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INTRODUCTION

Les parents disposent souvent de peu d’information au moment du diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) de leur enfant[1]. Plusieurs approches sont proposées, incluant le modèle de l’éducation des parents et celui du développement des compétences parentales (Bearss et coll., 2015a). Les programmes éducatifs visant à améliorer leurs connaissances peuvent avoir des effets bénéfiques en contribuant à la diminution du stress parental et en facilitant l’accès à des services spécialisés pour l’enfant (Steiner et coll., 2012). Ces modèles sont souvent intégrés à la pratique clinique. Cependant, les résultats concernant leur efficacité demeurent mitigés et des niveaux élevés de besoins informationnels demeurent constatés auprès de cette population (Schultz, Schmidt et Stichter, 2011 ; Steiner et coll., 2012).

La littératie en santé est définie comme l’aptitude à traiter efficacement l’information sur la santé, ce qui implique la capacité d’accéder à cette information, de la comprendre, de l’évaluer et de l’utiliser afin d’être apte à maintenir et à améliorer sa santé ou celle de ses proches (Rootman, Gordon-El-Bihbety et l’Association canadienne pour la santé mentale, 2008 ; Sørensen et coll., 2013). La littératie en autisme permet aux parents de faire des choix plus éclairés et les aide à mieux prendre soin et soutenir leurs enfants autistes afin que ces derniers se développent de façon optimale. Ces compétences leur permettent également de mieux prendre soin de leur propre santé. Or, la recherche sur la littératie en autisme est presque absente (Godfrey Born, McClelland et Furnham, 2019 ; Lajonchere et coll., 2016 ; Rim et coll., 2019).

Dans le Consortium Health Literacy Project European (HLS-EU), Sorenson et coll. estiment que le processus d’accès à l’information consiste à chercher, trouver et obtenir de l’information utile. Le processus de compréhension de l’information permet quant à lui de rendre utilisable l’information en se forgeant, à partir de celle-ci, une conception articulée et opératoire de la problématique de santé pour laquelle on recherche ou obtient de l’information. Le processus d’interprétation de l’information consiste à filtrer, juger et évaluer l’information comprise. Enfin, le processus d’utilisation de l’information mène à prendre des décisions sur la base de l’information interprétée ou encore à communiquer cette information. En ce sens, la littératie en santé favorise la prise de décisions éclairées, ce qui a des effets bénéfiques sur la prévention et la gestion des maladies et participe à la promotion de la santé des individus et de la société dans son ensemble (Consortium Health Literacy Project European [HLS-EU] et coll., 2012).

Depuis les 10 dernières années, plusieurs travaux ont mis de l’avant les besoins criants des parents d’enfants autistes au Québec. Par ailleurs, bien que ces besoins soient connus, l’accès à des services efficaces qui répondent à leurs besoins demeure limité (Courcy et des Rivières-Pigeon, 2018 ; Sénéchal et des Rivières-Pigeon, 2009). L’approche de la littératie en santé n’a jamais été explorée dans ce contexte et pourrait se révéler une piste pertinente pour améliorer le soutien et les pratiques d’accompagnement offerts aux familles d’enfants autistes. Cet article présente les résultats d’une étude visant à relever les besoins d’information de parents d’enfants ayant reçu un diagnostic de TSA ainsi que les obstacles et les éléments facilitateurs rencontrés dans leur processus de recherche d’information. À partir du cadre théorique de la littératie en santé de Sorenson et coll. (HLS-EU), 4 composantes seront analysées : l’accès, la compréhension, l’interprétation et l’utilisation d’information pour la prise de décision.

MÉTHODOLOGIE

Méthode de collecte des données

Une méthodologie qualitative avec un devis descriptif (Flick, 2013) a été choisie afin d’examiner les différences et les similitudes des besoins exprimés, les situations de vie exposées et les façons de chercher et d’utiliser l’information. L’emploi de la méthodologie qualitative était justifié par l’intérêt de porter attention au sens donné par les acteurs (p. ex. opinions, croyances) qui guident leur action et leurs choix (Malterud, 2001 ; Noyes et coll., 2017) dans la recherche d’information. La méthode par groupes de discussion (Attal-Vidal et Iribarne, 2012) s’est avérée tout indiquée pour collecter ce type d’information dans une optique d’analyse des besoins et des attentes d’une population spécifique (Barbour et Kitzinger, 1998) ; dans notre cas les parents d’enfants autistes.

Trois groupes de parents de jeunes enfants ou d’adolescents ayant reçu un diagnostic de TSA dans les 24 derniers mois ont été formés. Sur la base du principe de l’échantillonnage théorique, ces groupes ont été formés à partir des caractéristiques socioéconomiques reconnues comme étant des facteurs de risque associés à un faible niveau de littératie en santé : avoir une scolarité inférieure au diplôme secondaire, être sans emploi, être en situation de monoparentalité ou avoir vécu une situation d’immigration récente (Rootman et coll., 2008 ; Yin et coll., 2009). La composition des groupes se décline ainsi :

  • Groupe 1 (G1) : parents nés au Québec et présentant au moins un facteur de risque ;

  • Groupe 2 (G2) : parents issus d’immigration récente (moins de 5 ans) ;

  • Groupe 3 (G3) : parents nés au Québec et ne présentant pas l’un de ces facteurs de risque.

Recrutement et caractéristiques des participants

Les groupes de discussion se sont tenus de décembre 2018 à février 2019. Les parents ont été recrutés dans une clinique spécialisée en milieu hospitalier. Neuf parents ont accepté de participer à l’étude. Vingt-sept parents ont refusé en raison d’un manque de temps ou de conflits d’horaires avec les options offertes pour les groupes de discussion. Les parents dont l’enfant vient de recevoir un diagnostic TSA représentent une population qui peut être difficilement joignable, en raison de l’ampleur des tâches de soins, de recherche d’information et de stimulation qui sont accrues autour cette période (Courcy et des Rivières-Pigeon, 2018 ; Sénéchal et des Rivières-Pigeon, 2009). Le canevas des groupes de discussion comportait des questions ouvertes sur le processus de recherche de l’information, notamment en termes d’accès, de compréhension, d’interprétation et d’utilisation.

Huit mères et un père ont participé aux groupes de discussion. Ces dernières[2] ont signé un formulaire de consentement avant le début des rencontres. Trois d’entre elles ont été intégrées dans le groupe de parents nés au Québec avec au moins un facteur de risque lié à un faible niveau de littératie (G1). Trois mères ont été intégrées dans le groupe de parents ayant vécu une immigration récente au pays (G2). Trois autres personnes ont été intégrées au groupe de parents nés au Québec ne présentant pas l’un de ces facteurs de risque (G3). Les participantes des deux premiers groupes étaient des mères de jeunes enfants (4 à 9 ans), alors que le troisième groupe était constitué de parents d’adolescents (14 à 16 ans). Le tableau 1 présente les caractéristiques des participantes :

Tableau 1

Caractéristiques des parents

Caractéristiques des parents

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Analyse des données

Les discussions ont été enregistrées puis retranscrites. Une analyse qualitative de contenu des verbatim a été effectuée par les première et deuxième auteures à l’aide du logiciel NVivo 12. Les verbatim ont d’abord été codés autour des thèmes principaux de la grille d’entrevue : 1) les besoins des parents en matière d’information sur l’autisme ; 2) le processus de recherche d’information (accès, compréhension, interprétation et utilisation) ; 3) les obstacles et les éléments facilitateurs rencontrés dans ce processus. Deux thèmes émergents ont par la suite été ajoutés : 4) la perception de jugement ou de stigmatisation liée aux comportements de l’enfant ; 5) le rôle du soutien social dans la recherche d’information. Les auteures ont discuté et réajusté l’arbre de codification à 2 reprises, jusqu’à ce qu’un consensus soit obtenu sur l’ensemble des codes (accord interjuges).

RÉSULTATS

L’analyse des données a tout d’abord permis de décrire le processus de recherche d’information en lien avec le diagnostic à partir de ces composantes spécifiques que sont l’accès, la compréhension, l’interprétation et l’utilisation de l’information. Les sujets et souhaits faisant l’objet d’un besoin d’information seront présentés dans la première partie sur l’accès à l’information. Les éléments facilitateurs et les obstacles rencontrés par les parents dans leur recherche d’information seront exposés en dernière partie. Plusieurs résultats seront illustrés d’extraits des groupes de discussion.

L’accès à l’information

Tous les parents ont rapporté disposer de peu d’information sur l’autisme pendant la période entourant le diagnostic de leur enfant. Plusieurs d’entre eux, surtout des parents de jeunes enfants, ont exprimé le besoin d’avoir un pronostic afin de planifier leur futur, même si tout pronostic est très incertain dans le cas de l’autisme. De façon générale, le manque d’informations facilement accessibles a été déploré par tous. Par ailleurs, les parents d’adolescents ont précisé que les sources d’information portant au-delà de la petite enfance étaient encore plus rares. Les parents ont également exprimé vouloir obtenir des informations porteuses d’espoir. Cet élément est revenu fréquemment dans les échanges. Plusieurs mères ont également mentionné chercher des façons et les mots justes pour pouvoir expliquer ce qu’est l’autisme à leurs proches et être comprises de ces derniers. Toutes étaient d’avis que l’accès à l’information n’est pas suffisant pour répondre à leur besoin dans la période entourant le diagnostic. Plusieurs mères ont confié des besoins de soutien émotionnel important. Celles ayant vécu une immigration récente au pays ont également fait état d’une situation « terrible » d’isolement social : « je n’ai personne », soulignait une mère. Enfin, les parents ont également manifesté le besoin d’obtenir de l’information concrète pour la gestion du quotidien avec l’enfant. Ces différents besoins nous informent sur la nécessité, pour les parents, de disposer de différentes formes de soutien (informatif, émotionnel, instrumental, récréatif). Les tableaux 2 et 3 résument les besoins et les sujets pour lesquels les parents d’enfants et d’adolescents désirent obtenir de l’information.

Tableau 2

Besoins d’information des parents

Besoins d’information des parents

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Bien que ces besoins se soient retrouvés de façon récurrente dans l’ensemble des échanges à l’intérieur des 3 groupes de discussion, les sujets précis pour lesquels les parents souhaitent obtenir de l’information différaient en fonction de l’âge de l’enfant. Le tableau 3 montre ces différences.

Tableau 3

Sujets d’information souhaités par les parents

Sujets d’information souhaités par les parents

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À la suite de l’annonce du diagnostic, les parents se sont remémoré avoir utilisé différentes sources d’information. Internet est la source qui a été le plus souvent mentionnée. Les séances d’information, offertes dans certaines cliniques d’évaluation et autres établissements de santé et de services sociaux, étaient mentionnées comme l’une des sources d’information les plus appréciées par les participantes. Les autres parents d’enfants autistes, notamment rencontrés sur les médias sociaux, sont également apparus comme une source d’information valorisée, mais pouvant générer un sentiment de détresse. Une mère explique : « Elle [une mère d’enfant autiste sur les médias sociaux] parlait de son fils, de sa fille, de comment ça s’est passé, et tout, et tout… [Elle écrivait] qu’elle ne pouvait pas aller travailler, parce que son mari avait perdu son emploi et qu’il faisait des crises d’angoisse… Ce genre de chose… Ça me fait mal. » (G2). Bien que le web s’imposait comme la source d’information la plus consultée, les parents ont fait état de plusieurs préoccupations quant à la qualité des informations que l’on peut y retrouver sur l’autisme. Une mère exprime à cet effet : « J’ai consulté des pages Facebook. J’ai lu beaucoup. Mais à un moment donné, c’est difficile de faire la différence entre le vrai et le faux. » (G1)

La compréhension de l’information

Les deux groupes de parents présentant des facteurs de risque associés à un faible niveau de littératie (G1 et G2) ont exprimé davantage de difficultés à comprendre les textes écrits. L’extrait suivant illustre bien les difficultés de compréhension exprimées par ces parents : « Qu’est-ce que cela veut dire “stéréotypé”, “répétitif”, “rigidité” ? Si tu ne le vis pas [au quotidien avec ton enfant] et qu’un psychologue n’a pas mis des mots sur ces comportements, tu n’as aucune idée de ce qu’est la rigidité chez un autiste. » (G1). La grande majorité de ces parents ont dit préférer recevoir de l’information à partir de sources visuelles, des textes écrits avec beaucoup d’images ou des vidéos. Une mère déplorait le manque de sources claires, simples et exemptes de jargons : « La psy m’a donné plein de livres que je pouvais feuilleter. Mais il faut que ce soit moi, par mon discernement et mon jugement [qui le fasse]. Que je sois capable de lire la théorie, de comprendre comme mettre en pratique et de voir si ça fonctionne. » (G3). Enfin, des mères ont confié que certaines croyances dans leur pays d’origine rendaient complexe le dévoilement du diagnostic de l’enfant et que plusieurs de leurs proches n’arrivaient pas à comprendre ce qu’était véritablement l’autisme. À titre d’exemple, une mère se remémorait les propos du grand-père de l’enfant : « C’est de la sorcellerie : tu es enceinte et quelqu’un t’a ensorcelée. Est-ce qu’ils t’ont envoûtée ? » (G2)

L’interprétation de l’information

Lors de la tenue des groupes de discussions, le fait de parler de son expérience et du diagnostic de l’enfant a suscité un flot d’émotion (p. ex. pleurs, tristesse, colère, anxiété). Ces sentiments étaient particulièrement palpables chez les mères de jeunes enfants. « J’étais détruite. » (G2), répétait l’une d’elles. Au contraire, un père et mère d’adolescent affirmaient :

« Moi ça ne m’a jamais énervée, ça ne me dérange pas. »

G3

« Les parents qui ont des jeunes enfants, souvent ils sont comme étouffés par le diagnostic et ils ne sont pas capables de voir leur enfant plus vieux. […] Moi, je sais qu’ils vont grandir, je sais qu’il faut faire confiance. »

G3

Les parents ont également dit ressentir des jugements négatifs à l’égard des comportements de leur enfant. Une mère donnait pour exemple l’attitude de son voisin : « Quand il me voit avec mon fils, il passe de l’autre côté. Il ne m’adresse même plus la parole. Pour lui, mon enfant est fou […]. Il ne me salue plus. » (G1)

L’utilisation de l’information

En ce qui a trait à l’utilisation de l’information, la complexité du Réseau de la santé et des services sociaux est apparue comme un élément pouvant nuire à la prise de décisions éclairées. L’accès difficile aux services spécialisés ou d’accompagnement, en raison de démarches administratives ou de listes d’attente, pouvait avoir conduit des parents à mal comprendre les informations qui sont disponibles. Par manque d’information, une mère racontait avoir accepté la proposition d’une professionnelle sans en avoir réellement compris les implications : « La dame m’a dit : votre fils peut aller dans une école régulière, mais dans une classe spéciale. J’ai accepté parce que je ne comprends rien. » (G2)

En ce qui a trait aux éléments facilitateurs de la recherche d’information sur l’autisme, un élément commun est ressorti de manière forte, soit la présence d’une ou un professionnel qualifié les ayant accompagnées dans la recherche d’information et de services pour l’enfant. Mentionnée par certaines, et par la suite souhaitée par celles qui n’avaient pas bénéficié d’un tel soutien, cette personne-ressource avait aidé à départager le « vrai du faux » sur Internet. La vision positive partagée par certains parents est également apparue comme un facilitateur assurant la mise en action pour aider l’enfant et protéger contre le sentiment d’impuissance que pouvaient ressentir d’autres parents.

Le tableau 4 résume les obstacles et les facilitateurs mentionnés par les parents rencontrés.

Tableau 4

Facilitateurs et obstacles à la recherche d’information sur l’autisme

Facilitateurs et obstacles à la recherche d’information sur l’autisme

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DISCUSSION

Cet article a pour objectif de décrire le processus de recherche d’information réalisé par les parents après que leur enfant ait reçu un diagnostic de TSA. Nous avons relevé les besoins et les sujets d’information des parents, ainsi que les obstacles et les éléments facilitateurs dans l’accès à l’information, sa compréhension, son interprétation et son utilisation pour la prise de décision. Un manque généralisé d’information sur l’autisme et des préoccupations quant à la qualité de l’information trouvée sur Internet sont constatés. Des parents ont exprimé leur difficulté à comprendre l’information qui leur a été présentée. Le nombre d’obstacles rencontrés dans la recherche d’information s’est révélé être amplifié par d’autres besoins — le plus souvent de type émotionnel et instrumental — importants, surtout pour les parents en situation de vulnérabilité.

L’information sur l’autisme est souvent présentée aux parents dans le contexte de programmes éducatifs visant à leur permettre de poursuivre à la maison les interventions amorcés par des professionnels en réadaptation (Bearss et coll., 2015 ; Steiner et coll., 2012). Des travaux suggèrent que ces interventions pourraient s’avérer plus efficaces si elles étaient davantage centrées sur les besoins des parents, et notamment sur leurs besoins d’information et de soutien (Smith, Greenberg, Mailick, 2018 ; Steiner et coll., 2012). Cette recherche confirme le besoin de communiquer plus efficacement pour soutenir les parents dont l’enfant vient de recevoir un diagnostic de TSA. L’approche de la littératie en santé constitue une piste intéressante pour mieux soutenir les parents et les professionnels qui agissent en ce sens.

Favoriser l’accès et la compréhension de l’information pour une prise de décision éclairée

Les témoignages recueillis suggèrent que plusieurs parents ne disposent pas de l’information nécessaire pour prendre des décisions éclairées en lien avec l’éducation et le soin de leur enfant. Cette étude met en lumière des obstacles manifestes pour tous les parents, mais principalement pour ceux ayant vécu une immigration récente au pays et ceux présentant un faible niveau de littératie. Pour assurer une meilleure compréhension de l’information, il est nécessaire de proposer des outils et des moyens de communication audiovisuelle qui soient complémentaires aux documents écrits. L’accompagnement et le soutien d’un professionnel qualifié s’est également imposé comme un facilitateur central dans de processus. Bien qu’Internet soit une source d’information courante, les résultats indiquent que son usage peut s’avérer problématique en raison de l’abondance des informations non validées qui s’y trouvent. La création de sources d’information crédibles sur l’autisme sur Internet qui tiennent compte des enjeux de littératie en santé est une piste de développement incontournable que devront prendre, un jour ou l’autre, les établissements de santé et de services sociaux.

D’autres pistes concrètes peuvent également être soulevées, comme de rendre l’information de qualité plus accessible au grand public ou de concevoir des outils simplifiés en coconstruction avec des personnes concernées. La sensibilisation des professionnels à la littératie en autisme est indispensable, de même que la mise en place d’un environnement favorable au développement de compétences tant chez les parents que chez les professionnels (Margat et coll., 2017). Faire appel aux outils et aux stratégies qui ont fait leurs preuves pour le développement des compétences en littératie en santé est important (Kaphingst et coll., 2012 ; Karuranga et coll., 2017).

Revoir la communication autour du diagnostic afin de diminuer le stress des parents

Une vision positive quant au futur de l’enfant autiste est associée à des niveaux de stress moins élevés dans la période entourant l’annonce du diagnostic (Crane et coll., 2016 ; Crane et coll., 2018). Les perceptions parentales concernant l’avenir de l’enfant peuvent également influencer la prise de décision à propos de leur implication et leur engagement dans les interventions et les soins apportés à l’enfant (Hebert et Koulouglioti, 2010). Les résultats de notre recherche suggèrent que les perceptions des parents sur l’avenir de leur enfant sont marquées par beaucoup d’incertitude. À cet égard, ces parents expriment le besoin de recevoir de la part des professionnels de la santé un message plus optimiste, en particulier lorsqu’ils demandent de l’information sur le pronostic de leur enfant (Hennel et coll., 2016). Ces enjeux motivationnels pourraient s’intégrer davantage dans les pratiques des professionnels visant une annonce diagnostique centrée sur la personne, mais nécessitant une réflexion nuancée (Boshoff et coll., 2019).

En effet, l’image de l’autisme est largement associée à un pronostic défavorable (Hebert et Koulouglioti, 2010b). Pourtant, le pronostic reste en réalité largement indéterminé au moment du diagnostic (Coplan, 2000). Lors de l’annonce diagnostique, les professionnels devraient s’assurer d’une bonne compréhension, dans un langage approprié. Cependant, même avec une information complète et parfaitement comprise, le parent peut y voir des aspects positifs (« le diagnostic me donne accès à des services », « le diagnostic me permet de mieux comprendre mon enfant ») et négatifs (« élever mon enfant sera difficile », « mon enfant risque d’avoir des difficultés toute sa vie »). Il ne s’agit pas pour le professionnel d’imposer une vision unique. Aussi, en plus de nuancer le pronostic et de respecter la façon dont le parent reçoit le diagnostic, le rôle du clinicien dans cette situation pourrait être de développer le pouvoir d’agir des parents, qui constitue un atout dans le développement de l’enfant (Krieger et coll., 2013). L’annonce devrait donc rendre claire la possibilité d’agir et l’accompagnement initial devrait en donner les moyens concrets au parent (Boshoff et coll., 2019).

L’information ne peut combler le besoin de soutien social

Le soutien social est un des facteurs protecteurs de la qualité de vie des parents (Ruiz-Robledillo et coll., 2014). Il se définit comme un processus d’interactions sociales et affectives qui se manifestent à travers des ressources pratiques ou psychosociales (Bozzini et Tessier, 1985). Plusieurs études mettent en lumière la nécessité d’offrir différentes formes complémentaires de soutien social aux parents (Tétreault et coll., 2014). Ainsi, il y a tout lieu de situer les besoins d’information et les besoins de soutien social dans une perspective plus large afin de mettre en lumière les diverses formes de soutien social utiles aux parents, et en particulier à ceux en situation de vulnérabilité et présentant des facteurs de risque associés à un faible niveau de littératie en santé (Crane et coll., 2018).

Sensibiliser et mieux informer sur l’autisme à différentes populations

Bien que le but de cette recherche ne fût pas d’étudier les perceptions de stigmatisation ressenties par les parents au regard des comportements et du diagnostic de leur enfant, elles ont été évoquées par plusieurs participantes. Il est démontré que l’expérience de stigmatisation est négativement liée à la santé mentale des parents d’enfants autistes (Papadopoulos et coll., 2019). Le phénomène de stigmatisation découle aussi d’un manque d’information en santé (Heidgerken et coll., 2005 ; Jensen et coll., 2016 ; Khanna et Jariwala, 2012 ; Pescosolido et coll., 2008). En ce sens, la littératie en santé des parents et celle des différents intervenants constituent un levier important pour contrer la stigmatisation de l’autisme (Kinnear et coll., 2016). Une analyse des besoins de littératie en autisme pour les individus engagés dans les différents milieux de vie de la personne autiste comme les enseignants ou les employeurs constitue une autre piste prometteuse pour de futures recherches. Même si cette recherche ne portait pas sur les personnes autistes elles-mêmes, développer ses compétences en littératie concernant l’autisme devrait être une priorité.

Limites de cette étude

Les résultats de cette étude qualitative ne peuvent être généralisés à l’ensemble des parents d’enfants autistes. D’une part parce que l’échantillon est restreint, d’autre part parce qu’il est composé de parents de la région montréalaise et principalement de mères dont les enfants ont reçu leur diagnostic d’autisme il y a moins de deux ans. Par ailleurs, cette étude réussit à rejoindre des participantes, qui, de par leurs caractéristiques socioéconomiques, sont reconnues comme étant plus difficiles à rejoindre. L’effectif de cette étude constitue donc une contribution significative aux connaissances sur cette population particulièrement vulnérable. Des travaux complémentaires de coconstruction sont nécessaires pour confirmer ces constats et évaluer nos propositions.

CONCLUSION

Informer les parents dont l’enfant vient de recevoir un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un enjeu majeur. Pour une première fois, à notre connaissance, le modèle de littératie en santé de Sorenson et coll. a été utilisé afin de mettre en lumière les besoins d’information des parents d’enfants autistes et leur recherche d’information. Nous signalons des pistes concrètes pour améliorer l’accès, la compréhension, l’interprétation et l’utilisation de l’information sur l’autisme pour la prise de décisions. Les parents doivent avoir accès à différentes formes de soutien social, et non pas exclusivement au soutien informationnel afin d’améliorer leurs compétences en littératie de la santé. Il faut revoir la communication autour du diagnostic afin de diminuer le stress des parents et penser à des stratégies ciblées pour les parents en contexte de vulnérabilité.