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Baltasar Garzón et les disparus du franquisme[Record]

  • Claudio Tognonato

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  • Claudio Tognonato

  • traduction
    Isabelle Massol

Le juge Baltasar Garzón — qui a poursuivi devant la justice les putchistes argentins et Pinochet — a été relevé de ses fonctions et mis dans l’impossibilité d’enquêter sur les crimes de la dictature espagnole ainsi que sur les 136.000 disparus non combattants, et s’est réfugié en Argentine où il témoigne dans un procès sur les méfaits franquistes. En Espagne, la tentative du désormais ex-juge espagnol, Baltasar Garzón, d’intenter un procès pour juger les crimes franquistes s’est heurtée à des institutions qui, aujourd’hui encore, refusent de faire la lumière sur l’histoire du pays. Pour les magistrats et pour le gouvernement de Mariano Rajoy l’affaire est close et rouvrir la plaie ne sert à rien. Au nom de la pacification, les institutions revendiquent l’amnistie proclamée en 1977 après la mort de Francisco Franco. Comme l’histoire le montre, toute dictature qui se respecte se conclut par une amnistie générale. En 2008 Garzón avait reçu, de la part des proches des victimes et des associations pour la mémoire, une liste comprenant les noms de 143.353 hommes et femmes que le franquisme avait fait disparaître entre 1936 et 1975. La réponse immédiate de l’Audiencia Nacional, qui l’a accusé de prévarication et radié de la magistrature pour avoir ouvert une enquête sans en avoir les compétences, a montré à quel point la blessure de la guerre civile espagnole est encore à vif. Garzón a ensuite été acquitté et sa suspension révoquée, mais immédiatement après, le 9 février 2012, il fut condamné à une interdiction d’exercer, pour une durée de onze ans, pour avoir réalisé illégalement des écoutes de conversations entre les détenus et leurs avocats lors du cas Gürtel. Selon Izquierda Unida (Iu) cela a été un véritable lynchage politique. Il a été expulsé de la magistrature pour avoir découvert un réseau de corruption dans lequel est impliqué le Partido Popular (PP) et y compris le premier ministre Mariano Rajoy. Cependant, la destitution de Garzón n’a pas mis fin aux enquêtes parlementaires, qui continuent à révéler les détails des pots-de-vin au cœur desquels se trouve Bárcenas, trésorier du PP. Une fois relevé de ses fonctions, le juge, universellement connu pour ses enquêtes qui avaient conduit, en 1998, à l’arrestation du dictateur chilien Augusto Pinochet pendant qu’il séjournait à Londres et avaient rendue possible l’idée d’une justice mondiale, a décidé de quitter l’Espagne et de s’installer en Argentine. Pourquoi ? L’histoire de Garzón et celle de l’Argentine s’étaient entrecroisées à plusieurs reprises. En 2003, Néstor Kirchner est devenu président et a décidé de faire des droits humains la politique principale de son gouvernement. Lors d’un discours historique aux Nations Unies il s’est déclaré « fils des Mères de la Place de Ma », puis les normes qui imposaient l’impunité et rendaient impossibles de nouveaux procès ont été abrogées. Depuis 2003 des centaines de procès ont été ouverts et de nombreux militaires ont été condamnés alors que d’autres continuent à être mis en cause dans des procès concernant la dictature militaire (1976-83) et ses milliers de morts, ses réfugiés et ses 30.000 desaparecidos. Durant la période où les procès étaient bloqués en Argentine, Garzón avait entrepris, en Espagne, des actions internationales pour juger les militaires argentins. Dans un premier temps, les accusés ne pouvaient pas sortir du pays car Interpol avait émis un mandat d'arrêt international, puis ils ont été jugés par la magistrature argentine elle-même. L’un d’eux pourtant s’est rendu en Espagne et a été arrêté par Garzón. A partir de là, Adolfo Scilingo, connu pour avoir avoué qu’il avait participé aux vols de la mort lors desquels les desaparecidos étaient jetés vivants en …