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Problématique

La zone méditerranéenne a la réputation d’être sujette à des risques érosifs très élevés (HUDSON, 1991). En Algérie, les ressources en eau et en sol sont sérieusement menacées par l'érosion (DEMMAK, 1982; MAZOUR et ROOSE, 2002; MEDDI, 1992; MORSLI, 1996; ROOSE et al., 1993; TOUAIBIA et al., 2000). L’eau et le sol, ressources vitales et de production, connaissent actuellement une dégradation en matière de quantité et de qualité. Les déficits de pluviométrie, la fréquence et l’intensité des sécheresses et les pluies torrentielles accélèrent de plus en plus le stress hydrique et le phénomène érosif. L’avenir et la pérennité des barrages et des territoires ruraux sont en jeu. L’érosion hydrique demeure une préoccupation majeure pour l'Algérie. Environ six millions d’hectares sont exposés aujourd’hui à une érosion active (HEDDADJ, 1997). Les pertes annuelles d’eaux, dues à l’envasement dans les barrages, sont estimées à environ 20 millions de m3 (REMINI, 2000). Avec une érosion spécifique annuelle moyenne variant entre 2 000 et 4 000 t•km‑2 (DEMMAK, 1982), l’Algérie est classé parmi les pays aux sols les plus érodibles du monde (TOUAIBIA, 2010). Les conséquences ne cessent de s’amplifier et se traduisent par un épuisement des ressources en eau et en sol et par l’aggravation des problèmes environnementaux. La subsistance des populations est de plus en plus menacée par l’accélération de l’érosion (SARI, 1977), principalement dans les montagnes où se concentrent plus de huit millions d’habitants (TAABNI, 1998).

Les versants du nord-ouest algérien constituent un espace socio-économique important et représentent un grand potentiel de production agricole. Ces versants sont affectés par une dynamique de dégradation dangereuse et restent les plus exposés aux diverses formes d’érosion (MORSLI et al., 2004). L'ouest algérien est la région la plus érodée du pays, 47 % des terres sont touchées par l'érosion. Les problèmes de ruissellement et d’érosion se sont aggravés et étendus à des zones jusqu’ici épargnées. Les équilibres entre la végétation, le sol et l’eau se trouvent perturbés par l'érosion sur les zones de montagne de l’ouest algérien (BENCHETRIT, 1972). L’érosion continue de poser de sérieux problèmes aux collectivités locales et aux populations rurales : dégradation des terres, envasement des barrages, destructions d’infrastructures (routes, ponts, etc.) et inondations. L’érosion hydrique est devenue un phénomène très répandu et tellement grave qu'on peut le qualifier de catastrophique. L’importance des enjeux pour la productivité agricole, pour la protection des infrastructures et des ressources naturelles et pour la sécurité des personnes, a nécessité d’effectuer un diagnostic sur le dynamisme des divers processus et facteurs d’érosion.

Au niveau des versants du nord-ouest algérien, les connaissances sont encore insuffisantes sur l’érodabilité des milieux et son évolution sur les versants et surtout sur les facteurs causals. Sur ces espaces où l’érosion prend naissance et les pointes de crue se forment, beaucoup d’efforts restent à accomplir pour comprendre et appréhender les processus érosifs. Si la dynamique érosive est liée à la fragilité du milieu, nous remarquons que l’occupation du sol et l’activité humaine restent prédominantes dans cette dynamique. C’est sur la base de ce postulat que nous avons mené cette étude. L'objectif de ce travail visait la compréhension de la dynamique de l’érosion et l’analyse de l’influence de l’occupation du sol et de l’activité humaine sur la variation du ruissellement et de l’érosion au niveau des versants, en vue de mieux contrecarrer le phénomène érosif.

1. Matériel et méthode

L’approche est basée sur le suivi de critères morphologiques et analytiques et sur l’étude du comportement hydrodynamique des sols (observation et suivi sur terrain : parcelles d’érosion, simulation des pluies et techniques nucléaires (utilisation du césium -137 pour le suivi de la dynamique de l'érosion), sur des transects homogènes sur le plan lithologique et le long desquels plusieurs occupations de sols se succèdent.

Deux transects (Figure 1) ont fait l’objet d’étude : l’un sur terrains marneux (Tm), l’autre sur terrains gréseux (Tr). Ces transects, qui représentent des toposéquences caractéristiques de la région, se situent dans les deux grands bassins versants du nord-ouest algérien : le transect Tr se situe dans le bassin versant de l’oued Tafna (Tlemcen) et le transect Tm se situe dans le bassin versant de l’oued El Hammam (Mascara). Ces deux grands bassins versants présentent un grand intérêt régional et constituent un château d’eau avec neuf barrages hydrauliques.

Figure 1

Carte de situation des toposéquences étudiées.

Location map for the studied topographic sequences.

Carte de situation des toposéquences étudiées.

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Le transect Tr est constitué essentiellement par des sols à caractères morphologiques rouges reposant sur du grès. Ce sont des reliques d’anciens sols rouges fersiallitiques (sols riches en sesquioxydes), caractéristiques de la région méditerranéenne. Sur cette toposéquence (Figure 2), se succèdent, du sommet vers la base, différentes occupations de sol : formations arbustives (matorral dense à Quercus, forêt dense de Pinus halepensis et matorral dégradé), formations buissonnantes et des zones cultivées (arboriculture et céréales). Les formations forestières qui couvraient de grandes surfaces dans cette région régressent d’une année à l’autre. Cette région est caractérisée par un climat semi-aride, une lithologie composée de grès, et des pentes de moyennes à fortes.

Figure 2

Les différentes occupations du sol qui se succèdent au niveau du transect Tr.

The different land uses that follow one another along the transect Tr.

Les différentes occupations du sol qui se succèdent au niveau du transect Tr.

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Le transect Tm est constitué essentiellement par des sols argileux à caractères vertiques reposant sur des marnes (Figure 3). Il s'agit dans la plupart des cas de sols jeunes. Sur cette toposéquence, se succèdent des cultures de céréales et de légumineuses. Les labours se font indifféremment sur tous les sols et sur toutes les pentes. À défaut d’intensifier l'agriculture, par manque de moyens, les paysans cultivent de plus grandes surfaces dans des zones de plus en plus fragiles. Le sol reste nu durant une grande partie de l’année. Le morcellement donne généralement des parcelles formées de langues de terres s’étirant le long de la pente, facilitant le labour dans le sens de la pente. Sur tout cet ensemble, l'érosion en rigoles et en ravines est assez forte et parfois l'érosion se manifeste sous forme de glissements de terrains. La région est caractérisée par un climat semi-aride, une lithologie composée essentiellement de marnes et des pentes de moyennes à fortes.

Figure 3

La variation de la dynamique du sol dû aux processus érosifs est liée à la variation d’occupation du sol (transect Tr)

The variation in soil dynamics due to soil erosion processes is related to variations in land use (transect Tr).

La variation de la dynamique du sol dû aux processus érosifs est liée à la variation d’occupation du sol (transect Tr)

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2. Résultats

Le long des toposéquences étudiées, différentes occupations de sol se succèdent. À cette variation d’occupation du sol, correspond également une variation pédologique. La variation des caractéristiques du sol constitue un indicateur de la dynamique érosive.

2.1 Transect gréseux (Tr)

Parmi les caractères morphologiques et analytiques différenciant les sols du haut vers le bas de cette séquence, on peut citer : la couleur, la texture, la teneur en matière organique (MO), la profondeur, la différenciation des horizons et la charge caillouteuse. Ces changements sont liés à la dynamique érosive et à l'occupation du sol. Les variations du sol et les manifestations de l'érosion le long de la toposéquence sont présentées sous forme synthétique dans le tableau 1. La toposéquence sur substrat gréseux (Tr) est divisée en trois sites caractéristiques.

Tableau 1

Caractéristiques des sols de différents sites de la toposéquence Tr

Soil characteristics of different sites along the topographic sequence Tr.

Caractéristiques des sols de différents sites de la toposéquence Tr

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2.1.1 Partie sommitale (site 1)

La partie sommitale (site 1, P8) est une zone forestière relique (Figures 2 et 3). Malgré une pente de 12 à plus de 25 % (Figure 4), le sol rouge a pu être protégé par la couverture végétale (taux de couverture > 90 %), mais il n’est pas hors d’atteinte de l’érosion. Dans certains îlots dénudés, très localisés, le sol est décapé avec disparition de l’horizon superficiel (sol rouge tronqué).

Figure 4

Répartition des classes de pente au niveau de la toposéquence Tr.

Distribution of slope classes along the topographic sequence Tr

Répartition des classes de pente au niveau de la toposéquence Tr.

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La partie aval (site 1, P7) de cette partie sommitale, à faible pente (0-6 %), a permis la sédimentation des éléments enlevés à la partie sommitale. Les éléments enlevés riches en MO proviennent de l’horizon de surface du sol. Le colluvionnement du sol sur les bas de pentes et les replats peut dépasser un mètre d’épaisseur. Cette zone de faible pente est utilisée d’une façon intensive (cultures associées avec arboriculture très rentable, irrigation, aménagements, savoir faire, etc.) sans être dégradée. L’homme qui contribue souvent à la dégradation des sols peut quelquefois jouer un rôle décisif dans la réduction des processus érosifs et l’amélioration de la productivité.

2.1.2 Le domaine médian de la toposéquence (site 2)

Cette zone présente deux faciès nettement distincts :

  1. Faciès de dégradation (site 2, P6) : versant pentu (12 à 25 %) occupé par une végétation très dégradée et clairsemée (Figure 2). Cette dégradation est le résultat des incendies et des défrichements qui se sont succédés tout au long de l’histoire. Suite à cette dégradation, le sol a subi à son tour une modification. Situé sur pente forte et occupé par une dissaie (végétation à base d’Ampelodesma mauritanicum) clairsemée (zone de parcours), le sol est très affecté par l’érosion en nappe. Il en résulte un décapage des horizons de surface, une charge caillouteuse importante de 30 % (Figure 5), un tassement du sol et une diminution d’activité biologique. Le décapage du sol est si important que l’érosion a fini par affleurer la roche-mère (grès), gênant ainsi fortement l’infiltration des eaux (pluie d'imbibition (Pi) très faible) ainsi que la régénération des végétaux, là où le climat le permet encore.

  2. Faciès d’évolution (site 2, P5) : en aval de la dissaie, un reboisement dense (futaie de Pin d’Alep de 40 ans) a permis au sol érodé de s’édifier par colluvionnement et surtout par l’effet des MO (le sol est recouvert par une litière épaisse > 5 cm) en aval du reboisement où la pente s’est affaiblie. La présence d’une futaie régulière et bien couvrante (taux de couverture > 90 %) a permis l’enrichissement du sol en humus. L’infiltration et la pluie d'imbibition sont très élevées (Tableau 1).

Figure 5

Variation de la charge caillouteuse au niveau du transect Tr.

Stone cover variation along the transect Tr.

Variation de la charge caillouteuse au niveau du transect Tr.

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2.1.3 Partie aval de la toposéquence, occupée généralement par l’agriculture (site 3)

À l’aval du faciès d’évolution (futaie de Pin), les terres ont été mises en valeur et aménagées par des ouvrages antiérosifs (murettes en pierre sèche), parallèles aux courbes de niveau. Ces terres ont évolué vers des terrasses (Figure 6). L’analyse des profils pédologiques (site 3, P4) situés à l’amont des murettes montre que les sols sont très profonds (l’épaisseur du sol peut dépasser les 2 m), constitués de dépôts récents (colluvions) et caractérisés par une texture variable d’un point à un autre et une faible différenciation du profil. À l’aval de la murette, le sol est érodé et l’affleurement de la roche-mère témoigne encore de l’activité érosive.

Figure 6

Aménagements en murette qui ont évolué vers des terrasses. Évolution des aménagements des murettes en terrasses (transect Tr).

Evolution of stone-walls to terraces (transect Tr).

Aménagements en murette qui ont évolué vers des terrasses. Évolution des aménagements des murettes en terrasses (transect Tr).

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Le matorral situé en bas de ces terres aménagées est constitué d’une végétation plus ou moins couvrante. Le surpâturage a provoqué la fermeture et le tassement du sol, favorisant ainsi le déclenchement rapide du ruissellement. Le déséquilibre entre le taux de croissance biologique des pâturages et les besoins des animaux ont fait que toute la végétation herbacée a été détruite. Cette dynamique a créé une discontinuité dans le couvert permanent (site 3, P3), rendant le sol très découvert et plus imperméable sur les zones dénudées (Pi < 6 mm).

En aval de la toposéquence (site 3, P1 et P2), la forêt a été repoussée sur les sommets par la mise en valeur des terres et des cultures qui se succèdent : arboriculture (oliviers) et céréales. Sur cette zone cultivée, les sols très remaniés par l’homme subissent actuellement une action de dégradation due au phénomène de l’érosion. Sur cette toposéquence, les sols sont des reliques de sols rouges fersiallitiques (sols rouges méditerranéens). L'érosion et l'occupation du sol ont créé différents faciès de sols rouges le long de la toposéquence. Il en résulte un étagement de sol généralement liés génétiquement entre eux.

2.2 Transect marneux

Le transect sur substrat marneux (Tm) est occupé par des sols sur marnes qui sont essentiellement des sols vertiques : bruns calcaires vertiques, vertisols et sols peu évolués (Figure 7). Il s'agit de sols jeunes, encore liés génétiquement à la roche-mère. Dans certains secteurs, l'érosion est extrêmement forte allant jusqu'à la dénudation de la roche-mère (Tableau 2). L’alternance sécheresse-réhydratation entraîne localement des mouvements de terrain pouvant aller jusqu’à provoquer des glissements de terrain, de l’érosion, des fissurations du bâti, etc. Les sols étudiés, formés sur marne, se caractérisent par une richesse en argile qui dépasse les 50 %. La composition minéralogique a montré que l’argile est de type 2:1 (smectites).

Figure 7

Variation pédologique le long du transect Tm due aux processus érosifs.

Soil variation along the transect Tm due to erosion processes.

Variation pédologique le long du transect Tm due aux processus érosifs.

P1 : sol peu évolué non climatique d’érosion régosolique sur marne : 0-30 cm: sec, gris, argileux, structure polyédrique, tassé effervescence à l’HCl forte, porosité faible, présence de cailloux (5 %), transition diffuse et irrégulière. > 30cm : roche altérée. P2 : sol calcimagnésique carbonaté brun calcaire vertique sur marne : 0-20 cm : sec, gris, argileux, structure polyédrique, fentes de retrait, activité biologique forte, poreux, organique, effervescence à l’HCl forte, transition diffuse. 20-45 cm : sec, gris, argileux, structure polyédrique grossière, cohérant, effervescence forte, compacte, transition diffuse. > 45 cm : marne altérée. P3 : vertisol à drainage externe possible et structure anguleuse vertique sur marne : - 7 cm : sec, noir, argileux, structure polyédrique fines, cailloux (5 %), calcaire, meuble, très poreux, activité biologique forte, effervescence à l’HCl forte, fentes de retrait, transition diffuse. 7-40 cm : sec, noir, argileux, structure polyédrique moyenne à grossière, très cohérant, effervescence à 1'HCl forte, fentes de retrait, organique, transition diffuse. 40-70 cm : même description avec une structure prismatique. > 70 cm : marne altérée.

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Tableau 2

Caractéristiques des différentes situations du transect Tm.

Characteristics of the different situations along transect Tm.

Caractéristiques des différentes situations du transect Tm.

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Ce transect, qui montre une succession de sols sur marne (Figure 7) caractéristique des zones marneuses, est occupé essentiellement par des sols vertiques. Sur ce transect, se succèdent des cultures de céréales et de légumineuses. La céréaliculture extensive est la culture traditionnelle la plus pratiquée dans cette zone, comme dans toutes les régions montagneuses du nord-ouest algérien. Elle est pratiquée en rotation avec les cultures légumineuses et la jachère pâturée.

Les propriétés mécaniques des marnes sont telles que l’érosion n'interdit pas les cultures qui, après la disparition des sols, se poursuivent sur la roche météorisée et ameublie superficiellement par les labours. Les marnes présentent un horizon d'altération important qui résulte de l'interaction d'agents météoriques (gel, dégel, humectation, dessiccation).

Les caractères morphologiques et analytiques qui différencient les sols du haut vers le bas sont : la teneur en matière organique, l’épaisseur et la différenciation des horizons.

La partie sommitale, zone de parcours dégradée, est couverte de sols peu évolués (pauvres et peu épais) et quelquefois par des affleurements de roches (Tableau 2 et Figure 7). Le pâturage extensif pratiqué depuis de longues années a conduit à la dégradation de la végétation et à l’envahissement par des plantes épineuses non palatables. Sur cette section du transect, le déclenchement du ruissellement est rapide (1<Pi<10 mm). Le pacage, qui constitue un complément de subsistance inestimable pour les riverains, est l’une des activités les plus déterminantes dans l’aggravation de l’érosion.

Les parties du versant de pente moyenne à forte (12 à plus de 25 %) sont occupées par les céréales en rotation avec les légumineuses et les jachères. Ces sections sont couvertes généralement par un sol de type brun calcaire vertique qui varie d’un faciès à un autre sous l’effet de la pente et des modes d’utilisation du sol. Les sols du bas versant, de faibles pentes (pente < 12 %), sont plus profonds et relativement bien pourvus en MO, alors que ceux de fortes pentes sont moins profonds et relativement pauvres en MO. Les replats, à faible pente (0-6 %), ont permis la sédimentation des éléments provenant des parties sommitales, principalement de l’horizon de surface, relativement riche en carbone organique (1,3 <Indice de sélectivité <3,9). Le colluvionnement peut dépasser un mètre de profondeur dans les replats.

La réaction du sol vis-à-vis de l’érosion est variable à l’échelle de l’espace et de l’année. L’hydrodynamique des sols argileux vertiques est très particulière car l’infiltration est très liée à l’état hydrique et structural du sol. Le suivi du fonctionnement structural parallèlement au suivi de l’infiltration ont permis d’expliquer cette dynamique particulière. Les premières fissures du sol sont décelables en dessous d’une humidité d’environ 27 % et le retrait atteint son maximum aux environs d’une humidité pondérale de 14 % (la largeur des fissures peut dépasser 5 cm en surface du sol). L’ampleur de la fissuration est plus ou moins liée à l’occupation du sol et aux activités agricoles. La couverture du sol et certains travaux agricoles, tout en atténuant le desséchement du sol, diminuent l’ampleur de la fissuration.

Le suivi du comportement du sol montre qu’en début d’automne, presque toutes les sections du transect se ressemblent : le sol est nu, sans couvert végétal, plus ou moins tassé et les seules couvertures qui peuvent exister sont des pailles (sol cultivé) et des litières (sol en jachère). Le taux de couverture en paille et en litière diffère d’une situation à une autre selon le mode de gestion du sol. À la suite d’un assèchement estival profond, le sol vertique est caractérisé par un réseau de fissures profond et dense.

Lors des premières pluies sur sol sec, le ruissellement ne débute qu’après 8 à 42 mm de précipitation selon les sections du transect (Tableau 2). Le réseau de fissures alors existant permet de véhiculer l'eau rapidement en profondeur. Cet écoulement hypodermique surpasse le ruissellement de surface et permet une infiltration de matériaux aussi longtemps que les fissures sont ouvertes; des phénomènes de suffosion peuvent se déclencher. Après la succession de pluies, le sol est quasiment aplani, fermé et plus ou moins saturé. Les pluies d’imbibition deviennent très faibles (Pi < 4 mm) permettant un déclenchement rapide du ruissellement. Les sols argileux vertiques sont très stables (Indice d’instabilité < 0,5), mais une fois le profil humecté et les argiles gonflées, ils deviennent peu perméables et le ruissellement se déclenche facilement.

Sur ce versant à sol vertique, les résultats que nous avons obtenus sur parcelles de 100 m2 durant une dizaine d’années (MORSLI et al., 2004), montrent que le coefficient de ruissellement moyen annuel (kr) reste inférieur à 15 % : 3 à 12 % sur sol nu, 0,5 à 6 % sur sol cultivé et 1 à 5 % sur sol en jachère, Par contre, le ruissellement maximum pour une averse (Kr max), surtout durant les pluies orageuses, a dépassé 30 % sur le sol nu et a atteint 60 % durant les averses exceptionnelles (fréquence supérieure à 0,1) tombant sur les terres battues. Ce sont ces ruissellements exceptionnels qui produisent les pointes de crue responsables de l’exportation de grandes quantités de terres vers l’aval. Le ruissellement provenant de ce type de transect, lors des événements exceptionnels, déclenche de graves manifestations de l’érosion : dégradation des terres, envasement des barrages, inondation et destruction des infrastructures.

L’érosion moyenne annuelle (érosion en nappe et en rigole) est de 1,5 à 6,8 t•ha‑1•an‑1 sur sol nu, de 0,3 à 3,8 t•ha‑1•an‑1 sur sol cultivé en céréales ou en légumineuses, de 0,3 à 2,7 t•ha‑1•an‑1 sur sol en jachère pâturée et de 0,2 à 0,7 t•ha‑1•an‑1 en jachère améliorée. Toutefois, l’érosion moyenne annuelle ne traduit pas les extrêmes : la pluie du 10 novembre 2001 (90 mm) a contribué pour plus de 50 % de l’érosion annuelle (MORSLI et al., 2012). Les valeurs d’érosion en nappe et en rigole obtenues sur les parcelles d’érosion sont en accord avec celles trouvées par ROOSE et al., (1993), GOMER (1992) en Algérie, LAOUINA et al., (2000) et MOUFFADAL (2002) au Maroc. L’érosion globale (érosion en nappe et linéaire) varie quant à elle dans des proportions encore plus grandes et peut atteindre des taux records (54 t•ha‑1•an‑1) comparables à ceux des « bad-lands » (BENCHETRIT, 1972). L’érosion linéaire qui suit l’érosion en nappe est importante sur ce type de transect. Les premières mesures de ravinement effectuées dans ce type de versant marneux sont de l’ordre de 100 t•ha‑1•an‑1 dans les zones ravinées (MORSLI et al., 2002).

Les systèmes de gestion traditionnels analysés montrent que l'utilisation continue des sols ne présente pas de grand risque comparativement à celle des sols nus et/ou abandonnés et des jachères prolongées et pâturées. Le type de travail du sol, la culture en billons, la jachère améliorée et les parcours mis en défens s’avèrent intéressants pour la réduction de l’érosion et pour la production de biomasses dans ce type de milieu. Les plus forts taux de ruissellement et d’érosion sont enregistrés sur les sols nus et les plus faibles sur les sections bien couvertes.

L’érosion a aussi fait l'objet d'évaluation par la méthode du Césium-137 dans ce type de transect Tm. Les estimations de l’érosion par le Césium-137 donnent des valeurs qui varient suivant le modèle utilisé : 1 t•ha‑1•an‑1 (modèle empirique), 30 t•ha‑1•an‑1 selon le modèle de WALLING et QUINE (1995), 40 t•ha‑1•an‑1 (modèle du bilan des Masses simplifié) et 50 t•ha‑1•an‑1 (modèle gravimétrique). L’érosion estimée par le premier modèle se rapproche des valeurs obtenues sur les parcelles d’érosion. Par contre, l'érosion estimée par les autres modèles est nettement supérieure. La redistribution de césium confirme le déplacement du sol de la partie haute vers la partie basse du versant. Les variations entre les résultats obtenus par les deux méthodes peuvent s’expliquer par le fait que les parcelles expérimentales ne tiennent compte que de l’érosion en nappe et en rigole, alors que la méthode de césium-137 donne un bilan global de l’érosion au niveau du versant.

3. Discussion

En région de climat méditerranéen à saisons contrastées, comme celle de la zone montagneuse du nord-ouest algérien, les sols peuvent se distribuer d’une manière régulière ou irrégulière au niveau des versants. Cette distribution dépend beaucoup du facteur topographique (forme, longueur et inclinaison de la pente et position) et des modes de gestion des sols. L’observation des profils pédologiques complets et réguliers est peu fréquente. De façon générale, on note l'existence de zones d'appauvrissement du sol dans les zones de fortes pentes alors qu'une concentration en éléments est observée dans les parties basses. L’étude de la distribution des sols dans le transect montre qu’une partie des terres érodées reste piégée dans le versant et l’autre est entraînée vers l'aval. Des dépôts importants sont observés dans les zones de ralentissement du ruissellement (replat, concavité, etc.). L'érosion accélérée se présente non seulement en perte de terre, mais aussi en perte de fertilité et d'eau. Les stocks de carbone organique du sol dans la couche 0-10 cm ont diminué de 10 à 15 % sur les sols nus et de 5 à 8 % sur les systèmes traditionnels pendant cinq ans (Morsliet al., 2005). Une hétérogénéité des rendements de céréales s'observe d'ailleurs le long des toposéquences témoignant d’une perte d’éléments nutritifs par érosion des sols. La dynamique érosive crée une redistribution de la productivité des sols (MORSLI, 1996). La compréhension de cette redistribution de la fertilité du sol peut aider à une utilisation adéquate du sol.

L’occupation du sol et les activités agricoles exercent une grande influence sur la dynamique érosive des sols au niveau de ces transects. Le ruissellement et l’érosion les plus intenses se produisent sur les sols remaniés et les zones avec couvert végétal détruit et peuvent causer des pertes en sol considérables (MORSLI et al., 2004).

Dans les sections moins couvertes, suite à l’éclaircissement dû généralement à l’activité humaine, le sol se retrouve dénudé et plus affecté par l’érosion (P3 du site 3 et P6 du site 2). Il est souvent admis que sur un versant partiellement couvert, les zones dénudées sont soumises à l'érosion (REID et al., 1999). La fréquence des années de grande sécheresse, qui est de 20 % dans l'Atlas tellien (BENSAAD, 1993), et le surpâturage ont produit une diminution du couvert végétal et un accroissement des sols nus. Sur les sections très couvertes (forêt et maquis denses), très riches en MO, poreuses et plus perméables (P8 du site 1 et P5 du site 2), le sol est plus ou moins protégé malgré la présence de fortes pentes.

L’homme, par les défrichements, le surpâturage et les incendies, accentue la dégradation des terres tout en amplifiant la dynamique érosive, comme c’est le cas de la dissaie (végétation très clairsemée) ou du matorral dégradé. Les perturbations anthropiques sont, pour une très large part, responsables de l’état actuel des structures de végétation (QUEZEL et BARBERO, 1990). Mais l’homme peut aussi jouer un rôle décisif dans la réduction des processus érosifs, comme c’est le cas des sites où l'homme a développé un système intensif et antiérosif : reboisement dense, cultures sur terrasses et gestion conservatrice et très valorisante (cultures associées avec arboriculture très rentable (cerisier), irrigation rationnelle et aménagements). Les sols cultivés intensivement, bien entretenus et couverts (P7 du site 1), sont moins érodibles comparativement aux sections peu couvertes ou dénudées. Les aménagements mis en place ont bien montré leur efficacité dans le contrôle de l’érosion et dans l’amélioration de la productivité des terres.

Sur les transects marneux, les systèmes de gestion ainsi que le comportement particulier des sols vertiques jouent un rôle important dans la dynamique érosive. L’analyse des systèmes de gestion du sol très pratiqués dans ce type de versant a bien montré les grandes possibilités de maîtrise de l’érosion par des pratiques culturales simples. Certaines sont efficaces et d’autres nécessitent des améliorations. L’effet conjoint des techniques culturales et du couvert végétal a pu réduire l’érosion de plusieurs fois par rapport au sol nu (Tableau 3).

Tableau 3

Effet des différentes occupations de sol sur le ruissellement et l’érosion (1993-2004) (M0RSLI et al., 2012).

Effect of different land uses on runoff and soil erosion (1993-2004).

Effet des différentes occupations de sol sur le ruissellement et l’érosion (1993-2004) (M0RSLI et al., 2012).

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L’érosion en nappe obtenue, comparée au seuil de tolérance admis, reste modérée à moyenne forte. Mais dans une zone comme la nôtre où les sols sont moins profonds et où la pédogenèse est défavorisée par l’aridité, ces seuils de tolérance doivent être revus. Les seuils de tolérance de l’érosion sous un climat humide tempéré varient entre 2,5 t•ha‑1•an‑1 pour un sol superficiel et 12,5 t•ha‑1•an‑1 pour un sol profond, de texture équilibrée et moyennement perméable (KLINGEBIEL et MONTGOMERY, 1966; USDA, 1951). La tolérance doit être moindre dans l’ouest algérien parce que la pédogenèse dans cette région est beaucoup plus lente et le sol est le plus souvent superficiel. En plus, le seuil de tolérance ne prend pas en considération le phénomène de sélectivité de l’érosion en nappe. Les sédiments révèlent une sélectivité des particules fines et surtout du carbone organique (l’indice de sélectivité est de 2 à 4 suivant le mode d’utilisation du sol) (MORSLI et al., 2005).

Selon les résultats obtenus, l’érosion devient dangereuse pour les infrastructures situées en aval (envasement de barrages, inondation, etc.) lorsque des ruissellements exceptionnels viennent des versants (Tableau 4). De très fortes concentrations en sédiments peuvent être observées (C > 100 g•L‑1 à la parcelle) lors des pluies exceptionnelles. Pour les zones en amont, tous les ruissellements qui occasionnent des exportations de terres au niveau des versants présentent des risques et participent continuellement au décapage du sol et à la dégradation de sa fertilité.

Tableau 4

Érosion et ruissellement pour quelques averses particulièrement agressives sur parcelles nues standard.

Erosion and runoff for some particularly aggressive rainfall events on standard bare soil plots.

Érosion et ruissellement pour quelques averses particulièrement agressives sur parcelles nues standard.

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L’examen des résultats obtenus sur les parcelles de 100 m2 fait ressortir l’irrégularité des pertes en terre aux échelles annuelle et interannuelle, quels que soient l'occupation et le mode d’utilisation du sol. Les pluies annuelles n’expliquent que 54 % de la variation de l’érosion à l’échelle interannuelle. Le risque d’érosion ne dépend pas du cumul pluviométrique annuel mais surtout des caractéristiques de l’averse et du milieu. Pour tenter d’expliquer les variations de l’érosion et du ruissellement, nous avons essayé de rechercher l’existence de relations possibles entre l’érosion, le ruissellement, la pluie et l’état du sol en utilisant les méthodes de régressions simples et multiples.

Le traitement des données a permis d’obtenir les expressions suivantes :

Lr = 0,012 + 0,279 P + 0,170 IAP

R2 = 44, 5 %

Eros = 15, 02 + 29,53 Lr

R2 = 53,2 %

Eros = ‑ 97,2 + 14,1 P + 6,72 IAP

R2 = 61,5 %

où R2 : coefficient de détermination; R : coefficient de corrélation; P : pluie en mm; Lr : lame d’eau ruisselée en mm; Eros : érosion en kg•ha‑1; IPA : indice représentant l’état d’humidité du sol (pluie des cinq jours précédant le jour considéré), l'utilisation de ce paramètre a déjà donné de bons résultats au niveau du bassin versant de l’oued Mina à l’ouest de l’Algérie (Meddi, 1992).

Ces expressions montrent qu’il existe des relations entre les différents paramètres. En ce qui concerne l’érosion, la pluie et l’état d’humidité du sol arrivent à expliquer 61 % de la variabilité de l’érosion. L’humidité du sol joue un rôle important sur le déclenchement du ruissellement et, par conséquent, sur l’érosion. La lame d’eau écoulée explique 53 % de la variabilité de l’érosion. Pour la lame ruisselée, la pluie et l’humidité du sol expliquent 44,5 % de la variance de l’écoulement. Les relations trouvées, après le découpage saisonnier, ont donné de meilleurs coefficients de corrélation. En automne (septembre, octobre, novembre), P et IAP expliquent mieux l’érosion, alors qu'en hiver (décembre, janvier, février), Lr explique mieux le phénomène d’érosion. Les taux d’érosion les plus élevés sont enregistrés pendant la période d’octobre à avril où les conditions optimales de ruissellement et d’humidité du sol sont réunies.

Ces résultats montrent que P et IAP ont une influence dans la variation du ruissellement et de l’érosion. Mais ils ne peuvent pas expliquer le phénomène d’érosion à eux seuls. D’autres facteurs ont une influence dans l’explication du ruissellement et de l'érosion tels que : le sol, les états de surface, etc. Dans ses relations avec l'eau, le sol ne joue pas uniquement le rôle d'un réservoir, mais est également un facteur déterminant dans le contrôle du ruissellement et de l'érosion. Les caractéristiques du sol et en particulier les états de surface du sol (surfaces fermées, surfaces couvertes, etc.) jouent un grand rôle dans le phénomène érosif. Ceci nous a conduits à affiner encore plus l'étude en analysant les états de surface sous pluies simulées et à rechercher ensuite les relations qui peuvent exister entre les états de surface du sol, le ruissellement et l’érosion.

Les relations obtenues (Figure 8a, b), entre les surfaces fermées (Sf) et la pluie d'imbibition (R2 = 0,91,2 %) et entre Sf et l'infiltration finale (R2 = 44,7 %), montrent l'importance du rôle des états de surfaces dans la régulation des flux d'eau et dans la détermination du comportement des sols vis-à-vis de l'érosion. L’analyse a mis en relief l’influence prépondérante des états de surface et en particulier des surfaces fermées (croûte de sédimentation, pellicule de battance, traces de compaction, cailloux pris dans la masse) et des surfaces couvrantes (végétation, litière et cailloux). Les indicateurs pertinents du déclenchement du ruissellement et de l’érosion sont donc ceux qui sont relatifs aux états de surface (Figure 8) et ceux relatifs à l’événement pluvieux (Figure 9a).

Figure 8

Relation entre surfaces fermées (Sf) et (a) Pi et (b) Fn (infiltration finale).

Relationship between closed surfaces (Sf) and (a) Pi and (b) Fn (final infiltration).

(a)

(b)

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Figure 9

L’effet des états de surface sur le déclenchement du ruissellement est plus important que celui (a) de l’intensité des pluies et (b) des pentes (MORSLI, 2012).

The effect of surface states on the initiation of surface runoff is more important than that of (a) the rain intensity and (b) the slopes (MORSLI, 2012).

(a)

(b)

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L’effet de la pente sur la pluie d’imbibition n’est pas négligeable (Figure 9b). Pour une pente très forte, le déclenchement du ruissellement est relativement plus rapide, ne laissant pas un temps suffisamment long pour l’imbibition du sol. Par contre, pour une pente plus faible, le déclenchement du ruissellement est retardé laissant place à une imbibition prolongée. Mais une fois le sol dégradé et aplani, l’effet de l’état de surface l’emporte sur celui de la pente. L’effet de la pente peut être atténué par une utilisation adéquate des versants, comme c’est le cas du reboisement dense, des aménagements et de l’utilisation de la GCES(Gestion Conservatoire de l'Eau et du Sol). Certains auteurs ont observé une réduction du ruissellement en forte pente due à la destruction des pellicules de battance au fur et à mesure de leur formation par l’énergie du ruissellement (HEUSCH, 1970; ROOSE, 1977; VALENTIN et al., 1987).

Les éléments qui ressortent de ce travail peuvent être résumés comme suit :

  • Les taux d’érosion en nappe et en rigole sur les sols nus sont de l’ordre de 6 à 8 t•ha‑1•an‑1. Mais l’érosion globale peut atteindre les 50 t•ha‑1•an‑1 sur ces versants.

  • Le ruissellement et l’érosion sont irréguliers aux échelles annuelle et interannuelle, quelle que soit l’utilisation du sol. Les taux les plus élevés sont enregistrés en automne où les conditions optimales du ruissellement sont réunies (pluies sous forme d’orages et sol nu).

  • Les risques majeurs sont liés à des averses exceptionnelles, soit des orages très violents, soit des pluies longues et saturantes provoquant des ruissellements pouvant dépasser, pour certains événements, 35 % de ruissellement et 1 000 kg•ha‑1 d’érosion.

  • Le risque de ruissellement est minime lorsque le sol est sec et rugueux. Par contre, lorsque le sol est humide et surtout quand l’état de surface est dégradé, le risque de ruissellement augmente. Ce risque reste dépendant encore plus des conditions pluviométriques, topographiques et culturales.

  • Le seuil de hauteur minimale de pluie requis pour déclencher le ruissellement sur sol nu sec et non dégradé dépasse les 20 mm. Par contre, pour les sols saturés et surtout dégradés (état de surface du sol dégradé), ce seuil est très bas, quelques millimètres de pluie suffiront pour déclencher le ruissellement. Ces seuils dépendent en partie des caractéristiques des pluies, de la pente et surtout de l’état de la surface du sol qui reste liée à l’occupation du sol et aux activités humaines.

  • La fréquence du ruissellement sur les différents types de sol s’explique en partie par les paramètres des états de surface (taux de saturation du sol, surfaces fermées, surfaces couvertes et rugosité).

  • Les systèmes de gestion analysés montrent que l'utilisation continue des sols ne présente pas de grand risque comme celui des sols nus et/ou abandonnés et des jachères prolongées et pâturées. Le type de travail du sol, la culture en billons, la jachère améliorée, les parcours mis en défens (aires protégées contre le pâturage), les couverts denses et les aménagements de GCES s’avèrent intéressants à la fois pour la réduction de l’érosion et pour la production de la biomasse.

  • L’érosion en nappe et en rigole est liée au ruissellement, de bons coefficients de corrélation ont été obtenus. Les grandes exportations sont liées aux ruissellements exceptionnels.

  • Les résultats obtenus ont permis de montrer que le comportement hydrodynamique du sol ainsi que le déclenchement du ruissellement et de l'érosion sont en relation avec les états de surface (surfaces fermées et couvertes). Ces états de surface sont aussi en relation avec l’occupation du sol et les systèmes de gestion.

Si la pédogénèse est favorisée par les substrats (marnes et grès altérables) et la végétation, quand cette dernière est conservée, certaines occupations du sol et activités humaines (occupation peu couvrante, surpâturage, labour de zones très pentues, utilisation inadéquate du sol, etc.) dans la conjoncture actuelle entravent de plus en plus l'évolution pédogénétique des sols et accentuent les processus érosifs dans ces versants pentus.

Quant à la topographie, dans une telle conjoncture, elle ne peut être que négative dans l'ensemble même si elle peut jouer un rôle important dans la pédogenèse par l'orientation qu'elle donne au sol et aussi à la végétation. Elle accélère souvent le décapage des sols par suite de la forte déclivité. On note l'existence de zones d'appauvrissement superficielles au sommet de pentes et une concentration en éléments dans les parties de faibles pentes. Les profils de faibles pentes sont de type accumulatif, alors que ceux de fortes pentes sont squelettiques, pauvres en MO, caractérisés par une charge caillouteuse relativement importante.

4. Conclusion

Cette étude a permis d’obtenir des données relatives au fonctionnement et au comportement des sols des versants semi-arides du nord-ouest algérien. À l’échelle des transects étudiés, les variations pédologiques du sol le long des versants constituent des indicateurs de la dynamique érosive. Le suivi des différents critères met bien en évidence cette différence de dynamique. Les résultats montrent que ce sont surtout les effets de l’occupation du sol, les caractéristiques du couvert végétal, de l’activité humaine et des aménagements qui conditionnent cette dynamique.

Ces transects présentent différents faciès nettement distincts. En forte pente et sous couvert végétal faible, les sols sont érodés par l’érosion. Ceci est bien démontré par la charge caillouteuse et le décapage de l’horizon de surface qui peut aller quelquefois jusqu'à la dénudation de la roche (affleurement des marnes et des grés).

Par contre, les sols très couverts sont plus ou moins conservés, malgré la présence de fortes pentes. Cette stabilité trouve son explication dans la densité du couvert végétal (reboisement dense et formation buissonnante) et la richesse en matière organique, qui rendent la structure du sol plus stable et l'eau de pluie s'y infiltre plus facilement, ce qui rend les pluies d’imbibition relativement plus élevées. Les résultats obtenus mettent en évidence un excellent comportement des surfaces bien couvertes et montrent l'intérêt du rôle prépondérant de la couverture dense.

Les aménagements réalisés sur les zones cultivées par les riverains et l’application de la GCES dans certaines exploitations (intensification, cultures en étages avec arboriculture (cerisier) très valorisante et très économique, utilisation de fumier, emploi de techniques antiérosives) ont bien montré leur efficacité dans la conservation de l'eau et du sol et dans l’amélioration des revenus.

Sur les transects marneux, les systèmes de gestion ainsi que le comportement particulier des sols vertiques jouent un rôle important dans la dynamique érosive. L’analyse de certaines techniques très pratiquées dans ce type de versant du nord-ouest algérien a bien montré les grandes possibilités de maîtrise de l’érosion par des pratiques culturales simples. Certaines sont efficaces et d’autres nécessitent des améliorations. Une organisation spatiale judicieuse de ces pratiques culturales et des aménagements antiérosifs au sein des versants aura encore plus d’impact.

On observe une irrégularité des pertes en terres à l’échelle annuelle, quels que soient les traitements. C’est au début de l’automne qu’on observe l’érosivité maximale des orages et la fragilité maximale du milieu cultivé. L’évolution du couvert végétal durant la saison des pluies et son interaction avec les techniques culturales influencent l’aptitude du sol au ruissellement et à l’érosion. La relation entre ruissellement et érosion n’est pas stable durant l’année, elle varie au cours des saisons. La pluie et l'humidité ne peuvent expliquer que partiellement la variabilité du ruissellement et de l'érosion.

Les états de surface constituent l'indicateur le plus pertinent dans la régulation des flux d'eau et dans la détermination du comportement des sols vis-à-vis de l'érosion. Ces états sont aussi en relation avec les systèmes de gestion et les caractéristiques du sol. À l’échelle saisonnière, le ruissellement et l'érosion dépendent en premier lieu de l’évolution des états de surfaces et en second lieu du développement du couvert végétal.