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1. Introduction

L’excès de phosphore (P) dans les eaux des retenues induit un développement épisodique (et parfois endémique) de cyanobactéries avec production de cyanotoxines. La présence de ces molécules (par ex. la microcytine LR) dans les eaux brutes est très surveillée en France par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, car elles sont à l’origine d’intoxications humaines (LEVI et al., 2007). De nos jours, l’enlèvement du P dans l’eau pose de réelles difficultés. En effet, cet élément s’accumule dans les sédiments avec des potentialités de relargage dans la colonne d’eau très dépendantes des conditions physico-chimiques du milieu (pH, redox, température, oxygène dissous). Actuellement, au niveau européen, un partage des expériences nationales existe à travers un réseau : le COST Phosphore. Il s’attelle à l’analyse des méthodes d’atténuation qui sont distinctes des méthodes préventives et curatives. La réduction des apports et des bilans dans les parcelles sur les bassins versants constitue un exemple de méthodes préventives. L’évacuation de vases enrichies en P et le traitement des cyanobactéries sont des méthodes curatives. La mise en place d’une zone tampon qui constitue un moyen efficace, à court terme, pour maîtriser la contamination du réseau hydrographique par les transferts de surface de phosphore, est une méthode d’atténuation. Actuellement, les efforts se concentrent sur la mise au point et l’optimisation de ces méthodes d’atténuation (DORIOZ et AUROUSSEAU, 2007).

En France, le lac de Ribou à Cholet, dans le département du Maine-et-Loire (Figure 1), est un cas typique illustrant la problématique du phosphore. L’origine de cet élément dans la retenue d’eau est principalement due aux rejets des stations d’épuration présentes sur le bassin versant (Figure 2) et qui ne possèdent pas d’étape de déphosphatation. De plus, la présence d’une agriculture intensive et les élevages de bovins sur le bassin versant constituent un apport non négligeable de phosphore (60 % des flux) (COYNE et BELIER, 1994). Ainsi, la concentration moyenne de l’élément P entrant dans le lac de Ribou, apportée en partie par le Trézon (Figure 2), est estimée à 0,34 mg•L-1 en moyenne sur l’année 2006, ce qui en fait une eau de qualité « passable » et de nature « mésotrophe », alors que la retenue de Ribou est classée eutrophe (Figure 2). De plus, en matière de flux, il se déverse dans le lac de Ribou environ 18,7 tonnes de P•an-1 (COYNE et BELIER, 1994). Sortir de l’eutrophisation reviendrait à abaisser cette valeur à 1 tonne de P•an-1, soit une concentration moyenne de P dans les eaux d’alimentation de la retenue de 0,03 mg•L-1, soit un abattement d’un facteur 10 (COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION DU CHOLETAIS, 2007).

Figure 1

Localisation géographique du lac de Ribou Cholet, France (Longitude : 00°49’19’’O; Latitude : 47°02’25’’N).

Geographical location of Lake Ribou, Cholet, France (Longitude: 00°49’19’’O; Latitude: 47°02’25’’N).

Localisation géographique du lac de Ribou Cholet, France (Longitude : 00°49’19’’O; Latitude : 47°02’25’’N).

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Figure 2

Origines des flux de phosphore (données 2006) au sein du Bassin versant du Ribou (13 700 ha).

Sources of the phosphorus fluxes (2006 data) within the Ribou catchment (13,700 ha).

Origines des flux de phosphore (données 2006) au sein du Bassin versant du Ribou (13 700 ha).

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Cette retenue constitue une réserve d’eau brute stratégique. En effet, avec un volume d’eau stocké, estimé à 3,2 Mm3, il s’agit d’une réserve indispensable à l’approvisionnement en eau des 60 200 habitants que compte la ville de Cholet et son agglomération.

Un plan de gestion 2006-2010 du SAGE comprend un ensemble de 29 mesures incluant la mise en place de zones tampons pour limiter les apports de P dans cette ressource. Les zones tampons aménagées pourraient représenter à terme une solution d’épuration dont l’efficacité reste à démontrer sur le site de Cholet. Toutefois, l’installation de zones humides aménagées via l’utilisation de macrophytes plantés est déjà connue surtout pour traiter les eaux usées et de nombreux auteurs y ont très fortement contribué ces dernières années (KAO et al., 2003; OBEK et HASAR, 2002; PERTTU et KOWALIK, 1997; PICARD et al., 2005; PULFORD et WATSON, 2003; SHEN et al., 2003; STEINMANN et al., 2003). Ainsi, les zones à macrophytes (plantés ou flottants) sont mises en oeuvre non seulement pour retenir les nutriments, mais aussi pour créer un environnement favorable à l’activité microbienne des biofilms (ERIKSSON, 2001; GAGNON et al., 2007). Ces derniers semblent jouer un rôle non négligeable dans l’épuration des nutriments (BOURGUES et HART, 2007; KORNER et VERMAAT, 1998).

Cet article relate des résultats préliminaires d’une démarche de restauration, menée au niveau du lac de Ribou, localisé à proximité de Cholet. Dans un premier temps, un traitement de données par analyse en composante principale (ACP) a été réalisé à partir d’une banque de données des paramètres physico-chimiques, afin de discriminer les stations étudiées d’un point de vue « qualité d’eau ». Cette approche a permis de choisir la zone prioritaire pour débuter la restauration. Des inventaires floristiques ont été aussi effectués pour établir un état du milieu et afin de sélectionner les espèces végétales semi-aquatiques potentiellement intéressantes d’un point de vue épuratoire vis-à-vis du phosphore.

2. Matériel et méthodes

2.1 Localisation de l’étude pour les inventaires floristiques

La zone d’étude a été la zone de confluence entre le Trézon et le lac de Ribou (Figure 1) qui est responsable de la majeure partie des apports en P apportés par le bassin versant (COYNE et BELIER, 1994). Deux inventaires floristiques ont été réalisés durant les mois de mai et d’octobre 2006. L’inventaire du mois de mai a permis d’effectuer un premier relevé des espèces présentes sur le site. L’inventaire du mois d’octobre a mis en évidence les macrophytes qui persistent au cours du temps.

2.2 Analyses physico-chimiques des eaux

Les paramètres physico-chimiques suivis mensuellement dans l’eau du lac de Ribou sont : Température (T), Oxygène dissous (O2), pourcentage de saturation d’oxygène (% saturation), Conductivité, pH, Chlorophylle a, Nitrates, Ammonium, Azote Kjeldahl, Orthophosphates, Phosphore total, Carbone organique total (COT), Carbone organique dissous (COD), Concentrations en Fer (Fe) et Manganèse (Mn). L’analyse en composantes principales a été réalisée à l’aide du logiciel SPSS version 14 (Figure 3) sur 52 points de prélèvements d’eau échelonnés sur six années et focalisés sur trois sites (AV, ZB et TR).

Figure 3

Analyse en composantes principales réalisée sur l’ensemble des données physico-chimiques obtenues sur le lac de Ribou de janvier 2000 à juin 2006 (a) légende : chl a : chlorophylle a; Mn : Manganèse; Fe : Fer; P-PO43- : Phosphates; Ptot : Phosphore total; COT : Carbone organique total; COD : Carbone organique dissous; N kjeldahl : Azote kjeldahl; pH; O2 : Oxygène dissous; % saturation : Pourcentage de saturation d’oxygène dans l’eau; NO3- : Nitrates; T : Température; NH4+ : Ion ammonium; conductivité.

Principal component analysis as applied to physicochemical data from Lake Ribou for the January 2000 to June 2006 period. (a) Legend: chl a: chlorophyll a; Mn: Manganese; Fe: Iron; P-PO43-: phosphates; Ptot: Total phosphorus; COT: Total organic carbon; COD: Dissolved organic carbon; N kjeldahl: Kjeldahl nitrogen; pH; O2: dissolved oxygen; % saturation: percentage saturation of oxygen in water; NO3-: nitrates; T: Temperature; NH4+: ammonium ion; conductivity.

Analyse en composantes principales réalisée sur l’ensemble des données physico-chimiques obtenues sur le lac de Ribou de janvier 2000 à juin 2006 (a) légende : chl a : chlorophylle a; Mn : Manganèse; Fe : Fer; P-PO43- : Phosphates; Ptot : Phosphore total; COT : Carbone organique total; COD : Carbone organique dissous; N kjeldahl : Azote kjeldahl; pH; O2 : Oxygène dissous; % saturation : Pourcentage de saturation d’oxygène dans l’eau; NO3- : Nitrates; T : Température; NH4+ : Ion ammonium; conductivité.

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2.3 Méthodologie des inventaires floristiques par la méthode des quadrats (selon l’échelle de Braun-Blanquet)

L’identification des macrophytes a été réalisée à l’aide d’ouvrages présentant la flore d’Europe occidentale (BLAMEY et GREY-WILSON, 2003). Le taux de recouvrement des espèces a été évalué à partir de quadrats pris au hasard en milieu homogène afin d’être représentatif des communautés végétales présentes in situ. Les espèces ont été déterminées et le taux de recouvrement de la végétation est estimé en utilisant l’échelle de Braun-Blanquet (GUINOCHET, 1973). La figure 4 montre la méthode de détermination de la surface minimale requise pour réaliser les inventaires floristiques. Pour connaître cette surface, il a été nécessaire d’effectuer une succession de quadrats en doublant leurs surfaces (Figure 4a) et en comptant le nombre de nouvelles espèces présentes dans le nouveau quadrat. La courbe de l’évolution du nombre d’espèces inventoriées en fonction de la superficie (Figure 4b) permet de déterminer la surface minimale. Cette dernière est obtenue par lecture graphique, lorsque le plateau de la courbe est atteint. Ainsi, le nombre d’espèces augmente fortement au début puis atteint un plateau signifiant que toutes les espèces ont été répertoriées (DUPIEUX, 1998). Toutes les Salicacées n’ont pas été identifiées au niveau spécifique mais l’espèce majoritaire en nombre d’individus est le Saule marsault (Salix caprea).

Figure 4

(a) Détermination de l’aire minimale d’un quadrat. (b) Courbe représentant le nombre d’espèces végétales en fonction de la dimension du quadrat.

(a) Determination of the minimum surface area of a quadrat. (b) Curve representing the number of plant species depending on the size of the quadrat.

(a) Détermination de l’aire minimale d’un quadrat. (b) Courbe représentant le nombre d’espèces végétales en fonction de la dimension du quadrat.

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2.4 Outil de cartographie

Le logiciel utilisé est Adobe Illustrator version 10 (licence 2007, Université d’Angers).

Lors de la cartographie du site d’étude, un code de couleur fut attribué en fonction du taux de recouvrement de la végétation (Figure 5). Le vert est attribué à une absence de relevés, le blanc à une absence de végétation, le jaune à un taux de recouvrement de l’espèce inférieur à 5 %, l’orange pâle, à un taux de recouvrement entre 5 et 25 %, l’orange, à un taux de recouvrement compris entre 25 et 50 %, le rouge entre 50 % et 75 % et le marron à un taux de recouvrement supérieur à 75 %.

Figure 5

Détermination des parcelles sur lesquelles ont été effectués les taux de recouvrement floristique.

Determination of the areas on which the state of floristic recovery was determined.

Détermination des parcelles sur lesquelles ont été effectués les taux de recouvrement floristique.

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3. Résultats

3.1 Traitement des paramètres physico-chimiques par analyse en composantes principales (ACP)

3.1.1 Les paramètres physico-chimiques

Le tableau 1 donne la liste des paramètres physico-chimiques mesurés au niveau des trois stations étudiées en juin 2006. Sur les trois stations étudiées (TR, AV et ZB), 16 paramètres physico-chimiques ont été suivis. Le tableau 1 indique ces différents paramètres suivis sur les trois stations durant la campagne du 17 juillet 2006. Le tableau 2 montre que la station TR apparaît comme la plus eutrophe. En effet, les eaux de cette station sont plus riches en COT, COD, oxydabilité au KMnO4, phosphore et phosphates avec des valeurs respectives de 18,1 mg•L‑1, 16,5 mg•L‑1, 15,7 mg•L‑1, 0,895 mg•L‑1, 1,37 mg•L‑1. On notera également de fortes concentrations en fer (3,59 mg•L‑1) et de manganèse (2,14 mg•L‑1) liés probablement à du relargage des sédiments d’autant plus que les concentrations en oxygène dissous sont très faibles (2 mg•L‑1). Cette station apparaît plus minéralisée par rapport aux deux autres avec une conductivité de 468 µS•cm‑1. Les concentrations en NH4+ sont aussi plus élevées par rapport aux autres stations du lac (0,292 mg•L‑1). Les eaux prélevées au niveau de la station AV sont les plus riches en nitrates (18 mg•L‑1). La station ZB constitue une zone où l’activité algale est plus marquée durant cette période de l’année. Les taux de chlorophylle a atteignent les 40 µg•L‑1. L’azote Kjeldahl est aussi plus élevé au sein de cette station, ce qui est certainement lié à une production algale, d’autant plus que le pH est assez élevé (pH 9). La température (27,4 °C) et la concentration en oxygène dissous élevées (14,3 mg•L‑1), associées à ces valeurs de pH et de chlorophylle a, mettent en évidence les conséquences de l’eutrophisation du milieu. Cette analyse permet de discriminer ces stations lors d’une campagne de prélèvements, mais il est difficile de discriminer les stations entre elles à partir d’une seule campagne. Pour bien diagnostiquer la station la plus eutrophe, il est nécessaire de travailler à partir d’une banque de données plus conséquente et comprenant tous ces paramètres physico-chimiques afin de réaliser une étude statistique complète par analyse en composante principale. Cette approche a pour objectif de bien discriminer la station la plus anthropisée, ce qui orientera le choix de la zone prioritaire à étudier pour un aménagement futur.

Tableau 1

Paramètres physico-chimiques suivis sur les stations TR, ZB et AV (17.07.07).

Physico-chemical parameters monitored at the stations TR, ZB and AV (17.07.07).

Paramètres physico-chimiques suivis sur les stations TR, ZB et AV (17.07.07).

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Tableau 2

Matrice des composantes effectuée à partir des données physico-chimiques des eaux des stations TR, ZB, AV.

Component matrix obtained by analysis of the physico-chemical data from water collected at stations TR, ZB, AV.

Matrice des composantes effectuée à partir des données physico-chimiques des eaux des stations TR, ZB, AV.

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3.1.2 Différenciation des différentes stations étudiées par ACP

Cette approche statistique permet de mettre en évidence des corrélations (positives ou négatives) entre certains paramètres physico-chimiques analysés dans l’eau (par ex. O2 dissous, pH, Cond., T) et de rassembler un ensemble de données conséquentes pour les faire apparaître dans un diagramme à deux composantes X et Y. Il est alors possible de montrer les principaux processus qui gouvernent au sein d’une station donnée. Elle permet de réaliser un meilleur diagnostic et de mieux discriminer les différentes stations par rapport à une qualité d’eau. La figure 3a correspond à un diagramme de dispersion des variables à deux composantes (1 et 2) où tous les paramètres physico-chimiques suivis aux trois stations de prélèvements TR, AV, et ZB sont projetés sur un plan à deux dimensions. La figure 3b représente les diagrammes de dispersion des individus projetés dans le plan à deux composantes. Seule les deux premières composantes sont représentées graphiquement. Le tableau 3 met en évidence les quatre premières composantes expliquant 76,368 % de variances cumulées. Le pourcentage de la variance des composantes 1 et 2 est respectivement de 33,793 % et 20,755 %, et celui des composantes 3 et 4 est respectivement de 14,267 % et 7,553 %.

Tableau 3

Résultat obtenu par l’échelle de Braun-Blanquet permettant de connaître la surface du quadrat à utiliser pour la détermination de l’abondance des espèces.

Result obtained on the Braun-Blanquet scale to define the minimum surface needed to determine species abundance.

Résultat obtenu par l’échelle de Braun-Blanquet permettant de connaître la surface du quadrat à utiliser pour la détermination de l’abondance des espèces.

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3.2 Inventaires floristiques

3.2.1 Détermination de l’aire minimale

L’échelle de Braun-Blanquet montre qu’à partir de 32 m2, il n’y a plus de nouvelles espèces dans le milieu. En effet, un plateau caractéristique se forme dès 32 m2 qui est visible sur le graphique de la figure 4. D’après le tableau 4, parmi les espèces recensées, la quinzième espèce correspond (à 32 m2) à une callitriche (espèce aquatique), cette dernière n’est pas prise en compte car il s’agit d’une espèce aquatique. Sachant que l’estimation de l’aire minimale du quadrat est initialement réalisée sur une zone émergée, et que l’échelle de Braun-Blanquet n’est applicable que sur des zones homogènes, la transition zone immergée-zone émergée apparaît alors pour une surface de 25 m2 (Figure 4b).

Tableau 4

Macrophytes inventoriés au cours des mois de mai et octobre 2006 dans la zone TR (apparaissent en gras les espèces majoritaires).

Macrophytes observed during May and October 2006 (the predominant species encountered are indicated in bold).

Macrophytes inventoriés au cours des mois de mai et octobre 2006 dans la zone TR (apparaissent en gras les espèces majoritaires).

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3.2.2 Délimitation des parcelles suivant la disposition des quadrats sur le site

Le taux de recouvrement de la végétation du site d’étude a été estimé à partir de 115 quadrats permettant de délimiter 115 parcelles de la manière suivante (Figure 5) : le milieu est en effet constitué de zones submergées et de zones découvertes de tailles parfois très inégales. Or, pour être corrects, les relevés doivent s’effectuer sur des surfaces de même nature écologique, cela explique la différence de taille de certaines parcelles. La parcelle n° 20 est petite (environ 50 m2) car elle se situe au niveau du cours d’eau, alors que la parcelle n° 24 est plus grande (environ 2 000 m2) car elle recouvre une zone totalement émergée.

3.2.3 Macrophytes répertoriés

Les deux inventaires floristiques ont permis de recenser les végétaux présents. En mai 2006, 21 espèces végétales sont répertoriées (Tableau 4). Parmi les espèces majoritaires sur le site, Rorippa amphibia est présente surtout dans les zones émergées et Salix sp. est plutôt située dans les zones immergées. Les autres espèces (Juncus effusus, Phalaris arundinacea, Lycopus europaeus) sont retrouvées sur les rives du site d’étude. En octobre 2006, la zone d’étude est totalement immergée. Seules 12 espèces végétales y sont répertoriées, dont majoritairement Juncus effusus, Lemna minor, Phalaris arundinacea et Salix sp. Il faut noter la disparition de R. amphibia ainsi que la présence de Lemna minor qui fait partie des espèces majoritaires alors qu’elle commençait à apparaître durant le mois de mai. Les saules et les joncs sont toujours très présents durant ces deux périodes de l’année.

3.2.4 Recouvrement de la végétation du site

Les résultats du recouvrement de la végétation, obtenus en mai 2006, ont été cartographiés. Pour comprendre et émettre les premières hypothèses sur la répartition de la végétation, une carte des zones inondées et émergées est jointe au document (Figure 6). La figure 6 montre le taux de recouvrement de la végétation au niveau de la zone d’étude. Le recouvrement du site par la végétation est, à la période d’échantillonnage du mois de mai, beaucoup plus faible dans les zones submergées. En effet, en suivant le cours du Trézon, à l’est de la route, on remarque qu’il n’y a que les parcelles nos 16 et 66 qui ont une végétation aquatique couvrant plus de 75 % de la surface. La parcelle n° 16 est formée, en très grande majorité, de Rorippa amphibia et de Lemna minor. La parcelle n° 66 est formée de R. amphibia et de Ranunculus peltatus. En revanche, à l’ouest de la route, les parcelles avec plus de 75 % de recouvrement végétal (nos 81, 89, 96 et 98), occupent une surface non négligeable du milieu aquatique et sont composées majoritairement par Salix sp., à l’exception de la parcelle n° 96. En effet, sur cette dernière, Salix sp. est associée à une autre espèce, Lycopus europaeus. Le taux de recouvrement des autres parcelles aquatiques est situé entre 1 et 25 %.

Figure 6

Taux de recouvrement de l’ensemble de la végétation (mai 2006).

Degree of plant coverage for all vegetation (May 2006).

Taux de recouvrement de l’ensemble de la végétation (mai 2006).

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4. Discussion

L’ACP a révélé le caractère organique de la composante 1 (COT, COD) dont l’origine est probablement liée aux apports anthropiques. La composante 2 est construite à partir des variables pH, O2 dissous et le pourcentage de saturation en O2 qui correspond à une conséquence des processus de l’eutrophisation (PARINET et al., 2004). On observera que les paramètres « chlorophylle a et température » sont logiquement bien corrélés et inversement corrélés avec les nitrates. Ces derniers sont essentiellement transférés en hiver dans le milieu aquatique et sont consommés en été par les algues. De plus, les points correspondant aux COD et COT sont très éloignés de la chlorophylle a. Cela signifie que l’origine de la MO ne dépend pas ou très peu du développement des algues mais d’apports extérieurs, en particulier du relargage d’éléments chimiques présents dans les sédiments, des apports des stations d’épuration et des activités anthropiques agricoles (élevages bovins). L’examen du plan principal à deux composantes ne suffit pas à expliquer l’origine et les relations de tous les paramètres physico-chimiques. En effet, les ions ammoniums, qui sont généralement issus de rejets urbains, situés sur la composante 4 (Tableau 2), peuvent expliquer l’existence d’un autre processus lié par exemple à la décomposition des végétaux. La conductivité qui permet d’expliquer généralement l’influence du substrat rocheux semble indiquer, de par sa position sur les composantes 1 et 3, une origine différente comme, par exemple, une origine liée aux apports anthropiques urbains ou autres (composante 1). Sa position par rapport à la composante 3 (valeur négative), à l’opposé des variables liées au développement algal, montre qu’une part non négligeable des éléments minéraux qui lui sont associés pourrait être consommée par ces algues dans ce milieu. La conductivité est souvent fortement corrélée à la présence de certains ions majeurs, comme les ions sodium et potassium apportés par l’activité anthropique. Quant au fer et au manganèse, ils sont très présents en milieu réducteur mais la matrice des composantes les faisant apparaître respectivement sur les composantes 1 et 3 accrédite aussi l’idée que, dans le milieu, ces deux éléments ne sont pas impliqués dans les mêmes processus. Dans ce cas, le fer trouve une origine commune avec la matière organique alors que le manganèse est plus lié aux proliférations algales (composante 3).

Les résultats de l’ACP ont montré que les stations pouvaient être bien discriminées. En effet, la station TR apparaît la plus marquée par le COT, COD, P-PO43- et Ptot (Figures 3a et 3b). De plus, les points sont plus dispersés que ceux des stations ZB et AV. Il est alors possible d’attribuer cette observation, d’une part, à un effet de dilution pour les stations AV et ZB et, d’autre part, à un apport de pollution par le Trézon plus important au niveau de la station TR. La station TR étant la plus anthropisée est devenue une priorité dans le cadre d’un futur aménagement. Pour cela, il est important de connaître le site d’étude d’un point de vue floristique avant d’envisager les procédures d’aménagement de ce milieu. Par conséquent, l’étude a débuté par des inventaires floristiques associés à des taux de recouvrement de végétation.

Les inventaires floristiques ont permis de montrer in situ la présence d’un peuplement d’hélophytes caractéristiques d’une eau eutrophe : Rorippa amphibia, Lycopus europaeus, Mentha aquatica, Phalaris arundinacea, Alisma plantago-aquatica et Lythrum salicaria. Ces dernières forment un ensemble caractéristique appelé Phalaridaie (espèce caractéristique : P. arundinacea). Cette dernière constitue un ensemble très résistant aux bouleversements anthropiques et à la pollution (BOURNERIAS, 1979), caractéristique d’une qualité d’eau (HAURY et al., 2002).

La présence d’hélophytes/macrophytes pour la restauration de la qualité de l’eau présente également un certain intérêt (SONDERGAARD et al., 2007). Cependant, il est nécessaire de tenir compte de plusieurs facteurs pour sélectionner les végétaux les plus favorables. La présence d’espèces végétales autochtones, qui disposent d’une dynamique de population relativement stable, révèle que le végétal présente une bonne adaptation au milieu. De plus, les espèces doivent montrer des capacités épuratoires importantes vis-à-vis du P. Enfin, les végétaux doivent persister au cours du temps et ne doivent pas avoir un caractère envahissant afin de ne pas bouleverser l’écosystème. Parmi les espèces autochtones répertoriées, quatre candidats s’avèrent intéressants : la Baldingère ou Faux roseau (Phalaris arundinacae) est un macrophyte efficace pour l’épuration du P (PICARD et al., 2005). Les auteurs ont montré dans des conditions expérimentales que le P dissous est éliminé jusqu’à 93 % en période estivale (juillet) et jusqu’à 63 % en période hivernale (février). Ces résultats sont néanmoins obtenus au sein de microcosmes et concernent le phosphore sous la forme HPO42- et doivent être nuancés dans les conditions naturelles où le P peut être peu ou pas biodisponible pour la plante. En revanche, cette espèce végétale possède des rhizomes qui lui permettent d’être présente toute l’année sur le site, elle résiste bien à la pollution et à de grandes variations d’eau (de 0 à 1 m de profondeur). D’autres auteurs ont également montré que l’activité et la densité microbienne étaient importantes au niveau des racines, ce qui doit contribuer à l’élimination des nutriments contenus dans le milieu (GAGNON et al., 2007). Les Saules (Salix sp.) sont très largement favorables en matière d’épuration car ils sont capables d’éliminer 46,8 % du P sous forme P2O5 en période estivale avec des charges initiales proches de 10 mg•L-1 comme les concentrations que l’on retrouve dans le lac de Ribou (PERTTU et KOWALIK, 1997). Les saules montrent un effet épurateur au niveau des sédiments (VERVAEKE et al., 2003) et se maintiennent même dans des milieux enrichis en nutriments (SHEN et al., 2003) comme il a été observé dans le cadre de cette étude (Tableau 1, station TR). Les Petites lentilles d’eau (Lemna minor) jouent un rôle épuratoire important dans l’élimination des phosphates. En effet, un travail expérimental a révélé que les concentrations en P passent de 15 mg•L-1 à 0,5 mg•L-1 en huit jours (OBEK et HASAR, 2002). Cependant, les lentilles d’eau semblent être sensibles aux conditions environnementales et leurs déplacements sont difficilement contrôlables en milieu naturel. Les Joncs épars (Juncus effusus) sont capables d’accumuler le P. En effet, les feuilles peuvent contenir jusqu’à 59,7 kg•ha-1 de P2O5 (SHEN et al., 2003). De plus, ces espèces relarguent peu le P après décomposition des tiges et 69 % de P reste dans les tiges après cinq mois (KAO et al., 2003).

Le potentiel épuratoire de ces différentes espèces, dans les conditions décrites par les auteurs, permet d’envisager leur efficacité au sein des zones humides aménagées de type « lagunage à macrophytes » (MOREL et al., 1994; PIETRASANTA et BONDON, 1994). L’aménagement de zones humides par les végétaux à l’échelle du bassin versant pourrait limiter, en amont, les apports anthropiques dans le lac de Ribou, situé en aval.

5.  Conclusion

Dans le cadre de la restauration du milieu, une étude des données physico-chimiques, traitées par ACP, a permis d’évaluer le niveau de pollution des milieux par rapport aux stations TR, ZB et AV. Cette étape a permis de cibler la station TR comme prioritaire pour un aménagement futur du fait qu’elle soit la plus anthropisée (P et COT). Des inventaires floristiques des macrophytes et hélophytes présents dans la zone d’étude ont permis de mettre en évidence 21 espèces végétales en mai et 12 espèces en octobre. Parmi elles, Juncus effusus, Phalaris arundinacea, Salix caprea, Rorippa amphibia, et Lemna minor ont été répertoriées. Ainsi, ces travaux ont également conduit à observer la présence d’un ensemble caractéristique d’hélophytes appelé Phalaridaie regroupant les espèces Rorippa amphibia, Lycopus europaeus, Mentha aquatica, Phalaris arundinacea, Alisma plantago-aquatica et Lythrum salicaria. La présence de ce groupe caractéristique, en tant que bioindicateur, traduit la mauvaise qualité de l’eau brute qui, dans la retenue, possède un caractère eutrophe marqué.

Ces inventaires ont aussi permis de mettre en évidence des espèces végétales potentiellement intéressantes pour épurer le phosphore en excès, comme Phalaris arundinacea, Salix sp. et Juncus effusus. Ces espèces végétales sont à la fois majoritaires, présentes toute l’année sur le site et sont résistantes à un certain niveau de pollution. De ce fait, ces dernières pourraient être utilisées pour l’aménagement de zones tampons à l’échelle du bassin versant du Ribou afin de contribuer à la restauration de la qualité de l’eau de Ribou.