Comptes rendus

Sandrine Hallion, Bertrand Nayet et Charles Leblanc (dir.) (2015). Voix. Portraits de douze auteurs. Saint-Boniface (Manitoba) : Les Éditions du Blé. 334 pages[Record]

  • Isabelle Kirouac Massicotte

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  • Isabelle Kirouac Massicotte
    Université de Moncton

L’ouvrage collectif Voix. Portraits de douze auteurs, qui regroupe les entretiens réalisés auprès de douze auteures-phares et auteurs-phares de l’Ouest francophone, a été publié pour souligner le 40e anniversaire des Éditions du Blé, mais aussi pour dresser une sorte de bilan des activités de la maison d’édition, « histoire de voir ce en quoi on peut espérer ou ce qui nous attend » (p. 7). Ces entrevues se déclinent en deux temps : une première série de questions, qui touchent notamment à la pratique d’écriture, au travail d’édition et au rapport à la littérature, est suivie d’une autre, qui se veut plus ludique, intitulée « Jeu de mots », où l’on apprend par exemple le juron préféré et la drogue favorite des écrivaines et des écrivains. Dans sa préface, Bertrand Nayet souligne que le Blé compte un total de 102 voix (au moment de la publication du livre), précision symptomatique de l’importance du nombre, de l’accumulation du capital symbolique dans les communautés exigües. La directrice et les directeurs de l’ouvrage, Sandrine Hallion, Bertrand Nayet et Charles Leblanc, se sont donc trouvés devant la tâche difficile d’effectuer un tri parmi les écrivaines et les écrivains ayant publié au Blé depuis sa fondation en 1974. Pour se mériter une place dans le collectif, les auteures et les auteurs devaient avoir fait paraître un minimum de deux ouvrages au Blé et être toujours actifs (p. 8). La contrainte relative au nombre de livres publiés fait en sorte que les voix sont presque exclusivement celles d’écrivaines franco-manitobaines et d’écrivains franco-manitobains, à l’exception de Guy Armel Bayegnak, basé à Edmonton. Parmi les auteures et les auteurs du Blé qui offrent un regard sur les autres provinces de l’Ouest, nous retrouvons Mélissa Denis Vejins, qui a vécu à Yellowknife, à Whitehorse et à Vancouver, et à qui l’on doit le recueil de nouvelles Pronoms personnels (2014), Vartan Hézaran, auteur du recueil de nouvelles Là-bas, dans la plaine (2012) qui prend la Saskatchewan pour toile de fond ainsi que Ken Brown et Daniel Cournoyer, de l’Alberta, qui ont collaboré à la pièce de théâtre Cow-boy Poétré (2010). On s’explique moins bien l’absence de Laurier Gareau, auteur fransaskois particulièrement prolifique, qui répond pourtant aux critères établis par les auteures et les auteurs du recueil d’entretiens. Alors que le mandat du Blé est de « publier en français des auteurs de la région et des textes de portée générale qui touchent à l’Ouest canadien », le Manitoba se trouve surreprésenté. Malgré cette prédominance des écrivaines et des écrivains franco-manitobains, l’ouvrage n’est pas pour autant homogène; à l’image de la maison d’édition, il fait montre d’un éclectisme évocateur de la richesse et du foisonnement des approches et des démarches littéraires portées par les auteures et les auteurs interviewés. Bien que cet éclectisme soit à mon sens l’une des forces du livre, il semble que Haillon, Nayet et Leblanc le voyaient comme un handicap potentiel dans le contexte du recueil : « Si l’éclectisme de nos collections est nécessaire et réfléchi, nous craignions la disparité des motifs littéraires au sein d’un même recueil. Mais pourquoi pas, alors, un jeu littéraire? Nous pourrions en choisir le motif! » (p. 7) C’est donc le souci d’unité et de cohérence du recueil qui justifie la deuxième série de questions adressées aux écrivaines et aux écrivains, qui s’inspire du questionnaire de Proust dans le Vanity Fair. Ce jeu littéraire ‒ qui comprend des questions telles que « Quel est votre objet préféré? » ou « La plante, l’arbre ou l’animal dans lequel vous aimeriez être réincarné? » ‒, plus agaçant que ludique, …

Appendices