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1. Introduction

Le procédé de la nanofiltration (NF) est en général apprécié pour sa faible consommation énergétique, sa bonne sélectivité et son faible coût (MU et al., 2012, SANGHATNA et TANVIR, 2015). Cette technique est une opération membranaire placée entre l’osmose inverse et l’ultrafiltration. Elle s’est développée grâce à l’avènement des membranes asymétriques/composites et aux nanotechnologies (ABOUZAID et al., 2003, SAIDANI et al., 2010). La NF implique deux mécanismes de transfert de matière : la convection forcée et la diffusion (BEJAOUI et al., 2014, ABOUZAID et al., 2003). Actuellement, la nanofiltration connaît une expansion importante pour le traitement des eaux et remplace l’osmose inverse dans certains de ses domaines réservés comme les eaux saumâtres (PONTIE et al., 2008, KELEWOU et al., 2011). L'originalité de ce travail est de comparer la réjection des sels monovalents (NaF, NaBr, NaCl et NaI) dans différentes conditions opératoires et de réaliser la défluoruration d’une eau saumâtre du Sud-Est algérien (Kouinine) par la membrane NF 270.

2. Matériels et méthodes

2.1. Protocole opératoire

La membrane de nanofiltration utilisée est une membrane organique spiralée composite de type NF 270 de surface filtrante 2,6 m2 et un seuil de coupure MWCO (molecular weight cut-off) = 300 Da. Les expériences de filtration ont été réalisées sur un pilote de filtration à échelle semi-industrielle (Figure 1), avec des solutions de sels inorganiques (NaF, NaCl, NaBr et NaI) à deux concentrations 10‑2 et 10‑3 M, un intervalle de pression allant de 5 à 15 bar et une température de 25 °C.

Figure 1

Schéma synoptique du pilote de nanofiltration. Cuve : bac d’alimentation (60 L); P1 : pompe HP; VR1 et V(1-10) : vannes; capteurs de débit (FT1), de pression (PT1), de pH (pH1), de température (TT1), de conductivité (CT1)

Schematic representation of the nanofiltration setup. Tank: water feed (60 L); P1: HP pump; VR1 and V(1-10): valves; sensors for flow (FT1), for pressure (PT1), for pH (pH1), for temperature (TT1), for conductivity (CT1)

Schéma synoptique du pilote de nanofiltration. Cuve : bac d’alimentation (60 L); P1 : pompe HP; VR1 et V(1-10) : vannes; capteurs de débit (FT1), de pression (PT1), de pH (pH1), de température (TT1), de conductivité (CT1)

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Le tableau 1 regroupe les caractéristiques physicochimiques de l’eau saumâtre hyperfluorée à traiter provenant de Kouinine avant et après le traitement par nanofiltration. Le suivi analytique des anions et des cations a été effectué par la méthode conductimétrique et la chromatographie ionique avec une détection conductimétrique (DIONEX). Les valeurs de la pression osmotique théorique sont 0,495 et 0,0495 bar pour les solutions des sels monovalents à des concentrations de 10‑2 et 10‑3 M respectivement et 1 292 pour l’eau brute (Kouinine).

Tableau 1

Caractéristiques physicochimiques de l’eau brute de Kouinine et de l’eau traitée par nanofiltration

Physico-chemical characteristics of the raw water from Kouinine and the treated water after nanofiltration

Caractéristiques physicochimiques de l’eau brute de Kouinine et de l’eau traitée par nanofiltration

a Organisation mondiale de la santé

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3. Résultats et discussion

3.1. Perméabilité

Le calcul de la perméabilité de l’eau pure de la membrane testée a été réalisé à partir de la variation du débit de perméat en fonction de la pression transmembranaire pour chaque pression appliquée. Le tableau 2 montre les perméabilités obtenues avant et après chaque filtration. L’examen des résultats montre qu’il n’y a pas de colmatage au niveau de la membrane NF 270 : la perméabilité se maintient à une valeur de 8,94 ± 0,31 L∙h‑1∙m‑2∙bar‑1.

Tableau 2

Évolution de la valeur de la perméabilité à l’eau pure obtenue après chaque filtration comparée à la valeur initiale

Permeability values of pure water obtained after each filtration compared to the initial value

Évolution de la valeur de la perméabilité à l’eau pure obtenue après chaque filtration comparée à la valeur initiale

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3.2. Influence de la pression appliquée, du pH et de la concentration

La figure 2 montre que la rétention des sels étudiés augmente jusqu'à une pression appliquée de 10 bar. Au-delà de cette dernière, sa valeur se stabilise puis diminue du fait de la polarisation de concentration liée aux forts débits de perméat. Les meilleures performances sont obtenues à un pH voisin de 7. L’augmentation de concentration de 10‑3 à 10‑2 M entraine, par ailleurs, une diminution de la rétention des sels. Ces résultats sont la signature des interactions électrostatiques entre les ions et la charge de la membrane : cette dernière diminue avec le pH et l’augmentation de la force ionique diminue la portée des interactions électrostatiques par l'écrantage des charges. Finalement, on observe que l’ordre de rétention s’établit comme suit : NaF > NaCl ≈ NaBr > NaI. Ce résultat déjà observé pour d’autres membranes de NF a été expliqué par le rayon ionique de F qui est de l’ordre de 0,352 nm conduisant à une énergie de solvatation supérieure aux autres halogénures (515 kJ∙mol‑1) (ABOUZAID et al., 2003). Le rendement de la défluoruration à 10 bar est de 90,2 % avec un flux de perméat 58,8 L∙h‑1∙m‑2 pour une concentration 10‑3 M et un pH 6,84 (Figure 2).

Figure 2

Variation de la rétention des sels monovalents (NaF, NaCl, NaBr et NaI) en fonction de la pression appliquée

Variation of the retention of monovalent salts (NaF, NaCl, NaBr and NaI) as a function of the applied pressure

Variation de la rétention des sels monovalents (NaF, NaCl, NaBr et NaI) en fonction de la pression appliquée

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3.3. Application à une eau naturelle de Kouinine

La figure 3 montre que les ions monovalents sont moins bien retenus que les ions bivalents. La rétention des anions se fait dans l’ordre suivant qui suit celui des énergies d’hydratation : RSO42‑ (1 138 kJ∙mol‑1) > RF‑ (515 kJ∙mol‑1) > RCl- (376 kJ∙mol‑1) (DOLVAR et al., 2011). Les membranes de charge négative (cas général des membranes de NF) ont tendance à repousser d'une manière plus importante les anions polyvalents que les anions monovalents (MNIF et al., 2010). De même, en ce qui concerne les cations, l’ordre de sélectivité de séparation suit l’ordre des énergies d’hydratation (DOLVAR et al., 2011) : RMg2+ (1 921 kJ∙mol‑1) > RCa2+ (1 584 kJ∙mol‑1) > RNa+ (407 kJ∙mol‑1).

Figure 3

Variation de rétention des cations et des anions de l’eau saumâtre de Kouinine en fonction de la pression appliquée

Evolution of the retention of cations and anions as a function of the applied pressure, in the case of the brackish water of Kouinine

Variation de rétention des cations et des anions de l’eau saumâtre de Kouinine en fonction de la pression appliquée

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Le passage des ions fluorures à travers la membrane NF 270 est plus favorisé dans l’eau de Kouinine avec un taux de rétention plus de 82 % légèrement inférieur à celui attendu d’après l’étude des solutions synthétiques (environ 90 %). En fait, la rétention des autres ions présents dans la solution interfère. En effet, le passage des ions les plus mobiles permet de maintenir l’électroneutralité du perméat. La teneur en F de l'eau traitée est de 0,2 mg∙L‑1 pour l’eau de Kouinine, ce qui est conforme aux valeurs guides de l’Organisation mondiale de la santé et quasiment à celles des normes algériennes.

4. Conclusion

L’application de la technologie membranaire de NF pour la rétention des halogénures de sodium (F, Cl, Br et I) et pour le traitement de l’eau saharienne saumâtre de la région d’El Oued (Kouinine) a été étudiée et a permis d’aboutir à des performances de dessalement et de défluoruration intéressantes. On peut donc conclure que la NF s’avère être une méthode efficace pour l’élimination des ions F à pH neutre. Cette technique est tout à fait recommandable pour aider à réduire la salinité des eaux saumâtres sahariennes hyperfluorées.