Débat : Où va la psychiatrie ?

L’avenir de la psychiatrie est dans la communauté[Record]

  • Charles Bonsack

…more information

  • Charles Bonsack
    Psychiatre, Département Universitaire de Psychiatrie Adulte, Lausanne (Suisse).

Sans être accompagnée dans la communauté par la clinique, la science médicale reste sans vie. La psychiatrie est en train d’acquérir de nouveaux savoirs. Comment les faire vivre utilement auprès des personnes qui en ont le plus besoin ? Le 388 a montré qu’il était possible de s’intéresser aux personnes souffrant de psychose, à leur vie intérieure, à leurs fantasmes. Ses concepteurs ont défendu avec succès pendant plusieurs années le fait d’engager des moyens considérables pour aider individuellement des personnes souffrant de psychose à retrouver le cours de leur vie. Ils ont mené une expérience où chaque personne suivie compte plus que la population dans son ensemble. Portés par une idéologie qui croit en la nature humaine, et à sa capacité de guérison par l’esprit, ils ont réussi à amener sur le chemin de la guérison bon nombre de patients. Dans une période où les effets iatrogènes des neuroleptiques étaient sous-estimés, ils se sont battus pour diminuer les dosages prescrits avec un certain succès. Ils ont déplacé l’institution de soins de l’hôpital vers la ville, en lui donnant une dimension humaine, une chaleur de l’accueil et une insertion dans la communauté que l’hôpital psychiatrique ne peut pas offrir. Nombre de ces idées, auparavant révolutionnaires, sont aujourd’hui acquises et portées à travers le monde par des équipes d’idéologies différentes, mais qui veulent donner le même espoir pour les personnes souffrant de psychose, en particulier pour les jeunes qui présentent un premier épisode psychotique. Par certains côtés, ces équipes vont plus loin que le 388 : dans l’insertion dans la communauté, dans des suivis individualisés respectant l’environnement naturel de la personne, dans la collaboration avec les proches, dans la confiance vis-à-vis du réseau primaire, dans le partage de l’information avec les patients et les proches comme partenaires. Ces équipes sont aussi plus sensibles à la dimension épidémiologique de la psychose, et à la nécessité d’atteindre le plus grand nombre de personnes touchées par la psychose au début de leurs troubles, en essayant de réduire la durée de psychose non traitée et les complications qui en résultent. Moins idéologiques et plus pragmatiques, ces équipes n’adoptent pas non plus une position antiscientifique et sont ainsi plus aptes à utiliser la science comme un outil clinique, sans en faire pour autant une idéologie scientiste. Au-delà de la polarisation du débat et de la question de sa survie, le 388 pose plusieurs questions intéressantes. Premièrement, comment une unité qui a innové grâce à une idéologie forte, peut-elle continuer à évoluer lorsque cette idéologie l’enferme dans des certitudes plutôt que de l’amener à explorer en éclaireur de nouveaux chemins ? Deuxièmement, comment une unité pilote peut-elle inspirer l’ensemble des services psychiatriques, plutôt que par contraste, les rendre peu attractifs et désuets ? Troisièmement, comment contribuer à inspirer la science et la clinique, au travers de questions dérangeantes et polémiques, sans tomber dans la caricature et la polarisation ? Les personnes souffrant de psychose et leurs proches doivent-ils choisir leur camp ? En d’autres termes, comment des idéologies opposées, ou des contrastes entre des services peuvent-ils se stimuler mutuellement de manière créative ? Enfin, une psychiatrie neuroscientifique, appauvrie du rapport individuel avec l’être humain, technocratique et soumises aux pressions économiques et à l’industrie pharmaceutique, a-t-elle encore un sens ? Pour les deux premières questions, le 388 apparaît comme un échec. Dans leur argument, les auteurs s’enferment dans une position antiscientifique et spiritualiste athée. Ils opposent de manière idéologique une version caricaturale de la psychiatrie scientifique à une vision romantique de la maladie mentale comme conséquence de l’oppression sociale. Où la souffrance n’a pas sa place, ni le cerveau …

Appendices