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Chaque année, le nombre de décès associés au suicide surpasse celui occasionné par les guerres et les homicides combinés, ce qui place le suicide comme une des causes de décès les plus importantes. En dépit de l’importance de ces faits, et des pertes majeures encourues par la suite en termes de productivité, le problème du suicide demeure. L’Organisation mondiale de la santé estime que le suicide représentera plus de 2,5 % du fardeau associé à la maladie mentale en 2020 (WHO, 2004 ; WHO, 2006).

Le suicide est un problème complexe. Cette complexité émerge de l’aspect multifactoriel du suicide. En effet, le suicide résulte de l’interaction entre des facteurs distaux et proximaux, eux-mêmes se définissant comme des facteurs sociodémographiques, génétiques, et environnementaux entre autres (Turecki et al., 2012). Si l’ensemble de ces facteurs a fait l’objet d’études approfondies, l’impact des facteurs environnementaux sur l’évolution de la santé mentale gagne de plus en plus d’importance. Et de fait, la question est importante : Comment les événements qui surviennent au cours de l’enfance peuvent-ils modifier lees comportements à l’âge adulte et augmenter le risque de développer un problème de santé mentale ?

Avec une prévalence estimée variant entre 25 % et 45 % en fonction de la définition, l’abus durant l’enfance représente un des facteurs de risque les plus fortement associés aux problèmes de santé mentale (Gorey et Leslie, 1997 ; McCauley et al., 1997 ; Briere et Elliot, 2003 ; Scher et al., 2004 ; Heim et al., 2010). Par exemple, l’abus durant l’enfance est associé à une augmentation de l’incidence des troubles de l’humeur, d’abus ou de dépendance aux drogues et à l’alcool, et de schizophrénie (Fergusson et al., 1996 ; Fergusson et al., 2008). Les victimes d’abus représentent également une population dans laquelle on retrouve une apparition précoce et une sévérité accrue des symptômes, une comorbidité plus importante, une non-conformité au traitement et un risque plus élevé de rechute (Dinwiddie et al., 2000 ; Mullen et al., 1996). Or, l’impact majeur de l’abus durant l’enfance se mesure également par les pertes humaines associées au suicide. En effet, on estime qu’environ 50 % à 70 % des suicides se réalisent durant un épisode de dépression, et que de 7 % à 15 % des patients souffrant de dépression majeure décèdent par suicide (Angst et al., 1993 ; Angst et al., 1999 ; Blair-West et al., 1999 ; Angst et al., 2002 ; Cavanagh et al., 2003 ; Arsenault-Lapierre et al., 2004 ; Angst et al., 2005). L’abus sexuel chez l’enfant est également associé à une augmentation significative de l’automutilation, des pensées suicidaires, des tentatives de suicide et du suicide lui-même (Molnar et al., 2001 ; McHolm et al., 2003 ; Gladstone et al., 2004 ; Akyuz et al., 2005 ; Jiner et al., 2007 ; Brezo et al., 2008 ; Fergusson et al., 2008 ; Fliege et al., 2009). Une telle association existe également avec l’abus physique, mais avec une moindre ampleur.

Il n’en demeure pas moins que parmi les victimes d’abus, seulement une certaine proportion d’entre elles franchira ce seuil critique, et commettra une tentative de suicide. Ceci sous-entend une certaine forme de résilience chez certains individus, et laisse présager l’existence de mécanismes permettant de recouvrer un développement cognitif sain à la suite de stress majeurs durant une période neurodéveloppementale critique. Par contre, chez certains individus, ces mécanismes semblent inefficaces les rendant plus vulnérables aux effets néfastes du stress et augmentant leur risques de développer des problèmes de santé mentale. Si la lumière sur ces mécanismes n’a toujours pas été faite, de récentes découvertes attribuent un rôle important à l’épigénétique comme facteur transmettant les effets environnementaux sur le génome (Meaney et Szyf, 2005 ; Szyf, 2009 ; Turecki et al., 2012).

L’épigénétique se réfère aux mécanismes qui modifient l’expression des gènes sans changer l’intégrité de la séquence de l’ADN. En d’autres mots, c’est la structure chimique qui entoure la molécule d’ADN et qui offre un contrôle supplémentaire sur l’expression des gènes. Dernièrement, on a émis l’hypothèse que l’épigénétique représenterait l’interface sur laquelle l’environnement agit pour modifier l’expression de nos gènes et du même coup, induire des changements comportementaux. En effet, de récentes découvertes démontrent que l’adversité durant l’enfance se traduit par des modifications épigénétiques qui persistent à l’âge adulte, et qui modifient l’expression de certains gènes impliqués dans la régulation de fonctions comportementales comme, par exemple, la réponse au stress.

L’intérêt dans ce nouveau champ d’étude grandit de jour en jour, ce qui se traduit par de nombreuses avancées scientifiques dans le domaine. Simultanément la science sous-jacente à ces avancées se complexifie rapidement. Il est donc important de rendre accessibles à un plus vaste auditoire ces avancées, et de permettre aux intervenants dans le milieu de la santé de s’approprier les connaissances qui en découlent. Le présent article vise à approfondir, de façon accessible et concise, l’état des connaissances actuelles en ce qui à trait aux mécanismes qui traduisent les effets de l’adversité durant l’enfance sur le comportement dans un contexte de santé mentale.

Le concept de l’épigénétique

Chaque cellule de notre organisme est composée du même ADN. Par contre, à partir de ce même ADN, les cellules se différentient en types cellulaires distincts, et forment nos organes avec leurs propres besoins cellulaires. L’ADN est la molécule qui contient notre bagage génétique sous forme de gènes. Selon les besoins cellulaires, des gènes sont exprimés sous forme d’ARN messagers (ARNm) qui sont ensuite traduits en protéines. Ces dernières sont mobilisées en fonction des besoins cellulaires. La régulation de ce processus est orchestrée par des mécanismes épigénétiques ce qui permet, entre autres, aux cellules de se différentier et d’évoluer en tant que type cellulaire distinct.

Deux principaux mécanismes épigénétiques sont décrits. Le premier est la modification de la chromatine (Kouzarides, 2007). La chromatine est l’ADN enroulé autour de protéines afin d’adopter une forme plus compacte. La modification de ces protéines permet à l’ADN de se dérouler de façon à ce que la machinerie transcriptionelle puisse atteindre les gènes. Le deuxième mécanisme se réfère à la méthylation de l’ADN (Klose et Bird, 2006). La méthylation est l’addition ou le retrait de groupements méthyl (CH3) sur l’ADN. Chaque gène est précédé par une région régulatrice nommée promoteur qui permet à la machinerie transcriptionelle de s’arrimer, et d’exprimer le gène par la synthèse d’une molécule d’ARNm. Normalement, la séquence d’ADN de ce promoteur est faiblement méthylée ce qui favorise l’expression du gène. Par contre, l’addition de groupements méthyl dans cette région interfère physiquement avec l’arrimage de la machinerie transcriptionelle ce qui diminue l’expression du gène. Ainsi, on associe fréquemment l’augmentation de la méthylation avec la diminution de l’expression d’un gène et vice versa.

L’adversité durant l’enfance modifie la réponse au stress

De façon générale, on croit que l’adversité durant l’enfance affecte le développement psychologique en influençant directement la perception et l’intégration cognitive des stimuli menaçants (Lara et Klein, 1999 ; Lupien et al., 2009). Dans un contexte quotidien, ces altérations cognitives augmenteraient le risque psychopathologique en déclenchant une réaction dysphorique au stress, et en augmentant la propension à exhiber une humeur négative face au stress quotidien (Goodman et al., 2004 ; Wicher et al., 2007). De plus, on sait que cette réactivité accrue au stress déclenche l’expression de traits phénotypiques associés à des schémas comportementaux inadéquats qui sous-tendent l’élaboration de difficultés interpersonnelles (Mullen et al., 1993 ; Jumper, 1995 ; Mullen et al., 1996 ; Johnson et al., 1999 ; Johnson et al., 1999). Or, le système qui nous permet de percevoir et de réagir aux situations stressantes en est un adaptatif qui nous permet de surpasser les stress quotidiens. En acceptant que la réponse au stress soit augmentée chez les victimes d’abus, on sous-entend également la présence d’altérations biologiques sous-jacentes.

Chez l’humain et l’animal, le système principal qui contrôle la réponse au stress est l’axe hypothalamo-hypophysio-surrénalien (HPA). Lorsqu’un stress survient, l’hypothalamus libère une hormone nommée CRH (hormone de relâche de la corticotropine) vers l’hypophyse qui elle-même libère de ACTH (hormone adrenocorticotropine) dans le sang. L’ACTH atteint le cortex surrénal et active la synthèse et la relâche de glucocorticoides (cortisol) dans le sang. Le cortisol voyage dans la circulation sanguine jusqu’à l’hippocampe, dans le cerveau, où il se lie aux récepteurs des glucocorticoides (GR) et diminue l’activité de l’axe. L’hippocampe occupe donc un rôle central dans la régulation de l’activité de l’axe en réponse au stress.

L’abus durant l’enfance et la dépression ont fréquemment été associés à une hyperactivité de l’axe HPA. Par exemple, des taux de glucorticoides plasmatiques et urinaires élevés ont été rapportés chez des patients déprimés (Nemeroff et Vale, 2005). Des taux élevés d’ACTH et de cortisol plasmatiques en réponse à un stress ou à un test de suppression à la dexamétasone ont également été mesurés chez des déprimés victimes d’abus durant l’enfance, comparativement à des déprimés non abusés et des sujets sains (Heim et al., 2000 ; Heim et al., 2008). De plus, une histoire d’abus durant l’enfance a été associée à une augmentation de la CRH et à une diminution d’oxytocine dans le liquide cérébrospinal de déprimés victimes d’abus (Carpenter et al., 2004 ; Heim et al., 2008). Plus récemment, une diminution de l’expression du gène du GR a été rapportée dans l’hippocampe de suicidaires victimes d’abus durant l’enfance (McGowan et al., 2009 ; Labonté et al., 2012). Ensemble, ces résultats suggèrent qu’une histoire d’abus durant l’enfance modifie l’activité de l’axe HPA, et que ces modifications persistent jusqu’à l’âge adulte où elles sont associées à l’expression des symptômes de la dépression ou du suicide. Mais comment se fait-il qu’une série d’événements étant survenus plusieurs années auparavant puisse avoir un impact si important sur la santé mentale à l’âge adulte ?

Une série d’études élégantes dirigées par Dr Michael Meaney s’est attaquée à cette question à l’aide d’un modèle animal de soins maternels. Chez les rats, le comportement maternel peut être quantifié en comptant le nombre de léchés (LG) que la mère administre à ses ratons. Certaines mères adoptent un comportement maternel élevé (haute LG) ou faible (faible LG) envers leurs ratons, et ces variations comportementales sont associées à des changements comportementaux chez les ratons. Par exemple, les ratons élevés par des mères faibles LG ont de faibles niveaux d’expression du gène du GR, et exhibent des comportements dépressifs et des modifications de l’activité de l’axe HPA semblables à ce que l’on retrouve chez les dépressifs (Liu et al., 1997 ; Francis et al., 1999).

L’étude plus approfondie des mécanismes moléculaires impliqués dans ces modifications comportementales a permis d’identifier une importante composante épigénétique. En effet, la variation des comportements maternels est associée à une modification des niveaux de méthylation dans le promoteur du gène du GR. Chez les ratons faibles LG, les niveaux de méthylation du promoteur du gène GR sont significativement plus élevés que chez les ratons hauts LG et sont associés à une baisse de l’expression du GR dans l’hippocampe (Weaver et al., 2004).

Similairement, des variations des niveaux de méthylation de l’ADN ont été rapportés dans les régions régulatrices de plusieurs gènes chez les animaux exhibant des comportements dépressifs induits par le stress. Ces gènes codent entre autres pour l’hormone arginine vasopressine (AVP) (Murgatroyd et al., 2009), l’hormone de relâche de la corticotropine (CRH) (Elliott et al., 2010) et le facteur neurotropique dérivé de la glie (GDNF) (Uchida et al., 2011), de même que la décarboxylase du glutamate 1 (GAD1) (Zhang et al., 2010), le récepteur de l’estrogène (ESRα) (Champagne et al., 2001 ; Champagne et al., 2006) et le facteur neurotropique dérivé du cerveau (BDNF) (Roth et al., 2009 ; Roth et al., 2011). Fait important, ses variations de méthylation dans les régions régulatrices ont toutes été associées à des changements d’expression génétique.

En dépit du fait que ces modifications épigénétiques semblent être maintenues dans le temps, du moins jusqu’à l’âge adulte, elles n’en demeurent pas moins plastiques. En effet, certains groupes ont démontré que ces marques peuvent être renversées par des manipulations environnementales ou pharmacologiques. Les niveaux de méthylation du promoteur du GR peuvent ainsi être renversés si les ratons faibles LG sont transférés à des mères hautes LG pendant la première semaine de vie (Weaver et al., 2004). Simultanément, on observe un retour à la normale des niveaux d’expression du GR, du comportement et de l’activité de l’axe HPA à un niveau équivalent à ceux retrouvés chez les ratons hauts LG. Ceci laisse entrevoir une certaine forme de résilience au stress. Un cas similaire à également été décrit dernièrement où certaines souris soumises à une forme de stress social n’arboraient pas les comportements dépressifs typiques normalement observés à la suite d’une telle procédure. Une analyse plus approfondie a démontré que les niveaux de méthylation du promoteur du CRH chez ces souris « résilientes » ne variaient pas significativement comparativement aux souris contrôles, et qu’elles ne présentaient aucune modification comportementale (Elliott et al., 2010). L’intérêt pour un traitement pharmacologique qui permettrait de cibler ces mécanismes épigénétiques est également grandissant. Par contre, jusqu’à ce jour, seulement un nombre très limité d’études ont investigué la question (Tsankova et al., 2006 ; Uchida et al., 2011). Et si certains antidépresseurs, notamment les tricycliques (Imipramine), semblent pouvoir rétablir certaines modifications épigénétiques, les résultats actuels sont trop préliminaires pour en tirer quelques conclusions solides. Plus d’études sont donc nécessaires.

Études épigénétiques chez l’humain

Des études similaires ont également été réalisées sur les cerveaux de patients déprimés et suicidaires. Or ces études s’avèrent plus compliquées à réaliser à cause, entre autres, de la rareté des échantillons disponibles et de l’incapacité de procéder à des études longitudinales.

Nous avons récemment voulu savoir si des modifications épigénétiques comparables à celles induites par les variations du comportement maternel chez le rat sont présentes dans le cerveau des suicidaires victimes d’abus. Pour ce faire, nous avons eu accès à des cerveaux en provenance de la banque de cerveau Bell-Douglas de l’institut universitaire de recherche en santé mentale Douglas. La présence d’une histoire d’abus chez ces suicidaires avait préalablement été déterminée à l’aide d’autopsies psychologiques (Dumais et al., 2005).

Nous avons étudié la même région que celle étudiée préalablement chez le rat. Cette dernière conserve une homologie de séquence entre les deux espèces de 70 %. L’analyse du promoteur du GR à démontré que les victimes d’abus durant l’enfance ont des niveaux de méthylation significativement plus élevés, et des niveaux d’expression du GR significativement plus faibles que les suicidaires non abusés et les sujets témoins (McGowan et al., 2009). De plus, les résultats de cette étude suggèrent que l’augmentation de la méthylation induit une diminution de l’expression du GR en interférant avec la liaison d’un facteur de transcription (NGFI-A) qui potentialise normalement l’expression de ce gène. Nous avons par la suite étendu l’étude du GR en étudiant d’autres régions du gène. Nos résultats abondent dans le même sens quant à une modification des niveaux de méthylation associée à des différences d’expression dans l’hippocampe des suicidaires victimes d’abus par rapport aux suicidaires non abusés et aux contrôles sains (Labonte et al. 2012).

D’autres études sur le cerveau ont permis d’identifier d’autres gènes différemment méthylés chez les suicidaires. Par exemple, le récepteur tyrosine kinase (trkB) (Ernst et al., 2009), le facteur neurotropique dérivé du cerveau (BDNF) (Keller et al., 2010), le récepteur de la sérotonine (HTR2A) (De Luca et al., 2007 ; Luca et al., 2009), un récepteur GABAergique (GABAA) (Poulter et al., 2008) et certains gènes des polyamines (Fiori et Turecki, 2010) ont tous été associés à des modifications de méthylation et à des variations d’expression dans le cerveau des suicidaires.

Alors que ces études démontrent la présence de différences des schémas de méthylation chez les suicidaires, l’ampleur et l’étendue de ces différences dans le génome entier demeuraient jusqu’à tout récemment inconnues. Nous avons récemment débuté une étude dans laquelle nous nous intéressons aux différences de méthylation dans les promoteurs de chaque gène du génome dans le cerveau de suicidaires victimes d’abus (Labonté et al., 2012). Nos résultats suggèrent que les niveaux de méthylation des promoteurs sont plus élevés dans l’hippocampe des suicidaires abusés que chez les contrôles sains. De plus, il s’avère que ces différences ne sont pas regroupées mais plutôt distribuées également dans le génome. Fait important, nous avons observé que les niveaux de méthylation des promoteurs sont inversement corrélés aux niveaux d’expression dans le génome entier, ce qui concède un rôle fonctionnel majeur aux différences de méthylation retrouvées dans le cerveau des suicidaires abusés. Les différences significatives entre suicidaires abusés et contrôles sains se retrouvent évidemment dans plusieurs gènes. Par contre, nous avons noté que ces différences de méthylation se retrouvent enrichies dans un ensemble de gènes impliqués dans la plasticité cellulaire. Encore une fois, cette distinction fonctionnelle suggère l’existence d’altérations cellulaires importantes dans le cerveau des suicidaires abusés.

Nous avons également voulu dissocier le rôle de l’abus dans le suicide en faisant ces études chez les suicidaires (abusés et non abusés confondus ; article accepté dans l’American Journal of Psychiatry). Nos résultats tendent à démontrer que le cerveau des suicidaires présente des modifications semblables à celles retrouvées chez les abusés. Or s’il existe des différences communes sous jacente à la composante suicidaire, la majorité des gènes différemment méthylés est distincte. Ceci se reflète également en un enrichissement dans un ensemble de gènes jouant un rôle différent. En effet, nos résultats suggèrent qu’une des fonctions la plus affectée chez les suicidaires est la mémoire. Ces résultats sont supportés par des études neuropsychologiques réalisées sur des patients avec des comportements suicidaires (Jollant et al. 2011).

Récemment, certains groupes se sont intéressés aux corrélations qui existent entre les niveaux de méthylation dans le cerveau et le sang. Cette option, encore jeune, pourrait s’avérer une alternative intéressante pour la recherche sur l’efficacité des traitements pharmacologiques. Dans cette optique, nous avons récemment réalisé une étude qui suggère qu’un inhibiteur sélectif de la sérotonine (citalopram) améliore l’humeur des patients déprimés en modifiant le contrôle épigénétique de certains gènes (Lopez et al. 2012). Ces études préliminaires ne sont toutefois encore qu’à leur balbutiements et plus de recherche est requis pour comprendre ces mécanismes.

Conclusion

Notre compréhension du suicide est en croissance. Malgré tout, elle demeure toujours insuffisante pour contrer ce fléau. Bien entendu, l’aspect multifactoriel du suicide vient complexifier le problème. Mais, grâce à de récentes avancées scientifiques, nous pouvons désormais approfondir une composante majeure du suicide, soit l’impact fonctionnel de l’abus durant l’enfance sur les mécanismes épigénétiques contrôlant l’expression de nos gènes. Cet impact semble affecter plus particulièrement certains systèmes spécifiques comme celui de la réponse au stress. En plus, les effets de l’abus se répercutent sur l’ensemble du génome en modifiant les niveaux de méthylation de l’ADN dans des centaines de gènes.

Les avancées récemment accomplies dans le cerveau des suicidaires abusés soulignent l’importance de la recherche multidisciplinaire. En effet, ce type d’étude n’est rendu possible que par la collaboration entre différents intervenants dans le milieu incluant les psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux, infirmières et chercheurs fondamentaux. C’est en adoptant une telle approche que nous pourrons définir de façon plus précise les multiples composantes du suicide et ainsi améliorer notre compréhension du suicide.

Avec l’avancée des technologies scientifiques, nos progrès seront encore plus grands et notre compréhension du suicide sera bientôt limitée par notre compréhension du génome lui même. C’est pourquoi de telles recherches sont primordiales en santé mentale et que la nécessité de proposer de nouvelles approches innovatrices s’impose d’elle-même. C’est seulement de cette façon que nous pourrons vaincre, dans le futur, des maladies qui, de nos jours, nous semblent invincibles.