C’est une question très intéressante. Je sais précisément comment c’est arrivé. Et c’est lié à la direction que mes recherches ont fini par prendre. Il y avait de nombreux cours obligatoires lorsque j’étais étudiante de premier cycle au Brooklyn College (CUNY, City University of New York). Il fallait suivre plus de deux ans de cours d’histoire, de littérature, de philosophie, de sciences sociales, de sciences et d’art. Le premier cours qui m’a vraiment passionnée — je crois que c’était durant mon deuxième trimestre — était un cours de science politique. Pourquoi ? Parce qu’on y parlait de justice, de liberté, d’égalité, de démocratie et des défis liés à la création d’une société juste. J’ai donc décidé de faire une majeure en science politique et une mineure en philosophie. Au départ, je n’étais pas une très bonne étudiante. J’étais encore très jeune. Je ne me rendais pas compte que l’université différait du secondaire. Au secondaire, je pouvais me permettre de ne pas travailler très fort ; à l’université, ça ne fonctionnait plus. Durant mon premier trimestre, mes notes n’étaient pas excellentes. J’ai dû redoubler d’efforts. Un de mes cours obligatoires portait sur l’histoire de l’Europe. Il était enseigné par un professeur qui avait la réputation d’être très sévère et très exigeant. On ne pouvait pas se présenter à ses cours sans être préparé. S’il vous interrogeait et que vous n’étiez pas en mesure de répondre, il vous enlevait des points. Vous aviez cinq chances. Lorsque j’ai compris que tout irait bien si je lisais les textes au programme, j’ai décidé de suivre le plus de cours possible avec ce professeur. J’ai appris à faire mon travail et, lentement mais sûrement, je suis devenue une très bonne étudiante. En dernière année, mes résultats étaient assez élevés pour obtenir le titre d’honor student en science politique. Les étudiants ayant reçu cette marque de reconnaissance avaient accès à un séminaire de spécialisation sur l’épistémologie des sciences sociales. Nous étions une dizaine de personnes ainsi rassemblées pour réfléchir à la manière dont on acquiert des connaissances sur la politique. Et j’ai adoré. C’était ma philosophie : non pas simplement déblatérer sur la liberté ou l’inégalité, mais se pencher sur la manière dont on peut acquérir des connaissances à propos de ces choses. J’ai décidé à ce moment que c’était le genre de travail que je souhaitais faire dans la vie. Je voulais obtenir un doctorat, puis devenir professeure, et ce, bien que tous les enseignants extraordinaires que j’ai eus au Brooklyn College étaient des hommes : Martin Landau (1921-2004) en science politique, Emmett Larkin (1927-2012) en histoire, et John Hospers (1918-2011) en philosophie. C’est Martin Landau qui m’a conseillée dans mon choix d’université pour les études supérieures. Selon lui, je devais faire une demande d’admission à l’Université de Chicago, car il s’agissait du meilleur endroit pour étudier la philosophie politique et la théorie politique. Leo Strauss (1899-1973) était responsable de la philosophie politique, et David Easton (1917-2014) de la théorie politique. Strauss donnait des séminaires sur Aristote, qui s’inscrivaient en parallèle de ceux d’Easton sur Weber. Je me suis donc inscrite au Département de science politique de l’Université de Chicago. Mais je me suis rapidement prise d’aversion pour Strauss et sa clique. Il fallait lire le grec pour pouvoir étudier avec lui, ce qui n’était pas mon cas. Comme je n’avais pas envie d’étudier cette langue, je ne pouvais pas faire partie de son cercle. Par contre, j’ai étudié avec Easton. C’est lui qui m’a initiée à la sociologie. Ses cours portaient toujours sur la théorie. Dans ses séminaires, j’ai lu ligne par ligne …
Appendices
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