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1. Introduction

Cet article, qui s’inscrit dans le domaine de la sociolinguistique, expose une partie des résultats d’une étude menée en milieu scolaire dans le sud-est du Nouveau-Brunswick. Il examine les représentations linguistiques d’un groupe d’élèves ayant pris part au cours Parler acadien au sein d’une école secondaire du Grand Moncton. L’étude des représentations linguistiques s’avère particulièrement importante sachant que celles-ci permettent une meilleure compréhension des comportements langagiers des locuteurs. En effet, selon Calvet, les représentations déterminent « des jugements sur les langues et les façons de les parler [et] les représentations agissent sur les pratiques » (2009, p. 158).

En d’autres mots, je cherche à savoir de quelles manières ces élèves se représentent certaines langues et variétés de langue de la région. Quelles sont les valeurs associées à l’anglais, au français standard[2] et au vernaculaire chiac? De quelles façons les élèves s’adaptent-ils à la dynamique sociolinguistique qui caractérise le sud-est néobrunswickois? Quels sont les facteurs concourant à la construction des représentations, lesquelles sont étroitement imbriquées aux pratiques linguistiques, elles-mêmes s’articulant autour de rapports de pouvoir symbolique (Bourdieu, 1977, 1982)?

Les représentations linguistiques en milieu scolaire, et de surcroit en contexte francophone minoritaire, ont fait l’objet de maintes études (Boudreau, 1998, 2001 et 2009; Boudreau, Dubois et d’Entremont, 2008; Landry, 1982; LeBlanc, 2006; Melanson et Cormier, 2010). Or, il importe de faire l’étude du langage « ancrée dans ses conditions sociales de production » (Boutet et Heller, 2007, p. 306). En effet, Boudreau et Dubois rapportent que les représentations linguistiques sont « tributaires des conditions sociales, politiques et économiques dans lesquelles vivent les communautés » (2005, p. 213), d’où l’importance d’accorder également un intérêt particulier à l’étude de la situation sociale dans laquelle a été menée l’enquête.

Dans cet article, j’adopterai une perspective bourdieusienne et conflictuelle en mobilisant la notion de marchés linguistiques (Bourdieu, 1982) pour illustrer et interpréter le lien entre langue et société en termes de relations de pouvoir entre locuteurs de langues et de variétés linguistiques différentes. Je me servirai également du concept théorique d’idéologie linguistique (Boudreau, 2009; Boudreau et Dubois, 2008; Milroy, 2001; Watts, 1999; Woolard et Schieffelin, 1994), dont l’idéologie du standard (Lodge, 1997; Milroy, 2000; Milroy et Milroy, 1999) et l’idéologie du bilinguisme (Heller, 2002 et 2011; Heller et Budach, 1999). L’analyse des idéologies permet de faire émerger les fondements des institutions sociales et les inégalités intergroupes qui en découlent. Comme le précise Jaffe, inspirée de Irvine et Gal (2000), le courant d’analyse des idéologies langagières permet de « tracer les liens entre les actes linguistiques et les discours métalinguistiques et des structures et des processus culturels, sociaux et politiques » (2008, p. 517).

2. Contexte de l’étude et objectif de recherche

2.1. Contexte sociolinguistique

Le sud-est du Nouveau-Brunswick, et dans le cas de figure, le Grand Moncton (réunissant les villes de Moncton, de Dieppe et de Riverview), se caractérise par une situation sociolinguistique complexe où cohabitent notamment le chiac (soit le parler vernaculaire), le français standard et l’anglais. L’anglais est la langue dominante[3] sur les plans démographique, social et symbolique, de sorte que sur la place publique, on la retrouve pratiquement partout, de l’affichage commercial aux communications avec l’entourage, en passant par les médias. Le français standard est quant à lui une langue académique, écrite, que l’on remarque dans les milieux officiels francophones, tels que les institutions gouvernementales et scolaires. À cette coexistence linguistique s’ajoute une troisième variété de langue, soit le chiac, le vernaculaire utilisé chez une certaine partie de la population de langue française du sud-est du Nouveau-Brunswick. Caractérisé par « l’intégration et la transformation, dans une matrice française, de formes lexicales, syntaxiques, morphologiques et phoniques de l’anglais pour former un système linguistique autonome » (Perrot, 1994, citée dans Moïse, 2007, p. 312), le chiac a longtemps fait l’objet de stigmatisation, vu son apparente hybridité considérée comme un symbole d’assimilation et d’acculturation à la langue anglaise (Boudreau, 2008). Aujourd’hui, le chiac est davantage apprécié comme marqueur identitaire de l’Acadie moderne (Boudreau et Dubois, 2001). Chez les jeunes plus particulièrement, on remarque même des mouvements qui tendent à lui attribuer une certaine forme de contrelégitimité (Boudreau, 2014).

2.2. Contexte scolaire

Eu égard à la situation sociolinguistique du Nouveau-Brunswick, la transmission linguistique et culturelle en français représente un enjeu capital pour assurer la vitalité des communautés francophones en milieu minoritaire. Au sein de cette province, la seule officiellement bilingue au Canada, des dispositions constitutionnelles et législatives ont été adoptées afin de favoriser la protection des communautés de langue officielle et la promotion de leur langue et de leur culture respective. Bien que ces dispositions (entre autres, la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick et la Loi reconnaissant l'égalité des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick) soient d’une grande importance, notamment pour la vitalité et l’épanouissement des communautés en situation linguistique minoritaire, il est reconnu que les écoles de langue française en contexte linguistique minoritaire, à l’échelle provinciale et nationale, sont les institutions publiques ayant le plus d’impact sur la reproduction de la langue et de la culture francophone (Pilote, 2004, 2006; Pilote et Joncas, 2016). Au Nouveau-Brunswick, l’adoption de la dualité linguistique au sein du ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance, des districts scolaires et des écoles est une forme de reconnaissance du « droit [des communautés linguistiques officielles] à des institutions d’enseignement distinctes et aux institutions culturelles distinctes nécessaires à leur protection et à leur promotion » (Charte canadienne des droits et libertés, article 16. 1 (1)).

Dans le sud-est du Nouveau-Brunswick, c’est le district scolaire francophone sud (anciennement le district scolaire 1[4]) qui gère l’éducation francophone primaire et secondaire. Contrairement aux districts scolaires francophones du Nord-Ouest et du Nord-Est, le district scolaire 1 regroupe plusieurs régions où l’anglais est dominant. Par la force des choses, les écoles ne fonctionnent pas en vase clos et subissent nécessairement l’influence du contexte sociolinguistique dans lequel elles sont situées, ce qui pose un défi pour la construction d’espaces homogènes dans lesquels les francophones peuvent s’épanouir (Boudreau et Dubois, 2004). C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle le district scolaire 1 a pour principale mission de permettre aux élèves « de s’épanouir pleinement en tant qu’individus francophones et de contribuer de façon productive à la communauté acadienne » (District scolaire 1, 2012a). Ainsi, ce district attache une grande importance au développement de la langue française et à la construction d’une identité francophone chez les apprenantes et apprenants. Les politiques du district scolaire 1 en matière de langue visent à maintenir et à développer le français pour contrer les effets du bilinguisme asymétrique. Ces politiques linguistiques stipulent qu’il importe d’« assurer aux élèves un enseignement et un environnement où les échanges ont lieu en français [et de] valoriser la culture de langue française en tant que moyen d’expression d’une pensée universelle » (ibid.). On constate également, à la lecture de ces politiques, qu’on exige des élèves qu’ils s’expriment en tout temps en français dans les cours et les activités scolaires et parascolaires. Autrement dit, comme souligné dans le Rapport annuel à la communauté 2010-2011 du District scolaire 1, l’école francophone vise à être un milieu privilégié pour l’épanouissement dans la langue de la minorité et un lieu « qui permet aux élèves de construire leur identité, trouver leur place et s’enraciner dans la francophonie » (District scolaire 1, 2012b).

Posons-nous la question à savoir de quel français il s’agit dans ces énoncés de principe. Étant donné le contexte scolaire, il s’agit fort probablement du français standard. Or, Boudreau et Perrot (2005) expliquent que la plupart des élèves fréquentant ces écoles ne se reconnaissent pas dans cette norme scolaire ressentie comme étrangère, voire inaccessible. Depuis les années 1980, plusieurs chercheurs se sont questionnés sur l’enseignement de la norme linguistique dans les écoles de langue française en milieu minoritaire, notamment en Ontario et au Nouveau-Brunswick (Cazabon et Frenette, 1982; Mougeon, Beniak et Canale, 1984; Péronnet, 1989 et 1997). Il ressort de leurs études la nécessité de privilégier un enseignement qui traite de la langue et de la culture propre aux minorités linguistiques - en l’occurrence, dans cette enquête, aux Acadiennes et aux Acadiens - de manière à favoriser l’émergence d’une réflexion sur les différentes façons de parler le français. En dépit du fait que cette méthode contrastive puisse représenter une arme à double tranchant, car elle risque de ne servir qu’à corriger les élèves plutôt qu’à décrire la variation (Péronnet, 1997), une telle approche présente la possibilité de sensibiliser les élèves aux variations du français et offre un espace de réflexion dans lequel les représentations linguistiques des apprenantes et des apprenants sont prises en compte.

2.3. Le cours Parler acadien

Au Nouveau-Brunswick, il n’y avait, à ma connaissance, jusqu’à la fin des années 2000, aucune activité pédagogique ni aucun cours en milieu scolaire qui abordait de front la variation linguistique. En 2008, le cours optionnel Parler acadien, développé par le district scolaire 1, a été offert pour la première fois aux élèves de onzième et de douzième années. Une équipe de conseillères et de conseillers scolaires et de collaboratrices-chercheuses et de collaborateurs-chercheurs de l’Université de Moncton a participé à l’élaboration de ce cours, dont une large part de l’enseignement est orientée sur l’étude des « registres » et des normes linguistiques, de la variation du français tant au niveau régional que national ou international et de l’insécurité linguistique. Lors de sa conception, le responsable des communications au district scolaire faisait remarquer que si l’idée de la mise en place d’un tel cours était pertinente, c’est en raison du fait que si l’« on exige de parler un si bon français dans les écoles, sans reconnaitre la place de tous les régionalismes de français, [cela] rend l'élève insécure. Pire, au lieu de le forcer à bien parler, ça l'incite à se taire » (Gaudreau, 2007, p.7). Il ajoute que « le cours répondra à des questions comme : est-ce qu'il y a d'autres pays à travers le monde qui vivent des situations où se côtoient divers types de français? Il faut démystifier la croyance qu'il n'y a qu'un bon français » (ibid., p.7). Ainsi, le cours Parler acadien se donne comme objectif d’aborder la variation linguistique pour contrer l’insécurité linguistique observée chez les élèves.

À ce sujet, Francard précise que l’école :

qui a pour fondement l’obligation du français normé, développe à la fois la conscience de la variation linguistique et le mépris pour les variétés non légitimes. Comme elle ne réussit pas - mais qui s’en étonnera? – à combler le gouffre entre les pratiques stigmatisées comme non conformes et le modèle du français normé (associé pourtant à la langue maternelle), elle génère une insécurité linguistique qui est maximale chez ceux dont la confiance dans le système scolaire est telle qu’ils acceptent d’être les porte-parole d’un ostracisme qui les frappe eux-mêmes.

1989, p.151

Francard (1993) nous éclaire sur le rôle que jouent les écoles dans l’émergence et l’entretien de l’insécurité linguistique. Les résultats d’une enquête consacrée à l’insécurité linguistique qu’il a menée auprès de jeunes wallons et bruxellois nous apprennent que l’insécurité linguistique et le niveau de scolarisation sont intimement liés, de sorte que l’école serait en grande partie, paradoxalement, responsable de cette insécurité en ce qu’elle concourt à véhiculer et à cristalliser les formes linguistiques considérées légitimes.

2.4. Objectif général de recherche

Si le cours Parler acadien aspire à contrer l’insécurité linguistique, comme postulé par ses objectifs de base, il est donc approprié d’observer la manifestation des représentations linguistiques, puisque c’est avant tout celles-ci qui participent à exacerber l’insécurité. Dans le cadre de ma thèse de maitrise, l’objectif général consistait à prendre connaissance, puis à analyser les représentations linguistiques exprimées par des élèves ayant participé au cours de Parler acadien de février à juin 2011. En d’autres mots, il s’agissait de tirer avantage de l’espace de dialogue offert par ce cours consacré à la variation linguistique pour faire l’examen des réflexions sociolinguistiques, épilinguistiques et métalinguistiques.

Cet article se penche sur certaines représentations que les adolescentes et adolescents se font à la fois du français dit standard, du/des français parlé(s) en Acadie et de l’anglais ainsi que sur les idéologies qui les sous-tendent. On remarquera, par une analyse critique du discours (Blommaert, 2005; Fairclough, 2001; Fairclough et Wodak, 1997), que le paradoxe de la valorisation de la diversité est saillant dans cette étude, puisque la valorisation des variétés de langue parait encore se fonder sur une dichotomie diglossique qui consiste :

à attribuer aux pratiques linguistiques dominées des qualités refusées à la langue dominante (comme la chaleur, l’intimité), mais qui sont secondaires par rapport aux qualités dont jouit cette dernière. Cette ambivalence attitudinale permet d’accorder de la valeur à la langue minorisée sans pour autant remettre en cause son statut inférieur.

Hambye et Siroux, 2007, p. 230

3. Cadre épistémologique et démarche méthodologique

3.1. Recherche empirico-inductive et approche ethnosociolinguistique

Lors de l’enquête, j’ai laissé le terrain guider, par induction, la construction même de l’objet d’étude. Cette approche empirico-inductive (Blanchet, 2011; Poupart, 1981) met à l’avant-scène l’observation des phénomènes, la prise en compte du contexte dans lequel s’effectuent les pratiques langagières et la collecte des données du terrain. Ce n’est qu’à partir de ce travail de terrain que les concepts théoriques qui soutiennent l’enquête ont été déterminés et intégrés à la réflexion.

L’approche ethnosociolinguistique (Blanchet, 2000) est la cheville ouvrière de la démarche méthodologique empruntée. Cette approche s’avère particulièrement efficace pour des recherches qui traitent des phénomènes langagiers et qui empruntent la voie de l’interdisciplinarité en raison de l’intrication et de l’enchevêtrement de paramètres culturels, sociaux et linguistiques. La démarche ethnosociolinguistique vient en quelque sorte pallier la complexité de l’interprétation de corpus par une « synthèse des apports de démarches complémentaires considérées comme portant toutes sur le même objet/sujet, l’Homme, mais y travaillant par des entrées différentes, et permettant conjointement d’éclairer la complexité des cas observés » (Blanchet, 2000, p. 72). De façon concrète, opter pour la démarche ethnosociolinguistique revient à se demander « qui parle quoi, quand, où, de quoi, avec qui, comment, pourquoi, dans quel but concret ou symbolique » (ibid., p. 72).

3.2. Terrain de recherche et participantes et participants à l’étude

3.2.1 Terrain de recherche : école secondaire Mathieu-Martin (Dieppe)

Trois facteurs principaux justifient le choix de mener cette enquête en milieu scolaire et, plus précisément, dans une école secondaire du sud-est néobrunswickois. D’abord, l’étude des représentations linguistiques en contexte scolaire présente l’avantage d’accéder aux discours émergents sur les variétés linguistiques au sein d’un marché linguistique officiel. Ce fait n’est pas anodin, puisqu’il s’agit d’un milieu social dans lequel on peut observer une tension importante entre la valorisation de la norme et la promotion de la diversité linguistique et culturelle. Cela surprend peu étant donné que l’école est généralement un milieu qui se veut linguistiquement homogène et normatif. Dans cette école secondaire de langue française où les politiques linguistiques sont explicites quant à l’usage d’un « français standard » en tout temps (et ce, dans les salles de classe ainsi qu’à l’extérieur de celles-ci, à l’exception des cours de langue anglaise), les débats et les remous entourant les questions linguistiques font l’objet de nombreuses discussions et réflexions. S’intéresser aux représentations des élèves, c’est aussi se pencher sur le rôle et l’influence des discours produits par les établissements scolaires à l’égard de la variation linguistique.

Ensuite, examiner les représentations linguistiques dans cette école secondaire permet, ipso facto, d’avoir accès à une tranche d’âge particulière. Étant donné que les pratiques linguistiques et les rapports de pouvoir sous-jacents peuvent constituer des facteurs d’inclusion/d’exclusion, des marqueurs identitaires et culturels et même des instruments d’accès à un emploi, les jeunes locuteurs sont, à divers degrés, touchés par les enjeux sociaux des langues[5].

Enfin, l’intérêt d’étudier les représentations linguistiques dans une école située à Dieppe est largement attribuable au fait que les jeunes la fréquentant sont, pour la plupart[6], des locuteurs du chiac (ou, à tout le moins, réputés être très « chiacophones »). En conduisant l’étude à l’école secondaire Mathieu-Martin, je me suis intéressé à la manière dont les élèves concilient le désir de se distinguer socialement par l’usage d’une variété linguistique valorisée et légitimée sur les marchés officiels (le standard) avec la volonté de maintenir un sentiment d’appartenance à un groupe linguistique et culturel régional dont la/les langue(s) ne concorde(nt) pas avec la langue légitime du milieu scolaire.

3.2.2 Participantes et participants : données sociodémographiques

L’âge des participantes et des participants se situe entre seize et dix-huit ans. Il y avait dans ce cours neuf garçons et sept filles. Douze élèves ont indiqué que leur lieu de résidence était Dieppe, ville majoritairement francophone; trois vivent à Memramcook (village francophone) et une seule personne a déclaré résider à Moncton.

En ce qui a trait à la langue maternelle, selon les données du questionnaire, une seule personne a déclaré avoir le chiac comme langue maternelle, alors que treize participants ont dit avoir le français comme langue maternelle. Deux élèves ont indiqué l’anglais comme langue maternelle. Pour ce qui est de la langue utilisée avec les amis, les élèves ont indiqué le français (N=9), le chiac (N=3), l’anglais (N=2), le français et l’anglais (N=1) et le franglais[7] (N=1). Finalement, en ce qui a trait à l’autoévaluation des compétences langagières, la plupart des élèves se considèrent comme bons ou excellents autant en anglais qu’en français. Il apparait même que les compétences langagières sont perçues comme étant légèrement meilleures en anglais qu’en français, puisque dans cette langue, aucun informateur n’a inscrit le niveau faible et onze personnes sur seize se disent bonnes ou excellentes. En français, le nombre des élèves qui se disent bons ou excellents s’élève aussi à onze, mais deux sujets indiquent qu’ils sont faibles et trois moyens

3.3. Méthodes de collecte de données

L’étude effectuée a fait appel à la triangulation des données, qui consiste essentiellement à multiplier les méthodes et les sources de mesure (Gauthier, 2009, p.218), et ce, dans le but éventuel de placer l’objet d’étude sous « le feu d’éclairages différents dans l’espoir de lui donner tout son relief » (Hamel, 1997, p.104). Autrement dit, la triangulation des données a été effectuée de façon à « enrichir des données obtenues par un instrument favorisant certaines expressions par celles obtenues par un autre instrument stimulant d’autres facettes du discours et à enrichir l’apport d’un informateur par le point de vue d’une autre source d’information » (Paquay, Crahay et De Ketele, 2006, p. 72). Dans la thèse de maitrise, la triangulation est effectuée par le cumul de trois méthodes de collecte de données : le questionnaire, l’observation participante et les entretiens de recherche individuels.

3.3.1 Le questionnaire

Au début de l’enquête, un questionnaire à questions fermées et ouvertes a été utilisé pour collecter certaines données concernant le profil des participantes et participants. Distribué durant la première semaine de cours, ce questionnaire, rédigé en français, était uniquement destiné à l’ensemble des élèves. Il était composé de deux sections. La première a servi principalement à recueillir des données factuelles et sociodémographiques, tandis que la seconde a été utilisée pour obtenir des informations visant la compréhension des représentations à propos des variétés linguistiques du sud-est néobrunswickois et du bilinguisme individuel et social.

3.3.2 L’observation participante

L’observation participante, effectuée en salle de classe du cours Parler acadien, s’est échelonnée du début du mois de février au début du mois de juin 2011 à raison d’une à deux fois par semaine. Lors des cours, le but de l’observation participante était surtout de noter les types d’activités qui avaient lieu, les thèmes à l’étude, les ressources exploitées et les sujets sur lesquels portaient les discussions. Dans une moindre mesure, j’ai aussi noté certaines des représentations linguistiques exprimées par l’enseignant et les élèves. Par souci de discrétion, la méthode d’enregistrement des données utilisée a été la prise de notes manuscrites. Il s’agit bien sûr d’une ethnographie partielle et incomplète, puisqu’en n’assistant pas à toutes les séances d’enseignement[8], j’ai peut-être été absent lors des cours où des informations pertinentes auraient pu être récoltées. Toutefois, je m’organisais avec l’enseignant pour avoir un aperçu du programme hebdomadaire et ainsi avoir une idée du contenu abordé en classe et des séances pour lesquelles une absence de ma part risquait le moins d’affecter la récolte des données.

3.3.3 L’entretien semi-directif

L’entretien semi-directif constitue le troisième et ultime outil de collecte de données. Pour les besoins de cet article, je me limiterai à exposer les données issues de ces entretiens. Seules quelques notes manuscrites issues des observations viendront enrichir la présentation des résultats. Deux grilles d’entrevue ont été utilisées, selon que la personne interviewée était un élève ou un responsable pédagogique[9]. Les entretiens ont été effectués aux mois de mai et de juin 2011. Ainsi, j’ai interviewé les élèves au terme de mes séances d’observation et j’ai pu adapter ma grille de questions en fonction des thèmes, des problématiques récurrentes et des questionnements les plus pertinents pour l’étude. Toutes les entrevues ont été enregistrées sur support audio.

4. Résultats et discussion

4.1. Les représentations linguistiques du français et de l’anglais

4.1.1. Jugements sur les langues officielles

Tout au long du cours, les élèves ont été amenés à discuter des langues officielles et du bilinguisme. Dans le cadre des entretiens de recherche, afin d’alimenter une réflexion sur le français et l’anglais, j’ai proposé aux élèves une mise en situation hypothétique qui consistait à leur demander quelle langue maternelle ils auraient choisie s’ils en avaient eu le choix. Ainsi, les élèves ont réfléchi à cette question et ont émis des commentaires empreints de représentations.

D’abord, retenons que selon les réponses aux entretiens, sept élèves auraient choisi le français comme langue maternelle s’ils en avaient eu le choix (qu’il s’agisse ou non effectivement de leur langue maternelle). Quatre élèves auraient également choisi le français comme langue maternelle, mais en concomitance avec une ou plusieurs autres langues (l’anglais figurant toujours comme premier ou deuxième choix). Parmi les justifications les plus récurrentes, on remarque que c’est surtout parce que l’apprentissage du français, étant perçu comme une langue plus difficile à apprendre, se fait d’une façon plus aisée lorsqu’il s’agit de la première langue.

609F-12[10]
le français [...] étant francophone ben j'ai appris le français... pis l'anglais ben ça vient plus naturellement […] si j'aurais été anglophone premièrement je suis pas une personne qui est particulièrement euh motivée en général donc j'aurais pas pris l'initiative pour apprendre le français puis on sait toute que le français c'est une langue plus compliquée à apprendre que l'anglais juste parce qu'il y a plus de règles.

526H-06
apprendre l'anglais c'est facile ça devient c'est pas un fardeau.

607F-10
l'anglais c'est plus facile comme j'ai appris l'anglais à watcher la télé quand j'étais jeune comme quand j'étais plus jeune je vivais pas alentour de quelqu'un qui était comme anglais comme il y avait personne d'anglais par chez nous pis so j’ai comme juste appris à watcher la télé c'est facile à apprendre.

Une élève, qui partage aussi l’opinion que le français est plus difficile à apprendre que l’anglais, exprime néanmoins sa fierté de connaitre la langue française, mais pour des raisons de distinction et de sentiment de « supériorité ».

607F-10
quand je parle français je feel vraiment smart parce que dans toutes les personnes que je connais comme la plupart sont anglais pis zeux savent pas le français so je me sens comme supérieure [...] c'est comme c’est comme difficile c'est comme la langue vraiment difficile à apprendre pis les mots pis mais c'est le fun de comme parler français à quelqu'un qui comprend pas parce que t’es comme ha ben sais-tu quoi moi je connais les deux langues [...] tous mes amis qui sont anglais sont comme ha c’est assez comme right le beau langage pis comme j'aimerais assez de l’apprendre j’ai dit c’est de la misère. [...] j'ai comme de la misère comme le français j'ai pas beaucoup de misère avec le français mais j'ai de la misère à lire et comprendre parce que le français est vraiment comme du intense français.

Les extraits suivants présentent une certaine ambivalence, voire une objection, à devoir choisir une langue maternelle plutôt qu’une autre. En réalité, le bilinguisme et la connaissance des deux langues officielles canadiennes leur semblent pleinement satisfaisants. Ces élèves ne semblent pas réaliser la complexité du phénomène des relations de pouvoir et de domination entre la langue majoritaire et celles minoritaires. L’idéologie du bilinguisme semble ici relativement saillante, dans la mesure où la connaissance du français et de l’anglais est généreusement valorisée, même si l'on accorde une valeur et des « qualités » différentes aux deux langues qui forment ce bilinguisme officiel.

519F-05
j'aurais je suis vraiment pas certaine c’est ça je suis née avec les deux langages dès le début pis tu peux pas vraiment demander pour mieux hein deux langues peut-être trois j'aurais pu demander pour trois espagnol aussi... ya... comme langues maternelles les trois ouin.

513F-03
je préfère être bilingue [...] j'aime être français ben là si moi je vais à l'université en anglais je m'adonne pas que... je ne peux pas aller à l'université en français pour ça que je veux faire tu sais comme là je voudrais pas juste être français tu sais je veux vraiment être bilingue.

609F-12
ben je suis française mais j'aime aussi comme je suis bilingue... […] pour moi j'ai été élevée en français j'ai été à l'école en français mais comme... comme ça je suis française mais le bilinguisme c'est juste comme ben c'est quelque chose que on est chanceux d'avoir [...] je sais pas... je sais pas vraiment... je suis comme un petit peu partout avec ma réponse là mais j'aime pas de m'identifier comme bilingue mais comme j'aime pas de m'identifier comme francophone.

4.1.2. Représentations du bilinguisme individuel et social

Globalement, les entretiens réalisés auprès des élèves montrent que ceux-ci partagent à peu près tous le même avis quant à la valeur du bilinguisme. L’analyse des questionnaires distribués au début du semestre avait déjà fait voir que la maitrise des deux langues officielles du Nouveau-Brunswick était considérée comme cruciale pour les élèves[11], et cette opinion semble encore se dégager à la fin du cours. Les extraits cités ci-dessous en sont des exemples.

519F-05
je trouve que c'est important on est vraiment vraiment chanceux d'être bilingue ce n'est pas quelque chose de négatif tu sais les gens qui peuvent seulement parler français ben on a une grosse avantage sur eux autres.

526H-06
c'est plus important d'être bilingue [...] la personne bilingue [...] est capable de parler deux langues donc elle est capable de communiquer de façon plus comment je pourrais dire sur un plan plus [...] personnel par rapport aux gens...

511F-02
j'ai toujours été bilingue... pis c'est pour moi c'est juste surtout au Canada là parce que les deux langues officielles c'est le français et l'anglais pis si tu veux être capable d'avoir une bonne carrière comme surtout dans le Nouveau-Brunswick là il faut que tu sois capable d'être bilingue.

Il convient d’ajouter que la valorisation du bilinguisme par ces jeunes est un phénomène somme toute compréhensible étant donné le contexte de socialisation langagière dans lequel se trouvent les jeunes; Deveau, Landry et Allard (2013) expliquent qu’étant donné les conditions sociales qui prévalent en milieu minoritaire, les vécus langagiers se trouvent partagés entre deux langues et deux cultures. Pour certains, l’apprentissage de la langue anglaise s’est réalisé en concomitance avec le français dès la prime enfance, notamment en raison de parents formant un couple exogame (l’un des parents parlant le français et l’autre l’anglais). Plusieurs recherches montrent d’ailleurs que l’identité bilingue constitue une composante de plus en plus importante de l’autodéfinition identitaire des jeunes francophones en contexte linguistique minoritaire au Canada (Boissonneault, 2004; Dallaire et Roma, 2003; Duquette, 2004; Landry, Deveau et Allard, 2006).

Ce qu’il me semble important de souligner, c’est que même si les élèves dénotent et valorisent la présence de l’anglais sur la sphère publique, il ne parait pas y avoir de mise en discours de sa domination. Conséquemment, la « dominance » de l’anglais et les rapports de pouvoir inégalitaires entre les langues anglaise et française ne font pas l’objet de contestation ni d’interrogation et semblent ainsi considérablement ignorés. On sait que les discours qui circulent sur le bilinguisme sont, du moins au Canada, largement influencés par l’idéologie du bilinguisme qui, au sein de l’économie mondialisée néolibérale, conçoit et instrumentalise la maitrise des langues officielles comme une valeur marchande. À la lumière des discours idéologiques sur le bilinguisme, on voit mieux de quelle façon le français est vu comme une « valeur ajoutée » (Heller, 2011).

511F-02
je pense que dans le Nouveau-Brunswick si comme plus au sud-est il [un immigrant au Canada] va apprendre l'anglais parce que c'est l'anglais la langue qui est comme la plus universelle et puis c'est elle que tout le monde connait [...] c'est juste parce que l'anglais est partout tu ne peux pas aller à quelque part pis juste pas entendre l'anglais tu peux aller à quelque part pis pas entendre le français c'est facile mais comme l'anglais est partout où ce que t’es ça fait que c'est impossible de ne pas connaitre rien du tout de l'anglais tu vas comme tu ne peux pas vivre sans apprendre l’anglais. […] l'anglais a comme une genre meilleure réputation comme il est perçu comme plus facile... meilleur pour te rendre plus loin.

526H-06
on est entouré d'anglais pis on peut pas fonctionner sans pouvoir parler au moins... au moins l'anglais c'est sûr que c'est un atout vraiment c'est un très bon atout de pouvoir parler le français aussi mais on peut pas on peut presque pas pour fonctionner dans la société dans le commerce etc. sans pouvoir parler anglais.

510H-01
au Nouveau-Brunswick en dehors de notre réalité au Canada la langue de l'humanité de communication de commerce de savoir de presque tout est devenue l'anglais donc on ne peut pas contourner... on ne peut pas juste justement se mettre une boite autour de la tête et penser que je sais pas par exemple en anglais je suis fier d'être français tout va bien aller ça va pas m’handicaper du tout.

517H-04
c'est sûr que si t’es au Nouveau-Brunswick je pense pas qu'il y a importance à être bilingue aussi longtemps que tu peux parler un peu l'anglais mais parce que la majorité du temps tu peux te faire servir en anglais avec quand même du français dans tes phrases tandis que si tu t’en irais je sais pas aux États-Unis ou des places de même être bilingue pour un francophone c'est important pour un anglophone ben il parle déjà en anglais ça fait que.

4.1.3. Le français et l’anglais dans le Grand Moncton : pour quelle cohabitation?

Au cours de mes observations en salle de classe, il avait été possible de constater que la coexistence des langues dans le sud-est ne semblait pas, à priori, jugée conflictuelle par les élèves. Au contraire, certains avaient même adressé vertement des critiques envers les politiques linguistiques de l’école qui, selon eux, n’adoptait pas suffisamment de mesures pour encourager une dynamique consensuelle entre les deux communautés linguistiques officielles.

En effet, selon les élèves, les mesures prises par l’établissement scolaire pour limiter l’usage de l’anglais sont exagérées, voire inutiles. Ces observations sont présentées ci-dessous.

On dirait c'est révolu, tout mon parcours à l'école, la semaine de fierté française. Par exemple, la présentation de [XXX], [il disait] si tu « textes » en anglais, c'est un crime. J'étais assez enragé qui dise que c'est pas correct de parler en anglais.

Quand t'es indécis et que quelqu'un te tord le bras, tu vas faire exactement le contraire de ce qu'il veut que tu fasses.

C'est presque de la propagande.

C’est dur de faire intéresser les étudiants en faisant autrement que [XXX]. Je trouve ça un peu intimidant [...] courir dans l’école avec un drapeau acadien…

Les Anglais sont pas si méchants que ça, des fois, je prends pitié des Anglais, je trouve c’est overdone, c’est peut-être pour ça qu’on est sur la défensive.

Dans le cadre des entretiens, l’un des premiers thèmes abordés par les élèves concerne l’utilisation et les mesures de promotion du français dans le secteur public et commercial dans le Grand Moncton. Il semble que les initiatives qui visent à promouvoir la langue française sur la scène publique sont vues par plusieurs comme un peu « extrémistes », ou pour le dire en d’autres mots, « trop poussées ».

511F-02
il y a plusieurs personnes que en Acadie surtout là que ils vont pousser pour avoir les droits du français pousser fort pis je veux dire je n'ai rien de mal avec ça là mais il y a comme des extrêmes […] si tu pousses pour le français on dirait t’aides les francophones comme qui sont comme unilingues francophones là [...] c’est rare [des unilingues francophones] […] tout le monde ben presque tout le monde est bilingue […] je suis parfaitement bilingue je veux dire je me sens plus confortable en français qu'en anglais mais je n'ai pas de difficultés à transmettre le message en anglais ou en français donc ça ne fait aucune différence quelle langue que je me fais servir.

Pour cette élève, les efforts déployés pour la promotion du français ne sont profitables que pour les unilingues francophones. Conséquemment, puisque selon elle, « presque tout le monde est bilingue », « pousse[er] pour le français » n’est pas pertinent. Le juriste Michel Doucet précise que plusieurs Acadiennes et Acadiens du Nouveau-Brunswick auraient acquis et intégré le bilinguisme dans leur quotidien et en viennent à estimer qu’il s’agit de « la façon d’être : puisque nous sommes bilingues, nous n’avons plus à revendiquer le droit d’être compris dans notre langue » (1995, p. 227). Même s’il s’agit du point de vue qui transparait dans les discours des élèves, il faut tout de même reconnaitre que des revendications sont encore formulées par les communautés francophones pour que soient respectés leurs droits linguistiques et constitutionnels. Par exemple, il y a le recours juridique intenté par l’Association des enseignantes et des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick contre le gouvernement du Nouveau-Brunswick, en 2015, pour l’obtention d’une enveloppe égalitaire destinée à garantir l’égalité réelle en éducation (c’est-à-dire l’accès à un système scolaire francophone de qualité équivalente à celui de la majorité linguistique du Nouveau-Brunswick). Plus récemment, on peut noter la pression exercée par Égalité santé en français auprès des décideuses et décideurs politiques afin de mettre un frein au processus de privatisation de certains services hospitaliers. De façon générale, ces contestations, jugées nécessaires d’ailleurs, ont pour objectif de garantir la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des services et des ressources en français.

D’autres élèves renchérissent sur ces propos en indiquant :

513F-03
je vais pas faire comme tu sais faire des troubles juste pour demander pour quelqu'un en français [...] comme si ça prend plus de temps je suis pas vraiment patiente pour attendre pour qu'il trouve quelqu'un là pis je me débrouille dans les deux

510H-01
je pense qu'on est rendu un moment donné où avec notre génération autant de notre côté que du côté des anglophones on n'a plus besoin de se battre on peut parler on peut négocier on est rendu des... il faut justement sortir de la dynamique de confrontation et puis on pourra se parler se comprendre et puis obtenir ce qu'on veut en les convainquant du bienfondé de nos demandes au lieu de simplement amener de la pression... amener de la pression est une bonne chose quand tu as presque aucun droit parce qu'il faut bien commencer en quelque part [...] mais justement on a presque... on n'a pas tout mais on a presque tout je dirais peut-être 97, 98 % de ce qu'on peut vouloir ce qui reste c'est des détails.

609F-12
moi je suis aussi tant capable de parler leur langue faque pourquoi pas moi que je m'adapte comme moi ça... ça je suis indifférente à ça comme je suis pas une de ces personnes qui est comme OK parlez-moi français comme non je suis juste je suis vraiment comme regarde dans le temps qu'on se comprend c'est beau.

L’école secondaire représentant le terrain de la présente étude est aussi perçue comme un établissement qui en fait trop, voire qui se situe aux antipodes de la « nouvelle réalité » que vit cette génération montante.

510H-01
ils [les enseignants] mettent un peu trop l'emphase sur « méchants Anglais » et puis ça c’est de leur génération mais nous autres ça marche pas [...] c’est un peu eux qui ont grandi à l'époque que c'était... il y avait beaucoup plus une rivalité puis ils comprennent pas la situation que nous autres ont grandi.

Ces commentaires sur le bilinguisme reflètent un peu le discours de « la bonne entente » (et corolairement l’idéologie du bilinguisme) généralement partagé au sein de ce groupe, à savoir qu’aujourd’hui, on ne doit voir les anglophones ni comme des « méchants Anglais » ni comme des rivaux. Or, ce discours qui tend à promouvoir une cohabitation harmonieuse des communautés de langue officielle peut concourir à relativiser, voire à remettre en question les luttes juridiques et politiques que les communautés francophones ont menées (et mènent encore) pour la reconnaissance, la promotion et la protection de leurs droits linguistiques. Force est de constater que dans un contexte de fragilité linguistique, identitaire et culturelle, les revendications du groupe linguistique minoritaire sont bien légitimes aussi longtemps que les gouvernements se contenteront « encore et toujours d’une interprétation restrictive des droits linguistiques constitutionnels à l’encontre de messages clairs du plus haut tribunal du pays » (Rousselle, 2009, p. 100). Autrement dit, la bonne entente, même si elle est souhaitée, comporte des risques d’assimilation et de domination lorsque les groupes linguistiques en présence ne sont pas réellement égaux (statut, droits et privilèges) et que leur autonomie n’est pas reconnue, acceptée et respectée (Forgues, 2016).

Tel que le soulignent Dubois, Leblanc et Beaudin :

[il] s’est donc développé autour de cette perspective favorable sur le bilinguisme un discours qui tend à devenir hégémonique et qui vante les vertus de la bonne entente et de l’harmonie entre les deux groupes, occultant ainsi non seulement l’acrimonie du passé, mais aussi l’asymétrie et les inégalités actuelles d’une situation de contact où les francophones ne réalisent pas toujours leur pleine égalité.

2006, p.23

4.2. Les représentations linguistiques des variétés de français dans le sud-est du Nouveau-Brunswick

Dans la présente section, je m’attarderai aux représentations qu’ont les élèves du cours sur les variétés de français, dont le vernaculaire (chiac) et le français standard. Tel que j’ai pu le constater, il semble y avoir chez l’ensemble des élèves une certaine hiérarchisation de la valeur des variétés linguistiques, ce qui n’est pas non plus contraire aux enseignements du cours. Malgré la reconnaissance et la valorisation du vernaculaire, le français standard semble encore posséder des « qualités » qui le légitiment sur les marchés linguistiques officiels et qui rendent le vernaculaire moins approprié selon la situation de communication.

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il y a plusieurs situations […] où je dois utiliser le bon français si je vas à un entrevue de quelque sorte euh dans le cours de français pendant les présentations orales n'importe quelle présentation orale à l'école on impose que on parle bien le français comme il y aura certains points qui seront donnés si tu parles bien le français et si tu ne parles pas bien le français ben tu perds des points même si ça n'a pas rapport au sujet là... euh il y aurait aussi comme si que je rencontrais un étranger ben tu sais tu veux quand même donner une bonne impression et tu veux que le message soit transmis ça fait que si tu parles ta avec la norme ça te donne un air plus comme intelligent parce que ces personnes-là pourraient penser ha elle parle de même comme elle est...

Dans cet extrait, il est intéressant de voir l’utilisation des termes « bon français » ou « on parle bien le français ». Ces termes sont révélateurs, puisqu’ils manifestent des représentations diglossiques qui semblent accorder une valeur plus importante au « bon français », soit celui encouragé par l’école (le français standard). Une autre élève manifeste aussi la perception d’une différence en ce qui concerne les variétés linguistiques, une différence se traduisant par une « propreté ».

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si je fais un discours ou quelque chose je suis capable de... de mettre un français propre puis tu sais standard... mais si je parle avec mes grands-parents ou avec mon voisin ben je peux me tourner down là.

L’importance accordée à la maitrise d’un français standard tire aussi ses origines, chez certaines personnes, du fait que ce « bon français » permettrait d’être compris et de transmettre un message, indépendamment de la situation.

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ben après avoir suivi le cours [...] je pense vraiment que comme je veux dire aussi longtemps que tu peux parler à mon avis là... aussi longtemps que tu peux parler la norme et puis que le message peut être transmis euh tu es considéré comme assez intelligent c'est juste comme il faut que tu saches comment transmettre ton message.

Cette élève précise d’ailleurs pourquoi parler la « norme » fait paraitre plus intelligent. En effet, selon elle, parler le chiac ne constitue pas une marque de distinction en soi puisque tout le monde le parle dans la région.

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quelqu'un qui parle bien ou qui sait parler bien le monde va être comme ha cette personne est intelligente mais comme si moi je leur parle automatiquement chiac et bien le chiac n'importe qui qui est dans la région qui a grandi dedans cet environnement-là est capable de parler chiac mais ce n'est pas tout le monde qui peut parler la norme et puis si je peux parler avec la norme en premier et bien ils vont penser ha elle est capable de parler la norme elle est comme intelligente.

Certains participants ne cachent pas, toutefois, la difficulté de parler un français standard :

519F-05
j'ai de la difficulté de parler le français standard comme parler vraiment bien français avec disons quelqu'un de France il faut que je pense à mes choses il faut que tu sais il faut que je pense à mes mots il faut que je pense à mes expressions comment les dire [...] je peux parler right comme un bon français mais je vais quand même avoir un accent.

Cette élève semble, à l’instar de plusieurs de ses camarades de classe, considérer comme important d’être en mesure de parler « le français standard comme parler vraiment bien français », notamment lorsqu’elle doit communiquer avec un individu originaire de la France. Ce qu’on remarque d’intéressant, mais d’assez commun, c’est qu’elle se réfère à la France comme modèle de « bon français ». De plus, même si elle se dit pouvoir parler « right comme un bon français », il reste un petit bémol, à savoir qu’elle ne peut mettre de côté son accent. On observe donc que le français de France est vu comme le modèle standard.

Outre la France, le Québec est aussi utilisé comme modèle de comparaison.

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des fois comme si je parle avec du monde au Québec là je vais comme des fois faut faire un effort pour me comprendre là but là je vais comme tu sais je vais essayer de faire attention à ce que je dis pis tout ça ben là des fois je suis fier de comme pas être... comprends-tu c’est... ben c'est ma langue comme je vais pas me changer juste pour que le monde peut... toute comme mes amis me comprend mes parents me comprend tout le monde de où je viens de me comprend.

Il est intéressant de voir que la participante se représente son parler comme très différent du/des français québécois; du moins suffisamment singulier pour qu’il faille « faire un effort pour [la] comprendre ». On remarque aussi qu’elle laisse paraitre une certaine fierté, voire une contrelégitimité, de sa façon de parler, malgré le fait qu’elle croit que le vernaculaire qu’elle pratique ne soit pas compris partout. Lors d’un cours, l’enseignant a posé une question qui avait pour objectif de laisser les élèves s’exprimer sur l’importance qu’ils accordent au chiac. Les notes manuscrites prises lors des observations nous éclairent davantage sur les représentations du vernaculaire.

C’est un élément de l’identité acadienne et il est important qu’il soit pris en compte.

Cela est pour la plupart d’entre nous notre culture et notre langue.

Ça nous rend qui on est.

Notre parler est qui on est.

On veut le garder pour être unique.

C'est notre français, c'est comme on parle, on ne change pas notre culture.

Sans le chiac, on serait plus des chiacs, juste des francophones.

On remarque que le chiac possède une dimension identitaire et culturelle et que les élèves tiennent à conserver cette identité intacte. Pour eux, le vernaculaire, c’est leur racine, leur patrimoine, un héritage « unique » qui « nous rend qui on est ». Plus encore, s’il advenait que le chiac disparaisse ou soit modifié, les locuteurs ne seraient plus que « des francophones ». Le chiac est donc perçu comme une langue représentant l’authenticité, voire le caractère distinctif de l’identité culturelle de ses locuteurs.

De façon concrète, dans les échanges linguistiques, le chiac est aussi vu comme une variété linguistique importante qui permet à ses locuteurs de s’exprimer et de transmettre un message de façon « plus facile ». Ces notes manuscrites en présentent quelques exemples.

Moi je pense que la way qu'on parle ici est importante.

Il y a différents chiacs; mon genre de chiac est de changer de français à anglais dans le milieu de la phrase. Souvent, le chiac est plus rapide, plus facile pour certaines expressions.

Le chiac englobe tout, un mix d'ancien français, de français moderne et d'anglicismes. [C’est] comme un potpourri de langues.

En résumé, ce qu’il est possible de retenir avec les quelques commentaires présentés ci-dessus qui ont trait aux représentations linguistiques du vernaculaire et du français standard, aussi recensé comme « la norme », le « bon français » ou « le français de France », c’est qu’il y a (sans pouvoir généraliser pour l’ensemble des élèves ayant participé à l’enquête, tous ne s’étant pas prononcés aussi explicitement) une perception hiérarchique de la valeur des variétés de français. Ainsi, le français standard et le vernaculaire régional semblent avoir des qualités, ou du moins des rôles sociaux et des utilités différentes. Toutefois, il semblerait également que le chiac revête tout de même une importance pour les élèves étant donné qu’il agit notamment comme marqueur identitaire et culturel.

4.3. Le cours Parler acadien : quelle influence sur les élèves et leurs représentations?

Puisque les entretiens, rappelons-le, ont été effectués à la fin du semestre, je me suis intéressé à l’influence déclarée de ce cours sur les élèves et leurs représentations linguistiques. J’ai donc posé les questions suivantes aux participantes et participants lors des entretiens : « Que retiens-tu, jusqu’à présent, du cours Parler acadien? T’a-t-il permis de voir le chiac, le français et l’anglais autrement? ». Dans l’ensemble, le cours parait avoir permis une certaine sensibilisation à la notion de variation linguistique et cela se manifeste, entre autres, par une sorte de légitimation, ou, à tout le moins, par une fierté, du parler régional.

609F-12
en général ça m'a juste... ça m'a pas mis plus confortable mais ça m'a juste rassuré que comme c'est correct d'avoir son dialecte son accent sa langue à nous autres-mêmes parce que ça fait partie de notre histoire donc ça m'a juste rassuré que comme on parle le chiac ou le français acadien c’est pas c'est pas rien mal c’est quelque chose qu'on a pis ça fait partie de notre culture.

511F-02
on a aussi vu que parler chiac c’était pas nécessairement vu comme mauvais [...] avant ça moi j'avais cette perception là que c'était un français [le chiac] qui était pauvre mais maintenant je vois que c'est complètement le contraire.

Pour certains apprenants, l’enseignement du cours Parler acadien semble avoir favorisé le développement d’une fierté de la variété régionale. C’est le cas de cette élève.

519F-05
le cours de parler acadien moi ça m’a réveillée comme de voir on a vraiment appris à être fier de qui est-ce qu'on est je trouve que tu sais c'est un cours de qui... qui te donne de la fierté […] c’est pas mal juste remarquer qui est-ce qu'on est pis pas l'oublier c'est ça qui m’a marqué le plus parce que si j'aurais pas eu ce cours ici peut-être que j’aurais même jamais pensé à qu'est-ce qui est un Acadien pis comment notre langue nous influence dedans notre tous les jours c'est vraiment ça juste remarquer toi-même la fierté qu'il faut que tu ailles.

Selon elle, le cours aurait permis un « réveil » relativement à ses propres pratiques langagières et à son/ses identité(s) linguistique(s) et culturelle(s). Cette élève n’est, par ailleurs, pas la seule à voir ce cours comme une contribution à la légitimation des pratiques linguistiques habituellement dévalorisées sur les marchés linguistiques officiels.

511F-02
j'aime de savoir […] pourquoi est-ce que je parle de même […] tu te sens moins stupide là tu sais pourquoi et puis […] en ayant suivi le cours j'ai aussi appris que comme si je parle d'une telle façon ça ne veut pas dire que comme je suis moins éduquée ou quelque chose ça veut juste dire c'est mon entourage est de même et puis je comprends pourquoi ça comme juste parce que je ne parle pas comme ils parlent en France et puis c’est stéréotypiquement les Français sont les meilleurs à parler le français là.

L’ensemble des thèmes abordés lors de l’enquête permet d’en connaitre davantage sur les représentations linguistiques des apprenantes et apprenants et dans une certaine mesure les idéologies qui les chapeautent. Pour certains, le cours de Parler acadien aurait contribué au développement d’une plus grande fierté envers le vernaculaire et une meilleure compréhension de son origine et de ses variations diachroniques. Néanmoins, il semblerait toujours y avoir des représentations diglossiques à l’égard des variétés de français et de l’anglais.

Le chiac semble être la manifestation du patrimoine linguistique et apparait comme le reflet de la culture et de l’identité des élèves. Relégué aux marchés linguistiques francs, il laisse la place au français standard pour les situations officielles ou formelles, puisqu’il s’agit d’un « bon français » permettant une intercompréhension dans l’ensemble de la francophonie (ce qui relève des représentations et qui reproduit le message de l’école). Dans leur quotidien, les apprenantes et apprenants entrevoient également l’utilisation de l’anglais et le bilinguisme d’un bon oeil, étant donné sa capacité d’assurer les communications au sein de la société.

Ce qui est particulièrement saillant dans l’étude, c’est d’observer à quel point les langues sont « instrumentalisées ». Par voie de conséquence, les rapports sociolinguistiques souvent inégalitaires entre la langue anglaise majoritaire et le(s) français minoritaire(s) semblent gommés au profit d’une vision idéologique et fonctionnelle de la coexistence des langues. Adopter de telles représentations du contact linguistique tend à minorer ces rapports de pouvoir. Comme le rappelle Calvet, concevoir les langues comme des instruments risque :

de laisser croire à un rapport neutre entre le locuteur et sa langue. Un instrument, en effet, est un outil que l’on prend lorsqu’on en a besoin, que l’on remise ensuite. Or les rapports que nous avons à nos langues et à celles des autres ne sont pas tout à fait de ce type : nous ne sortons pas l’instrument-langue de son étui lorsque nous avons besoin de communiquer pour l’y ranger ensuite, comme nous prenons un marteau lorsque nous avons besoin de planter un clou. Il existe en effet tout un ensemble d’attitudes, de sentiments des locuteurs face aux langues, aux variétés de langues et à ceux qui les utilisent, qui rendent superficielle l’analyse de la langue comme un simple instrument.

2009, p. 42

En dépit du fait que le cours Parler acadien vise à développer chez les apprenantes et apprenants un sentiment de fierté à l’égard du vernaculaire, il semble y avoir, chez les élèves, une tension palpable entre l’acceptation du vernaculaire régional et la promotion d’un français standard, cette variété de français correspondant au modèle linguistique valorisé en milieu scolaire.

En s’appuyant sur la théorie des marchés linguistiques de Bourdieu (1982), on doit reconnaitre que la question de la hiérarchie linguistique est encore de mise, entre autres parce que les écoles cristallisent, consciemment ou non, la distinction symbolique entre langues légitimes et illégitimes. Autrement dit, les établissements scolaires restent des milieux sociaux par excellence de « formation des prix »; phénomène de capitalisation et de légitimation linguistique par lequel certaines variétés se voient doter d’un capital symbolique, c’est-à-dire d’une valeur qui légitime le locuteur maitrisant cette langue (sur le marché linguistique correspondant) et qui lui donne un profit de distinction. À la manière des processus économiques, ce n’est pas la langue en elle-même qui fait sa richesse, mais plutôt sa rareté. Ainsi, selon Bourdieu :

ce qui est rare, donc, ce n’est pas la capacité de parler […], mais la compétence nécessaire pour parler la langue légitime qui, dépendant du patrimoine social, retraduit des distinctions sociales dans la logique proprement symbolique des écarts différentiels ou, en un mot, de la distinction.

1982, p. 42

Dans le cadre de cette étude, même si l’école consent des efforts visant à valoriser et à légitimer la diversité linguistique, les propos des élèves portent à croire que les langues sont considérées uniquement comme des outils de communication. Ce qui parait émerger des résultats, c’est que si le cours a favorisé un certain éveil métalinguistique de la diversité (origine, évolution, particularités grammaticales, lexicales et phonétiques, etc.), les effets semblent moins importants quant à l’éveil sociolinguistique des langues (enjeux sociaux, diglossie/hiérarchie sociale des langues, jeux de pouvoir symbolique, etc.).

5. Conclusion

En examinant les représentations linguistiques des apprenantes et apprenants, on constate que la valorisation de la diversité des langues ne se dissocie pas nécessairement d’une hiérarchisation des valeurs et des fonctions des pratiques linguistiques. On observe une volonté apparente de parvenir à une dynamique consensuelle avec les anglophones et d’embrasser leur langue et leur culture. Par contre, cet attachement à la langue anglaise n’empêche pas les élèves de s’identifier à une francophonie acadienne et à un vernaculaire symbolisant la différence et la distinction identitaire. L’étude des représentations du français standard nous mène à constater que les élèves lui attribuent aussi des valeurs contradictoires, et que ces derniers paraissent maintenir un positionnement paradoxal, cherchant à la fois à s’approprier ce « bon parler », ce « français propre » et à s’en distancier, étant donné qu’il ne correspond pas à leurs pratiques langagières et à leur identité.

Mentionnons qu’il y a chez les jeunes, surtout en milieu minoritaire comme dans le sud-est néobrunswickois, un rapport de plus en plus complexe à l’identité. Comme le souligne Gérin-Lajoie, on observe chez les francophones des communautés minoritaires « la présence d’un phénomène de mouvance, c’est-à-dire un va-et-vient constant d’une frontière linguistique et culturelle à l’autre » (2006, p.2). L’école, en proposant des schèmes de références linguistiques, culturels et identitaires considérablement axés sur la francophonie/le français, vient ainsi placer les élèves à « l’intersection entre l’identité collective telle que véhiculée par des attentes normatives formulées par les générations précédentes et la définition subjective de leurs propres identités et projet de vie » (Pilote, 2007, p.125).

Les variétés linguistiques, bien que valorisées à certains degrés, semblent néanmoins être représentées comme un continuum de pratiques qui ont comme fonction essentielle de répondre à des besoins d’intercompréhension. Plus concrètement, on observe que les élèves perçoivent :

  • le vernaculaire chiac comme le porte-étendard d’une identité distinctive, la langue des aïeux, l’héritage d’un patrimoine culturel et le reflet d’un peuple. On lui attribue ainsi de fortes valeurs affectives;

  • le français standard comme une « belle » langue. Langue de communication, des discours et des marchés officiels, le français standard est « right le beau langage »;

  • l’anglais comme une langue qui se prête à toutes les situations de communication. Elle possède des qualités intrinsèques qui en font une langue facile à apprendre et elle permet la mobilité sociale et l’avancement professionnel. On ajoute à ces représentations qu’il s’agit d’une langue internationale, une langue de commerce et de savoir.

En menant cette étude, je souhaitais notamment poser un regard éclairé sur certains enjeux et défis de l’hétérogénéité linguistique que rencontrent les institutions scolaires en milieu francophone minoritaire. Les données de recherche s’inscrivent dans le droit fil des études sociolinguistiques qui ont montré le lien complexe entre les pratiques linguistiques, les discours et les représentations. Cette étude aura également permis, je l’espère, de mettre en lumière le rôle et l’implication des idéologies linguistiques dans la formation des représentations et, subséquemment, dans les processus d’instrumentalisation des langues.