Épilogue[Record]

  • Pierre Migneault

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  • Pierre Migneault
    M.D., FRCP, Retraité

Oui, littéralement, comme le Québec vous a sauvé, mon cher Emmanuel, n’est-ce pas ? Vous l’avez avoué, vous-même, en 1995, dans l’Album-Vie, autour de Julien Bigras (Migneault, 1995). On l’a reconnu, aussi, en 1987, entre psys volants et itinérants, en région, dans un colloque intime (Boisvert et Migneault, 1986). « De la nécessité d’aller voir ailleurs si l’on y est », nous disions-nous, unanimement. Dominique Bédard y assistait. L’Université de Montréal, entre 1960 et 1963, en Médecine, m’a accueilli, après l’expulsion, avec deux autres étudiants, de l’Université Laval, pour activités journalistiques : on y avait introduit une filiale du Mouvement laïque de langue française, déjà fondé, à Montréal. Un recteur laïc était déjà prévu à Montréal. C’était une belle façon, pour l’Université de Montréal, de servir une leçon d’ouverture et de réalisme à l’Université Laval. On n’avait placé aucune restriction de participation au Carabin, le journal étudiant ou autre forme d’expression (Migneault, 1962). Le séjour, à Prévost, où j’avais prévu aller, dès le début de mes études médicales, en plein « renouveau psychiatrique » québécois et « débarquement de la psychanalyse », en sus – Jean-Yves Roy dixit (Roy, 1977) –, entre 1963 et 1965, fut, pour moi, une expérience d’ouverture des oeillères, des horizons et des questionnements. Apprenant l’existence d’un programme très riche de formation, au Queen’s Hospital, à Hawaï, à travers des résidents en psychiatrie de McGill, j’ai décidé de sortir du curriculum de l’Université de Montréal, après deux années, au lieu de trois : j’en ai payé le prix fort, au retour, au Québec, avec interdiction d’aller, en France, chez Delay, en quatrième année de résidence : le Centre hospitalier Robert-Giffard (CHRG), m’a accueilli, avec réticences, pour le moins, du Département universitaire de psychiatrie de Québec, grâce à des interventions de psychiatres de Québec : je vivrai, au CHRG, durant plus de huit ans, jusqu’en 1975, des expériences cliniques et humaines fantastiques. Aucun ressentiment, mais sûrement des leçons à tirer au niveau de la pertinence de certaines décisions de départements universitaires québécois de psychiatrie, l’histoire de Jacques Voyer (Voyer, 2002), entre autres, étant tout aussi, sinon plus, probante, que la mienne. Tout cela s’éclaircira mieux à travers les autres questions et réponses : les expériences déterminantes de Prévost, d’Hawaï et de Québec, se fécondant l’une l’autre, avec confrontations déstabilisantes, mais structurantes, m’ont surtout « sauvé », à mon avis, et avec le recul des années, de mon état d’innocence et de la grandiose naïveté d’époque. Dénoncer, ça ne m’intéresse pas. Déplorer certaines choses, si, mais surtout essayer de m’expliquer, à moi-même d’abord, et ensuite aux autres. Comme le Fou en salle d’isolement. Chez moi, l’imprinting du vocation-métier-profession de la relation d’aide, avec ses grandeurs et pièges, s’est fait très tôt, dirait Lorenz ou Alfred Adler, insistant sur l’importance de la position, dans la famille. Troisième d’une famille de quatre enfants, « fils à maman », les deux frères plus vieux, en rivalité, j’ai suivi l’injonction maternelle : être gentil, ne pas donner de trouble, aider le plus possible, comme la mère en donnait elle-même l’exemple, prendre soin de la soeur cadette, etc. Même chose chez les frères du Sacré-Coeur, à Limoilou, Québec, en quartier populaire, que j’ai beaucoup appréciés. Présents en Haïti, les frères nous sensibilisaient beaucoup aux Missions. On nous associait, discrètement, à un élève qui avait des difficultés. Une première belle expérience d’entraide et de solidarité, avec conscience précoce que nous étions privilégiés de pouvoir avoir accès à l’instruction, à l’école et qu’il fallait partager. Même chose au cours classique, chez les pères eudistes, entre 1950 et 1957, dans le …

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