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Précis de photographie à l'usage des sociologues de Sylvain Maresca et Michaël MeyerSylvain Maresca, Michaël Meyer, Précis de photographie à l’usage des sociologues, Rennes, PU Rennes, coll. « Didact sociologie », 2013, 109 p.[Record]

  • Rémy Besson

Aux États-Unis, depuis la fin des années 1990, la sociologie visuelle (Visual Sociology) constitue un champ de recherche à part entière. Celui-ci possède ses institutions : revue universitaire, association, conférence annuelle et parcours universitaire. De plus, comme le rappellent Sylvain Maresca et Michaël Meyer, six manuels universitaires ont été publiés sur le sujet entre 1998 et 2001. L’objet du Précis de photographie à l’usage des sociologues – sous-entendu francophones – est donc, avant tout, un transfert de connaissances depuis une aire culturelle vers une autre. Il est entendu que, traditionnellement, ce champ se divise en deux sous-spécialités, la sociologie sur les images et la sociologie avec les images. La première porte sur l’analyse de sources et d’objets visuels partagés au sein d’une culture donnée, alors que la seconde s’intéresse aux prises de vue effectuées par les chercheurs. Il s’agit alors de considérer la photographie comme un « mode approprié d’enregistrement des données empiriques nécessaires à l’étude » (p. 13). Depuis une quinzaine d’années, une troisième spécialisation entre en émergence : la sociologie en image. Celle-ci est liée à la popularisation des outils numériques en général et à l’essor du web en particulier. Plus réflexive, cette manière de faire conduit à s’interroger sur la place des images dans les modes de communication des résultats de recherche. Très stimulante, cette tendance, qui s’inscrit à la suite de l’usage du cinéma en anthropologie, est encore peu développée en France. L’écrit constitue toujours la manière la plus valorisée pour partager ses travaux. Il était donc difficile de proposer un ouvrage de synthèse sur le sujet. A l’opposé, c’est la sociologie de la culture visuelle (la première sous-spécialisation) qui a suscité un intérêt plus vif (sans, pour autant, être véritablement institutionnalisée). L’ouvrage de synthèse aurait alors été difficile à réaliser pour la raison inverse (abondance d’objets, toujours à la limite de « l’emballement », p. 21). Bien que largement pratiquée, la production d’images par les chercheurs en sciences sociales et humaines reste, elle, tout aussi largement non-théorisée. Les étudiants et les jeunes chercheurs qui s’intéressent à ce domaine se retrouvent ainsi (dans l’espace francophone) face à un relatif vide méthodologique. En somme, il existe des études de cas, parfois brillantes, mais pas véritablement de synthèse qui viendrait mettre en perspective l’état de la recherche. Comme les deux auteurs l’indiquent en introduction, « une forme de désintérêt » pour ces problématiques persiste (p. 7). Le Précis… vise à combler ce manque. Maresca et Meyer posent ainsi, dans un premier chapitre historiographique, que si des précurseurs ont existé et si de nombreuses recherches sont menées actuellement, il est ainsi difficile de voir un champ singulier apparaître en France. Ce sentiment est redoublé dans le cadre de cet ouvrage, car Maresca et Meyer ont fait le choix de focaliser leur intérêt sur des pratiques liées aux images fixes, là où les chercheurs les plus visibles s’interrogent actuellement sur les images en mouvement et sur les technologies et les usages du numérique. Ce choix est pertinent, car il permet de circonscrire précisément un corpus d’analyse et un outil, la photographie, en particulier. La réalisation d’images lors d’une enquête qualitative avec « un long séjour dans le monde social étudié » est alors prise comme modèle (p. 14). Les images sont ainsi considérées comme étant pertinentes afin de mener une microsociologie des interactions (communication non verbale, relation à l’espace…), pour observer la culture matérielle, ainsi que « les changements urbains et la gentrification » (p. 41-42). Au-delà des images, le geste photographique est présenté comme un moyen d’entrer en contact et de s’intégrer au groupe observé. Il permet …

Appendices