Abstracts
Résumé
Cette étude menée entre mars et août 2014 propose un suivi de neuf descripteurs abiotiques, dans 11 stations d’échantillonnage choisies le long de l’Oued Melloulou, principal affluent de la rive gauche de l’Oued Moulouya. L’utilisation de l’analyse triadique partielle facilite le suivi de la variabilité spatiotemporelle de ces descripteurs physicochimiques, et met en évidence l’évolution de leur structure spatiale. Les résultats obtenus montrent que l’Oued Melloulou bénéficie d’une eau de moyenne à très bonne qualité, et que ce cours d’eau est épargné, pour le moment, des grandes pollutions domestiques et industrielles.
Mots-clés :
- Oued Melloulou,
- variabilité spatiotemporelle,
- descripteurs physicochimiques,
- analyse triadique partielle
Abstract
This study carried out between March and August 2014, offers a monitoring of nine abiotic descriptors in 11 sampling stations chosen along Oued Melloulou, main tributary on the left bank of Oued Moulouya. The use of partial triadic analysis facilitates the monitoring of spatio-temporal variability of these physico-chemical descriptors, and highlights the evolution of their spatial structure. The obtained results showed that Oued Melloulou enjoys an average to very good quality water, and that this watercourse is spared for the moment, from large domestic and industrial pollution.
Keywords:
- Oued Melloulou,
- temporal variability,
- physico-chemical descriptors,
- partial triadic analysis
Article body
1. Intrpduction
Au Maroc, la situation des cours d’eau superficiels devient de plus en plus préoccupante à cause des quantités importantes de rejets polluants déversés sans traitement dans les écosystèmes aquatiques. L’Oued Moulouya, qui draine la quasi-totalité du Maroc oriental, se trouve particulièrement touché par ce problème (BENSAAD et al., 2017; BERRAHOU, 1995; MABROUKI et al., 2016a; MAKHOUKH et al., 2011; FAGROUCH et al., 2010; TAYBI et al., 2016a).
La densité de population dans le bassin versant de l’Oued Melloulou, principal affluent de la rive gauche de l’Oued Moulouya, est faible en particulier dans les altitudes élevées, avec moins de 20 habitants par km2 à partir de 2 000 m. Seulement certains habitats précaires et temporaires apparaissent le long des poljés et les dolines situés au pied du mont Bou Iblane. Les pasteurs utilisent cet habitat seulement pendant les saisons clémentes d'été, la première moitié d'automne et la seconde moitié du printemps (LÓPEZ LARA et al., 2007). Ces zones correspondent aux prairies ou aux pâturages des montagnes couvertes de neige en hiver. En bas, les pentes raides sont hostiles pour l'habitat, bien que certaines maisons dispersées ou groupées existent le long des vallées. En revanche, dans les pentes nord-ouest de Marhraoua la densité de population est relativement élevée par rapport aux espaces précédents. Plus bas se trouve la plaine de Guercif abritant la principale agglomération du bassin versant de l’Oued Melloulou. La ville de Guercif abrite plus de 90 880 habitants selon le recensement général de 2014. L'activité économique de la province est marquée par les commerces dans la ville et les activités agropastorales dans les espaces ruraux. La principale activité agricole est l'exploitation des olives, ce secteur constitue la ressource fondamentale des agriculteurs. En parallèle à cette activité, il y a l'élevage du bétail, la culture de l'orge, du blé et des légumes. L’activité industrielle la plus prépondérante est la transformation des olives qui emploie 95 % de l’ensemble des salariés du secteur. Il y a également des unités de textiles et de conserveries. Quinze établissements industriels de ce type sont ouverts dans la ville de Guercif, employant 19,2 % de la population autochtone active. Ainsi, l’activité industrielle reste faible dans la ville et n’évolue pas par rapport aux autres secteurs d’activité (ABHM, 2010).
Cette étude physicochimique, qui vient compléter une étude biotique basée sur les peuplements de macroinvertébrés aquatiques menée en parallèle (dont les premiers résultats sont publiés par MABROUKI et al., 2016b, 2017 et TAYBI et al., 2016b, 2017a, 2017b, 2018), s’insère dans le cadre de la surveillance de la qualité des eaux superficielles du bassin versant de l’Oued Melloulou. En effet, l’analyse physicochimique reste le seul moyen pour identifier la nature et les concentrations des polluants. Pour ce faire, neuf variables physicochimiques ont été mesurées pendant trois campagnes (successivement aux mois de mars, juin et juillet-août 2014) au niveau des 11 stations reparties sur ce cours d’eau.
2. Matériel et méthodes
2.1 Milieu d’étude
L’Oued Melloulou (Figure 1) draine un bassin versant de 2 476 km2; il parcourt environ 100 km de sa source, située sur le lac Tameda, jusqu'à sa confluence avec la Moulouya à Guercif. Melloulou est formé par deux grands cours d’eau : le Tmourghoute (Oued El Bared), qui draine la dépression Marhraoua, et le Zobzit, qui recueille l'eau des versants méridionaux de Bou Iblane, et de Bou Nasser. Le Melloulou, avant sa confluence avec la rivière Zobzit, développe un large bassin, qui s’entend depuis la montagne Tanout au sud jusqu’à Jebel Azrou Ouassès et Jebel Ain Hallouf au nord, correspondant à la dépression de Marhraoua et ses marges. La plupart du réseau hydrographique converge vers l'axe de la dépression Marhraoua avant qu'elle se développe vers le bassin de Guercif (MOUHDI, 1993).
Les précipitations sont très variables selon les saisons et les sites d'études. En effet, dans les années normales, le massif de Bou Iblane connait de fortes chutes de neige à partir de mi-novembre jusqu’au début juin. Les précipitations se produisent principalement en hiver et au printemps. Les températures sont généralement fraiches dans les altitudes, bien que les moyennes annuelles soient de l’ordre de 11 à 12 °C. Elles descendent également en dessous de 0 °C pendant la période de novembre à mars. Les températures les plus élevées sont enregistrées en juillet et août (LÓPEZ LARA et al., 2007). Par contre, la plaine de Guercif se caractérise par un climat semi-aride, avec des faibles précipitations ne dépassant pas 185 mm par année, la température moyenne annuelle est relativement élevée avec environ 19,3 °C. En été et en particulier aux mois de juillet-août, les températures maximales peuvent remonter à plus de 47 °C avec une moyenne des maximas de l’ordre de 44 °C (ABHM, 2010).
Les contrastes climatiques, en raison de l'altitude et de l'exposition des pentes, donnent une végétation très diversifiée. En général, sur les pentes irriguées du nord et de l'ouest, se trouvent les forêts de chênes (Quercus ilex L., 1753 et Quercus coccifera L., 1753), de pins d'Alep (Pinus halepensis MILL., 1768) et même le cèdre de l’Atlas (Cedrus atlantica CARRIÈRE, 1855). À l’est et au sud-est, les pentes semblent moins boisées, avec des grappes de genévriers (Juniperus thurifera L., 1753), donnant ensuite des formations steppiques de l’alfa (Stipa tenacissima L.) et l’armoise (Artemisia herba-alba ASSO, 1779). Sur les sommets de plus de 2 200 m d’altitude, les forêts sont défrichées, et les montagnes présentent une faible végétation. Les hauts sommets deviennent pratiquement désertés en raison de nuits froides et glacées (LÓPEZ LARA et al., 2007).
2.2 Description des stations
Pour atteindre les objectifs susmentionnés, le choix des stations retenues pour ce travail a été réalisé à la base des critères suivants :
Accessibilité des stations;
Localisation en amont et en aval des différentes sources potentielles de pollution.
En suivant ces critères, 11 stations dans le bassin versant de l’Oued Melloulou ont été retenues et prospectées de manière saisonnière (Figure 1, Tableau 1).
2.3 Paramètres physicochimiques
Les échantillons de cette étude ont été prélevés trois fois de suite dans les 11 stations, sur une période de temps s’étalant sur six mois. Les campagnes de prélèvement ont été réalisées successivement pendant les mois de mars, juin et juillet-août 2014. Deux répliques d’échantillons d’eau de chaque station ont été prélevées dans des bouteilles de polyéthylène de 500 ml (dont les résultats constituent leur moyenne). Les échantillons d'eau ont été préservés avec 2 ml d’acide chlorhydrique concentré (pH = 2). Selon les normes standards ISO 5667-6 (1990), ISO 5667-2 (1991) et ISO 5667-3 (1994), les échantillons d’eau ont été acheminés dans une glacière à une température basse (±4 °C) pour arrêter les activités métaboliques des organismes dans l'eau. Les paramètres physicochimiques suivants ont été mesurés au laboratoire : sulfates (SO42-), demande biologique en oxygène après cinq jours (DBO5), orthophosphates (PO43-), ammonium (mg N-NH4), nitrates (mg N-NO3). Ces paramètres ont été déterminés selon les normes AFNOR (1997) et RODIER et al. (1996). Tandis que la conductivité, le pH, l’oxygène dissous et la température ont été mesurés (in situ) sur le terrain.
Au cours des périodes pluvieuses (hiver-automne 2014) nous n’avons pas pu réaliser l’échantillonnage à cause des crues et des inondations que le bassin versant connait presque annuellement. Ces fortes crues pourraient fausser les résultats des analyses physicochimiques de l’eau. D’ailleurs, l’article 6 de l’arrêté conjoint du ministre de l’Équipement et du ministre chargé de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme de l’habitat et de l’Environnement No 1275-02 du 17 octobre 2002 définissant la grille de qualité des eaux de surface, proscrit l’échantillonnage pendant cette période.
2.4 Principe de l'analyse triadique partielle
Dans notre étude, nous nous plaçons dans le cas de données tridimensionnelles où plusieurs variables ont été mesurées à trois reprises sur les mêmes stations. Le cube de données ainsi constitué peut être considéré comme une suite chronologique de trois tableaux à deux entrées (stations x relevées) (Figure 2).
Des outils statistiques appropriés à l’analyse des données tridimensionnelles (méthodes d'analyses dites multitableaux) ont été développés en hydrobiologie, parmi lesquelles la « famille » des méthodes STATIS (structuration des tableaux à trois indices de la statistique; LAVIT et al., 1994), qui permettent l’analyse conjointe de plusieurs tableaux.
Le principe général de ces méthodes est de définir dans un premier temps la structure commune à ces tableaux, appelée « compromis », puis d’étudier la variabilité de cette structure à travers chaque tableau. Quand les nombres de lignes et de colonnes sont identiques comme dans notre cas de figure (11 lignes et neuf colonnes dans les trois tableaux des trois campagnes), on peut calculer directement un tableau « compromis » correspondant à une somme pondérée des tableaux, on utilise alors l’analyse triadique partielle (ATP).
Au lieu de passer par des analyses séparées, on effectue donc une analyse simultanée des trois tableaux-campagnes (stations x variables) à l’aide d’une analyse triadique partielle (THIOULOUSE et CHESSEL, 1987; BLANC et al., 1998). Cette dernière, qui fonctionne avec une logique d’analyse en composantes principales (ACP), va nous permettre de faire des ACP simultanées et coordonnées des trois tableaux mésologiques, et d’identifier un tableau (stations x variables), appelé compromis, ce dernier est constitué par la meilleure combinaison des trois tableaux-campagnes donnant la meilleure ACP. La mise en oeuvre de cette dernière fournit un modèle de la structure spatiale permanente, durant les trois campagnes, des paramètres physicochimiques existant sur ce cours d’eau. L’analyse de l’écart à ce modèle permet d'étudier l’évolution temporelle de cette structure sur six mois. Notons que le compromis obtenu s’interprète comme toute analyse en composante principale classique (THIOULOUSE et CHESSEL, 1987; DOLEDEC, 1988; CENTOFANTI et al., 1989; ALIAUME et al., 1993; BLANC et BEAUDOU, 1998; MABROUKI et al., 2016a).
L’analyse simultanée semble être une bonne alternative, car elle permet d’identifier de façon objective une structure spatiale stable commune à toutes les campagnes, ce qui n’est pas le cas avec la mise en oeuvre d’analyses séparées. De plus, contrairement à l’analyse globale des données, il n’y a pas de mélange des effets spatiaux et temporels qui rend confuses l’identification de la structure spatiale et l’étude de sa variation temporelle. Dans les méthodes d’analyses simultanées, cette étude des variations temporelles se fait en référence à la structure stable identifiée de façon optimale, ceci constitue encore un avantage par rapport aux analyses séparées pour lesquelles la comparaison peut devenir complexe dès que le nombre de campagnes est supérieur à deux. En effet, si on essaie de faire une ACP pour chaque campagne « analyses séparées », il sera très difficile (voire impossible si le nombre des campagnes dépasse trois) de comparer l’évolution de la structure et de l’interpréter, car les structures des ACP seront différentes. Dans le cas des analyses simultanées, on identifie un tableau moyen pondéré « compromis » à partir des différents tableaux (ici, trois campagnes = trois tableaux) qui représente la meilleure combinaison des trois tableaux-dates et qui donne la meilleure ACP. Les trois autres ACP des trois campagnes seront projetées sur l’ACP du compromis « analyse simultanée » et l’interprétation et le suivi de la structure seront plus faciles, car l’analyse de l’écart au compromis permet d’étudier l’évolution temporelle facilement.
2.5 Les bases méthodologiques de l’analyse triadique partielle
Prenons l’exemple de k tableaux ayant n lignes et p colonnes chacun (Figure 2); à l’intersection de la ligne i et de la colonne j on trouve la valeur de la variable j mesurée à la station i. Après les transformations initiales, on obtient k tableaux Xk correspondant aux k campagnes avec le même nombre de lignes et de colonnes et ayant pour éléments Xki, j.
En s’appuyant sur le schéma de dualité (ESCOUFIER, 1987), on peut définir pour chacun des tableaux le triplet (Xk, Dp, Dn) où Dp et Dn sont respectivement les matrices diagonales des poids des colonnes et des poids des lignes. Pour comparer deux tableaux Xk et Xl, on calcule un produit scalaire défini par ESCOUFIER (1973), comme leur covariance vectorielle (Covv) :
où est la transposée de la matrice Xk et Trace (X) représentant la somme des termes diagonaux de la matrice X. De la même façon, on calcule la variance vectorielle d'un tableau Vav(Xk) :
d’où l’expression du coefficient de corrélation vectorielle entre deux tableaux :
On peut considérer qu'un coefficient Rv est l'équivalent entre deux tableaux d’une corrélation entre deux variables. Un coefficient Covv est, par contre, l’équivalent entre deux tableaux d’une covariance entre deux variables.
L’analyse triadique partielle se déroule alors classiquement en trois étapes décrites ci-après. Première étape : phase de l’interstructure et recherche du compromis. On recherche dans un premier temps une « moyenne » X (ou compromis) des k tableaux, somme pondérée de ces tableaux :
Les coefficients αk sont calculés tels que l’analyse du triplet (X, Dp, Dn) soit optimale, c’est-à-dire qu’elle présente une inertie interne maximale sous la contrainte.
Ces coefficients sont les composantes normées du premier vecteur propre de la matrice des covariances vectorielles entre tableaux (Covv) obtenus après diagonalisation de cette matrice. On peut aussi diagonaliser la matrice des corrélations RV, comme c’est le cas habituellement dans les analyses STATIS. Dans le cas de l’analyse triadique partielle, on préférera diagonaliser la matrice des Covv, car on suppose logiquement que des tableaux totalement appariés (mêmes lignes et mêmes colonnes) présentent des inerties de même ordre de grandeur. Si ce n'est pas le cas, cette information intrinsèque aux données rentre en ligne de compte dans le calcul du compromis. Contrairement à l’analyse STATIS où les αk, calculés à partir d’une série d’opérateurs, sont toujours de même signe, en analyse triadique partielle on peut obtenir dans certains cas particuliers des coefficients αk de signes différents.
Cela rend délicate l’interprétation du compromis et doit conduire l’utilisateur à envisager une autre approche méthodologique, comme une analyse STATIS sur les opérateurs. L’étape de diagonalisation de la matrice des Covv est appelée dans la terminologie de STATIS étape d'interstructure. La diagonalisation a pour fonction essentielle d'attribuer à chaque tableau un poids (les composantes normées du premier vecteur propre). Un nouveau tableau de synthèse combinant les tableaux initiaux en proportion de leurs poids dans la description de la structure commune dite compromis est ainsi constitué.
Deuxième étape : analyse du compromis. L’analyse du tableau compromis s’effectue comme une analyse d'inertie standard. Elle fournit des axes principaux et des composantes principales respectivement dans l’espace des lignes et dans l’espace des colonnes sur lesquels se projettent les colonnes et les lignes du tableau compromis. Cette analyse permet d'établir une typologie commune à tous les tableaux. Le cosinus carré (Cos2 entre deux tableaux, le tableau k et le tableau compromis) constitue un indicateur de la qualité de l'expression par un tableau donné de la structure du compromis définie par les x premiers axes factoriels retenus pour l’analyse.
Troisième étape : analyse de la reproductibilité du compromis. On peut finalement projeter sur les axes et composantes principales du compromis les lignes, les colonnes, les axes et les composantes principales des analyses séparées de chacun des tableaux. Ces opérations permettent de discuter de la stabilité des tableaux autour de la moyenne (compromis), autrement dit d’analyser la reproductibilité de la structure du compromis par chacun des tableaux. Pour cela, des aides à l’interprétation, telles que les représentations graphiques multifenêtres par tableau, sont conseillées (BLANC et al., 1998).
3. Résultats et discussion
Le tableau 2 présente les valeurs des neuf variables physicochimiques mesurées sur chacun des 11 sites à trois occasions.
3.1 Interstructure et recherche du compromis
La matrice des corrélations vectorielles entre tableaux-dates (Tableau 3) montre que la structure du tableau correspondant à la troisième campagne est la plus éloignée des deux autres (Figures 3A et 3B). La meilleure ressemblance est observée entre les tableaux de la 1re et la 2e campagne pour lesquelles la valeur du coefficient Rv (le coefficient de corrélation entre deux tableaux) est la plus élevée (0,948). Dans le Tableau 2 on trouve également les coefficients αk qui représentent le poids du tableau k dans la définition du compromis, et sont calculés de façon à ce que le tableau compromis ait une inertie maximale. Le Cos2 entre le tableau k et le compromis constitue un indice de la qualité de l’expression d’une campagne donnée par rapport à la structure du compromis (Figures 3C, 3D et 3E).
Ces indices typologiques (Tableau 3, Figure 3F) montrent que les trois tableaux participent à la définition du compromis, et que la 2e campagne y est mieux représentée (valeurs élevées de αk et de Cos2) contrairement à la 3e campagne qui participe le moins à sa construction.
La diagonalisation de la matrice de covariances vectorielles fournit pour l’interstructure les principaux axes factoriels F1 et F2 (Figure 3A) dont le premier représente 94,82 % de l’inertie et le deuxième 3,92 %.
3.2 Analyse du compromis
Rappelons que le compromis est le meilleur tableau que l’on puisse constituer avec les trois tableaux de départ à n lignes (stations) et p colonnes (variables); et que le meilleur compromis est celui qui donnerait la meilleure ACP, cette dernière s’interprète comme toute analyse en composante principale classique. L'analyse du compromis fournit un histogramme de valeurs propres (Figure 4A) soulignant deux dimensions prépondérantes qui représentent les axes factoriels F1 et F2 et qui reflètent respectivement 74,59 % et 13,41 %, soit 88 % de l'information totale. Les stations et les variables physicochimiques (Figure 4A) sont donc projetées sur le plan 1-2 (c’est-à-dire le plan factoriel F1-F2) du compromis. Le plan factoriel 1-2 du compromis des variables physicochimiques (Figure 4B) met en évidence sur l’axe 1 un gradient d’oxygénation des eaux courantes, opposant la DBO5, NO, N-NH, PO et le SO à l’oxygène dissous. Sur le plan 1-2 des stations (Figure 4B) ce gradient d’oxygénation des eaux oppose la station S10 et S11 les moins oxygénées, aux autres stations les plus oxygénées (S1 et S3). Toujours sur le plan horizontal (F1) on trouve une description du gradient amont/aval des stations, et un gradient de conductivité qui suit la même allure. L’axe vertical met en évidence une augmentation des PO et NO dans les stations S4, S10 et S11; cela peut être expliqué par la proximité de ces stations des terrains agricoles utilisant des engrais, et par le drainage ainsi que le lessivage de ces derniers sur les rives de l’Oued Melloulou.
3.3 Analyse de la reproductibilité de la structure du compromis
Cette étape d'analyse, appelée intrastructure, consiste à représenter simultanément et de façon symétrique chaque station et chaque variable à toutes les campagnes. L'analyse de l'écart au compromis permet d'étudier l'évolution temporelle de cette structure sur six mois.
L'intérêt de l'intrastructure réside, dans la possibilité d'exprimer à une même échelle l'évolution temporelle des relations variables-stations (typologie interne à chaque tableau) aux trois campagnes. La figure 5 donne le résultat de cette analyse, notons au passage que 1-2 (Figure 5A et 5D) représente le plan 1-2 du compromis, 3-4 représente les principaux axes des ACP des trois tableaux projetés sur le plan du compromis.
Rappelons aussi que l'analyse de l'écart au compromis permet d'étudier l'évolution temporelle de cette structure sur six mois (de mars à août 2014). La jonction des stations selon leur ordre de succession dans la nature permet de lier à première vue, le plan horizontal à une succession « amont/aval » de droite à gauche. Le plan horizontal décrit donc un schéma classique du gradient amont/aval, avec une conductivité élevée dans l’aval, et une forte oxygénation d’eau en amont.
La figure 5 montre que les ACP des trois tableaux-campagnes (qui sont extrapolées sur le compromis et représentent chacune l’écart à ce dernier) ne sont pas significativement différentes. L’évolution temporelle de la structure spatiale des descripteurs physicochimiques montre donc qu'il n’y a pas un grand changement de cette structure dans le temps. La figure 4 montre que la majorité des stations (S1, S2, S3, S4, S5, S6 et S7) sont à droite de l’axe F1, ce dernier exprime le taux d’oxygénation de l’eau, donc l’eau est excellente dans les S1, S2, S3 et elle est excellente à très bonne dans les S4, S5, S6 et S7. La station la moins oxygénée est S11; en se référant au tableau 2 on trouve que le taux d’oxygène dépasse toujours les 5 mg∙L-1, l’eau reste encore bonne selon les normes marocaines.
Quelle que soit la campagne de prélèvement, la qualité des eaux de l’Oued Melloulou (en se référant au tableau 2 et aux figures 4 et 5) reste donc bonne à excellente. Les eaux des stations à gauche du plan horizontal (S11, S10, S9 et S8) restent moins oxygénées que les autres stations, sans que cette diminution d’oxygène ne perturbe la vie aquatique (MEINCK et al., 1977). Le suivi de la structure des stations (depuis la 1re campagne à la 3e campagne) montre que ces dernières reculent de plus en plus à gauche du côté du plan F1 (Figure 5B). Ce dernier exprime un gradient du taux d’oxygénation de l’eau qui augmente de gauche à droite.
L’évolution temporelle montre donc une diminution du taux d’oxygène dissous, dans toutes les stations (les stations sont plus à gauche au cours de la première campagne qu’à la troisième campagne, sur le plan horizontal); cela s’explique par l’augmentation de la température, qui diminue la solubilité de l’oxygène dans l’eau.
4. Conclusion
Les résultats du suivi de l’évolution spatiotemporelle des paramètres physicochimiques des 11 stations montrent que l’Oued Melloulou bénéficie, respectivement d’aval en amont, d’une eau de moyenne à très bonne qualité. Ces résultats concordent avec notre travail dédié au suivi des peuplements des plécoptères dans le bassin versant de la Moulouya dont l’Oued Melloulou fait partie, en effet ce cours d’eau est peuplé par un nombre important d’espèces de plécoptères, ces derniers sont parmi les indicateurs biologiques les plus sûrs d'une eau de bonne qualité et d’un biotope en bonne santé (MABROUKI et al., 2016b, 2017; TAYBI et al., 2016b, 2017a, 2017b).
Mais ceci ne veut pas forcément dire que ce cours d’eau est épargné de risques d’altération. En effet, il souffre de modifications des berges causées par les pratiques agricoles et par l’extraction du substrat; la déforestation et la désertification viennent accentuer les dégâts causés par les violentes crues que connait le grand bassin versant de la Moulouya (TAYBI et al., 2016a, 2016b; MABROUKI et al., 2016a).
La majeure pression anthropique se manifeste en aval de l’Oued Melloulou et à son entrée dans la vaste plaine de Guercif, où l'utilisation de l’eau de surface s’accentue considérablement, en particulier dans les saisons sèches. À cette utilisation accrue s’ajoute le rejet des eaux usées non traitées provenant des habitations riveraines non reliées au réseau d’assainissement.
Appendices
Remerciements
Nous remercions vivement les deux réviseurs de la Revue des Sciences de l'Eau pour leurs critiques constructives et leurs remarques pertinentes.
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