Abstracts
Résumé
Cet article analyse les déterminants sociaux de l’accès à la reconnaissance artistique en musique classique. Récusant les modèles théoriques naturalistes centrés sur le talent comme principe explicatif ultime de la réussite des carrières artistiques, il s’attache à mettre en évidence les conditions sociales de la consécration musicale. Ainsi, le processus de reconnaissance est étudié à travers les inégalités instrumentales qu’il suscite, lesquelles sont étroitement liées à des différenciations sociales. Après avoir mis au jour ces inégalités, qui tendent à consacrer prioritairement des interprètes d’instruments socialement sélectifs, on s’intéresse aux façons de surmonter l’absence de consécration pour des interprètes des instruments plus ouverts socialement qui sont, le plus souvent, poussés vers l’enseignement. L’étude des trajectoires de musiciens révèle ainsi les dynamiques sociales auxquelles elles sont soumises, de l’origine sociale dont dépend notamment la familiarisation précoce avec les principes du champ de la musique classique aux inégalités entre les sexes qui orientent les manières de « se faire à sa position ».
Mots-clés :
- musique,
- consécration artistique,
- division sociale du travail,
- inégalités instrumentales,
- revalorisation de l’enseignement
Abstract
This paper analyses the social determinants of access to artistic recognition in classical music. Rejecting naturalist theoretical models focused on talent as the ultimate explanatory principle of the success of artistic careers, it aims to highlight the social conditions of acclaim in music. Thus, the recognition process is studied through the instrument inequalities it creates, which are closely tied to social differentiations. After revealing these inequalities, which tend to lead mainly to the recognition of interpreters of socially selected instruments, the author examines ways used by to interpreters of instruments that are socially more open to overcome the lack of recognition they receive. More often than not, these musicians are encouraged to teach. The study of musicians’ career paths reveals the social dynamics they are subjected to, from social origin, which conditions in particular their early familiarization with the principles of classical music, to gender inequalities that shape the way in which they “accept their status.”
Keywords:
- music,
- artist recognition,
- social division of labour,
- instrument inequalities,
- revaluation of teaching
Resumen
Este artículo analiza las determinantes sociales del acceso al reconocimiento artístico en música clásica. Desafiando los modelos teóricos naturalistas centrados en el talento como principio explicativo último del éxito de las carreras artísticas, el artículo busca evidenciar las condiciones sociales de la consagración musical. Así, el proceso de reconocimiento es estudiado a través de las desigualdades instrumentales que éste suscita, las cuales se encuentran estrechamente asociadas a diferenciaciones sociales. Después de evidenciar estas desigualdades que tienden a consagrar prioritariamente a intérpretes de instrumentos socialmente selectivos, el artículo se interesa en las maneras de superar la ausencia de consagración en aquellos intérpretes de instrumentos más abiertos socialmente que son, con mayor frecuencia, empujados hacia la enseñanza. El estudio de las trayectorias de los músicos revela así las dinámicas sociales a las cuales aquellas son sometidas, del origen social del cual depende particularmente la familiarización precoz con los principios del campo de la música clásica, a las desigualdades entre sexos que orientan las maneras de “hacerse a esta posición”.
Palabras clave:
- música,
- consagración artística,
- división social del trabajo,
- desigualdades instrumentales,
- revalorización de la enseñanza
Download the article in PDF to read it.
Download
Appendices
Bibliographie
- Adenot, P. (2008), Les musiciens d’orchestre symphonique : de la vocation au désenchantement, Paris, L’Harmattan, coll. « Univers musical ».
- Augustins, G. (1991), « Le don chez les musiciens », inSegalen, M. (dir.), Jeux de famille, Paris, Presses du CNRS, p. 99-113.
- Balland, L. (2012), « Un cas d’école. L’entrée dans le métier de professeur d’une “enfant de la démocratisation scolaire” », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 191-192, p. 40-47.
- Bourdieu, P. (1975), « L’invention de la vie d’artiste », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 2, p. 67-93.
- Bourdieu, P. (1982), « Les rites comme actes d’institution », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 43, p. 58-63.
- Bourdieu, P. (1986), « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 62-63, 1986, p. 69-72.
- Bourdieu, P. (2013), Manet. Une révolution symbolique, Paris, Seuil/Raisons d’agir.
- Coulangeon, P. (1999), « Les mondes de l’art à l’épreuve du salariat. Le cas des musiciens de jazz français », revue française de sociologie, vol. 40, n° 4, p. 689-713.
- Coulangeon, P. (2004), Les musiciens interprètes en France. Portrait d’une profession, Paris, La documentation Française, ministère de la Culture et de la Communication, Département des études et de la prospective.
- Coulangeon, P. et Ravet, H. (2003), « La division sexuelle du travail chez les musiciens français », Sociologie du travail, vol. 45, n° 3, p. 361-384.
- Cueille, C. (2004), « Écoles de musique et espaces territoriaux : une relation sous tutelle », Sociologie des faits musicaux et modèles culturels, Observatoire Musical Français, n° 10, p. 3-28.
- DeNora, T. (1995), « Beethoven et l’invention du génie », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 110, p. 36-45.
- Dubois, V. (1999), La politique culturelle. Genèse d’une catégorie d’intervention publique, Paris, Belin, coll. « Socio-Histoires ».
- Dubois, V. (2013), La culture comme vocation, Paris, Raisons d’agir, coll. « Cours et travaux ».
- Dubois, V., Méon, J.-M. et Pierru E. (2009), Les mondes de l’harmonie. Enquête sur une pratique musicale amateur, Paris, Éd. La Dispute.
- Durkheim, E. (1988), Les règles de la méthode sociologique, Paris, Flammarion, coll. « Champs », [1895].
- Elias, N. (1991), Mozart, sociologie d’un génie, Paris, Le Seuil, coll. « La librairie du xxe siècle ».
- Escal, F. et Rousseau-Dujardin, J. (1999), Musique et différence des sexes, Paris, L’Harmattan.
- Fleuriel, S. (2004), « De la vocation artistique à la précarité : devenir professeur de danse jazz », Sociologie de l’art, n° 4, p. 137-157.
- Ganvert, G. (1999), L’enseignement de la musique en France. Situations, problèmes, réflexion, Paris, L’Harmattan, coll. « Sciences de l’éducation musicale ».
- Gerbod, P. (1980), « L’institution orphéonique en France du xixe au xxe siècle », Ethnologie Française, vol. 10, n° 1, p. 27-44.
- Godechot, O. (2010), « Pierre-Michel Menger, Le travail créateur. S’accomplir dans l’incertain », Sociologie, vol. 1, n° 1.
- Gumplowicz, P. (2001 [1987]), Les travaux d’Orphée. Deux siècles de pratique musicale en France (1820-2000), Paris, Aubier.
- Lahire, B. (1995), Tableaux de famille. Heurs et malheurs scolaires en milieux populaires, Paris, Gallimard, coll. « Hautes Études ».
- Lehmann, B. (2005), L’orchestre dans tous ses éclats. Ethnographie des formations symphoniques, Paris, La Découverte, coll. « Sciences humaines et sociales ».
- Lenoir, R. (1979), « Notes pour une histoire sociale du piano », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 28, p. 79-82.
- Leterrier, S.-A. (1999), « Musique populaire et musique savante au xixe siècle. Du “peuple” au “public” », Revue d’histoire du xixe siècle, n° 19, p. 89-103.
- Lizé, W., Naudier, D. et Roueff, O. (2011), Intermédiaires du travail artistique. À la frontière de l’art et du commerce, Paris, La documentation Française.
- Mauger G., Poliak C. et Pudal B., Histoires de lecteurs, Paris, Nathan, 1999.
- Mauger, G. (2006), « Le capital spécifique », in Mauger, G. (dir.), L’accès à la vie d’artiste. Sélection et consécration artistiques, Bellecombe-en-Bauges, Le Croquant, p. 237-253.
- Menger, P.-M. (2001), Le paradoxe du musicien. Le compositeur, le mélomane et l’État dans la société contemporaine, Paris, l’Harmattan, coll. « Logiques sociales ».
- Menger, P.-M. (2002a), « Le génie et sa sociologie. Controverses interprétatives sur le cas de Beethoven », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 57, n° 4, p. 967-999.
- Menger, P.-M. (2002b), Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme, Paris, Le Seuil, coll. « La République des idées ».
- Menger, P.-M. (2009), Le travail créateur. S’accomplir dans l’incertain, Paris, Gallimard-Seuil, coll. « Hautes Études ».
- Menger, P.-M. (2010), « À quelles conditions peut-on créer ? Entretien avec Pierre François », Critique, n° 761, p. 852-864.
- Merton, R. K. (1968), « The Matthew Effect in Science », Science, vol. 159, n° 3810, p. 56-63.
- Monnot, C. (2012), De la harpe au trombone. Apprentissage instrumental et construction du genre, Rennes, PUR, coll. « Le sens social ».
- Morinière, T. (2007), « Les petites voies de la chanson de variétés. La révélation du charisme du chant et la démocratisation de la vocation d’interprète », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 168, p. 68-81.
- Pégourdie, A. (2012), « Effets de génération dans le rapport au métier des intermittents en musique classique », inChantegros S., Orange S., Pégourdie A. et Rougier C. (dir.), La fabrique biographique, Limoges, Pulim, coll. « Sociologies et Sciences sociales », p. 145-161.
- Pégourdie, A. (2013), Les provinces de la musique. Pratiques professionnelles, trajectoires et rapport au métier des instrumentistes classiques limougeauds, Limoges, Université de Limoges, Thèse de doctorat de sociologie.
- Pégourdie, A. (2015), « L’« instrumentalisation » des carrières musicales. Division sociale du travail, inégalités d’accès à l’emploi et renversement de la hiérarchie musicale dans les conservatoires de musique », Sociologie, vol. 6, n° 4, p. 321-337.
- Ravet, H. (2003), « Professionnalisation féminine et féminisation d’une profession : les artistes interprètes de musique », Travail, genre et sociétés, n° 9, p. 173-195.
- Ravet, H. (2006), « L’accès des femmes aux professions artistiques. Un double droit d’entrée dans le champ musical », in Mauger, G. (dir.), L’accès à la vie d’artiste. Sélection et consécration artistiques, Bellecombe-en-Bauges, Le Croquant, p. 161-176.
- Rosen, S. (1981), « The Economics of Superstars », The American Economic Review, vol. 71, n° 5, p. 845-858.
- Sapiro, G. (2007), « La vocation artistique entre don et don de soi », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 168, p. 4-11.
- Schotté, M. (2012), La construction du « talent ». Sociologie de la domination des coureurs marocains, Paris, Raisons d’agir, coll. « Cours et travaux ».
- Schotte, M. (2013), « Le don, le génie et le talent. Critique de l’approche de Pierre-Michel Menger », Genèses, n° 93, p. 144-164.
- Sorignet, P.-E. (2004a), « Un processus de recrutement sur un marché du travail artistique : le cas de l’audition de danse contemporaine », Genèses, n° 57, p. 64-88.
- Sorignet, P.-E. (2004b), « Sortir d’un métier de vocation : le cas des danseurs contemporains », Sociétés contemporaines, n° 56, p. 111-132.
- Suaud, C. (1978), La vocation. Conversion et reconversion des prêtres ruraux, Paris, Minuit, coll. « Le sens commun ».
- Teillet, P. (2003), « Publics et politiques des musiques actuelles », inDonnat, O. et Tolila, P. (dir.), Le(s) public(s) de la culture, Paris, Presses de Sciences Po, p. 155-180.
- Wagner, I. (2004), « La formation des violonistes virtuoses : les réseaux de soutien », Sociétés contemporaines, n° 56, p. 133-163.
- Weber, M. (1995), Économie et société. Tome 1. Les catégories de la sociologie, Paris, Plon, coll. « Agora les classiques », [1922].