Recensions et comptes rendus

Christopher O. Tollefsen, Lying and Christian Ethics (New Studies in Christian Ethics), first paperback edition. Cambridge, Cambridge University Press, 2018, 15,1 × 22,6 cm, xii-209 p., ISBN 978-1-107-68568-0[Record]

  • Étienne Pouliot

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  • Étienne Pouliot
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec

L’auteur veut montrer qu’il est toujours mal de mentir, défendant ainsi la doctrine controversée des absolus moraux. Cette position est remarquablement bien exposée, avec clarté, rigueur, sens des nuances et explications généreuses. La démarche consiste à serrer la notion de mensonge de façon à la dégager des discours le justifiant en raison d’« une bonne cause », ce qui conduit même le tenant de l’absolu moral à toujours se demander à qui il doit la vérité et quand. La solution joue sur la non-coïncidence entre mentir et ne pas dire la vérité ou toute la vérité en même temps qu’elle réside dans une tradition chrétienne ramenée à une certaine orthodoxie. La définition précise et élaguée du mensonge (chapitre 1) trouve, chez Augustin et Thomas d’Aquin, ses assises ainsi que ses paramètres faisant en sorte qu’il ne faut jamais mentir (chapitre 2). Certaines positions divergentes (Cassien, Bonhoeffer et Niebuhr) ont eu cours dans la tradition catholique même (chapitre 3), mais la tradition catholique majeure est réaffirmée avec Jean-Paul II (chapitre 4). Deux chapitres vont ensuite constituer le coeur et l’essentiel du propos de l’auteur. Celui-ci explicite sa thèse selon laquelle le mensonge ruine, voire détruit toujours l’intégrité, personnelle et communautaire, de même que la socialité ; le mensonge va également contre la vérité et la religion (chapitre 5). L’obligation de mentir pour quelque motif juste fait l’objet d’une critique bien mesurée, pour démontrer l’invalidité de l’obligation même du mensonge tandis que le motif de justice rend tout à fait possible une divulgation limitée de la vérité, par exemple en raison de nécessités, de mérites, de rôles et responsabilités, de contrats et promesses (chapitre 6). De même, peut-on avoir recours à la tromperie verbale, dans la mesure où elle n’engage pas un mensonge comme tel (chapitre 7). L’absolu moral contre tout mensonge ne tient finalement pas moins là où se trouve engagée la recherche d’un bien supérieur, dans le cadre d’une bonne cause personnelle, sociale ou politique ou dans des situations particulièrement difficiles (chapitre 8). Le projet de l’auteur mérite attention et intérêt pour plusieurs raisons. D’abord, l’acte de communication plutôt que la simple intellection, acte tout intérieur, est mis de l’avant et sert de base à l’entreprise. L’intention de faire une assertion fausse devient ainsi la condition nécessaire et suffisante du mensonge, l’assertion étant considérée comme un type d’acte de langage et l’intention, comme l’enjeu sans connotation morale de signifier effectivement ce qu’on énonce. Bref, mentir c’est choisir une assertion contraire à sa pensée. On comprend tout l’effort de l’auteur pour reléguer à un second plan à la fois la fausseté même, c’est-à-dire le caractère faux d’une assertion, ce par quoi on se rapproche de l’erreur sur l’état des choses au point de la confondre parfois avec le mensonge, et l’instrumentalité du langage, dont déjà on a pu accuser Thomas d’Aquin. Ensuite, l’auteur pose l’intégrité (personnelle et communautaire) et la socialité comme lien constitutif et donc fondamental de l’être humain : ni simple vertu ni caractère certes majeur mais second de la nature humaine, puisque « bien fondationnel » (basic good). Il les expose en termes de structure, au titre d’expression et d’attestation du rapport même qu’un sujet établit ou entretient avec lui-même ou autrui ; et dès lors que cette condition sine qua non ou, plus exactement, que ce rapport même est ruiné, voire détruit, il y a mal : toujours un mal. Or le mensonge s’élève contre pareil « bien fondationnel » (d’intégrité, de socialité, y compris de vérité) et c’est pourquoi il n’est jamais admissible ni permis. On le comprend : l’effort consiste par-dessus tout à …