Éditorial

Transitions[Record]

  • Emmanuel Stip

Il y en a eu du chaos et des éclats de lumière depuis 40 ans en psychiatrie et en santé mentale. Le Québec et sa langue l’ont expérimenté au travers de transformations majeures des systèmes de soins, de l’évolution des asiles puis des hôpitaux, de la maturité des équipes aux couleurs multidisciplinaires variées, des remaniements subtils des psychothérapies et des concepts de soins, et des contraintes politiques et économiques. La drogue, l’itinérance ont trouvé des terrains urbains fertiles pour faire vaciller nos desseins, nos idéaux et malmener nos naïvetés. Notre reniflage timide des neurosciences pour enrichir la compréhension de la psychopathologie, en y repêchant par exemple ce qu’il y a de beau dans les sciences cognitives a modulé un mouvement de pensée qui ne s’est pourtant jamais divorcé du social, des mouvements communautaires, du souci alternatif. Des groupes thérapeutiques, aux pratiques de réseau jusqu’aux derniers avatars du Rétablissement et de la Pleine citoyenneté, les cliniciens, les intervenants ont voulu épouser des croyances pour aider à pratiquer un des plus beaux métiers du monde. Les données probantes ont été sollicitées pour compléter une réassurance sans cesse réclamée car c’est dur. C’est dur car il y a un écart entre ce savoir fragile et la pratique du quotidien. C’est dur car il y a des coupures, de la bureaucratie, de la rigidité et une mise à l’écart lancinante de la santé mentale. Il y a eu la recherche, le monde de la recherche, les subventions, les publications, le Medline, la langue anglaise ; et tout cela a pris forme autour de militants ou bâtisseurs comme Georges Aird, Yves Lecomte et une revue a grandi au fil des ans. La revue Santé mentale au Québec est en quelque sorte le témoin et la rapporteuse de tout ce qui s’est construit et déconstruit en santé mentale depuis presque 40 ans. Devrions nous coller bout à bout les tables des matières de tous ses numéros, nous y verrions défiler une véritable histoire des modes et des constantes en santé mentale, un historique de nos questionnements et de nos combats. Avons-nous fait tant de progrès ? Les créateurs et le groupe autour de la RSMQ nous ont demandé, au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal, de reprendre le flambeau et d’assurer une pérennité à ce véhicule de pensée, cet outil de transfert de connaissance. Nous avons accepté car l’université a un tel rôle et nous assurerons la logistique et la direction de la revue. Jean Caron, clinicien, chercheur réputé, psychologue de ville, des campagnes et des régions, a accepté d’être éditeur et nous avons un comité éditorial en construction dépassant le Québec et imprégné des autres cultures francophones. Le Dr Jean Caron est à l’origine d’une des plus importantes études épidémiologiques sur la santé mentale au pays. Cette étude menée grâce à une aide financière majeure de l’Institut de recherche en santé du Canada a démarré sur le terrain avec une équipe d’interviewers à Pointe-Saint-Charles et Saint-Henri, des quartiers de Montréal. Il connaît la matière et saura assumer la gestion éditoriale de la revue. Nous avons de façon naturelle reçu l’appui important des instances dont une des missions est le transfert de savoir en matière de santé mentale : de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (http://www.iusmm.ca/), de l’Institut Douglas (http://www.douglas.qc.ca) et de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (http://www.institutsmq.qc.ca/). D’ici moins de 2 ans, la revue sera électronique. Elle demeurera aussi en version papier, grâce aux Presses de l’Université de Montréal, et le lectorat pourra continuer aussi à utiliser la plateforme Érudit pour les accès …