De tout temps, la psychanalyse a fait l’objet de vives réactions, en général d’autant plus virulentes qu’elles sont nourries par la peur inavouée que suscitent l’inconscient et ses forces obscures, agissantes à l’insu du Moi et de la conscience. Quand, de surcroît, la psychanalyse entre sur le terrain de la psychose et des troubles mentaux graves et se mêle de proposer une conception et un traitement de la psychose en tant que trouble psychique, elle ramène alors la maladie mentale dans une proximité dangereuse qui ébranle les frontières que l’on voudrait maintenir bien étanches entre la normalité et la folie sous toutes ses formes. Dans l’ensemble des positions prises par la plupart des auteurs qui participent au débat proposé ici sur l’avenir de la psychiatrie, je m’attarderai à deux points précis qui ont retenu mon attention dans les critiques faites à la psychanalyse. D’abord, la question de « l’évaluation objective » à laquelle « la psychanalyse ne semble pas vouloir ou pouvoir se prêter » et que l’on définit comme « toutes les confirmations ou infirmations convergentes de la thérapie, effectuées par des personnes tierces — autres que le patient et le soignant — à plusieurs niveaux d’organisation : tests standardisés psychologiques et comportementaux, évaluations familiale et sociale, réponses à une thérapie médicamenteuse, résultats de mesure en imagerie structurale ou fonctionnelle, etc » (Robaey). Le deuxième point concerne la position « anti-scientifique » qu’aurait la psychanalyse et « son isolement qui ignore les débats, notamment sur le terrain de la réhabilitation psycho-sociale » (Bonsack). Je retiens ces deux points parmi d’autres parce qu’ils me semblent bien illustrer le virage qu’a pris la psychiatrie et qui se mesure à ses effets que je résumerais ainsi : disparition du traitement psychique et assimilation de la recherche clinique à la méthode expérimentale à laquelle elle devrait désormais se réduire pour être scientifique. Ces critiques sont par ailleurs les bienvenues puisqu’elles nous donnent l’occasion de revenir sur des aspects qui, précisément, sont au coeur de nos préoccupations depuis plus de vingt ans. En effet, la création et l’application d’un traitement original de la psychose, novateur tant du point de vue de la psychanalyse que de la psychiatrie a posé nécessairement pour nous, depuis le départ, la question de l’évaluation du traitement et de ses résultats. De même, l’impact des apports théoriques et cliniques auxquels le développement de l’approche et ses résultats donnaient lieu a mis au premier plan les échanges continus, discussions entre pairs, enseignements, consultations et publications tant dans les milieux cliniques, psychiatriques et psychanalytiques que dans les milieux d’enseignement. Loin donc de cette position d’isolement et d’ignorance des débats qui serait la nôtre (l’appel à notre participation en tant qu’auteurs de l’argument à soumettre au débat pour ce numéro spécial en fait foi d’ailleurs à nouveau), le traitement psychanalytique de la psychose tel que nous l’avons conçu, a entraîné des modifications importantes dans la pratique psychiatrique d’un certain nombre de cliniciens de la psychose. J’en ferai état brièvement en conclusion de cette réflexion que je voudrais plutôt centrée sur l’évaluation dite « objective » du traitement en santé mentale et de la façon dont cette question est liée en fait à un tournant qu’a pris et que continue de prendre la psychiatrie. En guise d’introduction, j’évoquerai les propos d’un jeune psychotique lors de l’entrevue d’évaluation présidant à son admission au Centre que nous dirigeons. Monsieur X nous explique comment tout a commencé. Un jour, il y a six ans, à l’occasion d’un voyage au Nouveau-Mexique, il a rencontré des extra-terrestres. Il les a reconnus à leur regard beaucoup plus brillant que celui …
Appendices
Références
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