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S'amuser avec les imagesRevue Projections, numéro 35 : s’amuser avec les images, janvier 2014, 124 p.[Record]

  • Rémy Besson

Début 2014, la revue du réseau d’action culturelle cinématographique Passeurs d’images intitulée Projections a consacré son trente-cinquième numéro au fait de s’amuser avec les images. Il rend ainsi compte d’une tendance actuelle, qui, des usages créatifs des réseaux sociaux à l’émergence d’un art audiovisuel en ligne en passant par le mouvement Do it yourself et la multiplication des Fablabs, replace les individus au centre de la fabrique des images et des imaginaires. Ce choix est, en soi, intéressant dans un paysage socioculturel français dans lequel l’éducation aux images rime bien souvent avec critique des mass médias (Arrêt sur images, Le Monde diplomatique, etc.). L’idée résumée par l’artiste Michaël Borras est que dans ce domaine en particulier on « parle trop rarement du web de manière positive » (p. 55). Le traitement du thème est également original, car l’idée d’amusement conduit aussi les auteurs du numéro à éviter des sujets strictement cinéphiles. En effet, la seconde tradition française dans le domaine revient encore à poser comme un préalable rarement questionné, l’idée que le cinéma digne d’intérêt est celui fait par des auteurs. Enfin, ce numéro sort la question de la technique – puisqu’il s’agit bien ici de s’interroger sur la place du numérique –, de la problématique de l’acquisition de compétences nouvelles. Bien souvent prise entre réception critique et approche artistique, la manipulation des outils liés à la production d’images (de la caméra aux logiciels de montage, du pinceau à la publication assistée par ordinateur) est considérée uniquement dans sa dimension instrumentale (elle est au service de ce qui compte vraiment, une idée ou un message). Au contraire, sans a priori technophile, ni présupposés technophobes, ce numéro questionne ce qu’une nouvelle technique change à la pratique contemporaine des images. Basée sur de solides références allant d’Henry Jenkins à Lev Manovich pour ce qui est des chercheurs anglo-saxons, en passant par André Gunthert et Bernard Stiegler en France, chacune des trois parties qui composent ce dossier est finement introduite par Thomas Stoll. Il s’agit à chaque fois d’identifier de nouveaux usages du cinéma, des changements de statut (du spectateur au spect-acteur, par exemple) et l’émergence de nouvelles notions. Ainsi, l’idée d’immersion (Mathieu Triclot et Jean-Jacques Gay), le concept de transmédia (Mélanie Bourdaa), le principe d’interactivité (Brice Roy, Émilie Brout et Maxime Marion), sont-ils tour à tour interrogés. Il s’agit de percevoir des phénomènes d’hybridation entre cinéma et jeux vidéo, entre télévision et web, entre système de projection/la salle de cinéma et écran mobile/les tablettes, entre caméra professionnelle et capteur intégré à un téléphone portable. Au-delà du mythe d’une convergence des médias aboutissant à une forme la plus adaptée car la plus immersive, les auteurs s’attachent à décrire des dispositifs technologiques singuliers, tentant de s’adapter à des habitudes préexistantes (se rendre cinéma, assister à un spectacle, pratiquer un jeu, etc.). Michel Reilhac et Pierre Cathan reviennent ainsi sur la mise en place de la plateforme contributive Cinemacity, qui propose aux possesseurs de téléphone intelligent de consulter des extraits de films in situ lors de déambulations dans Paris. La réalisatrice Laetitia Masson explique comment sa première expérience dans le domaine du webdocumentaire l’a conduit à repenser le rôle du spectateur. Il a, écrit-elle, « la possibilité matérielle par les outils numériques de faire son propre montage ou son propre voyage dans le film » (p. 24). Dans la suite du dossier la figure de l’amateur est placée au centre de l’investigation, à travers l’étude des notions de mashup (Michaël Bourgatte), de remix (Laurence Allard), de sampling (Y-NA et BAC). Le mashup, ce « réseau de concordances matérielles et symboliques entre …

Appendices