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Introduction

Dans les pays occidentaux, l’organisation des systèmes de prestations destinées aux personnes présentant des capacités physiques, sensorielles, mentales ou psychiques restreintes s’appuie sur la notion de « besoin », selon laquelle « […] le handicap naît lorsqu’une personne atteinte dans sa santé a besoin de l’aide d’autrui pour accomplir des activités normales pour un être humain (se lever, s’habiller, manger, étudier, se déplacer, travailler, etc.) » (Gazareth, 2009, p. 8). Les besoins spéciaux découlent de l’interaction entre les caractéristiques personnelles de l’individu et les exigences de son cadre de vie (Fougeyrollas, 2012 ; Hamonet, 2012). En première ligne, les parents et leur réseau social constituent les principaux acteurs du care auprès de l’enfant présentant des besoins particuliers (Neely-Barnes et Dia, 2008 ; Dempsey et al., 2009). Non sans conséquences, les difficultés de l’enfant affectent la sphère familiale (Neely-Barnes et Dia, 2008), surtout lorsque des troubles du comportement apparaissent (Cantwell, Muldoon et Gallagher, 2014 ; Stuttard et al., 2014). Le stress ressenti par les parents s’avère souvent de grande intensité (Pelchat, Lefebvre et Levert, 2005 ; Dempsey et al., 2009), car des répercussions financières importantes se font sentir par des coûts directs (transport, gardiennage, équipement) et indirects (épuisement, perte d’emploi) (Dionne et al., 2006 ; Neely-Barnes et Dia, 2008 ; Whiting, 2013). D’autres conséquences s’observent à travers l’altération de l’état de santé physique et psychique des parents (Whiting, 2013 ; Cantwell, Muldoon et Gallagher, 2014 ; Stuttard et al., 2014). Les relations familiales et de couple sont fragilisées par la présence d’un enfant avec des besoins spéciaux (Dionne et al., 2006 ; Whiting, 2013 ; Stuttard et al., 2014). Quant aux liens sociaux, ils s’amenuisent, soit par une diminution des activités à l’extérieur du foyer (Dionne et al., 2006 ; Whiting, 2013), soit par l’éloignement de l’entourage avec le temps (Grant, Nolan et Keady, 2003 ; Resch et al., 2010). Face à ces multiples incidences, les parents doivent faire face en s’ajustant constamment à une situation en mouvement.

Des familles en situation de mobilité

Il arrive que certaines familles dont un enfant présente des besoins particuliers passent également par un processus migratoire, lui-même source de déstabilisation. Selon l’Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada (ELIC), les nouveaux arrivants rencontrent des difficultés dans plusieurs domaines lors de leur processus d’établissement : obtenir un emploi, trouver un logement, accéder aux soins (Xue, 2007). Paradoxalement, leur consommation de services de santé se révèle moins élevée que celle de la population native malgré leur plus grande vulnérabilité (Barozzino, 2010 ; Lindsay et al., 2012). Les parents immigrants doivent non seulement comprendre le système de santé et des services sociaux, les systèmes fiscaux, les services d’éducation, mais également acquérir la langue de la société d’accueil, les habiletés de communication ainsi que les subtilités de l’appropriation de l’information (Lazure et Benazera, 2006 ; Neely-Barnes et Dia, 2008 ; Barozzino, 2010 ; Lindsay et al., 2012). De plus, la cohésion familiale s’avère fragilisée à la suite du parcours migratoire (Lazure et Benazera, 2006) et le manque d’aidants naturels se fait sentir, ceux-ci restant généralement au pays d’origine, bien que les nouvelles technologies aient largement contribué à faciliter le maintien des liens de communication et de soutien internationaux (Arsenault, 2010 ; Vatz Laaroussi et Bolzman, 2010). Les parents immigrants constituent une population vulnérable du fait des défis liés à leur trajectoire migratoire qui s’ajoutent aux conséquences de la présence d’un enfant avec des difficultés.

Mesures de soutien destinées aux parents

Afin de garantir la continuité d’un soutien optimal de l’enfant, des ressources d’aide accessibles doivent appuyer les parents immigrants s’ils en sollicitent les services. Dans le but de mieux délimiter les modalités d’aide existantes, Tétreault et ses collaborateurs (2012) proposent une typologie ciblant les mesures destinées aux parents. Les auteurs distinguent : l’aide informationnelle (renseignements concernant l’enfant ou les services disponibles) ; l’accompagnement à la décision (outils, conseils dans les périodes charnières) ; le soutien juridique ; l’appui financier ; les services d’aide éducative (apprentissage de méthodes adaptées aux difficultés de l’enfant) ; le soutien psychosocial (réduction des tensions vers une harmonie familiale) ; l’assistance au quotidien (mesures d’aide concrètes dans les tâches domestiques) ; les loisirs, sports et activités sociales (démarches, accompagnement) ; l’aide au transport ; tout autre type de mesure destinée aux parents lui permettant de remplir ses rôles et fonctions. Viennent s’y ajouter les services de répit et de gardiennage, utilisés occasionnellement ou de manière récurrente, visant la détente ou la réalisation d’autres activités quotidiennes (Tétreault et al., 2012). Enfin, les services de dépannage permettent aux parents de faire face à des situations imprévues (décès d’un proche, maladie, etc.) sous différents aspects (hébergement, financier, gardiennage, autres) (Tétreault et al., 2012). Plus spécifique aux populations immigrantes, le recours à des interprètes constitue une aide proposée par le réseau de la santé et des services sociaux (Bowen, 2001). L’existence des ressources de soutien n’assure cependant ni leur accessibilité à tous, ni leur disponibilité au moment où elles sont requises (Resch et al., 2010). Il faut également s’assurer que les mesures d’aide offertes soient connues des parents et répondent à leurs attentes.

Les travaux menés dans le domaine du soutien aux parents non immigrants d’un enfant présentant des besoins spéciaux permettent de dresser un premier portrait des attentes parentales exprimées. Recevoir davantage d’informations ressort particulièrement, que ce soit à propos de l’enfant (diagnostic, soutien éducatif) ou des ressources disponibles (Pelchat et al., 2008 ; Resch et al., 2010 ; Deris, 2012 ; Bedell et al., 2013). Tout autant citée, l’aide financière et matérielle s’avère nécessaire pour les familles (Dionne et al., 2006 ; Resch et al., 2010 ; Deris, 2012 ; Bedell et al., 2013). Dans l’étude de Resch et de ses collaborateurs (2010), les parents signalent notamment les difficultés à inclure leur enfant dans les systèmes éducatifs et sociaux ainsi que la diminution du soutien des proches avec les années. Quant à Dionne et ses collaboratrices (2006), elles relèvent des attentes portant sur l’amélioration des services déjà existants et l’augmentation de mesures telles que des systèmes de garde et de l’aide à domicile. En outre, la mise en place d’un soutien psychologique et de congés parentaux en cas de situations particulières est souhaitée (Dionne et al., 2006).

Concernant les parents immigrants, les attentes envers les ressources de soutien peuvent se révéler différentes, étant donné les croyances liées à la santé, à la maladie et aux causes de la déficience, mais également suivant les représentations de l’enfant et de son développement, les rôles du père et de la mère selon les cultures et les religions (Kummerer, Lopez-Reyna et Hughes, 2007 ; Neely-Barnes et Dia, 2008 ; Daudji et al., 2011 ; Ravindran et Myers, 2013). Afin d’adapter au mieux l’offre de services d’aide aux attentes des parents immigrants, il est pertinent d’explorer leurs trajectoires d’utilisation des ressources de soutien. Les questions qui guident la démarche de recherche sont les suivantes : Quels types de mesures de soutien utilisent-ils ? Quels sont les principaux facteurs qui modulent cette consommation ? Quelle est l’évolution des attentes parentales en fonction de l’avancement en âge de l’enfant ?

Méthodologie

Afin d’explorer les écrits scientifiques, Rumrill, Fitzgerald et Merchant (2010) exposent une nouvelle méthode plus spécifiquement liée aux champs de la médecine et des sciences sociales : « l’étude de la portée » (scoping review), qui fut d’abord décrite par Arskey et O’Malley (2005). Elle rend compte de l’ampleur des publications scientifiques produites sur un thème. Cette méthode se place généralement comme une première étape d’analyse d’un objet, permettant par la suite de construire des questions de recherche (Rumrill, Fitzgerald et Merchant, 2010, reprenant Davis, Drey et Gould, 2009). Comme le thème portant sur les mesures de soutien aux parents immigrants d’un enfant qui présente des besoins spéciaux est novateur, il correspond bien à l’étude de la portée.

De manière à répondre aux objectifs, les bases de données suivantes sont choisies pour leur fréquence d’utilisation dans les écrits scientifiques (Arksey et O’Malley, 2005 ; McColl et al., 2009 ; Magalhaes, Carrasco et Gastaldo, 2010 ; Goodridge et al., 2012 ; Uphoff et al., 2013) ainsi que pour la pertinence de leur contenu : PubMed, Embase, CINHAL, PsycInfo, Eric et Scopus. Les critères d’inclusion comprennent la période de publication s’étendant de 1995 à 2013, ainsi que la langue des documents, soit l’anglais ou le français. Le choix de se concentrer sur des productions récentes sans trop restreindre l’étendue des recherches est propre au thème peu référencé dont il est question ici. Les mots-clés utilisés pour l’exploration des écrits pertinents se basent sur ceux employés dans l’étude de Tétreault et de ses collaboratrices (2013-2016), avec des ajustements quant aux thématiques propres à cette analyse. Cette étape s’est déroulée avec la validation d’une professionnelle en recherche documentaire. En définitive, les mots suivants servent à l’interrogation des bases de données : child, newborn, infant, toddler, preschool AND impairment, disability, handicap, disorder, fragile, retard AND family, parent, mother, father AND immigration, emigration, refugee AND patient, client, user, consumer, compliance, need, seeking behavior AND support, program, service, resource. Les différents termes couvrent les thèmes de l’enfant, de la déficience, des parents, de l’immigration, des besoins et de l’utilisation de stratégies de soutien. La présence de l’ensemble de ces éléments définit l’inclusion d’un écrit à l’étude de la portée.

Afin de se concentrer sur la thématique visée, les études portant sur les maladies chroniques (asthme, diabète, etc.) ou infectieuses (hépatite, VIH, etc.) sont exclues. En effet, elles génèrent une prise en charge plus médicalisée et peuvent amener une remise en cause du pronostic vital. Les problèmes de santé mentale ou d’adaptation post-traumatique, souvent liés à un stress post-traumatique, ne sont pas retenus. Très présents chez les réfugiés, ces troubles restent inhérents au parcours de migration. Par ailleurs, les études en lien avec la vaccination, la santé bucco-dentaire, l’obésité ainsi que toutes les affections reliées au sang sont aussi exclues, s’insérant davantage dans le domaine de la santé publique. Mis à part la catégorie des difficultés rencontrées par l’enfant, il est à noter que les travaux portant uniquement sur les services de santé ou sur l’éducation scolaire sont écartés, car ils ne correspondent pas aux mesures de soutien telles que définies par Tétreault et ses collaborateurs (2012). De même, les études décrivant des ressources de soutien dans un pays étranger, utilisées (ou non) par les habitants de ce pays, ne sont pas retenues, car, dans ce cas, il ne s’agit pas de familles immigrantes.

Résultats

Après une description des écrits scientifiques retenus à travers l’étude de la portée selon les critères exposés, les types de modalités de soutien commentés par les auteurs seront examinés. L’analyse du recours ou non aux mesures d’aide par les parents immigrants sera suivie d’un portrait des différents facteurs modulant cette consommation. Un dernier point traitera de l’évolution de l’utilisation de ces ressources d’aide avec l’avancée en âge de l’enfant.

Étendue des recherches menées

Lors d’une première étape, les 1 379 publications obtenues à travers les différentes bases de données grâce aux mots-clés sont sélectionnées à partir des titres et des résumés. Comme l’illustre la figure 1, cette phase de tri est suivie d’une deuxième sélection plus fine des 165 écrits retenus, en se basant sur l’ensemble du contenu de chaque document. La sélection a été validée par une autre personne. Ainsi, 16 articles scientifiques, 6 doublons ayant été soustraits, constituent le résultat final de la consultation des bases de données. À la suite de ce processus, la décision d’ajouter quatre écrits scientifiques retrouvés en référence de plusieurs recherches a été prise, l’étude de la portée permettant ce type de complément (Rumrill, Fitzgerald et Merchant, 2010).

Figure 1

Résultats des requêtes faites auprès des bases de données

Résultats des requêtes faites auprès des bases de données

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Vingt écrits scientifiques en anglais composent la sélection des recherches menées sur la question des mesures de soutien aux parents immigrants d’un enfant ayant des besoins spéciaux. L’ensemble des résultats énoncés par la suite portera sur ces 20 études décrites dans le tableau 1. La moitié d’entre elles ont été publiées entre 2012 et 2013. Sept sont parues entre 2000 et 2010. Seulement trois publications ont plus de 15 ans (Sham, 1996 ; Steinberg et al., 1997 ; Bailey et al., 1999). Concernant le lieu de réalisation des recherches, il apparaît que 10 se sont déroulées aux États-Unis (Tableau 1) et presque autant émanent du Royaume-Uni (n=8). Une seule étude a été menée au Canada (Pondé et Rousseau, 2013) et une autre provient de la Suède (Radell et al., 2008).

Tableau I

Description des 20 écrits scientifiques retenus

Description des 20 écrits scientifiques retenus

*DA=déficience auditive, DD=déficiences diverses, DI=déficience intellectuelle, TD=troubles du développement, TSA=trouble du spectre autistique

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Parmi les 20 publications, trois textes d’opinion comportent une recension des écrits scientifiques et des recommandations ou une présentation théorique en lien avec le thème (Rhoades, Price et Barris Perigoe, 2004 ; Welterlin et LaRue, 2007 ; Cohen, 2013) (Tableau 1).

En tenant compte du nombre de personnes interrogées, les 17 articles sélectionnés impliquent majoritairement de petits échantillons (une vingtaine de personnes) (Tableau 1). Souvent, les mères représentent la principale, voire l’unique source d’information (Steinberg et al., 1997 ; Alvarado, 2004 ; Won, Krajicek et Lee, 2004 ; Bateson, 2013). Avec 200 participants et plus, deux recherches se différencient non seulement par la taille de leur échantillon, mais également par la méthodologie quantitative utilisée par les auteurs (Bailey et al., 1999 ; Durà-Vilà et Hodes, 2009). Hormis la recherche de Pondé et Rousseau (2013), adoptant un devis de recherche mixte avec des entretiens semi-structurés et des tests standardisés, les 14 écrits scientifiques restants présentent des protocoles méthodologiques qualitatifs (entretien, étude de cas, observation participante, etc.) (Tableau 1).

Sur le plan du diagnostic principal des enfants des familles étudiées, le trouble du spectre autistique (TSA) ressort dans quatre écrits scientifiques, alors que trois traitent de la surdité et des déficiences auditives (Tableau 1). Les autres études impliquent des enfants ayant des difficultés plus globales, comme les troubles du développement (n=4) et la déficience intellectuelle (n=4). Pour quatre articles, les déficiences des enfants sont diverses, l’approche des auteurs portant davantage sur les réactions des parents en lien avec ces difficultés (Tableau 1). Quant à Radell et ses collaborateurs (2008), leur étude vise spécifiquement l’hémiplégie.

Concernant l’origine des familles immigrantes, l’Asie arrive largement en tête (n=9) (Tableau 1). Six études ont été menées auprès des populations du Bangladesh, du Pakistan et d’Inde résidant au Royaume-Uni (Bywaters et al., 2003 ; Croot, 2012 ; Croot et al., 2012 ; Heer et al., 2012 ; Kaur-Bola et Randhawa, 2012 ; Kramer-Roy, 2012). Quant à l’Asie orientale (Chine, Corée, Hong Kong), elle est représentée dans trois autres recherches (Sham, 1996 ; Won, Krajicek et Lee, 2004 ; Yu, 2013). Provenant des États-Unis, des travaux ont été réalisés avec des familles du Mexique, de Porto Rico et du Salvador (Steinberg et al., 1997 ; Bailey et al., 1999 ; Alvarado, 2004 ; Balcazar et al., 2012). L’étude de Bateson (2013) concerne des familles venues de Somalie uniquement. Six autres travaux présentent des échantillons de populations venant d’origines diverses (Amérique latine ou du Nord, Asie, Afrique, Europe ou Moyen-Orient) (Rhoades, Price et Barris Perigoe, 2004 ; Welterlin et LaRue, 2007 ; Radell et al., 2008 ; Durà-Vilà et Hodes, 2009 ; Cohen, 2013 ; Pondé et Rousseau, 2013).

En résumé, les 20 écrits scientifiques retenus constituent un recueil varié de textes relativement récents, incluant une majorité de recherches qualitatives sur de petits échantillons (inférieurs à 40 personnes) avec une prédominance pour les États-Unis et le Royaume-Uni.

Types de mesures de soutien

L’accès à l’information constitue le principal enjeu pour les parents. Lorsque la langue représente une barrière, les services d’interprètes viennent faciliter la communication, et ainsi, l’utilisation des services. En consultant les travaux menés sur les ressources d’aide proposées aux parents immigrants d’un enfant qui présente des besoins spéciaux, il apparaît que les auteurs ciblent rarement une modalité de soutien unique parmi celles contenues dans la typologie de Tétreault et ses collaborateurs (2012) afin d’en approfondir l’utilisation. Pour chaque étude retenue, le tableau 2 indique la prise en compte ou non des différentes modalités du soutien aux parents. Alors que Pondé et Rousseau (2013) axent davantage leur réflexion sur la relation entre le fait d’accepter ou non le diagnostic de trouble du spectre autistique chez l’enfant et le recours aux mesures d’aide, les 19 autres recherches évoquent les types de soutien.

Tableau II

Synthèse des mesures de soutien traitées dans les 20 écrits scientifiques

Synthèse des mesures de soutien traitées dans les 20 écrits scientifiques

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Selon les recherches sélectionnées, le soutien informationnel s’avère la mesure de loin la plus abordée (n=16) (Tableau 2). En effet, les parents doivent obtenir les informations nécessaires concernant la disponibilité des ressources de soutien et la manière d’y accéder et, plus globalement, sur le fonctionnement du système de santé et des services sociaux. L’accent est également mis sur les renseignements en lien avec les causes et la description des difficultés de l’enfant. Le recours à des interprètes professionnels ou informels pour faciliter la transmission de l’information est souligné dans dix publications (Tableau 2). Par ailleurs, l’assistance éducative permettant aux parents d’adapter leurs pratiques aux besoins particuliers de l’enfant ressort dans six recherches. De même, l’aide pour le transport de l’enfant apparaît dans cinq écrits scientifiques (Steinberg et al., 1997 ; Bywaters et al., 2003 ; Welterlin et LaRue, 2007 ; Croot et al., 2012 ; Bateson, 2013). Un quart des études (n=5) soulignent les services de répit, de gardiennage et de dépannage. La difficulté pour les parents de laisser leur enfant dans une structure d’accueil durant la nuit y est évoquée (Croot et al., 2012 ; Durà-Vilà et Hodes, 2009). Pour sa part, l’apport d’aides financières supplémentaires ressort au sein de trois études (Sham, 1996 ; Kramer-Roy, 2012 ; Bateson, 2013). Il faut alors tenir compte des conditions de pauvreté ou de vulnérabilité économique des populations immigrantes en général. L’accompagnement et l’aide à la décision, le soutien psychosocial et l’assistance au quotidien ne sont que brièvement abordés (Sham, 1996 ; Bateson, 2013).

Comme l’indique le tableau 2, la moitié des recherches élaborent des hypothèses sur les raisons qui incitent les parents à ne pas recourir aux services de soutien (n=10). Selon la perception de quelques parents, la gestion des besoins spéciaux de leur enfant relève de la compétence parentale de sorte qu’ils n’acceptent aucune aide extérieure (Croot et al., 2012 ; Heer et al., 2012 ; Kaur-Bola et Randhawa, 2012). Le soutien est alors appréhendé de manière négative, soit parce que son utilisation entraîne un sentiment de stigmatisation ressenti par les parents (Bailey et al., 1999 ; Alvarado, 2004 ; Won, Krajicek et Lee, 2004 ; Welterlin et LaRue, 2007 ; Durà-Vilà et Hodes, 2009 ; Heer et al., 2012 ; Pondé et Rousseau, 2013), soit parce que l’aide offerte ne correspond pas à leurs attentes (Alvarado, 2004 ; Radell et al., 2008 ; Durà-Vilà et Hodes, 2009 ; Croot et al., 2012). Selon Heer et ses collaborateurs (2012), en renonçant à recevoir du soutien pour eux-mêmes, les parents chercheraient à obtenir davantage de services pour leur enfant.

Facteurs modulant le recours aux mesures de soutien

Divers facteurs modulant l’utilisation de mesures d’aide par les parents immigrants d’un enfant ayant des besoins spéciaux ressortent des recherches retenues. Leur présence ou non dans chacune des études examinées est indiquée dans deux tableaux (Tableaux 3 et 4). Ils sont examinés séparément dans cette section afin de mieux saisir leur implication dans le choix des parents de recourir aux ressources de soutien.

Tableau III

Facteurs sociodémographiques, soutien social, composantes culturelles et communicationnelles dans les 20 écrits scientifiques

Facteurs sociodémographiques, soutien social, composantes culturelles et communicationnelles dans les 20 écrits scientifiques

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Comme en témoignent les données présentées dans le tableau 3, la moitié des écrits scientifiques sélectionnés mettent en évidence un lien direct entre les facteurs sociodémographiques des parents et la consommation de services d’aide (n=10) (Tableau 3). Le contexte migratoire (par ex. : sans-papiers, réfugiés) ressort majoritairement (n=8). En effet, l’accès aux programmes sociaux peut se révéler plus ardu suivant la situation dans laquelle les parents et l’enfant se trouvent sur le plan juridique, selon le pays d’accueil (Alvarado, 2004 ; Welterlin et LaRue, 2007). Pour leur part, Kaur-Bola et Randhawa (2012) et Kramer-Roy (2012) soutiennent qu’un plus bas niveau d’éducation des parents, qui se manifeste généralement à travers une moindre capacité de maîtrise de la langue, restreint l’accès aux modalités de soutien (Tableau 3). Plus globalement, la majorité des auteurs soulignent la situation de pauvreté et de précarité (emploi, logement) dans laquelle se trouvent généralement les populations immigrantes (Steinberg et al., 1997 ; Bailey et al., 1999 ; Rhoades, Price et Barris Perigoe, 2004 ; Welterlin et LaRue, 2007 ; Croot et al., 2012 ; Heer et al., 2012). Toutefois, personne ne fait de lien direct entre ce contexte et l’utilisation des mesures de soutien par les parents.

Toujours selon les données du tableau 3, le réseau social exerce une influence sur la décision des parents immigrants de recourir ou non aux services d’aide (n=10). Un élément majeur identifié concerne la présence ou non de ressources de soutien social informel (amis, voisins, collègues, etc.) (n=9). Il arrive souvent que le parcours migratoire ait réduit la densité et la stabilité de ce réseau (Steinberg et al., 1997 ; Bailey et al., 1999). De même, l’apparition des difficultés chez l’enfant entraîne parfois un rejet de la part de la communauté culturelle, religieuse ou de la famille élargie (mère rendue responsable, punition divine) (Sham, 1996 ; Won, Krajicek et Lee, 2004 ; Croot et al., 2012 ; Kramer-Roy, 2012). Gérer les troubles du comportement de l’enfant incite aussi les parents eux-mêmes à s’isoler (Won, Krajicek et Lee, 2004). En outre, seules trois recherches évoquent le soutien social formel, soit celui fourni par des organismes publics (services gouvernementaux) ou des agences de soins privés (Steinberg et al., 1997 ; Bailey et al., 1999 ; Cohen, 2013) (Tableau 3). Les auteurs expliquent comment ces ressources viennent combler l’absence ou la diminution du soutien social informel due au parcours d’immigration (Steinberg et al., 1997 ; Bailey et al., 1999 ; Cohen, 2013). Par ailleurs, les groupes de soutien peuvent tenir un rôle important parmi les ressources sociales des parents immigrants (n=6) (Tableau 3). Ils contribuent notamment à leur donner un espace d’expression et d’échange sur leur situation particulière (Bailey et al., 1999 ; Alvarado, 2004 ; Kramer-Roy, 2012 ; Cohen, 2013). Il arrive toutefois que ces groupes soient inaccessibles à des parents pour une raison linguistique ou parce qu’ils craignent les jugements d’autrui (Won, Krajicek et Lee, 2004 ; Radell et al., 2008).

Les facteurs culturels rassemblent tout ce qui touche au bagage identitaire des parents. Une partie de ces acquis se rapporte à la perception des rôles de l’homme et de la femme, du père et de la mère, ainsi que les représentations des liens familiaux. Comme l’indique le tableau 3, huit écrits scientifiques relèvent ces éléments. Il apparaît, par exemple, que les mères assument davantage de responsabilités auprès de l’enfant que les pères, suivant leur origine culturelle. En effet, elles sont généralement désignées pour gérer tout ce qui touche à l’enfant et l’organisation des services le concernant (Steinberg et al., 1997 ; Bateson, 2013). Dans certaines cultures (Asie de l’Est ou du Sud), les mères sont souvent identifiées comme responsables de la déficience de leur enfant, les amenant à ressentir de la gêne dans des démarches de demande d’aide pour elles-mêmes (Won, Krajicek et Lee, 2004 ; Kramer-Roy, 2012). À propos des liens familiaux, le soutien, la cohésion et l’honneur ressortent surtout chez les populations latino-américaines (Steinberg et al., 1997 ; Alvarado, 2004 ; Cohen, 2013). L’honneur familial intervient également dans le cas de la famille chinoise étudiée par Sham (1996), mais davantage à travers les répercussions de la performance scolaire de l’enfant sur l’ensemble de la famille.

Toujours dans les facteurs culturels, les représentations de l’enfant, de son développement, ainsi que les perceptions de l’éducation et des soins à lui apporter modulent les stratégies de soutien adoptées par les parents, selon 12 écrits scientifiques (Tableau 3). À ce propos, Pondé et Rousseau (2013) expliquent que la perturbation des habiletés langagières pousserait généralement les parents immigrants à consulter. Par ailleurs, dans certaines cultures asiatiques (Chine, Corée), l’apprentissage de la langue d’origine reste important pour la famille, quels que soient les problèmes de l’enfant (Sham, 1996 ; Yu, 2013). Sur le plan de l’éducation plus générale, Cohen (2013) met l’accent sur les comportements convenables et le respect comme des préceptes fondamentaux au sein des familles latino-américaines, l’emportant sur des objectifs comme l’indépendance. Quant aux services et aux soins à donner à l’enfant, les parents latino-américains tendent à créer un environnement agréable et sans conflit afin de le protéger (Cohen, 2013), allant parfois jusqu’à des attitudes pouvant passer pour de la « surprotection » (Steinberg et al., 1997).

Également comme facteurs culturels modulant le recours aux ressources de soutien, les représentations des difficultés de l’enfant ainsi que des causes possibles de celles-ci ressortent dans 12 publications scientifiques (Tableau 3). La déficience peut trouver du sens pour les parents sur le plan de la spiritualité, notamment chez les populations d’origine asiatique (Heer et al., 2012 ; Pondé et Rousseau, 2013). Plusieurs auteurs mentionnent la référence à la volonté divine qui s’exprime à travers les difficultés de l’enfant, soit de manière positive (Steinberg et al., 1997 ; Rhoades et al., 2004 ; Welterlin et LaRue, 2007), soit comme une punition (Welterlin et LaRue, 2007 ; Kaur-Bola et Randhawa, 2012 ; Kramer-Roy, 2012). Lorsque les incapacités sont perçues comme un don de Dieu, les thérapies offertes à l’enfant peuvent apparaître comme une interférence avec la volonté divine (Rhoades et al., 2004). La stigmatisation des parents et de leur enfant avec des besoins spéciaux proviendrait de pressions culturelles non dites, selon l’interprétation de Kaur-Bola et Randhawa (2012). Considérant cet environnement, les familles tendent à se replier sur elles-mêmes et à cacher leur enfant (Rhoades et al., 2004 ; Croot et al., 2012). Les représentations négatives et le rejet peuvent aussi venir de la famille élargie, avec pour conséquence l’absence de soutien de leur part (Kramer-Roy, 2012). Reste l’importance pour les parents de croire en la réversibilité des troubles de l’enfant, les poussant parfois à opter pour d’autres façons d’expliquer la situation (Welterlin et LaRue, 2007 ; Pondé et Rousseau, 2013). Dans ces cas, ils espèrent une guérison ou une compensation du retard de développement par l'enfant (Won, Krajicek et Lee, 2004; Durà-Vilà et Hodes, 2009 ; Heer et al., 2012).

Outre les causes des difficultés de l’enfant, sept écrits scientifiques soutiennent que la manière de les prendre en charge diffère selon les représentations parentales des médecines occidentale et traditionnelle (Tableau 3). Le recours à la médecine traditionnelle (médication naturelle, représentant religieux, cérémonies, etc.) se retrouve couramment dans les études (Sham, 1996 ; Steinberg et al., 1997 ; Won, Krajicek et Lee, 2004 ; Croot et al., 2012 ; Bateson, 2013). Toutefois, cette utilisation est généralement dissimulée par les parents, par peur de l’incompréhension des intervenants occidentaux (Welterlin et LaRue, 2007 ; Pondé et Rousseau, 2013). Bateson (2013) explique comment les mères réfugiées de Somalie, très attachées à leur médecine traditionnelle, éprouve des difficultés à se procurer la médication adéquate et à en assumer le coût.

Un dernier aspect culturel, abordé dans huit recherches, touche aux perceptions que les parents ont des intervenants, illustrant les tensions entre la médecine traditionnelle et celle occidentale (Tableau 3). Les écrits scientifiques font ressortir que les parents ont des représentations négatives des fournisseurs de services (Bailey et al., 1999 ; Alvarado, 2004 ; Rhoades et al., 2004 ; Balcazar et al., 2012 ; Croot, 2012 ; Pondé et Rousseau, 2013). Par exemple, si les parents refusent d’accepter les difficultés de leur enfant, un intervenant peut être considéré comme « intrusif » en prônant une évaluation (Pondé et Rousseau, 2013). Le manque de compétences, de sensibilité culturelle et d’honnêteté est aussi désigné par les parents comme une lacune (Alvarado, 2004 ; Balcazar et al., 2012 ; Croot, 2012). Par ailleurs, les familles éprouvent parfois des craintes envers les services provenant du gouvernement, en raison d’expériences passées ou des conditions de vie dans leur pays d’origine (Bailey et al., 1999 ; Croot, 2012). Face à des méthodes plus interactives (approche centrée sur la famille) qui ne leur sont pas connues, les parents immigrants peuvent se sentir déconcertés, remettant en question le sérieux des intervenants (Rhoades et al., 2004).

Suite à la description des facteurs culturels et en lien avec ces derniers, les facteurs communicationnels découlent souvent du parcours migratoire des parents. Comme l’illustre le tableau 3, 13 recherches évoquent la barrière linguistique comme limitant l’accès aux mesures d’aide pour les parents immigrants d’un enfant qui présente des difficultés. Suivant leur niveau de maîtrise de la langue, les parents parviendront ou non à transmettre leurs attentes aux professionnels. Certains craignent de perdre leurs services d’aide s’ils se plaignent de l’inadéquation de ces derniers (Croot et al., 2012). Et lorsqu’une erreur survient dans les demandes de services ou de financement (par ex. : dans les formulaires suite à des difficultés de langue), les parents manquent parfois des ressources auxquelles ils auraient droit (Sham, 1996). Il semble toutefois que même quand les parents immigrants maîtrisent la langue du pays d’accueil, les échanges avec les intervenants ne se déroulent pas de manière optimale (Kaur-Bola et Randhawa, 2012). En effet, l’utilisation de la « survulgarisation » et de la prudence par les professionnels dans leur discours peut entraîner de la méfiance chez les parents (Kaur-Bola et Randhawa, 2012).

Pour clore la réflexion sur les facteurs influençant l’utilisation des prestations de soutien, les perceptions parentales des services de soutien apparaissent comme non négligeables. En effet, comme le souligne le tableau 4, 12 écrits scientifiques parmi les 20 retenus évoquent ce thème, soit sous l’angle des attentes non comblées, soit sous l’angle du décalage entre les attentes des parents et celles des intervenants.

Tableau IV

Les perceptions parentales des services et évolution du recours traitées dans les 20 écrits scientifiques

Les perceptions parentales des services et évolution du recours traitées dans les 20 écrits scientifiques

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À une exception près (Welterlin et LaRue, 2007), toutes ces études mettent en évidence les retombées des attentes parentales ainsi que du niveau de satisfaction concernant les mesures d’aide sur les choix des ressources de soutien (Bailey et al., 1999 ; Durà-Vilà et Hodes, 2009 ; Cohen, 2013). La difficulté d’accéder aux services est relatée (Sham, 1996 ; Balcazar et al., 2012 ; Yu, 2013), de même que les investissements (en transport, en nourriture spécifique, en financement) nécessaires pour envoyer un enfant dans une structure formelle (la garderie, l’école, etc.) (Croot et al., 2012). Souvent, les parents mettent en avant l’importance de la collaboration entre les différents organismes (Kramer-Roy, 2012). Tout comme la perception des ressources de soutien guide les parents dans leurs choix, la discordance entre les attentes parentales et les objectifs des intervenants concernant l’enfant, relevée par sept publications, amènent les familles à refuser de l’aide (Tableau 4). Globalement, le fait de valoriser l’indépendance de l’enfant et de développer ses capacités à le devenir, ce que visent les modèles d’intervention occidentaux, entre en conflit avec les projets d’avenir que les parents peuvent avoir pour leur enfant (Alvarado, 2004 ; Cohen, 2013). Ce décalage peut d’ailleurs expliquer le manque d’implication des parents dans les démarches des professionnels (Welterlin et LaRue, 2007 ; Croot, 2012 ; Kramer-Roy, 2012). La discordance des perceptions peut aussi se situer dans la représentation de l’enfant avec une incapacité, la famille le considérant comme original et dénonçant le système scolaire, puisque celui-ci serait incapable d’accepter la diversité (Pondé et Rousseau, 2013).

Évolution des attentes parentales de soutien

La dernière question de l’étude de la portée vise à mieux comprendre l’évolution des attentes en ce qui a trait aux mesures d’aide chez les parents immigrants avec l’avancée en âge de l’enfant qui présente des besoins particuliers. Huit écrits scientifiques évoquent ce thème, comme mentionné dans le tableau 4. Deux recherches expliquent comment, en percevant différemment les difficultés de leur enfant (de négatif à positif ou neutre, de causes religieuses à médicales, etc.), les parents modifient également leur représentation des ressources de soutien et acceptent parfois simplement d’y avoir recours (Croot et al., 2012 ; Kaur-Bola et Randhawa, 2012). Dans les six autres écrits, les préoccupations se centrent sur la prise en charge à long terme de l’enfant (Tableau 4). Bailey et ses collaborateurs (1999) soulignent que les parents demandent des informations sur le devenir de leur enfant. Chez quelques familles, la résignation prédomine face à l’obtention de services rejoignant leurs attentes (Heer et al., 2012). En effet, les difficultés rencontrées avec les intervenants et le sentiment de recevoir des services inappropriés pour leur enfant peuvent entraîner un sentiment d’impuissance, ne laissant aux parents que peu d’espoir pour le futur (Heer et al., 2012). Pour d’autres parents, la principale préoccupation concerne leur propre décès et la prise en charge de l’enfant vieillissant (Bywaters et al., 2003 ; Heer et al., 2012 ; Kramer-Roy, 2012). La détérioration de l’état de santé des parents les pousse à chercher du soutien pour eux-mêmes, mais plus rarement à planifier l’avenir de l’enfant, financièrement par exemple (Heer et al., 2012). Reste que des mesures proactives sont déployées, principalement par des mères, afin d’assurer le futur de leur enfant, en créant des contacts au sein de la communauté avec d’autres familles vivant la même situation (Kramer-Roy, 2012). Plus généralement, les parents décident de rester dans le pays d’accueil afin de conserver l’accès aux services destinés à l’enfant (Steinberg et al., 1997 ; Yu, 2013).

Discussion

À travers le contenu des 20 écrits scientifiques analysés dans le cadre de cette étude de la portée, des réponses peuvent être élaborées vis-à-vis des trois questions de recherche posées, à savoir les types de mesures de soutien utilisées, les principaux facteurs qui modulent cette consommation et l’évolution des attentes en fonction de l’avancée en âge de l’enfant.

Parmi les types de mesures de soutien utilisées ou non, il apparaît clairement que les aides informationnelles ressortent le plus souvent dans les publications consultées, que ce soit à propos des difficultés de l’enfant, de l’organisation du réseau de santé et des services sociaux ou de l’accès aux modalités de soutien. Le recours à des interprètes permet d’optimiser la compréhension de ces informations. Par ailleurs, l’accompagnement dans l’éducation de l’enfant constitue un besoin d’aide exprimé par les parents et documenté dans les écrits scientifiques, face à un enfant avec des besoins spéciaux. Le soutien financier et les ressources liées au transport tiennent également une place primordiale parmi les attentes formulées. En outre, le répit, le gardiennage et le dépannage sont plus débattus dans les études sélectionnées, les parents ayant parfois des réticences à adhérer à ce type de modalités d’aide. Quant aux services de soutien les moins évoqués, ils concernent l’accompagnement à la décision, l’appui juridique, l’aide psychosociale et l’assistance dans la vie quotidienne. À propos du non-recours, une partie des écrits consultés mettent en avant la pression sociale ressentie par les parents qui les amène à prendre totalement en charge leur enfant, et ce, sans aide extérieure. Il arrive également que les modalités de soutien ne concordent pas avec les attentes des parents immigrants d’un enfant ayant des besoins spéciaux.

En ce qui concerne les facteurs qui modulent les choix d’utilisation des ressources d’aide par les parents immigrants, les recherches sélectionnées font ressortir des composantes sociodémographiques comme le contexte migratoire, le niveau d’éducation des parents, le genre ou encore le type de ménage (ménage monoparental), augmentant ou diminuant le recours au soutien selon les situations. De même, le soutien social informel mobilisable intervient dans les éléments conditionnant son recours. Particulièrement fragilisé au travers du parcours migratoire, le réseau social informel peut être relayé par des ressources formelles d’appui, bien que les nouvelles technologies permettent de maintenir les liens transnationaux malgré les distances géographiques (Arsenault, 2010 ; Vatz Laaroussi et Bolzman, 2010). L’intérêt exprimé par les parents envers les groupes de soutien afin d’échanger sur leur vécu spécifique ressort aussi dans les écrits scientifiques.

Un autre facteur d’influence des ressources de soutien utilisées par les parents immigrants d’un enfant qui présente des difficultés relève de composantes culturelles, telles que les représentations du genre et de la famille. La répartition des tâches au sein du couple suit souvent un modèle dit « traditionnel » où la mère s’occupe de l’enfant et renonce généralement à son emploi. Quant à la famille élargie, son rôle de soutien peut dépendre de la culture et des perceptions des difficultés de l’enfant. Lorsque la tradition veut que l’entraide passe avant les besoins individuels, les ressources informelles se révèlent plus disponibles. Par contre, si la déficience de l’enfant n’est pas acceptée par la famille élargie, son soutien ne constitue pas une ressource mobilisable. En ce qui concerne l’éducation, de grands désaccords se présentent entre les parents et les intervenants quant aux normes et aux valeurs sociales à transmettre. Les représentations culturelles de la déficience et de ses causes interviennent également dans la modulation de l’utilisation des services. Les croyances religieuses, mêlées aux représentations de la médecine occidentale et de la médecine traditionnelle, entraînent parfois des besoins supplémentaires chez les parents immigrants (par ex. : accès aux traitements traditionnels) ou des compréhensions différentes des difficultés de l’enfant qui limitent leur investissement dans les interventions de réadaptation. Quant aux représentations de l’intervenant, qu’il soit vu avec méfiance ou comme expert, ces éléments viennent teinter les décisions des parents dans leur recours aux différentes modalités d’aide, parfois en inhibant l’utilisation du soutien, d’autres fois en favorisant la consommation de services.

Les facteurs communicationnels, à savoir principalement le niveau de maîtrise de la langue du pays d’accueil ainsi que les différents paramètres de la communication (littératie, relations humaines, etc.), interviennent notamment dans l’accès aux ressources d’aide par les parents (services dans une langue non maîtrisée), mais aussi dans la transmission de leurs besoins et attentes. Les écrits scientifiques consultés montrent comment cet échange est particulièrement difficile pour les parents immigrants d’un enfant avec des besoins spéciaux. Quant aux perceptions parentales des ressources de soutien disponibles, les recherches abordent l’insatisfaction des parents vis-à-vis du type d’aide qui leur est proposé. Cette insatisfaction peut s’expliquer par un « cycle évolutif ». Les parents possèdent des attentes quant aux prestations qu’ils pourraient obtenir pour leur enfant (et, plus rarement, pour eux-mêmes). Ces attentes les amènent à choisir parmi les formules d’aide à leur disposition. Or, il arrive fréquemment qu’une discordance intervienne entre les prestations attendues et celles utilisées. Ce bilan entraîne une utilisation plus faible du soutien par les parents, due à leur insatisfaction à son égard, voire un changement de modalité d’aide, entraînant une dynamique évolutive du recours.

En réponse à l’évolution de l’utilisation des prestations de soutien, peu d’écrits scientifiques abordent cet aspect. La préoccupation principale des parents consiste à prendre en charge leur enfant à long terme, sachant que ce dernier rencontrera des limitations dans son futur, en lien avec sa déficience. Parfois résignés, parfois proactifs, les parents ont besoin d’information quant à l’avenir de leur enfant, afin de mieux le planifier. Peut-être le peu d’éléments en lien avec ce thème est-il dû à la difficulté pour les parents à l’appréhender, l’espoir de guérison restant une perspective possible pour nombre d’entre eux. En effet, une des caractéristiques spécifiques aux familles immigrantes résulterait du rôle joué par les enfants dans la réussite du projet de migration. Une autre hypothèse tiendrait à l’approche des modèles de prise en charge de l’enfant (réadaptation, éducation) qui reste très liée à son âge.

L’étude de la portée réalisée ici met en exergue des éléments importants de l’accompagnement des parents immigrants d’un enfant qui présente des besoins particuliers mais comporte toutefois des limites. Le fait qu’un grand nombre d’articles proviennent soit des États-Unis, soit du Royaume-Uni, vient caractériser la manière de comprendre les enjeux posés aux parents immigrants. En effet, le système législatif, social et de santé est propre à chaque pays, ce qui complexifie l’analyse de la situation. Ainsi, les résultats obtenus à travers les écrits scientifiques doivent être replacés dans leur contexte. De plus, les études recensées adoptent souvent une approche ethnocentrique quant à la population interrogée. En effet, la majorité des conclusions énoncées par les auteurs soutiennent des caractéristiques rattachées à l’origine culturelle des personnes sollicitées (populations immigrantes latino-américaines, asiatiques, etc.) dans un pays d’accueil. L’utilisation des résultats obtenus à plus grande échelle demanderait une validation préalable dans d’autres contextes. Enfin, il est toujours difficile d’opérationnaliser le concept d’utilisation des mesures de soutien dans le cadre des recherches effectuées. Les modalités d’aide concernent souvent l’enfant avec des difficultés et comme les écrits l’ont rapporté, les parents sont peu enclins à utiliser des ressources pour eux-mêmes. Soulager leur fardeau se traduit pour eux par plus de services pour l’enfant.

L’aspect novateur de cette étude de la portée tient dans la prise en compte de l’évolution des attentes parentales envers le soutien et du processus de choix des services d’aide. L’ensemble des facteurs sociodémographiques, culturels, communicationnels et de soutien social s’additionnent à l’avancée en âge de l’enfant pour moduler le recours aux ressources de soutien par les parents. Des décisions prises en termes de services d’aide amènent la famille à vivre des expériences plus ou moins satisfaisantes, influençant le recours aux services de soutien pour le futur (cycle évolutif). Ainsi, à travers le parcours de vie familiale, des modifications se produiront dans les facteurs d’influence de l’utilisation de l’aide (nouvel emploi, stabilisation du statut migratoire, meilleure maîtrise de la langue du pays d’accueil, élargissement du réseau social) et dans les besoins spéciaux de l’enfant avec l’âge. Alliés aux connaissances empiriques des services, ces éléments guident les parents dans leur recours.

En référence aux connaissances acquises au moyen des écrits scientifiques consultés, quelques lignes directrices se distinguent quant aux applications sur le terrain. Il apparaît que pour les intervenants, les enjeux principaux se situent dans le fait que les services proposés rencontrent peu d’adhésion chez les parents immigrants, ces derniers ne trouvant pas de sens à donner à ces démarches de réadaptation. La discordance entre les attentes de chacun s’explique souvent par le bagage culturel des individus, les manières d’agir et les objectifs ne se rejoignant pas. Pour la même raison, les intervenants s’attendent généralement à ce que les parents soient proactifs et s’impliquent dans les services pour leur enfant. Au contraire, la représentation de l’échange avec un professionnel selon les parents immigrants se situe davantage dans un mode passif où l’intervenant, en tant qu’expert, prend en main l’organisation des prestations. Enfin, la communication entre les intervenants et les parents se pose nettement comme un défi majeur, la maîtrise de la langue du pays d’accueil présentant un véritable obstacle pour les familles immigrantes. Quant aux enjeux pour les parents, leurs attentes envers les ressources de soutien ne paraissent pas satisfaites à partir des services disponibles. Ils se trouvent alors contraints d’utiliser des prestations qui ne leur conviennent pas vraiment, afin de s’occuper de leur enfant en priorité et dans l’attente de trouver des modalités de soutien plus adéquates selon leurs critères. Cette interférence peut venir remettre en question l’utilisation des ressources de soutien par les parents immigrants d’un enfant avec des difficultés.

Conclusion

L’étude de la portée sur les mesures de soutien des parents immigrants d’un enfant qui présente des besoins spéciaux a mis en évidence les attentes essentielles en informations, tant dans leur acquisition que dans leur intelligibilité. En outre, tout ce qui entoure l’établissement d’une communication efficace et fonctionnelle entre les parents immigrants et les intervenants vient moduler le recours aux ressources d’aide. La maîtrise de la langue du pays d’accueil affecte d’ailleurs ces deux éléments. De plus, les représentations culturelles de l’enfant et de ses besoins spéciaux interviennent clairement dans le processus de décision des parents d’utiliser ou non un service. En d’autres termes, il faudrait reconnaître davantage les bases culturelles ancrées dans le système familial et mieux tenir compte de l’assimilation de l’information afin que les parents immigrants puissent réaliser un choix libre et éclairé par rapport aux mesures de soutien disponibles. Au-delà des défis communs aux familles ayant un enfant avec des besoins spéciaux, l’immigration amplifie donc les obstacles auxquels les parents doivent faire face, en particulier la surcharge de la mère. Cette étude reste exploratoire et de futures recherches devraient approfondir le processus de choix des parents et son évolution en développant un aspect longitudinal. Des études comparatives pourraient également être menées afin de souligner les spécificités des besoins des familles immigrantes nouvellement arrivées, par rapport aux populations non immigrantes.