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Les minorités sexuelles et les enjeux de santé

Plusieurs recherches menées depuis la fin des années 1970 ont constaté des prévalences élevées de plusieurs problèmes de santé parmi les minorités sexuelles[1] (Meyer et Northridge, 2007; Shankle, 2006). Des enquêtes populationnelles récentes ont confirmé plusieurs de ces observations initiales (Julien et Chartrand, 2005; Steele et al., 2009; Brennan et al., 2010). Ainsi, selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCCTjepkema, 2008), les personnes de minorités sexuelles rapportent des niveaux de troubles de l’humeur ou de troubles anxieux supérieurs à ceux de la population hétérosexuelle. Ces résultats convergent avec ceux de plusieurs études faisant état des difficultés rencontrées sur le plan de la santé mentale, notamment l’anxiété et la dépression ainsi que les idéations et les tentatives suicidaires (Paul et al., 2002; Meyer, 2003; Meyer et Northridge, 2007). Les enjeux entourant l’acceptation personnelle, familiale et sociale des orientations sexuelles minoritaires de même que ceux liés à l’homophobie et à la stigmatisation peuvent aussi influer sur la santé mentale (Burgess et al., 2007; Berg et al., 2008). La consommation d’alcool et de drogues est aussi plus présente dans cette population (Trocki et al., 2005; Ruf et al., 2006; Meyer et Northridge, 2007). Il faut également rappeler les répercussions du VIH/sida et des autres infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), qui ont durement touché les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) depuis le début de l’épidémie (Agence de la santé publique du Canada, 2010; Institut national de la santé publique du Québec, 2011).

Les recherches montrent par ailleurs qu’à ces enjeux de santé s’ajoutent des lacunes dans les services de santé offerts et des obstacles dans l’accès aux services, ce qui contribue à la reproduction d’inégalités en santé au détriment des minorités sexuelles (Institute of Medecine, 2011). Des études menées aux États-Unis ont révélé le caractère hétérosexiste[2] et la normativité sexuelle des services de santé. Des usagers des services rapportent des attitudes homophobes ou transphobes[3], voire des comportements d’hostilité et de discrimination à leur endroit, ce qui les amène à ne pas utiliser les services de santé disponibles ou à dissimuler les informations quant à leur orientation sexuelle ou à leur identité de genre (Boehmer, 2002; Gotbaum, 2008).

Cette situation s’observe aussi au Canada où, en dépit des lois concernant l’accès universel aux services de santé, des inégalités majeures ont été constatées. Plusieurs travaux ont montré que les populations LGBT déclarent avoir des besoins de soins de santé non satisfaits ou être confrontées à l’homophobie et à l’hétérosexisme des professionnels de la santé (Brotman et Ryan, 2000; Banks, 2003; Daley, 2006). À cet égard, selon les données de l’ESCC, « les taux de consultation d’un médecin de famille et les chances d’avoir subi un test Pap sont plus faibles chez les lesbiennes que chez les femmes hétérosexuelles. Les personnes bisexuelles déclarent un plus grand nombre de besoins de soins de santé insatisfaits que leurs homologues hétérosexuels » (Tjepkema, 2008, p. 1). De même, l’occultation des réalités trans sur les plans informationnel et institutionnel engendre une série d’obstacles à l’obtention de soins adéquats pour les personnes transsexuelles et transgenres (Bauer et al., 2009).

Par ailleurs, diverses recherches font état d’importantes lacunes dans la formation des professionnels de la santé, et ce, malgré l’existence de guides de soins de santé primaires auprès des LGBT[4] (Barbara et al., 2007; Makadan et al., 2008; Sherbourne Health Centre, 2009; Association des médecins gays, 2011). Ainsi, aux États-Unis et au Royaume-Uni, plusieurs études ont relevé, chez les médecins, un manque de connaissances à propos de la santé des minorités sexuelles qui se combine parfois avec des croyances erronées et des préjugés, qui ne sont pas sans influer sur les traitements médicaux administrés (Hinchliff et al., 2005; Barbara et al., 2007; Makadan et al., 2008; Ard et al., 2012). Une enquête menée en Colombie-Britannique indique que la majorité des médecins participants ont rarement ou jamais accès à du soutien professionnel pour les questions relatives à la santé de leurs patients HARSAH (Living Positive Resource Center, 2008). La formation et les attitudes des autres intervenants (psychologues, infirmières, bénévoles, etc.) à l’égard des minorités sexuelles n’ont pas fait l’objet de recherches en profondeur, mais les indications disponibles suggèrent qu’elles ne présentent pas d’écarts significatifs avec celles des médecins (Gotbaum, 2008). L’Association canadienne des écoles de service social s’est toutefois montrée innovatrice à cet égard en développant, dès 2001, une politique d’évaluation des facultés universitaires quant à la formation des professionnels à propos de l’homophobie (ACCESS, 2001).

La situation québécoise

À ce jour, aucune recherche exhaustive n’a été menée sur l’adaptation des services sociaux et de santé offerts aux minorités sexuelles dans le contexte québécois. Selon les quelques études disponibles, l’appartenance à une minorité sexuelle constitue toujours un obstacle dans l’accès à des soins de santé de qualité. Beaucoup de personnes LGBT hésitent encore à parler de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle aux intervenants des établissements de la santé et des services sociaux alors que les services présument d’emblée de leur hétérosexualité (Brotman et al., 2002; Mimeault, 2003). Malgré les quelques initiatives déployées pour améliorer l’accès aux services, ces résultats de recherche soulèvent l’hypothèse d’un contexte québécois encore insuffisamment adapté aux réalités des personnes des minorités sexuelles.

En 1994, le rapport De l’illégalité à l’égalité, publié par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), recommandait au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) la mise en place de 17 pistes d’interventions multisectorielles concernant principalement l’accès à des services adaptés, la formation et la sensibilisation des intervenants du réseau, la situation des lesbiennes et des jeunes appartenant à une minorité sexuelle, ainsi que la problématique du VIH/sida. Ces recommandations ont donné lieu à la publication d’orientations ministérielles (MSSS, 1997) dont la mise en application est demeurée toutefois limitée. À titre d’exemple, deux formations spécifiques offertes par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) – Pour une nouvelle vision de l’homosexualité et Adapter nos interventions aux réalités homosexuelles – ont été dispensées depuis à plus de 18 000 membres du personnel oeuvrant dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Avec la publication du rapport De l’égalité juridique à l’égalité sociale (CDPDJ, 2007), plusieurs recommandations ont de nouveau été formulées au MSSS, notamment celles d’assurer « la promotion de services adaptés et ouverts aux réalités des personnes de minorités sexuelles et aux familles homoparentales afin d’instituer un accueil adéquat à l’intérieur du réseau de la santé et des services sociaux » (CDPDJ, 2007, p. 72). C’est également en continuité avec les recommandations de ce rapport que le Gouvernement du Québec a adopté en décembre 2009 une Politique québécoise de lutte contre l’homophobie, dont une des orientations stratégiques est de favoriser l’adaptation des services publics, notamment dans le réseau de la santé et des services sociaux, afin de répondre aux besoins des minorités sexuelles. Le Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie (ministère de la Justice, 2011, p. 11), adopté en mai 2011, reprend essentiellement la même orientation et propose plusieurs pistes d’action, telles que définir des lignes directrices pour l’adaptation des services.

Pour sa part, le CSSS Jeanne-Mance, dans son Pland’action local en santé publique 2010-2015 (2010, p. 46), s’est donné comme objectif d’adapter des activités de prévention et de promotion pour des groupes pouvant connaître des risques plus élevés en matière de santé (femmes, communautés lesbienne, gai, bisexuelle, transsexuelle, immigrants). L’atteinte de cet objectif passe entre autres par une meilleure connaissance des enjeux de santé particuliers concernant ces groupes ainsi que par le soutien aux travaux du Comité sur la santé des minorités sexuelles (CSDMS), dont le mandat est entre autres de sensibiliser et former le personnel ainsi que de faire la promotion de pratiques respectueuses et adaptées aux réalités de différentes communautés.

Objectifs de la recherche

C’est dans ce contexte que s’inscrit cette recherche sur l’évaluation des services du CSSS Jeanne-Mance, conceptualisée en collaboration avec le CSDMS[5], l’équipe Sexualités et genres : vulnérabilité et résilience (SVR) de l’UQAM, la direction de l’enseignement et de la recherche du CSSS et le Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté (CREMIS). Les objectifs généraux de la recherche sont: a) de documenter les pratiques déjà développées par le personnel du CSSS Jeanne-Mance amené à offrir des services aux minorités sexuelles; b) de recueillir l’opinion de professionnels de la santé du CSSS et d’intervenants communautaires au sujet de l’adaptation des services; c) de déterminer les différences quant à l’adaptation des services pour chacun des sous-groupes parmi les LGBT; d) de mesurer l’adéquation des services offerts avec les besoins spécifiques de ces populations; e) de formuler des recommandations pour améliorer les services et la formation du personnel. Cet article présente les résultats de la phase I[6] de cette recherche-action participative (objectifs a, b et c).

Cadre conceptuel

Cette recherche privilégie une approche qui s’élabore autour du concept d’équité en matière de santé. Mulé et al. (2009) présentent un cadre intégrateur pour l’exploration des diverses formes d’inégalités auxquelles peuvent être confrontées les minorités sexuelles, incluant les facteurs individuels, organisationnels et sociaux qui peuvent ultimement nuire à l’accès et à l’utilisation des services sociaux et de santé. Dans ce cadre, les services de santé sont examinés sous l’angle des discriminations systémiques (préjugés, invisibilité de certains groupes comme les lesbiennes [Mimeault, 2003], manque de connaissances du personnel, etc.) et des vulnérabilités individuelles (isolement, santé mentale, etc.).

Une autre approche sert de référence pour le cadre conceptuel de cette étude. L’approche centrée sur le patient et la dialogique de la communication professionnelle en santé identifie des techniques de communication (p.ex. choisir des questions ouvertes, clarifier, reformuler, refléter, résumer) en lien avec les dimensions du contenu et de la relation dans l’interaction entre les usagers et les intervenants. Ainsi, l’approche Calgary Cambridge identifie les six étapes de la consultation, du début à la fin de l’entrevue. La première étape est l’établissement du premier contact ou l’accueil (salutations, précision des rôles, respect et intérêt, confort du patient). Dans la construction de la relation, une des étapes les plus importantes, l’approche suggère des techniques pour l’établissement d’une relation chaleureuse et harmonieuse (aucun jugement, empathie, soutien, délicatesse) et l’association du patient à la démarche clinique (réflexions cliniques partagées, explication du déroulement d’un traitement, etc.) (Richard et Lussier, 2005). Les guides de soins de santé primaires auprès des LGBT abordent notamment la spécificité de l’accueil pour les LGBT. À titre d’exemple, on souligne l’importance de créer un environnement favorable par des signes d’ouverture aux minorités sexuelles (affiches, dépliants ou autres supports d’information), d’utiliser des termes adéquats (p.ex. partenaire plutôt que copain ou copine), de ne pas présumer de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre et de sensibiliser le personnel aux besoins spécifiques des sous-groupes parmi les LGBT, dans le cas des transgenres ou transsexuelles par exemple, le respect du choix du prénom masculin ou féminin (Barbara et al., 2007; Makadan et al., 2008; Sherbourne Health Centre, 2009; Action santé travesti(e)s transsexuel(le)s et du Québec (ASSTeQ, 2012 a et b).

Méthodologie

Le CSSS Jeanne-Mance, situé au centre-ville de Montréal, est né du regroupement en 2004 du Centre local de services communautaires (CLSC) des Faubourgs, du CLSC du Plateau Mont-Royal, du CLSC Saint-Louis-du-Parc et de huit centres d’hébergement. La population qu’il dessert est évaluée à environ 140 000 personnes et le territoire couvert inclut un quadrilatère qui englobe le Village gai de Montréal où se trouvent presque tous les établissements commerciaux de la communauté LGBT, ainsi que la très grande majorité des organismes communautaires. Étant donné le contact privilégié du personnel du CSSS avec ces populations, on peut supposer qu’il s’agit d’un des rares endroits au Québec où des pratiques adaptées aux besoins spécifiques de ces populations ont été développées. Comme tous les CSSS au Québec, le CSSS Jeanne-Mance doit s’acquitter de son mandat en matière de responsabilité populationnelle, c’est-à-dire assurer une vigie des besoins des populations présentes sur son territoire et voir à y répondre au CSSS même ou au sein du réseau local de services.

Le projet d’évaluation des services du CSSS Jeanne-Mance a été amorcé à l’été 2011 grâce à une bourse accordée pour une période de deux ans à Jean Dumas, stagiaire postdoctoral du programme 4P (promotion, prévention et politique publique) du Réseau de recherche en santé des populations du Québec. Il s’agit d’une recherche-action participative, telle que définie par Gélineau et al. (2009, p. 36). La problématique, les objectifs et la méthodologie de la recherche ont fait l’objet de discussions entre le CSDMS et le chercheur depuis le tout début du projet. De plus, la présence du chercheur principal pendant les réunions mensuelles du comité a favorisé une appropriation collective du processus de la recherche, y compris la mise au point des outils de collecte de données de même que l’analyse et l’interprétation des résultats.

Une fois les approbations des comités d’éthique de la recherche du CSSS Jeanne-Mance et de l’UQAM obtenues, il était nécessaire, pour la première phase de cette recherche et faute de documents suffisamment explicites, de s’entretenir avec des experts sur les questions de l’offre de services au CSSS. La méthode des entretiens avec des informateurs clés a alors été privilégiée. Il s’agit d’entretiens exploratoires, car le nombre limité de personnes rencontrées n’a pas permis une saturation du contenu à propos de l’opinion de l’ensemble des catégories de professionnels. Au total, 20 personnes ont été invitées à s’exprimer sur les thèmes de la recherche entre janvier et juin 2012 lors de rencontres d’une durée de 60 à 90 minutes (entretiens individuels semi-dirigés et groupes de discussion). Les participants ont été recrutés à partir d’un premier contact téléphonique suivi d’un courriel et d’une lettre d’invitation.

Une série de six entrevues individuelles a d’abord été menée avec des professionnels du CSSS Jeanne-Mance travaillant dans plusieurs programmes : santé mentale (psychologie), lutte aux ITSS (soins infirmiers, travail social, sexologie et direction des services) et organisation communautaire. Un premier entretien de groupe a ensuite été réalisé avec trois intervenants oeuvrant auprès des jeunes en difficulté (travail social et médecine). Par la suite, quatre entrevues ont eu lieu avec des intervenants d’organismes communautaires, lesquels sont souvent amenés à collaborer avec le CSSS Jeanne-Mance. Les intervenants rencontrés travaillent au sein d’organismes offrant des services à plusieurs sous-groupes parmi les minorités sexuelles : les HARSAH, les lesbiennes, les personnes transgenres et les jeunes LGBT.

Un second entretien de groupe a par la suite été réalisé avec sept membres du CSDMS. Toujours dans la perspective de la recherche-action participative, l’objectif visé par cette rencontre était d’amorcer une discussion sur l’analyse des entrevues. Ce processus a permis d’assurer une première validation des données par ces autres professionnels du CSSS. Après leur transcription, une analyse de contenu thématique (Paillé et Mucchielli, 2003) a été réalisée à l’aide du logiciel NVivo (QSR, version 8, 2008) afin d’identifier les grandes catégories thématiques.

Résultats

L’analyse de contenu des entretiens individuels et des groupes de discussion a permis d’identifier cinq grandes catégories thématiques soit les pratiques spécifiques déjà développées pour mieux répondre aux besoins des personnes LGBT, les interactions entre les professionnels et les usagers, les enjeux liés à l’implantation de programmes ou de services spécialisés pour les populations vulnérables, les besoins particuliers parmi les LGBT et les barrières institutionnelles dans l’accès et l’utilisation des services sociaux et de santé qui concernent tous les usagers, y compris les minorités sexuelles.

Les pratiques spécifiques déjà développées

L’expression « pratiques spécifiques » désigne un ensemble d’actions mises en oeuvre pour que les services sociaux et de santé offerts par le CSSS Jeanne-Mance répondent mieux aux besoins des personnes LGBT. Selon les interviewés, la première pratique spécifique, et sans doute la plus importante, est le soutien du CSSS Jeanne-Mance au CSDMS. Créé en 2005, le comité a été reconnu officiellement dans le Plan d’action local en santé publique 2010-2015. Cette reconnaissance permet notamment de dégager du temps pour les intervenants qui participent aux rencontres mensuelles et d’offrir le soutien nécessaire à la réalisation de leur plan d’action. Depuis 2005, le comité organise des formations ponctuelles à l’interne, une seconde pratique spécifique au sein du CSSS. L’une d’entre elles est une version abrégée, sous forme d’atelier, de la formation offerte par l’INSPQ : Pour une nouvelle vision de l’homosexualité. Par ailleurs, dans leur plan d’action 2011-2012, les membres du comité ont convenu de retenir la thématique des personnes transgenres. En collaboration avec ASTT(e)Q, une formation a été offerte en mai 2012 sur les réalités complexes des personnes transgenres et transsexuelles en ce qui concerne l’accès et l’utilisation des services sociaux et de santé (traitements hormonaux et chirurgicaux, suivi du processus de transition, etc.). Une conférence sur le suicide parmi les LGBT[7] a été présentée par la Chaire de recherche sur l’homophobie en février 2013 et une formation sur l’homoparentalité est prévue en mai de la même année.

D’autres pratiques spécifiques sont liées à la lutte aux ITSS, notamment le travail de proximité qui permet d’offrir des services à des populations vulnérables difficiles à rejoindre autrement. Des infirmiers du CSSS sont régulièrement présents dans les saunas et auprès de plusieurs organismes communautaires pour le dépistage et la vaccination. L’équipe ITSS offre également des groupes de soutien aux personnes atteintes du VIH ou de l’hépatite C. Un autre volet est l’organisation communautaire, qui a permis de soutenir le développement, l’implantation et le suivi d’une Charte OK, par laquelle les propriétaires de saunas s’engagent à favoriser la prévention des ITSS dans leurs établissements.

Les interactions entre les professionnels et les usagers

Les interactions entre les professionnels et les usagers sont au coeur de l’adaptation des services aux besoins des personnes LGBT selon l’interprétation qu’en donnent plusieurs interviewés. Comme l’illustrent les citations suivantes, un bon accueil, l’identification des besoins et le développement d’un lien de confiance constituent des ingrédients essentiels pour concrétiser cette adaptation.

Au niveau de l’accueil des personnes qui sont davantage stigmatisées, je ne suis pas certain que les personnes qui sont à l’accueil soient bien préparées à accueillir ces clientèles-là.

Intervenant en santé mentale

Je pense qu’on doit accueillir tout le monde de la même manière comme ceux qui font partie d’une minorité ou une marginalité, avec le même accueil respectueux, ouvert et partir des besoins des gens.

Intervenant en travail social

Moi, je suis plus pour offrir des services peu importe ton statut, que tu sois bien accueilli : à partir du moment où tu exprimes un besoin qui est spécifique […]. C’est là que le service devient adapté ou plus spécialisé.

Intervenant en travail social

Les techniques de la communication professionnelle en santé sont une dimension incontournable pour le développement du lien de confiance. Une intervenante dénonce les lacunes à ce niveau parmi les professionnels de la santé :

Le lien de confiance, tu l’as à la première visite, ça dépend comment tu communiques avec ton patient, point à la ligne. Je trouve qu’il y a un manque flagrant de techniques de communication. Lors de formations sur les ITSS, on fait des jeux de rôles [et les questions posées par certains intervenants], ça a l’air d’un interrogatoire de police. On donne des trucs : [poser une question ouverte comme] comment vis-tu ta sexualité ? Juste ça ! Tu vas en avoir de l’information ! Si la personne ne veut pas en parler, tu ne peux pas la forcer à en parler. Peut-être la prochaine fois.

Intervenante en médecine

Une intervenante explique qu’il faut parfois beaucoup de temps pour établir un lien de confiance. La conséquence est l’augmentation du délai avant une consultation, et ce, au détriment de la santé de cette personne.

Une personne trans a été rencontrée plusieurs fois dans le service de proximité pour le dépistage et la vaccination des ITSS offert à [nom d’un organisme communautaire]. […] Il a fallu plusieurs mois pour convaincre cette personne de consulter d’autres services de l’équipe ITSS.

Intervenante en sexologie

En plus des techniques de communication appropriées, l’aisance à discuter de la sexualité avec les personnes rencontrées est un autre élément essentiel qui serait à améliorer chez bon nombre de professionnels de la santé selon une intervenante. Cette lacune serait attribuable, du moins en partie, à un manque de formation dans les programmes d’études collégiales et universitaires. Cette exigence serait d’autant plus forte dans certains domaines comme la lutte aux ITSS, le CSSS Jeanne-Mance offrant des services qui accueillent bon nombre de personnes LGBT.

Que ce soit avec un hétéro, peu importe l’orientation sexuelle, il y a une bonne proportion des professionnels de la santé qui ne sont pas à l’aise de parler de sexualité avec leurs patients. C’est peut-être plus facile pour la toxicomanie, car pour les habitudes de vie, on l’enseigne aux étudiants. […] C’est moins confrontant la toxicomanie que la sexualité.

Intervenante en médecine

Lorsque tu viens travailler à l’équipe ITSS, à la fois au niveau personnel et professionnel, tu dois être à l’aise d’accueillir ce genre de clientèle et de parler de toutes sortes d’aspects de la sexualité dont les pratiques sexuelles [dont certaines sont plus marginales].

Intervenante en sexologie

La façon d’entamer la discussion autour de l’orientation sexuelle avec les personnes rencontrées a été aussi soulevée pendant les entretiens. Ainsi, souvent, ce n’est pas l’un des premiers sujets abordés par les professionnels.

La question de l’orientation sexuelle n’est pas une de mes premières questions. La personne va me le dire au fur et à mesure de l’entrevue. Ce n’est même pas quelque chose que je me pose. Quand j’accueille ces personnes, c’est la personne dans son individualité, peu importe son orientation.

Intervenante en sexologie

Un intervenant est d’avis que l’interaction entre professionnel et usager peut être plus difficile en raison des idées préconçues que peuvent avoir les personnes LGBT à propos des professionnels de la santé.

Les préjugés peuvent être des deux côtés du comptoir : il est aussi possible que les gens qui viennent aient des préjugés par rapport aux personnes qui sont de l’autre côté : je ne crois pas que ça va dans un seul sens.

Intervenant en psychoéducation

Les enjeux liés à l’implantation de programmes ou de services spécialisés pour les populations vulnérables

L’adaptation des services sociaux et de santé peut se traduire par la mise en place de programmes ou de services spécialisés s’adressant directement aux populations vulnérables. Il ressort des entretiens que cette formule ne fait pas consensus parmi les interviewés quant aux risques et aux bénéfices qu’elle présente. Parmi les risques mentionnés, on retrouve la stigmatisation et la ghettoïsation. Les personnes souffrant d’exclusion, comme les personnes en situation d’itinérance, se retrouvent plus visibles puisque regroupées aux mêmes endroits. En faisant une analogie avec la mise en place possible de programmes spécifiques pour les LGBT, les interviewés relèvent aussi le risque de déresponsabilisation des autres points de services et intervenants du réseau de la santé qui préfèreront alors référer ces personnes aux équipes dédiées du CSSS Jeanne-Mance plutôt que de développer eux-mêmes des services adéquats.

À partir du moment où tu offres des services ultra spécialisés à certains groupes de la population, d’une certaine façon tu essaies de les aider, mais tu les stigmatises également. […] On a eu ce problème aussi avec un autre site du CSSS qu’on appelait « la clinique du Village ».

Intervenante en travail social

Avoir un programme spécifique ? Oui, mais quand ce programme spécifique devient l’accueil pour ces gens-là, alors là on a un problème parce que ces gens passent directement dans ce programme-là et que ce programme devient attitré uniquement pour cette clientèle, par exemple les itinérants.

Intervenant en travail social

À l’équipe itinérance, on se questionne tous sur nos propres services. Je pense que je suis assez en accord que lorsqu’on crée un service qui est très spécifique, il y a un risque de ghettoïsation et cela déresponsabilise les autres services et les intervenants par rapport à cette clientèle-là et ça, je trouve que c’est extrêmement triste.

Intervenante en soins infirmiers

À l’opposé, certains mentionnent l’importance de considérer les avantages d’un programme spécifique, en matière de connaissances, de ressources et de multidisciplinarité dans l’offre de services.

Il y a une partie de moi qui pense qu’il y a toujours une certaine connaissance qui vient aussi avec un programme spécifique. Souvent il y a un budget, il y a des services multidisciplinaires et je pense qu’il peut y avoir une perte aussi quand même de ne pas pouvoir offrir ça.

Intervenante en santé mentale

Les besoins particuliers parmi les LGBT

Plusieurs intervenants ont identifié certains besoins parmi les minorités sexuelles qu’ils sont amenés à rencontrer, notamment les personnes transsexuelles ou transgenres, les lesbiennes et les personnes bisexuelles. Ainsi, plusieurs ont soulevé le cas particulier des personnes trans. Contrairement à d’autres minorités sexuelles qu’on retrouve dans tous les programmes du CSSS, les personnes trans ont des besoins particuliers et il serait envisageable dans ce cas de créer un programme spécifique mis en oeuvre par une équipe de professionnels.

S’il y a des besoins plus spécifiques comme pour les personnes trans, il peut y avoir une petite équipe, ce qui peut être très supportant aussi.

Intervenante en santé mentale

Dans le cas des trans, il faut se préparer effectivement à songer à un sous-programme spécifique car, dans leur cas, ça ne concerne pas tous les services et tous les programmes et tous les intervenants. Dans le cas des lesbiennes, des homosexuels et des bisexuels, on les retrouve dans tous les programmes.

Intervenant en travail social

En ce qui concerne les lesbiennes, une intervenante mentionne qu’elles sont invisibles dans le système de santé et que cela peut nuire à leur santé. Par ailleurs, la méconnaissance des professionnels à propos des ITSS chez ces femmes comporte des risques graves. On remarque par ailleurs une présence maintenant plus marquée des familles lesboparentales dans les services.

Un des gros problèmes qu’on a avec la santé des lesbiennes, c’est qu’elles sont invisibles.

Intervenante communautaire

Au sujet du risque de transmission de la chlamydia entre femmes, cette ITSS non dépistée à l’âge de 20 ans peut mener à l’infertilité au moment de vouloir des enfants.

Intervenante communautaire

On a aussi des femmes qui ont eu des enfants avec un conjoint, mais qui se sont séparées et qui vivent avec une autre femme.

Intervenante en travail social

Au sujet des personnes bisexuelles, des intervenants ont suggéré qu’il est important de sensibiliser davantage le personnel au fait que ces personnes peuvent vivre des expériences particulières, comme une bisexualité épisodique, un manque de soutien social et communautaire et la non-reconnaissance de leur orientation sexuelle propre autant de la part des hétérosexuels que des autres minorités sexuelles.

Il y a encore ce préjugé de la bisexualité comme une phase transitoire où les personnes bisexuelles sont considérées soit comme homosexuelles ou comme hétérosexuelles. Il semble y avoir quelque chose qui est intolérable. Est-ce le fait d’avoir des attirances pour les deux sexes ou est-ce le fait d’avoir des relations amoureuses avec deux personnes ? Peut-être que la bisexualité est encore associée à l'infidélité ou à une vie instable.

Intervenante en santé mentale

Les barrières institutionnelles dans l’accès et l’utilisation des services sociaux et de santé

Les professionnels du CSSS Jeanne-Mance rencontrés, mais surtout les intervenants communautaires, se sont aussi exprimés sur des barrières institutionnelles relatives au système de santé qui nuisent à l’accès et à l’utilisation des services sociaux et de santé, non seulement pour les personnes LGBT mais pour l’ensemble de la population. Par exemple, la prise en charge des personnes dépistées dans la lutte aux ITSS (VIH et hépatite C) pose problème, selon eux, dans les corridors de services, alors qu’on souhaite une continuité dans les services de dépistage et de soins, ce qui n’est pas toujours le cas.

Le problème, c’est que le système public est mal arrimé : si j’ai un résultat positif, les corridors de services impliquent que les ressources [cliniques] ne refusent pas la personne […]. Moi, je trouve que si on veut être cohérent dans l’organisation des soins, on doit permettre à ces gens d’avoir accès aux services.

Intervenant en soins infirmiers

Les références des intervenants communautaires vers les services de santé du CSSS ou ailleurs dans le réseau de la santé comportent leur part de difficultés en raison des changements de personnel, du manque de services, particulièrement en santé mentale, et de l’instauration de nouvelles structures d’accès.

En termes de services directs à la population, il arrive que des collaborations se mettent en place, des liaisons, mais les personnes à un moment donné ne sont plus en place. Cette espèce de lien personnalisé qui a son impact au niveau de la référence et de la liaison, alors quand cela disparaît, c’est à refaire, à reconstruire.

Intervenant communautaire

Et en santé mentale, je trouve que nous sommes devant un vide : où référer ? […] Des besoins, il y en a beaucoup. Moi, c’est surtout les hommes qui me concernent, je trouve, particulièrement en santé mentale : abus sexuels, la violence dans les couples, maintenant, c’est vrai que pour les références, ce n’est pas évident [avec l’instauration des guichets d’accès qui servent à déterminer le niveau de soins requis avant de référer aux services jugés adéquats].

Intervenant communautaire

Discussion

La première catégorie thématique qui se dégage des entretiens concerne les pratiques déjà mises en place au CSSS Jeanne-Mance pour mieux répondre aux besoins des minorités sexuelles. Qu’il s’agisse du programme de lutte aux ITSS ou du travail de proximité pour rejoindre ces populations, notamment les HARSAH, la reconnaissance officielle du CSSS et le soutien aux activités du CSDMS constituent sans doute la pierre d’assise des actions en faveur de l’adaptation des services. Depuis plusieurs années, les activités de formation du personnel à l’interne, organisées par le comité, permettent une meilleure sensibilisation des professionnels aux besoins spécifiques de ces populations. Ces activités ont permis, par exemple, de mieux comprendre les enjeux complexes touchant les personnes trans et de rapprocher les expertises communautaires et professionnelles susceptibles de leur venir en aide. Des discussions sont déjà en cours au sein du CSDMS sur ce qui pourrait être offert aux personnes trans pour mieux répondre à leurs besoins, que ce soit dans le cadre du travail de proximité dans les organismes communautaires (par exemple, présence d’un médecin accompagnant le personnel de soins infirmiers) ou au sein même des points de services.

La seconde catégorie thématique porte sur les interactions entre usagers LGBT et professionnels de la santé. À ce titre, l’opinion des professionnels rencontrés exprime un certain consensus quant aux qualités nécessaires à ces interactions. Ainsi, un bon accueil, de bonnes techniques de communication et l’aisance à parler de sexualité lorsque c’est pertinent sont essentiels pour l’identification des besoins, le développement du lien de confiance et l’adaptation des services. Ces qualités sont bien décrites dans la littérature spécialisée, notamment les guides de soins de santé primaires pour les personnes LGBT (Barbara et al., 2007; Makadan et al., 2008; Sherbourne Health Centre, 2009; Association des médecins gays, 2011). Toutefois, ces guides demeurent peu connus alors qu’ils pourraient être plus largement diffusés au sein du réseau de la santé. Ces qualités rejoignent par ailleurs des aspects généraux de la communication professionnelle en santé tels que la construction de la relation, comme nous l’avons exposé dans le cadre conceptuel de cette recherche (Richard et Lussier, 2005).

À titre d’exemple concernant la création d’environnements accueillants pour les personnes LGBT, l’utilisation d’affiches ou d’autres documents démontrant une ouverture au sujet de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre est une piste intéressante à envisager. Au Québec, une initiative exemplaire à ce sujet mérite d’être citée : l’Agence de la santé et des services sociaux Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine offre à tous les intervenants en santé répertoriés dans son bottin – le réseau des alliés des gais, lesbiennes, personnes bisexuelles, bispirituelles et transgenres – la possibilité de placer une affiche dans leur bureau avec le texte suivant : « Bienvenue à la diversité sexuelle. Ici, vous trouverez une personne ouverte, informée, sans préjugés liés à la diversité sexuelle, et avec qui vous pouvez vous sentir bien à l’aise. » La condition pour l’utilisation de l’affiche est d’avoir suivi au moins une des formations offertes par l’INSPQ. Cette stratégie peut également contribuer à réduire les idées préconçues que peuvent entretenir les personnes LGBT à l’endroit des professionnels.

En ce qui concerne l’implantation de programmes ou de services spécialisés pour les minorités sexuelles, les participants ont des opinions partagées quant à la nécessité de mettre en place des services spécialisés pour les personnes LGBT. Bien qu’ils reconnaissent qu’il peut s’agir d’un avantage pour répondre aux besoins spécifiques des personnes trans, ils estiment que ce n’est pas le cas pour les autres minorités sexuelles qui se retrouvent déjà dans la clientèle des programmes existants. La réticence à offrir de tels services se nourrit des craintes de susciter des effets indésirables, comme cela a été constaté avec les personnes en situation d’itinérance, soit la stigmatisation, la ghettoïsation et la déresponsabilisation. Bien que ces appréhensions méritent d’être considérées, on peut donner en contre-exemple positif le Sherbourne Health Centre de Toronto qui offre un programme complet de services pour les personnes LGBT et notamment un programme de santé pour les personnes transgenres. À travers sa gamme de services adaptés, ce centre répond aux besoins d’un bassin important de la population LGBT et développe une expertise en soins et en prévention qui peut ensuite être transférée vers d’autres services institutionnels ou communautaires (voir Sherbourne Health Centre, 2009). De telles initiatives favorisent une meilleure équité dans l’accès et l’utilisation des services en réduisant les inégalités en la matière (Mulé et al., 2009).

L’analyse du quatrième thème des entretiens, les besoins spécifiques parmi les LGBT, permet de constater qu’il y a des différences importantes à considérer parmi les sous-groupes quant à l’adaptation des services. Par exemple, quelles mesures adopter pour sensibiliser les professionnels aux risques de transmission des ITSS entre femmes ou encore les informer sur les réalités des familles homoparentales ? L’adaptation des services passe par une meilleure connaissance des problématiques de santé propre à chacun de ces groupes. Encore une fois, les guides de soins de santé primaires pour les LGBT pourraient se révéler fort utiles de même que toute autre forme de transfert des connaissances scientifiques. À cet égard, on peut déplorer la rareté des guides disponibles en français.

Les propos sur le dernier thème, les barrières institutionnelles dans l’accès et l’utilisation des services sociaux et de santé, démontrent l’importance des lacunes dans le réseau de la santé qui affectent non seulement les personnes LGBT mais l’ensemble de la population. Le rapport de recherche de la Direction de la santé publique de Montréal (2010) est explicite au sujet des problèmes de prise en charge des personnes dépistées dans la lutte aux ITSS.

Conclusion

Les pratiques déjà développées au CSSS Jeanne-Mance montrent la volonté de l’établissement de poursuivre ses efforts en vue d’adapter ses services aux besoins des personnes LGBT. Le comité sur la santé des minorités sexuelles joue un rôle clé dans ce processus, notamment en identifiant des besoins de formation (transsexualité, suicide parmi les minorités sexuelles, homoparentalité, etc.) et en proposant des activités pour les combler. Malgré la nature exploratoire des entretiens, ce qui constitue une limite de la recherche, l’analyse des données qualitatives permet de mieux saisir la nature des relations entre les intervenants en santé du CSSS Jeanne-Mance et leurs clientèles LGBT. Cette synthèse permet également de dégager des stratégies susceptibles de mieux répondre aux besoins de celles-ci et de participer à l’amélioration de leur santé. Les résultats de cette première phase de la recherche et des étapes ultérieures seront notamment utiles aux gestionnaires et aux intervenants du CSSS Jeanne-Mance pour l’amélioration de leurs services, mais également à l’ensemble du réseau de la santé et des services sociaux au Québec, en proposant des approches d’intervention novatrices ou exemplaires. L’expérience de cette recherche-action participative en cours au CSSS Jeanne-Mance contribue à la réflexion amorcée dans le contexte du Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie 2011-2016, qui propose plusieurs actions pour favoriser l’adaptation des services sociaux et de santé. Ainsi, les lignes directrices pour l’adaptation des services pourraient aborder la question de l’accueil, le processus d’identification des besoins, les techniques de communication pour développer le lien de confiance entre les intervenants et ces clientèles de même que les besoins spécifiques à chacun des sous-groupes parmi les minorités sexuelles.