Introduction

L’histoire à l’épreuve des sciences sociales[Record]

  • Jeremy Hayhoe

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  • Jeremy Hayhoe
    Université de Moncton

Le projet qui a mené à la publication des textes (deux articles, une note de recherche et deux notes de réflexion) ici présentés a ses origines dans une journée de réflexion du GRICC (Groupe de recherche interdisciplinaire sur les cultures en contact, voir https://www.umoncton.ca/gricc/) sur « l’histoire à l’épreuve des sciences sociales et humaines » qui s’est tenue le 7 novembre 2014 à l’Université de Moncton, campus de Moncton. Le comité organisateur de cette journée de réflexion, composé de Mourad Ali-Khodja, d’Isabelle LeBlanc et de Jean-Luc Bonnaud, avait produit un appel à communications qui soulignait l’importance des bouleversements depuis un demi-siècle dans les sciences humaines et sociales en général et en histoire en particulier. Le GRICC demandait aux participantes et participants de réfléchir sur les rapports entre l’histoire et les sciences humaines et sociales ainsi qu’à l’impact de l’évolution générale des sciences humaines sur la discipline de l’histoire, en citant comme exemples le poststructuralisme, le tournant linguistique, le post-colonialisme et le féminisme. En fait, les dernières décennies du XXe siècle ont vu se multiplier les réflexions autour du concept de la crise ou des crises d’histoire, que ce soit en France autour de la remise en cause de la dominance de l’école des Annales (Noiriel, 1996) ou aux États-Unis avec la multiplication des points de vue et l’effritement d’un narratif national, décrit par Peter Novick dans un chapitre intitulé, non sans ironie et en référence à un texte de Carl Becker, « Every group its own historian » (Novick, 1988; Wilson, 2004). Toutes et tous n’adhèrent cependant pas à l’idée d’une crise. Plusieurs historiennes du genre ont notamment répondu que l’unicité disciplinaire qui semblait être en voie de disparition avait résulté de l’exclusion de groupes marginalisés et de la minorisation de la question des rapports de pouvoir (Scott, 1988). Le comité d’organisation cherchait donc à avoir des réflexions d’historiennes et d’historiens sur ces questions interdisciplinaires, mais également des regards externes sur la discipline de la part de littéraires, de linguistes, de politicologues, de philosophes, de traductologues et de sociologues (les disciplines représentées par les membres du GRICC), si possible. En fin de compte, il y a eu des présentations par trois historiennes et historiens, deux littéraires, un philosophe et un politicologue. Toutes les auteures et tous les auteurs ont été invités à soumettre un texte retravaillé pour publication dans la Revue de l’Université de Moncton. Ce numéro présente une diversité de textes sur et autour de l’histoire et rejoint les préoccupations du GRICC en ce qui concerne l’interdisciplinarité. L’histoire n’a pas de méthode qui lui est propre et depuis au moins l’époque de sa professionnalisation à la fin du XIXe siècle, les historiennes et historiens ont toujours emprunté à d’autres disciplines dans les sciences sociales et humaines. Si les thèmes du poststructuralisme ou du post-modernisme interviennent dans plusieurs des articles ici publiés, ce n’est plus vraiment dans l’atmosphère de « crise », perçue ou réelle, qui a caractérisé plusieurs décennies de la fin du XXe siècle. De fait, le sentiment de crise historiographique semble s’être atténué avec, par exemple, une acception large des éléments littéraires dans l’histoire sans que cela ne remette en cause la capacité de la discipline à refléter (de façon partielle) la réalité du passé. La différence est grande, et peut-être représentative de deux époques historiographiques, entre Hayden White, qui soutient que les décisions de sélection de faits et de mise en récit des historiennes et historiens relèvent uniquement de critères esthétiques (White, 1973), et Ivan Jablonka, qui soutient que l’histoire devient plus scientifique à travers la créativité et la création artistiques …

Appendices