot,

- gestion intégrée des ressources (étiage)

 

MARNE(1984)

Nombre de salariés : 3

Territoire d’intervention : 12 255 km2

protection contre les inondations

inondations, milieux naturels, entretien du lit

prévention des inondations

modélisation des crues

MEUSE(1996)

Nombre de salariés : 9

Territoire d’intervention : 7 785 km2

protection contre les inondations

inondation, environnement, projet de développement durable sur le bassin international

études, coordination et maîtrise d’ouvrage d’aménagements pour la lutte contre les inondations

- zone de ralentissement dynamique des crues de Mouzon (08),

- gestion de crise inondations (OSIRIS)

OISE AISNE(1968)

Nombre de salariés : 11

Territoire d’intervention : 16 862 km2

protection contre les inondations, préservation de l’environnement

inondation (ralentissement dynamique, prévention et mémoire du risque, entretien de rivière…), reconquête des milieux aquatiques (restauration hydro-écologique des cours d’eau, reconnections hydrauliques dont frayères, aménagements écologiques)

protection contre les inondations

- projet pilote de Longueil Sainte Marie dans l’Oise,

- projet de ralentissement des fortes crues de l’Oise à Proisy

RHONE(1987)

Nombre de salariés : 6

Territoire d’intervention : 90 000 km2

 

tourisme, crue, milieux naturels

tourisme, inondations

- étude Globale du Rhône,

- véloroute Voie Verte « Du Léman à la Mer »

SAONE DOUBS(1991)

Nombre de salariés : 42

Territoire d’intervention : 30 000 km2

- aménagement et gestion intégrée

- lutte contre les inondations

SAGE et contrats de rivières, lutte contre les inondations, aménagements piscicoles et biodiversité (NATURA 2000), formation professionnelle milieux aquatiques.

 

- plan des gestions Saône et contrat de vallée inondable,

- réduction de la vulnérabilité aux inondations,

- 9 contrats de rivière en cours

SEINE(1969)

Nombre de salariés : 129

Territoire d’intervention : 33 000 km2

- soutien des étiages

- lutte contre les inondations

étiages, inondations, environnement

étiages, inondations

enjeux socio-économiques des crues

SEVRE NANTAISE(1985)

Nombre de salariés : 14

Territoire d’intervention : 2 354 km2

valorisation des rivières

milieux aquatiques, inondations, valorisation touristique, SAGE

milieux aquatiques

- les 100 secrets de la Sèvre Nantaise

- SAGE, PAPI

- contrat restauration entretien

SEVRE NIORTAISE(1987)

Nombre de salariés : 10 (+12 saisonniers)

Territoire d’intervention : 4 162 km2

études et travaux à l’échelle du bassin versant

SAGE(s), modélisation de nappes souterraines, contrats zone humide et rivières / lutte contre l’envasement (maintien des capacités d’écoulement) / poissons migrateurs

restauration et entretien de la zone humide du Marais poitevin (marais mouillés)

- maîtrise des envasements à l’estuaire

- maîtrise des proliférations végétales dans le Marais poitevin

VIDOURLE(1989)

Nombre de salariés : 20

Territoire d’intervention : 850 km2

protection contre les crues

entretien des berges, lutte contre la pollution, crues et inondations

budget : 12 millions €

- prévention des inondations

- contrats de rivière

- Natura 2000

- projet pilote national (lutte contre les inondations)

- sensibilisation scolaire

- repères de crues, PCS

- équipes vertes

VILAINE(1961)

Nombre de salariés : 43

Territoire d’intervention : 10 500 km2

lutte contre les inondations, aménagements hydrauliques

barrage, navigation, eau potable, gestion des marais et zones humides, estuaire, SAGE, soutien syndicats de rivière, gestion végétaux envahissants, poissons migrateurs, gestion des inondations.

gestion de barrage / production eau potable, lutte contre les inondations

- coordination de bassin versant

- régulation et sécurité de l’alimentation en eau potable à l’échelle régionale

- Natura 2000 sur les grands marais de Redon

-> See the list of tables

Il n’y a pas eu à ce jour de réel bilan sur l’efficacité de ces institutions qui sont des acteurs somme toute récents, apparaissant dans un contexte institutionnel complexe.

Nous allons tenter dans la suite de cette analyse de fournir quelques éléments en décrivant leurs activités à travers le triple filtre de l’adaptation au territoire, de la capacité de planification et de la fonction démocratique. Ces exemples répartis dans une dizaine de familles d’actions ne sont pas exhaustifs.

3. Missions des EPTB (tableau I)

3.1 Un objectif prioritaire : concilier les usages

Les fleuves et rivières sont depuis le Moyen Âge des espaces aménagés essentiellement pour la navigation et pour l’amenée d’eau potable et agricole. Ces 50 dernières années ont connu au moins trois accélérations majeures : le développement de l’hydroélectricité, le bouleversement du paysage rural par l’agriculture, irriguée ou non, et le développement des prélèvements par l’industrie. Les fleuves et rivières ont également été aménagés par un nombre important d’ouvrages de protection contre les crues : des levées de la Loire aux digues de l’Isère, du Rhône, de l’Aude, de l’Oise, etc.

L’histoire de l’occupation humaine permet de dresser une liste incomplète des usages fréquemment rencontrés :

  • Alimentation en eau potable;

  • Alimentation en eau pour l’industrie;

  • Aquaculture;

  • Baignade;

  • Extraction de granulats;

  • Irrigation;

  • Transport et navigation de commerce;

  • Navigation de plaisance;

  • Pêche amateur aux engins;

  • Pêche de loisir (à la ligne);

  • Pêche professionnelle;

  • Production hydroélectrique;

  • Rejets agricoles;

  • Rejets industriels;

  • Rejets urbains;

  • Sports d’eau vive, canoë kayak;

  • Tourisme (paysages), etc.

Ainsi, un milieu aquatique peut être considéré soit comme une ressource, une richesse que l’on exploite, soit comme un patrimoine qu’il faut gérer, préserver et valoriser. L’action publique sur les rivières mélange en permanence les deux approches et tente de concilier de nombreux usages et des intérêts parfois opposés.

En additionnant sur un même cours d’eau les exigences en quantité et en qualité de chaque usage, on peut très facilement arriver à des demandes en quantité qui dépassent la disponibilité de la ressource, à des perturbations de la qualité qui ne permettent plus à certains usages de se développer : comment se baigner en dessous d’un rejet? Comment faire survivre un poisson si toute l’eau a été pompée en amont?

Gérer un milieu c’est donc adapter les usages à la ressource, tout en garantissant la pérennité de cette ressource, c’est anticiper et éviter les crises, c’est transmettre aux générations futures un patrimoine fluvial sain. Le gestionnaire doit travailler avec chacun des groupes d’usagers, afin d’obtenir de sa part les efforts nécessaires en matière d’économies d’eau et de meilleures utilisations, en échange de la satisfaction de ses besoins. On voit que, pour y parvenir, il est indispensable d’avoir des logiques d’action qui intègrent tous ces enjeux et qui surpassent les cloisonnements sectoriels, qu’ils soient géographiques ou administratifs. Les EPTB sont ainsi amenés à aborder des thématiques assez différentes, et surtout à les croiser entre elles pour tenter de dégager des logiques globales et « intégratrices ».

L’engagement des EPTB dans les démarches contractuelles a constitué, pour certains d’entre eux, un véritable acte fondateur et un bouleversement des approches pour les territoires concernés. On citera l’exemple connu de la Charte Vallée Dordogne préparée par l’EPTB Dordogne qui reste le document de référence pour ce fleuve. Avec le protocole Charente, signé à la même époque, en plein moment du débat de la loi de 1992, ces documents de concertation locale volontaire ont préfiguré les SAGE.

Plusieurs EPTB sont devenus naturellement les porteurs des démarches SAGE, ou équivalentes comme les Plans de Gestion des Étiages (PGE) (cf. infra). On citera les EPTB de la Sèvre Nantaise, la Sèvre Niortaise, la Vilaine, la Vienne et la Dordogne.

La préparation d’un SAGE, et surtout l’animation de la Commission Locale de l’Eau (CLE), sont l’occasion de concilier les usages, et pour les usagers, de se connaître les uns les autres. C’est aussi le moment pour les Collectivités de réfléchir à la mission confiée à l’EPTB. La démarche participative sous‑jacente est parfois complexe, lente… mais toujours riche, et permet une approche intégrative appropriée par l’ensemble des parties prenantes. On peut cependant s’interroger sur l’évolution récente de ces démarches après la loi de 2006, et au vu des projets de SDAGE, qui semble gommer une large part de la dynamique de construction du haut vers le bas.

3.2 La lutte contre les inondations

Les crues sont des phénomènes naturels qui entrent dans la vie normale d’un cours d’eau. Elles contribuent à sa bonne santé en remodelant le fond du lit et les berges, en rechargeant les nappes et en alimentant les bras morts. Les difficultés apparaissent dès lors que les crues concourent à ralentir ou contrarient les activités humaines Des travaux ont été entrepris et des aménagements réalisés sans bénéficier d’une vision globale du risque et sans intégrer l’information sur l’évolution du climat limitant l’efficacité des politiques d’aménagement. Des projets n’ont pu voir le jour, leur porteur étant à la longue découragé par le trop grand nombre de parties prenantes non fédérées à la bonne échelle. Seule une stratégie cohérente de prévention et de réduction de la vulnérabilité, réfléchie à l’échelle du bassin, peut garantir l’efficacité tout en réduisant les dépenses.

Pour cela, les EPTB sont maîtres d’ouvrages, d’études et de réalisations dans le domaine de la prévention. Ils participent à la mise en place des Programmes d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI). Ils participent également à l’alerte, service dont la responsabilité finale est assurée par l’État. Sur ce thème des inondations, qui constitue l’un des piliers de leur activité, les actions des EPTB sont nombreuses et diversifiées :

  • Territoire Rhône, dans le cadre du Plan Rhône, participe à la pose de repères de crues, la communication et la sensibilisation à la culture du risque, ainsi qu’à l’adaptation de guides sur la vulnérabilité des exploitations agricoles, en collaboration avec les Chambres Départementales d’Agriculture;

  • La démarche de l’Établissement Public d’Aménagement de la Meuse et de ses Affluents (EPAMA) s’articule autour du déploiement de l’outil OSIRIS destiné à la prévision des crues et son couplage au modèle hydraulique MOISE;

  • Sur la Charente, dans le cadre du Programme d’Actions de Prévention des Inondations, lancé depuis 2004, trois sites ont été retenus pour réaliser des zones de ralentissement dynamique, également développées sur la Meuse. Les démarches s’accompagnent de concertation et sensibilisation au niveau des bassins versants. Plusieurs projets locaux sont en cours, comme les coupures de méandres au niveau de l’agglomération de Saintes (problème lié à la présence d’un site Natura 2000) et le « désensablement » de l’estuaire, dont la capacité hydraulique a été réduite de 40 % en 50 ans (problèmes liés à la présence d’enjeux d’eau potable et de marais);

  • Actuellement, le Syndicat Mixte pour l’Aménagement et la Gestion Equilibrée (SMAGE) des Gardons travaille sur le surstockage avec la conception d’un barrage de 200 m de long sur 14 m de hauteur, la gestion de l’alerte pour les petits affluents hors couverture SPC (montée rapide des eaux de plusieurs mètres en quelques heures) grâce à un modèle pluie‑débit et un réseau de pluviographes rapatrié sur les communes et le Service de Prévision des Crues (SPC), ainsi que l’exploitation des images radar, une exposition itinérante;

  • Sur la Seine, la compétence traditionnelle de l’EPTB est la gestion des barrages (Grands Lacs de Seine), mais elle oriente aujourd’hui son approche « inondation » sur la réduction de vulnérabilité dans le cadre du Plan Seine. En région parisienne, deux millions de personnes vivent en zone inondable et 170 000 entreprises sont concernées;

  • Sur la Vilaine, la lutte contre les inondations est au coeur des missions fondatrices. Aujourd’hui, après avoir entrepris une modélisation globale du bassin, l’action de l’Institution s’articule autour de plusieurs axes : la mise en place d’aménagements hydrauliques (grands travaux structurants et ralentissement dynamique par petits ouvrages écrêteurs), la réduction de la vulnérabilité avec des diagnostics d’entreprises, l’accompagnement des communes dans la réalisation de leur Plan Communal de Sauvegarde (PCS). L’EPTB Vilaine participe à un programme européen interreg sur le thème des solutions innovantes en matière d’inondation dans le contexte des évolutions climatiques;

  • L’EPTB Saône Doubs, parmi ses actions les plus importantes, travaille à la réduction de la vulnérabilité sur six départements et trois régions. Il réalise au nord de Chalon la restauration du champ d’expansion des crues sur plusieurs casiers agricoles avec une remise en eau d’un casier de 1 500 ha, pour 11 millions d’euros environ. L’EPTB est également engagé dans une analyse globale qui croise aléas et vulnérabilité. Dans le cadre de ces diagnostics, des liens ont été créés avec la mission des sociétés d’assurances pour la connaissance et la prévention des risques. Des études de protection des lieux habités ont été réalisées et donnent parfois des résultats (coûts / dégâts) qui remettent en cause la nécessité des aménagements. Une discussion se développe sur la fiabilité de ces études coûts / dégâts évités.

Pour développer la sensibilisation et aborder les aspects techniques, l’EPTB Saône a conçu et mis en place le Salon PREVIRISQ conduit en 2005 et qui sera réédité en 2008 sur la Loire avant un retour sur la Saône.

Ces quelques exemples montrent que l’EPTB est l’institution idéale pour mettre en place une connaissance globale évolutive du risque d’inondation, planifier et réaliser les travaux d’enjeu et d’envergure intercommunale, voire interdépartementale.

Il montre que la connaissance hydraulique du fonctionnement des cours d’eau par un EPTB peut être utilisée pour de nombreuses finalités :

  • Affiner la connaissance et homogénéiser les données et les hypothèses à prendre en compte dans les projets;

  • Élaborer des diagnostics hydrauliques à différentes échelles;

  • Construire des stratégies cohérentes hiérarchisées planifiées et proposer des aménagements et des ouvrages de gestion globale, tels que des ouvrages de ralentissement dynamique;

  • Animer une concertation efficace;

  • Développer la culture du risque sur un bassin versant, sensibiliser les acteurs et la population, et donner des cartes d’inondation pour une gamme de crues aux opérateurs de la sécurité civile;

  • Enfin, fournir des éléments de référence pour la gestion écologique et la connaissance du fonctionnement sédimentaire et de la géomorphologie des cours d’eau.

Les travaux engagés depuis de nombreuses années par les EPTB devancent en fait la mise en place de la nouvelle directive européenne sur les inondations; celle-ci prévoit en effet : la mise à jour des connaissances à l’échelle du bassin versant, la mise en place de plans de gestion du risque inondations à l’échelle du bassin versant, l’élaboration de scénarios de risque, la prise en compte et le développement de la capacité d’adaptation aux changements climatiques et enfin le développement d’une culture du risque pour apprendre à vivre avec l’aléa.

3.3 La gestion des étiages

L’étiage est la période de plus basses eaux dans les rivières. L’étiage naturel est bien vécu par les milieux qui sont « habitués » à ces conditions. En revanche, l’étiage aggravé par des prélèvements trop importants entraîne des situations de crise sur la ressource avec des conséquences graves sur les milieux et des conflits d’usage. Il faut également souligner qu’en situation d’étiage sévère les cours d’eau sont plus sensibles aux pollutions du fait d’une moindre dilution.

En règle générale, le niveau de consommation d’eau douce d’un pays exprime son niveau de développement économique. L’augmentation de la consommation d’eau par l’agriculture, l’industrie et les municipalités met parfois à rude épreuve les ressources en eau douce et, dans certaines régions, la demande d’eau dépasse déjà ce que peut offrir la nature. Il ne s’agit donc pas de se demander « de combien d’eau avons-nous besoin et où la trouve-t-on? », mais plutôt « quel est le volume d’eau disponible et quelle est la meilleure façon d’en tirer partie? ».

Sur le bassin Dordogne, par exemple, la répartition des consommations entre usages est la suivante :

  • Irrigation : 62 Mm3;

  • AEP : 24 Mm3;

  • Industrie : 4,7 Mm3.

Ces très fortes consommations sont en particulier le résultat de l’augmentation exceptionnelle de l’irrigation encouragée par les politiques agricoles européennes (PAC) et nationales. Elle a quintuplée en vingt ans.

Le contexte est assez semblable d’un bassin à l’autre, et sur de nombreux cours d’eau du bassin, les prélèvements sont supérieurs à la ressource disponible. Les autorisations de prélèvements, délivrées par l’État, dépassent les volumes consommés qui sont eux-mêmes supérieurs à la ressource disponible (Figure 2).

Figure 2

Irrigation – bassin versant Isle Dronne – comparaison entre volumes autorisés / volumes consommés et volumes disponibles – année 2006.

Irrigation – Isle Dronne water basin – comparison between authorized volumes / deducted volumes and available volumes – year 2006.

Irrigation – bassin versant Isle Dronne – comparaison entre volumes autorisés / volumes consommés et volumes disponibles – année 2006.

-> See the list of figures

Les problèmes d’eau nationaux sont souvent imputables aux attributions d’eau, plutôt qu’à une pénurie absolue. En l’absence de politiques qui relient l’approvisionnement en eau douce aux utilisations concurrentes qu’en font les divers secteurs, il se produit souvent des pénuries locales et régionales, et la concurrence devient de plus en plus dure. En d’autres termes, nous devons mieux gérer la demande d’eau. Quel que soit l’usage que l’on fasse de l’eau douce – pour l’agriculture, l’industrie ou les services municipaux – il existe des possibilités considérables d’économies et d’amélioration de la gestion.

Équilibrer les besoins sectoriels en fonction du bien qu’en retire l’ensemble de la société, et aussi en tenant compte des besoins de l’écosystème. Tel est l’objectif des EPTB qui sont très souvent au centre des débats publics sur le partage de l’eau.

Le SDAGE Adour Garonne a conçu un nouvel outil : les PGE ou plan de gestion des étiages. Ce sont des démarches contractuelles entre les acteurs concernés : Agence de l’eau, État (Missions Interservices de l’Eau - MISE), Chambres d’agricultures, gestionnaires de barrages, etc. Le SDAGE identifie les EPTB comme maîtres d’ouvrage de l’animation et de la médiation. Les PGE sont déjà mis en place sur l’Adour, la Garonne, la Charente et la Dordogne. La force des EPTB est de pouvoir apporter des solutions constructives dans des contextes conflictuels.

Sur l’Isle Dronne, sur laquelle un plan de gestion d’étiage (PGE) est validé, la situation est la suivante :

les prélèvements, bien supérieurs à la ressource disponible, participent à un déficit chronique qui atteint 11,3 millions de m3 en année sèche moyenne (fréquence de retour de cinq ans), dont les conséquences sont de fréquentes restrictions d’usage prises en période de crise et la dégradation des milieux aquatiques. Il a ainsi été observés plus de 450 km de linéaire de rivière à sec en 2006. On peut estimer que la moitié des cours d’eau du bassin, soit 1 000 km de linéaire, sont régulièrement mis en situation critique.

Le PGE vise à :

  • définir la ressource disponible à ne pas dépasser pour prévenir les situations de crise;

  • réglementer les autorisations, pour les ramener au niveau de la ressource disponible à l’horizon 2010;

  • accompagner l’évolution des pratiques par des actions de sensibilisation et la promotion de mesures concrètes répondant à ces changements : changement de cultures, économies d’eau, substitution des prélèvements (création de ressource), meilleure gestion des ressources stockées et organisation collective des usagers;

  • coordonner la gestion de crise entre les départements;

  • mettre en place des maîtrises d’ouvrage pour le soutien des étiages. (C’est l’un des objectifs prioritaire de l’EPTB Garonne qui assure la gestion des masses d’eau négociées avec EDF).

Pour aboutir aux objectifs d’équilibre entre pression et ressource, il est nécessaire :

  • que l’ensemble des usagers soit sensibilisé, en particulier le monde agricole,

  • de favoriser la création de ressource sur les sous-bassins les plus déficitaires,

  • que l’action des PGE soit lisible. EPIDOR a ainsi réalisé un outil de collecte des données et de partage de l’information qui permette de clarifier les données de bases : autorisations, prélèvements par sous-bassin, et donc de lever les blocages liés aux incertitudes sur les données,

  • que les lois intègrent les préoccupations liées aux étiages. L’AFPTB s’est beaucoup impliquée pour que la notion de « ressource disponible » soit intégrée dans la rédaction du décret d’application de l’article 21 de la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) qui n’évoquait que les modalités d’organisation du partage,

  • de suivre avec attention les crises pour pouvoir recenser les dysfonctionnements et proposer d’éventuelles corrections; ainsi, à l’heure actuelle, le délai moyen entre l’atteinte d’un débit de crise et l’affichage de l’arrêté préfectoral de restriction des prélèvements est de neuf jours!

  • de mieux connaître le fonctionnement des bassins soumis à de fortes pressions de prélèvements. L’EPTB Dordogne a équipé de matériel de mesure cinq sous-bassins versants qui restaient peu connus en 2007.

En matière de résultats sur le bassin Isle Dronne précédemment évoqué :

  • la coordination interdépartementale s’est concrétisée par la prise d’arrêtés cadre communs définissant les niveaux de gestion de crise,

  • le niveau des prélèvements autorisés a été réduit, même si, globalement, les objectifs du PGE ne sont pas encore atteints bien que certains départements respectent les objectifs du PGE (Gironde, Charente Maritime),

  • les réductions d’autorisation, comprises par le monde agricole qui reconnaît la gravité de la situation, ont déjà incité quelques agriculteurs à réduire leurs surfaces irriguées, mais cela reste encore exceptionnel et l’effort de réduction doit se poursuivre.

Les plans de gestion d’étiages peuvent naturellement constituer les volets « ressource » des SAGE qui pourraient émerger. Cela permettrait de renforcer la portée des objectifs de ressource disponible définis par sous-bassin par les PGE qui s’imposeraient au niveau des autorisations délivrées par l’État.

Mais l’Europe encourage une remise en culture des jachères et la question se pose aujourd’hui à savoir l’impact de ces projets de développement sur des cours d’eau déjà fragilisés par des prélèvements excessifs et également de la cohérence de cette orientation de l’Europe avec les objectifs de la DCE.

3.4 La reconquête de la qualité de l’eau

Selon un rapport de l’Institut Français de l’Environnement (IFEN) de 2004, l’eau est la seconde préoccupation environnementale des Français, et environ une personne sur deux estime que la qualité des eaux superficielles ou souterraines s’est dégradée durant les dix dernières années. Si l’on considère l’évolution de la teneur moyenne en nitrates des cours d’eau français, on observe une nette dégradation de la qualité depuis les années 70 et une relative stagnation depuis les années 2000. Le phosphore total (impliquant également l’agriculture) et les pesticides doivent tout autant nous alarmer.

Malgré les nombreuses actions de dépollution engagées ces dernières années, la situation se dégrade donc sur la majorité des grands bassins versants. Et pourtant, le maintien de la qualité de l’eau, ou sa restauration dans les zones dégradées, est un enjeu économique majeur pour la conservation des écosystèmes et le maintien des activités dont les plus exigeantes sont l’approvisionnement en eau potable, l’approvisionnement en eau de certaines industries, et la pratique de la baignade et des loisirs aquatiques. Il est donc nécessaire de comprendre et d’identifier les sources de pollutions pour ensuite les maîtriser.

La DCE demande d’identifier quelles sont les activités dont l’importance relève des enjeux socio-économiques locaux, régionaux, voire nationaux, et de les évaluer sur le plan économique (par exemple, en matière de chiffres d’affaire, d’emplois, d’occupation du sol, etc.). Mais la difficulté est réelle car l’appréciation du coût induit diffère logiquement selon l’échelle de l’analyse. Elle sera plus importante à une échelle locale qu’à une échelle de bassin, voire nationale ou européenne. Nul doute non plus que la part de la décision politique ne sera pas neutre.

De nombreux partenaires travaillent à différentes échelles territoriales, et chacun avec ses propres objectifs, à la lutte contre les pollutions, qu’elles soient d’origine domestique, industrielle ou agricole.

Même s’il ne s’agit pas encore d’un objectif généralisé, plusieurs EPTB sont impliqués dans l’élaboration de stratégies de dépollution, en collaboration avec les départements membres, les agences de l’eau et l’État. Ils participent à la coordination des politiques départementales afin d’adapter les stratégies en fonction des usages dans le cadre de schéma d’organisation. Ils participent, pour certains d’entre eux, aux études, réflexions et à la définition des mesures pour la mise en oeuvre de la DCE. Ces réflexions sont conduites dans le cadre de l’animation d’un SAGE comme sur la Vilaine où elles sont ensuite mises en application dans des politiques contractuelles de bassins versants sur les affluents. L’EPTB Vilaine intervient alors dans le soutien, la coordination et l’échange de savoir entre les structures intercommunales de base.

L’EPTB Dordogne est également engagé dans des procédures contractualisées avec l’Agence de l’eau. En fonction des thèmes ou des territoires traités, il se positionne à plusieurs niveaux dans ce schéma complexe afin d’apporter une vision de bassin versant et, si possible, prospective. Les actions entreprises dans le domaine de la lutte contre les pollutions domestiques le sont de manière territoriale, aux échelles des sous-bassins où sont mis en oeuvre des contrats de rivière : Cère, Céou, Haute Dordogne et Dordogne Atlantique. Elles se développent également à l’échelle du bassin versant de manière thématique pour favoriser, par exemple, l’usage loisir aquatique.

À partir d’un diagnostic sur l’épuration et la qualité des eaux d’un bassin versant, le travail de l’EPTB consiste à établir avec l’ensemble des partenaires un programme de travaux prioritaires d’amélioration de l’assainissement domestique (qu’il soit collectif ou non collectif). Le rôle de l’EPTB consiste avant tout à faire émerger ces programmes de travaux en accompagnant la collectivité départementale ou communale dans ses démarches et en étant vigilant sur les programmations financières afin qu’elles restent en adéquation avec les priorités établies en début de contrat. La pratique des loisirs aquatiques et, si besoin, la mise en place de traitements complémentaires d’abattement de la bactériologie, sont systématiquement évoquées lors des travaux de rénovation ou de construction des systèmes d’assainissement sur les secteurs identifiés par l’animation sur les loisirs aquatiques.

Pour suivre le résultat de ces actions, des bilans de qualité sont ainsi élaborés chaque année, à partir des données collectées par l’EPTB Dordogne, des données issues du Réseau National de Bassin (RNB) et des Réseaux Complémentaires Départementaux (RCD). Ainsi, le bilan final sur la qualité du contrat de rivière Cère, diffusé début 2007, a permis de mettre en évidence la grande vulnérabilité du bassin aux lessivages des sols lors des épisodes pluvieux se traduisant par des taux de matières en suspension, d’azote et de phosphore élevés, ainsi qu’une contamination toxique récurrente (mise en évidence par l’analyse des invertébrés). À la suite de ces bilans, le logiciel PEGASE, le modèle numérique de l’Agence de l’eau, a été utilisé pour simuler les différents scénarios d’assainissement de la vallée de l’Authre proposés par la communauté d’agglomération d’Aurillac et vérifier que le scénario retenu était le meilleur pour la qualité des milieux aquatiques. Il a également permis de quantifier les parts respectives des pollutions domestique, industrielle et agricole dans la dégradation de la qualité des eaux et démontrer que, sur le bassin de la Cère, 80 % des apports en azote dans l’eau sont d’origine agricole. Ces résultats ont été présentés aux acteurs locaux avec la participation de l’Agence de l’Eau Adour Garonne et de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) de Thonon les Bains et l’EPTB Dordogne accompagne activement des Programmes d’Actions Territoriaux (PAT) sur la Dronne et la Dordogne moyennes, visant à réduire les pollutions par les nitrates et les phytosanitaires.

À la suite des observations effectuées sur le Rhône, et pour apprécier la contamination des cours d’eau (sédiments, eau, poisson) par des molécules toxiques tels les PolyChloroBiphényles (PCB), les métaux, les résidus médicamenteux, l’EPTB Dordogne engage des partenariats avec les organismes de recherche (INRA, Centre d’Études du Machinisme Agricole, du Génie Rural et des Eaux et Forêts ‑ CEMAGREF, Université).

Plusieurs EPTB mènent également des études prospectives pour tenter de cerner certains problèmes émergents tels les développements de cyanobactéries dans les plans d’eau et rivières et pouvant impacter la pratique des loisirs aquatiques ou l’alimentation en eau potable. L’étude sur le suivi de la prolifération des cyanobactéries sur la retenue de Bort les Orgues (bassin versant de la Dordogne) est menée en partenariat avec le Museum National d’Histoire Naturelle, l’INRA de Thonon les Bains et le bureau d’études SCE.

3.5 La préservation des milieux aquatiques

Face à des coûts de réparation très élevés, la bonne gestion des bassins fluviaux se solde par de multiples bénéfices. La maintenance de l’écosystème a une grande valeur économique. Une bonne qualité d’eau est source de diversité d’usages et de sécurité collective. C’est un élément de base pour les projets de développement.

On a ainsi pu calculer qu’une inondation sur la Seine lors d’une crue trentenale coûte 1,1 milliard d’EU$ (source : site EPTB Grands lacs de Seine), alors que selon les estimations de la fondation « Canard Illimité », une plaine à inondation intacte – avec ses pêcheries, sa faune, ses lieux de loisirs et les effets de maîtrise naturelle des inondations – vaut près de 4 900 EU$ l’hectare. Une autre estimation place la valeur d’un hectare de terres humides à 15 000 EU$. Mais il est plus difficile d’évaluer ce que rapporte la possibilité de se baigner en toute sécurité, de pêcher un saumon, d’admirer un paysage fluvial préservé ou ce que permet d’économiser de ne pas avoir à traiter de façon massive une eau brute sans polluants.

L’intérêt patrimonial des zones humides est révélé en 1971 par la Convention internationale dite de « Ramsar ». Le rôle et l’intérêt des zones humides sont aujourd’hui démontrés par de nombreux travaux de recherche, études et retours d’expériences, néanmoins plus de la moitié d’entre elles ont disparu au cours de ces quarante dernières années. Les liens entre la protection des zones humides et la mise en oeuvre de la DCE sont indirects mais bien réels, dans la mesure où la notion de bon état écologique des eaux est définie comme l’expression de la qualité du fonctionnement des écosystèmes aquatiques associés aux eaux de surface. Les zones humides, à l’interface des activités humaines et de la rivière, sont donc à prendre en compte en raison des services qu’elles rendent à la société.

La connaissance de ces espaces fonctionnels constitue un enjeu majeur pour la gestion équilibrée de la ressource en eau à l’échelle des bassins versants et plusieurs EPTB ont déjà réalisé des atlas cartographiques sur ce thème : Saône, Vilaine, Dordogne. Ces documents permettent aujourd’hui d’envisager un porter à connaissance auprès des élus locaux. En effet, les documents d’urbanisme ont un potentiel intéressant pour protéger efficacement les zones humides puisqu’ils conditionnent l’occupation du sol du territoire communal. Cependant, une analyse de la prise en compte des zones humides dans les documents d’urbanisme effectuée sur le territoire de la Dordogne Atlantique a montré que seulement 10 % des Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) prenaient en compte les zones humides dans le zonage et les prescriptions, ce qui semble être une tendance vérifiée au niveau national. Le SAGE Vilaine a le premier introduit l’obligation de la prise en compte des zones humides dans les documents d’urbanisme; l’EPTB impulse, suit et synthétise ces inventaires. Aujourd’hui, près de deux tiers des 550 communes du bassin ont réalisé ces inventaires et les ont inscrits dans leur PLU.

Les EPTB développent de nombreuses actions pour garantir, à l’échelle du bassin versant, la pérennité des écosystèmes fluviaux et pour restaurer les milieux dégradés. Ils développent des stratégies de régulation des espèces indésirables dans le respect de l’environnement : Sèvre Niortaise, Vilaine, etc. Ils participent aux inventaires des zones écologiquement sensibles : Dordogne, Saône Doubs, etc. Ils participent à la restauration d’espèces : Adour, Vilaine, Loire. Ils interviennent sur la protection des berges et des ripisylves.

Un travail de qualification des fonctions des zones humides de la Dordogne, dans l’objectif de réaliser un bilan fonctionnel intégré, a été engagé sur un territoire expérimental dans le cadre d’une collaboration avec l’université de Rennes. Ce travail doit aboutir à l’élaboration d’un mode d’emploi plus opérationnel à l’attention des acteurs locaux pour engager l’action sur les zones humides identifiées et qualifiées. Pour la réalisation de ce guide, des compétences multiples ont pu être mobilisées par l’EPTB : Pierre Dulude (Canard Illimité, Québec), Bernard Clément (Université de Rennes), Laurence Hubert Moy (Laboratoire COSTEL).

3.6 Le développement des observatoires

Les données qui permettent de décrire les milieux et leurs usages peuvent devenir les outils d’une bonne gestion de l’eau et des rivières. Par la connaissance, les riverains et les usagers vivront mieux avec les phénomènes naturels et accepteront mieux les nécessaires compromis qu’exige la conciliation des différents usages. Les élus et les gestionnaires pourront s’appuyer sur une information pertinente et partagée pour éclairer et argumenter leurs décisions.

Il y a donc un véritable enjeu social, politique et technique à favoriser toutes les démarches facilitant la mobilisation des données brutes et permettant de valoriser les expertises.

Des outils de traitement des données adaptés à l’échelle d’intervention sont mis en place par plusieurs EPTB, soit directement comme sur la Dordogne, la Charente ou la Vilaine, soit par l’intermédiaire de structures relais comme sur l’Adour. Ces outils représentent souvent des investissements importants et durables, mais ils apparaissent de plus en plus incontournables pour tous les organismes impliqués dans l’aménagement des territoires. Ils permettent, seuls, de valoriser les données acquises par les réseaux de mesure.

Travailler sur la rivière et ses usages implique de s’intéresser à de nombreux sujets, qui s’inscrivent très variablement dans le temps et dans l’espace. À l’échelle de territoires vastes, il est nécessaire de disposer d’outils de gestion des données performants. Les difficultés rencontrées pour la mise en place de ces outils sont connues et concernent les impératifs suivants :

  • Connaître les données disponibles;

  • Acquérir éventuellement les données manquantes ou complémentaires;

  • Rendre les données disponibles pour la consultation et le calcul (organisation de bases de données et d’outils de consultation, agrégation/désagrégation des données);

  • Traiter les données (statistiques, comparaisons, modélisations, etc.);

  • Présenter les résultats d’études et d’expertises pour l’ensemble des publics concernés.

Les données sont en effet produites par de nombreux réseaux de mesure gérés par de multiples organismes à des échelles et des pas de temps variables. Mais si l’organisation des réseaux de mesure au niveau national et au niveau des bassins permet d’accéder plus facilement aux données brutes, il faut cependant souligner les limites de ces réseaux qui, du fait de leur coût de fonctionnement, sont de plus en plus rationalisés.Ils sont en général largement insuffisants en quantité (maillage de stations) et en qualité (paramètres suivis) pour une bonne gestion à l’échelle des bassin hydrographiques et des sous- bassins.

On peut supposer que les moyens financiers ne seront pas plus abondants dans les prochaines années pour les réseaux de mesure. Il apparaît donc essentiel de favoriser la meilleure synergie entre les producteurs et les utilisateurs de données, mais également de valoriser les données produites lors des études ou détenues par les « gens du terrain ». Cette ambition est d’autant plus importante que des réseaux de mesure sont quasiment inexistants sur certains sujets (milieux) dont l’état des lieux initial et le suivi seront demandés dans les prochaines années (bon état écologique exigé par la DCE).

Les systèmes d’informations, en général appuyés sur des SIG, sont capables d’aller collecter, selon les besoins, les données brutes nécessaires à la présentation des problèmes et à leur analyse. Cette donnée est agrégée à la bonne échelle, qui est rarement celle à laquelle cette donnée a été créée. Après traitement des données, l’information est présentée sous une forme (cartes, tableaux, graphiques, textes) et sur des supports variés (atlas, diaporamas, rapports, notes, affiches, pages web, etc.) et adaptés au public et au contexte auxquels cette information est destinée. Ce système est ainsi calé au plus juste sur les préoccupations du bassin et permet à l’EPTB de délivrer en continu une information riche et pertinente. Cette information est pratiquement toujours présentée par des spécialistes (chargés de missions thématiques, animateurs de programmes territoriaux), qui peuvent l’animer auprès des acteurs des territoires (élus, techniciens rivières, usagers, etc…) et ainsi permettre aux concertations de s’engager dans de bonnes conditions.

Les EPTB porteurs de SAGE intègrent cette fonction d’observatoire dans les outils nécessaires à l’animation de la CLE (Sèvre Nantaise, Sèvre Niortaise, Vilaine, Adour, Vienne, etc.)

4. Les moyens et les limites de l’action des EPTB

4.1 Les moyens humains et techniques

Les EPTB regroupent obligatoirement des métiers diversifiés et, au sein des EPTB, plus de 400 cadres supérieurs sont chargés de la gestion de l’eau. Ils possèdent des compétences multiples et sont capables de mettre en oeuvre des approches diversifiées. Parmi les métiers recensés on liste de façon non exhaustive des animateurs, hydrologues, hydrauliciens, écologistes, juristes, chimistes, géomaticiens, géographes, informaticiens, administratifs, ingénieurs spécialisés dans le traitement et la distribution d’eau, biologistes, etc.

Tous les cadres des EPTB ont reçu une formation qui leur enseigne comment envisager les ressources en eau dans un large contexte. Dans un contexte qui évolue au gré de la demande sociale, les personnels des EPTB savent se placer dans une optique orientée vers la demande et pratiquer en ingénierie une gestion de l’eau qui tienne compte des besoins et de la façon de les satisfaire.

4.2 Les moyens financiers

Dans leurs rôles et leurs actions, les EPTB montent en puissance alors que le financement de leurs activités devient de plus en plus difficile à mobiliser au sein des collectivités membres. En effet, celles-ci voient leurs compétences s’alourdir avec les différentes vagues de décentralisation et elles tendent à recentrer leurs moyens financiers sur leurs propres compétences obligatoires. L’adhésion à un EPTB ne fait pas partie de ces compétences obligatoires, non plus que la participation à la plupart des actions menées.

Par ailleurs, on observe dans les programmes des Agences de l’Eau le poids croissant des impératifs nationaux (cf. respect DCE, notamment), et ce, au détriment des besoins locaux. On peut également regretter l’absence de coordination interrégionale, par exemple dans les contrats de projets, aggravée encore par des politiques locales très disparates en matière d’investissement sur l’environnement, en général, et l’eau, en particulier.

Si les EPTB valorisent aujourd’hui une certaine autonomie acquise à travers les contributions de leurs membres, il faut reconnaître qu’ils ne sont pas à la hauteur pour satisfaire complètement les moyens d’action. Ceci amène logiquement à poser la question de l’implication du politique dans la gestion des cours d’eau

4.3 Les moyens politiques

Les EPTB sont mis en place par et pour les collectivités territoriales et ils sont gérés par des élus mais les statuts et les mandats sont variables et mériteraient d’être mieux précisés et mieux valorisés.

Le rôle des EPTB semble encore flou pour nombre d’élus et de techniciens extérieurs (la question de leur positionnement par rapport aux agences de l’eau est récurrente). Cela est sans doute dû à l’imprécision des compétences entre les différentes collectivités en matière d’aménagement du territoire de développement économique et d’environnement. Si l’appellation d’EPTB commence à être connue et reconnue dans les instances spécialisées (corps d’inspection, Direction de l’eau, DIrections Régionale de l’ENvironnement – DIREN, agence de l’eau, etc.), curieusement cela ne semble pas encore véritablement le cas dans nombre de collectivités membres et dans leurs instances de représentation nationale. La question de la maîtrise politique est peut-être une des explications. La perception de ce domaine de compétence comme budgétivore est peut-être une autre explication, dans les deux cas une clarification est nécessaire.

Se pose également le problème des relations avec l’État qui restent ambiguës malgré la procédure de reconnaissance par l’État du périmètre d’intervention, comme reste ambigu le rôle des préfets de bassin qui peinent à faire entendre leur message auprès des services de l’État .Ceci complique la tache des EPTB pour la mise en place d’une action interdépartementale et interrégionale.

4.4 Les EPTB face à l’Europe de l’Eau

Il existe en matière de gestion de l’eau de fortes différences entre les Pays Européens.

Bernard Baraqué (AFEPTB, 2006) explique : « Si en France le Préfet reste le grand responsable des arbitrages, dans les pays de tradition subsidiaire, et a fortiori, les Fédérations, ces tâches sont décentralisées. Typiquement, aux Pays-Bas, ce sont les douze provinces qui sont chargées de coordonner la politique de l’eau; en Allemagne, ce sont évidemment les 16 länders qui sont en premières lignes. En Angleterre, seuls certains comtés conduisent une politique de l’eau. En Espagne, la force des régions autonomes ne favorise pas une décentralisation dans des communautés de rivière, et en Italie, les autorités de bassin sont entre les mains des régions administratives, mais elles ne font pas de maîtrise d’ouvrage. C’est le Portugal qui pourrait, à partir de son découpage en zones hydrographiques et de l’organisation, se comparer possiblement avec les EPTB. Les pays européens étant de tailles variées, ils ont des besoins différents en matière d’organisation de la gestion intégrée. Le Portugal et les Pays-Bas sont bien plus petits que la France et peuvent donc s’orienter vers un seul niveau régional de gestion, alors que la France ou l’Allemagne peuvent imaginer le système décentralisé, mais à deux étapes, voire davantage. L’heure est donc aux expériences multiples ».

5. Conclusions

Dans un grand nombre de régions qui manquent d’eau, une crise de l’eau semble inévitable mais il y en a d’autres qui pourraient s’accommoder du problème à condition de formuler des politiques et des stratégies appropriées et de les mettre rapidement en oeuvre. C’est l’objectif principal développé par les élus membres des EPTB.

Une difficulté fait néanmoins obstacle à une pratique rénovée en ce domaine. La géographie institutionnelle, celle des politiques publiques, et la géographie de l’eau, celle du territoire, ne se recoupent pas.

Les EPTB ont été créés par les collectivités territoriales pour répondre à cette situation.

Le bassin versant est, de l’avis unanime, la bonne échelle de travail. Cette échelle, en privilégiant une approche territoriale et transversale de la gestion de l’eau, permet d’inscrire les fleuves et les rivières dans les politiques d’aménagement du territoire. Cette approche, après avoir convaincu les techniciens, doit maintenant imprégner les politiques, au-delà des limites administratives des départements et des régions qui ne correspondent pas forcément aux bassins versants. Les rivières ne doivent plus être des frontières mais plutôt des liens de coopération.

L’objet même des EPTB, c’est de donner corps au bassin versant en fédérant les actions locales dans la globalité du bassin du fleuve ou de la rivière.

Alexandre Brun, (AFEPTB, 2006) souligne cependant les limites de l’action publique engagée par les EPTB. Selon lui, si le développement de la gestion de l’eau accroît l’intérêt des élus vis-à-vis de ce nouveau territoire, se pose la question des effets négatifs de la multiplication des territoires de l’action publique. Le territoire couvert par le bassin versant n’a en effet pas de légitimité élective et provoque « la perplexité des habitants perdus dans la jungle des appellations et des concepts ». Il relève enfin les risques de contradiction et d’incompatibilité entre certaines politiques territoriales et conclut son analyse en constatant que les politiques dites de proximité peuvent aboutir à « éloigner les gens ordinaires de certains problèmes au lieu de les inciter à les résoudre eux-mêmes ».

Une nouvelle gouvernance se dessine cependant pour organiser, prolonger et mettre en oeuvre la décentralisation en matière de politique des fleuves et des rivières. Il faut collectivement clarifier le pilotage de cette politique. À coté des compétences classiquement définies, même si en réalité elles sont bien imprécises, il faut intégrer de nouveaux lieux de concertation et de décision tels que les commissions locales de l’eau des SAGE. Tout est affaire de subsidiarité et de souplesse, mais passe obligatoirement par l’association du public à la prise de décision.

Les EPTB assurent une fonction démocratique qui contribue à l’émergence de cette nouvelle gouvernance de l’eau par les synergies qu’ils créent et en animant les CLE.

Des financements à la hauteur de cette politique ambitieuse sont un facteur clef de succès. La mise en oeuvre de la directive cadre européenne sur l’eau aura des conséquences financières lourdes; elle nous impose de cesser de raisonner sur la seule référence du prix de l’eau au robinet. Avant de penser recettes nouvelles, il faut rationaliser les dépenses : en raisonnant mieux les investissements, en se posant la question de l’utilité finale des projets, en recherchant des territoires d’action cohérents et à la bonne échelle, etc. Il faut aussi organiser la lisibilité et la stabilité des recettes. Le débat sur la mise en place de redevances montre que celles-ci sont acceptables lorsque la plus value est évidente car liée à l’usage, elles le sont moins lorsqu’il s’agit du milieu naturel, de sa préservation et de son usage collectif.

Les EPTB, en travaillant dans le sens de la coordination, de la concertation et de la recherche de solutions durables, peuvent contribuer à rendre ces dépenses acceptables pour le citoyen qui demeure au bout du compte le seul payeur.

Les EPTB sont des espaces d’élaboration et de mise en oeuvre de la décision politique à grande échelle.

Les mots clés de la gestion durable par les EPTB sont :

  • le bassin versant comme échelle de travail,

  • la solidarité des territoires, car souvent les ressources sont en amont et les besoins en aval,

  • la subsidiarité entre les partenaires pour adapter l’échelle d’intervention aux questions posées,

  • la coordination des actions car la complémentarité et l’absence d’antagonisme sont des éléments qui garantiront une gestion équilibrée.

L’analyse du lien entre EPTB et aménagement du territoire a mis en évidence quelques points forts :

  • L’hétérogénéité des EPTB n’offre pas la même visibilité de l’incidence de leur action en matière d’aménagement du territoire, bien que chacun y contribue;

  • La gestion globale de l’eau à l’échelle du bassin se heurte à la séparation des usages des textes et des administrations : qualité de l’eau, équipement et transport, écologie industrie, tourisme, etc.;

  • Les conventions de gestion et de financement à l’échelle du bassin sont de bons outils mais encore très lourds à obtenir;

  • Enfin la reconnaissance des EPTB dans la loi doit à l’évidence aller de pair avec des ressources financières adaptées.

Ainsi, les différentes missions d’inspection sur nos fleuves et rivières reconnaissent toute l’utilité des EPTB dans cette approche globale que l’on ne nomme pas encore aménagement du territoire. Les derniers épisodes de crues ont mis en évidence l’utilité publique de ces outils : réactivité, travail de terrain, souplesse, capacité à fédérer le travail de chacun, etc. On doit cependant constater que dans le cas d’inondation ou de crises liées au manque d’eau, une fois la crise passée, la pérennité des moyens manque souvent. Que va-t-il advenir des engagements dans les contrats de projets qui ont déjà annoncé des réductions et des gels budgétaires? Quels arbitrages seront amenés à faire les départements, et particulièrement les moins riches, face à la pression budgétaire qui les touche par ailleurs (action sociale, transfert des routes et des établissements d’enseignement), et qu’adviendra t il, in fine, des politiques de l’eau et du respect de la DCE?

L’ensemble de ces réflexions revient immanquablement à dessiner les contours de ce que pourrait être un projet global pour les fleuves et les rivières de France. Un projet dans lequel l’État doit s’impliquer, parce qu’il est à la croisée des politiques énergétiques, agricoles, de gestion des risqueset de développement harmonieux des territoires. Ce projet est d’autant plus indispensable que se profile le transfert de nombreux cours d’eau du domaine public fluvial vers les collectivités.

Seule une grande loi sur les fleuves et les rivières, à l’instar des lois montagne et littoral, permettrait de répondre à cette ambition et d’apporter la reconnaissance juridique nécessaire à chaque EPTB pour un bon fonctionnement dans son périmètre d’intervention.

C’est en tout cas le souhait constant de l’association française des EPTB.