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Introduction

On attribue plusieurs visées au troisième secteur, par exemple la résolution partielle des problèmes sociaux, la transformation des rapports sociaux de domination, l'empowerment des usagers et la démocratisation du travail. La capacité de ces organismes à réaliser ces ambitions et à se constituer en véritable mouvement de transformation sociale représente un enjeu de taille pour les militants et pour les intervenants. En ce qui concerne le rapport salarial, on peut se demander dans quelle mesure le troisième secteur favorise effectivement une activité démocratique et qualifiante. Cet article vise donc à caractériser le rapport salarial et à comprendre sa dynamique dans le troisième secteur, et ce, à partir de résultats qu'on trouve dans des études récentes.

Quelques précisions s'imposent sur la nature du troisième secteur (ou tiers secteur). On utilise l'expression « troisième secteur » pour distinguer les organismes n'appartenant ni au secteur privé à but lucratif (premier secteur) ni au secteur public (deuxième secteur) (Vaillancourt, 1999). Plus précisément, le troisième secteur désigne des organisations indépendantes, légalement constituées, dont les surplus ne font pas l'objet d'une appropriation différenciée par une catégorie d'acteurs et dont les activités sont fondées en partie sur le don et le bénévolat, et sur le travail salarié pour une majorité d'entre elles. Le troisième secteur comprend les groupes communautaires locaux, les groupes civiques de défense des droits, les fondations, les groupes d'entraide, les associations de quartier, etc. La portée de cette définition est assez générale et permet de tenir compte des informations disponibles sur le non-profit sector au Canada[1] et sur les initiatives de la nouvelle économie sociale et des organismes communautaires existant au Québec[2]. Le troisième secteur regroupe ainsi un ensemble hétéroclite d'organismes; cependant, au-delà des différences, les ressemblances entre eux sont suffisamment importantes pour qu’on les considère tous et qu’on fasse les distinctions appropriées au moment de l'analyse des données.

Recension des écrits sur le rapport salarial dans le troisième secteur

Depuis le début des années 1980, la démocratisation au travail bénéficie d'un intérêt certain si l'on en juge par l'abondance de la littérature sur la modernisation des entreprises (Bélanger, Grant et Lévesque, 1994; Bidet et Texier, 1995; Grant, Bélanger et Lévesque, 1997; Laville, 1999). Des chercheurs s'intéressent également au rapport salarial dans le troisième secteur qui pourrait innover en cette matière, d'après ses protagonistes, et même inspirer les secteurs public et privé. Ces études empiriques peuvent être regroupées selon quatre types : les études comparatives, les contributions féministes, les études à caractère sectoriel, territorial ou évaluatif où le travail représente un volet parmi d'autres et, enfin, les recherches descriptives et analytiques sur le travail en économie sociale. Ce parcours dans la littérature permet de situer l'originalité de la présente contribution.

Durant les années 1980, la parution de plusieurs textes témoigne d'une convergence d'intérêts pour les comparaisons entre les coopératives de travail et les entreprises capitalistes (Greenberg, 1980 et 1981; Rhodes et Steer, 1981; Batstone, 1982; Defourny, 1990; Côté et Desrochers, 1990). On comprend l'interrogation que suscitait, à l'époque, la prolifération des coopératives de travail : peuvent-elles représenter une solution de rechange viable et valable aux entreprises capitalistes? De façon générale, les coopératives de travail seraient aussi performantes économiquement que les entreprises traditionnelles, sinon plus (Defourny, 1990); elles ne démontreraient cependant pas plus de propension à innover en matière d'organisation du travail que les entreprises capitalistes (Comeau et Lévesque, 1994). Le présent article retient tout particulièrement l'étude de McMullen et Schellenberg (2003) comparant le third sector au Canada aux secteurs privé et public (une information plus détaillée sur cette étude est présentée plus loin).

Dans les années 1990, des contributions féministes ont pris la forme d'études empiriques, parfois, mais surtout d'essais remettant en question l'apport véritable du troisième secteur à l'amélioration de la condition de travailleuses et de citoyennes. Ces travaux soulignent l'importance de considérer le sexe dans toute réflexion sur le rapport salarial dans le troisième secteur. La critique concerne le caractère dominé des traits organisationnels féminins dans les organismes (Guberman et collab., 1994), l'importance démesurée accordée à la composante marchande des activités au détriment du don et de la solidarité (D'Amours, 2002), le caractère peu redistributif de la rémunération, la mauvaise qualité des emplois et l'érosion des droits politiques des femmes au regard de la prise en charge de certains services (Lamoureux, 1998; Côté et Fournier, 2002). Plus récemment encore, des recherches empiriques ont examiné la condition salariale des femmes (Descarries et Corbeil, 2003, en aide domestique) et la contribution de l'économie solidaire à l'avancement de la condition féminine (Guérin, 2003). Ces études concluent aux potentialités des entreprises collectives, mais également aux obstacles qu'elles rencontrent pour améliorer les conditions de vie des femmes.

On relève, par ailleurs, un grand nombre d'études à caractère sectoriel, territorial ou évaluatif où le travail représente un aspect secondaire. En nous limitant au Québec, rappelons l'étude de Lévesque, Côté, Chouinard et Russell (1985) sur les coopératives de travail, les études gouvernementales (Direction des coopératives, 1993, 1994, 1995a, 1995b, 1998 et 2000) et les descriptions territoriales du troisième secteur (par exemple, Tremblay et Tremblay, 1998; Saucier et Thivierge, 1999; Comeau, 2003). Le présent article prend en compte deux études appartenant à ce type de recherche sur le rapport salarial (Comeau et collab., 2001 et 2002).

Un dernier ensemble de recherches aborde le travail en économie sociale de manière descriptive et analytique. On s'est ainsi intéressé à la satisfaction au travail dans les coopératives de travail (Oliver, 1984 et 1987; Rothschild et Russell, 1986; Rothschild-Whitt et Whitt, 1986; Comeau, 1993 et 1993-1994), à l'organisation du travail dans les entreprises d'économie sociale européennes (Westenholz, 1982; Sainsaulieu, Tixier et Marty, 1983; Mellor, Hannah et Stirling, 1987), aux relations de travail (Sainsaulieu, Tixier et Marty, 1983; Lévesque, 1991; Paquet, Deslauriers et Sarrazin, 1999), aux conditions de travail (Paquet, Favreau et collab., 2000; Bourdon, Deschenaux et Coallier, 2000) et à l'implication des travailleurs sociétaires (Mellor, Hannah et Stirling, 1987). Appartenant à ce type de recherche, l'étude du Comité sectoriel de la main-d'oeuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire (2000) est retenue ici.

Cet article apporte une contribution particulière à ces écrits, puisque les études font rarement des comparaisons statistiques entre les divers aspects du rapport salarial, d'une part, et des variables comme le sexe des employés, les territoires et les caractéristiques des organismes, d’autre part. Une autre contribution originale du texte est qu'à terme l'analyse identifie les phénomènes pouvant exercer une influence sur les formes que prend le rapport salarial dans le troisième secteur.

L'approche théorique

Pour Aglietta (1997, p. 65), le rapport salarial « […] est à la fois un rapport d'échange et un rapport de production ». En tant que rapport d'échange, le rapport salarial comprend le salaire direct (rémunération) et indirect (avantages sociaux et différents régimes). En tant que rapport de production, le rapport salarial inclut le processus concret de production (travail, machines et outils), les qualifications et la division du travail ainsi que la mobilité de la force de travail (géographique et entre entreprises). Si l’on considère le travail dans le troisième secteur en tant que rapport social, la sociologie des mouvements sociaux paraît tout indiquée pour en comprendre la dynamique.

Pour Touraine (1978 et 1993), la dynamique de lutte entre les classes ou les groupes sociaux est déterminante pour orienter le modèle de développement dont le rapport salarial est l’une des composantes. Cette dynamique des rapports entre les groupes concerne deux leviers du changement : les ententes et les règles en vigueur, d'une part, et l'acquisition de ressources, d'autre part. En ce sens, Alain Touraine (1993, p. 58-67) distingue deux dimensions fondamentales de l'analyse sociologique : institutionnelle et organisationnelle. La dimension institutionnelle du rapport salarial renvoie au « système politique ». Celui-ci résulte de l'action historique et des conflits qui permettent d'établir « un corps de décisions et de lois » et « des mécanismes de formation des décisions légitimes » (Touraine, 1993, p. 59). Dans cette perspective, la composante institutionnelle privilégie les rapports entre les acteurs afin de reconnaître les pressions politiques qui agissent sur et dans le rapport salarial. Il existe donc non seulement une composante institutionnelle du rapport salarial à l’intérieur des organismes, mais aussi une composante externe. Les phénomènes institutionnels externes sont reliés à la notion d'espace public dans lequel se manifestent notamment l'État, les forces du marché et la société civile (Laville et Sainsaulieu, 1997). Les phénomènes institutionnels internes sont associés à la présence des divers groupes sociaux dans les organismes que sont les sociétaires, les cadres, les administrateurs élus et les salariés.

La dimension organisationnelle englobe le « système des moyens » et les « techniques » (Touraine, 1993, p. 62), autrement dit les modalités de production de biens et de services, de même que les ressources. La dimension organisationnelle s'avère pertinente pour considérer l'autonomie et la participation des salariés à la production des biens et à la livraison des services. Concrètement, la composante organisationnelle correspond aux moyens que l'organisme met en oeuvre pour atteindre ses objectifs. Les aspects organisationnels concernent notamment la coordination dans les organismes, les régimes d'emploi et l'organisation du travail.

Au moment de l'analyse, les données disponibles (puisqu'il s'agit de données secondaires, comme nous le verrons) seront ainsi regroupées autour des dimensions institutionnelle, d'une part, et organisationnelle, d'autre part. Il est possible que le rapport salarial dans les organismes du troisième secteur prenne des formes variées. En nous inspirant de Bélanger et Lévesque (1994), nous pouvons imaginer que ces formes se situent à la croisée des dimensions institutionnelle et organisationnelle, et qu’elles comportent plus ou moins d'inclusion politique et plus ou moins de qualification. Cette hypothèse fera l'objet d'une vérification.

Les recherches mises à contribution

La présentation des recherches mises à contribution permet de si-tuer l'univers des organismes dont il est question et d'apprécier le type de données. Ces recherches empiriques sont retenues parce qu'elles permettent une description des divers éléments du rapport salarial à partir de données récentes. Ces études favorisent également une perspective comparative du rapport salarial dans divers territoires et domaines d'activité, entre les sexes et les catégories d'employés. Ces recherches permettent également de tenir compte de données générales tirées d'un large échantillon et de données détaillées recueillies dans des milieux bien circonscrits. Cependant, il s'agit de données secondaires, puisque leur collecte et leur analyse ne résultent pas d'un devis de recherche portant a priori sur le rapport salarial; les données et les comparaisons statistiques demeurent tout de même pertinentes et utiles à notre propos.

Une première recherche retenue est celle qu’ont menée McMullen et Schellenberg (2003) relativement à la qualité des emplois dans les organismes à but non lucratif au Canada, à partir de l'Enquête sur le lieu de travail et les employés, réalisée en 1999 par Statistique Canada. L'enquête de type longitudinal porte sur 6 320 établissements et 23 500 employés. Le secteur à but non lucratif est constitué de 463 organismes dans les domaines de la culture, des loisirs, de la santé, de l'éducation, des services sociaux et « autres industries à but non lucratif » comprenant au moins une personne salariée. L'intérêt de cette étude vient des comparaisons qui sont faites avec le parapublic (358 organisations à but non lucratif dans des entreprises « parapubliques », y compris les écoles primaires et secondaires, les collèges et les universités, les hôpitaux et l'infrastructure publique) et 5 501 entreprises à but lucratif.

La deuxième étude, réalisée entre le 1er mars 2000 et le 16 mai 2000 par le Comité sectoriel de la main-d'oeuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire, rend accessibles des données relatives aux organismes du Québec. Les données de cette étude ont été recueillies auprès de 2 315 organismes à l'aide d'un sondage téléphonique portant sur leur vie démocratique, leurs finances et leur main-d'oeuvre (Comité sectoriel de la main-d'oeuvre, 2000).

La troisième recherche concerne 250 organismes représentatifs de l'ensemble du communautaire (135 organismes répondants) et de la nouvelle économie sociale (85 organismes répondants) dans la région de Chaudière-Appalaches (Comeau, 2003). Cette étude a été retenue parce que les organismes qui ont répondu à un questionnaire détaillé sont représentatifs de l'ensemble d'une région et parce que des relations statistiques sont établies entre diverses variables.

La quatrième étude comporte un volet évaluatif important, relativement au plan d'action d'économie sociale qu’ont adopté divers partenaires sociaux lors du Sommet sur l'économie et l'emploi de 1996 (Comeau et collab., 2001). Cette recherche permet de comparer 365 entreprises d'économie sociale appartenant à trois catégories : les centres de la petite enfance (206 répondants), les entreprises d'aide domestique (59 répondants), la catégorie regroupant les centres de travail adapté et les entreprises d'économie sociale en aménagement forestier (30 répondants); à ces trois catégories s'ajoute une catégorie d'initiatives appartenant à divers secteurs (70 répondants).

La cinquième recherche porte sur les effets en 1999-2000 du Fonds de lutte contre la pauvreté par l’inclusion sociale sur 126 organismes qu'il a appuyés (Comeau et collab., 2002a). Il est possible, à partir des résultats de cette étude, de comparer des organismes d'une région périphérique défavorisée (la Gaspésie) avec ceux de quartiers urbains défavorisés de Montréal.

Les aspects institutionnels du rapport salarial dans le troisième secteur

Le tableau suivant présente les principaux constats qui ressortent des données statistiques des enquêtes évoquées précédemment.

Tableau 1

Synthèse des aspects institutionnels du rapport salarial dans le troisième secteur

Synthèse des aspects institutionnels du rapport salarial dans le troisième secteur

1. Des relations significatives ont été établies dans les études à l'aide de tests statistiques.

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La présence des différents groupes sociaux

L'importance relative de certains groupes tels que les femmes, les jeunes, les personnes immigrantes et peu scolarisées permet de caractériser un aspect institutionnel du rapport salarial. Au Québec, le troisième secteur tend globalement à favoriser l'embauche d'une main-d'oeuvre féminine, jeune et scolarisée, sans pour autant privilégier les immigrants[3].

Toutes les études consultées montrent que, globalement, la main-d'oeuvre du troisième secteur est largement féminine[4]. La situation varie considérablement lorsque l'on considère le domaine d'activité. Ainsi, il existe des domaines où la main-d'oeuvre est plutôt féminine et des domaines où elle est plutôt masculine[5]. Cet effet des domaines d'activité fait que les femmes se retrouvent davantage dans des organisations de taille relativement petite, qui fournissent des services aux personnes et dont le statut juridique est celui de corporation à but non lucratif, alors que les hommes se retrouvent dans des organisations de taille relativement grande, dans des activités économiques primaires et manufacturières, dans des coopératives et dans la partie du troisième secteur dont la composante marchande est la plus importante.

La présence massive des femmes dans le troisième secteur fait naître deux points de vue. Le premier point de vue insiste sur la capacité d'insertion du troisième secteur pour une partie de la main-d'oeuvre qui bénéficie de moins de possibilités dans le secteur à but lucratif tout particulièrement. Le deuxième point de vue, qui est privilégié ici, insiste sur la division sexuelle du travail, qui confine les femmes dans les services aux personnes (garde des enfants et aide domestique, notamment).

La présence des personnes de 35 ans et moins dépasse la proportion de ce groupe d'âge dans la population selon les études examinant le troisième secteur au Québec. Il est possible que les secteurs de l'environnement, des loisirs et de la culture, investis par le troisième secteur, attirent davantage les jeunes ou, encore, que les emplois offerts par le troisième secteur soient plus accessibles aux jeunes. À l'intérieur même du troisième secteur, le domaine d'activité influence la donne, puisqu'on retrouve, par exemple, plus de jeunes dans les centres de la petite enfance que dans les entreprises d'aide domestique. Les règles en vigueur dans les centres de la petite enfance obligent ces derniers à embaucher une main-d'oeuvre ayant un diplôme d'études collégiales, une formation de niveau postsecondaire que les jeunes ont plus souvent obtenue que les personnes un peu plus âgées.

De manière générale, le troisième secteur recrute des employés plutôt scolarisés (voir le tableau 2). D'après les analyses statistiques, les organismes situés dans les régions périphériques embauchent plus souvent du personnel qui n’est pas nécessairement titulaire d’un diplôme universitaire. La variation de la scolarité de la main-d'oeuvre est liée au territoire, étant donné que celui-ci conditionne les caractéristiques du bassin de recrutement de la main-d'oeuvre.

L'inclusion des salariés dans les instances décisionnelles

L'inclusion des employés dans les instances décisionnelles témoigne d'une volonté affirmée d'impliquer le personnel de l'entreprise dans la conduite de cette dernière. Peu d'organismes (3,2 % des organismes dans Chaudière-Appalaches) offrent des lieux d'expression et de décision autres que l'assemblée générale et le conseil d'administration, et qui ont une portée institutionnelle pour les employés. Il ressort des études que les organismes accordent plus souvent le droit de vote aux usagers et aux bénévoles qu'aux employés[6]. Plus rarement encore, la direction ou la coordination peut exercer un droit de vote à l'assemblée générale. On peut croire que la logique de consommation des services a le plus souvent préséance dans les initiatives du troisième secteur.

Tableau 2

Répartition de la main-d'oeuvre selon la scolarité au Québec (2000) et dans Chaudière-Appalaches (2000-2001)

Répartition de la main-d'oeuvre selon la scolarité au Québec (2000) et dans Chaudière-Appalaches (2000-2001)

1. Pourcentage de la population ayant moins d'une neuvième année (recensement de 1996).

2. Pourcentage de la population de la population ayant entre 9 et 13 ans de scolarité (recensement de 1996). Le diplôme d'études secondaires est habituellement obtenu après 11 ans de scolarité.

Source : Comité sectoriel de la main-d'oeuvre, 2000 et Comeau, 2003.

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Cette possibilité qu'ont les employés d'exprimer leur voix est liée au domaine d'activité. Ainsi, les centres de la petite enfance se démarquent nettement des autres organismes, puisque 50,6 % des organismes autorisent la présence des salariés au conseil d'administration (Comeau et collab., 2001). Il faut rappeler ici que le taux de syndicalisation dans les CPE se situe à 30 % au Québec, alors qu'il est à peu près nul dans les autres secteurs. La taille des organismes est un autre phénomène associé à la présence des employés dans les instances décisionnelles. On peut croire, en effet, que le fonctionnement devient plus complexe et que la possibilité pour les acteurs de faire valoir spontanément leur point de vue auprès des responsables est limitée dans les grandes organisations.

Les conditions de travail

L'étude des conditions de travail prend en considération l'explicitation des conditions de travail, la rémunération et les avantages sociaux.

L'explicitation des conditions de travail signifie qu'un organisme tend à rendre publiques les ententes contractuelles et à éviter l'arbitraire qui risque de prévaloir dans les contrats individuels. Cette explicitation est mesurée par la présence d'une politique écrite des conditions de travail. Une majorité d'organismes (61,9 %) se donnent une politique écrite des conditions de travail. Cette situation varie selon les secteurs d'activité, la situation géographique et la taille des organismes. La tendance à adopter une politique écrite des conditions de travail est la plus forte dans les centres de la petite enfance et dans la composante la moins marchande du troisième secteur, associée au « communautaire ». La syndicalisation peut expliquer pourquoi la quasi-totalité des centres de la petite enfance inscrivent dans un document ce que sont les conditions de travail. Dans le cas du « communautaire », c'est la culture du réseau qui peut expliquer l'adoption d'une politique salariale.

L'adoption d'une politique écrite sur les conditions de travail varie, par ailleurs, selon les territoires. Alors qu'une très grande majorité d'organismes en ont une dans les quartiers défavorisés de la métropole, c’est le cas d'une minorité d'organismes dans une région périphérique défavorisée comme la Gaspésie.

La taille des organismes intervient également dans l'adoption d'une politique écrite des conditions de travail. Il apparaît que les organismes les plus petits sont les moins nombreux à se donner une politique écrite des conditions de travail, bien qu'une majorité d'entre eux le fassent, tandis que la tendance à écrire cette politique est de plus en plus forte à mesure que les organismes accroissent leur taille. Il est raisonnable de croire que la complexité des rapports salariaux et les risques de conflits de travail, qui augmentent dans les organismes les plus grands, incitent la direction à établir des règles explicites en matière de conditions de travail.

En plus de la nature des organismes et de leur taille, la proportion occupée par les revenus récurrents dans le budget des organismes (revenus assurés pour les trois prochaines années) leur permet d'offrir une politique écrite sur les conditions de travail. On comprend que la prévisibilité des revenus permet aux organismes d'officialiser les conditions de travail.

De tous les éléments qui constituent les conditions de travail, seule la rémunération comporte une valeur pécuniaire et est directement liée au pouvoir d'achat des employés. Au Canada, les meilleurs salaires sont versés dans le secteur parapublic, puis dans le secteur à but lucratif et, enfin, dans le non-profit sector. Les différences entre les secteurs sont plus prononcées pour les emplois de cadres et de professionnels que pour les emplois de bureau, de techniciens et de représentants; d'ailleurs, sur une base horaire, le salaire versé aux employés de bureau du non-profit sector et à ceux du secteur à but lucratif est à peu près le même (voir le tableau 3). Toutefois, sur une base annuelle, la situation financière relative des employés du non-profit sector est encore moins avantageuse à cause de l'importance du nombre d'emplois à temps partiel (McMullen et Schellenberg, 2003).

La rémunération varie de manière significative selon la fonction occupée dans un organisme. Ainsi, le personnel à la coordination est le mieux rémunéré. La rémunération varie également en fonction de la scolarisation des salariés, les personnes titulaires d’un diplôme universitaire recevant la meilleure rémunération, tandis que les salariés n'ayant pas de diplôme secondaire sont les moins bien payés. On reconnaît ici les tendances qui prévalent sur le marché du travail, où les personnes ayant les compétences les plus rares sont généralement les mieux rémunérées.

Tableau 3

Taux salariaux horaires moyens selon les fonctions exercées dans différents types d'établissements au Canada (1999)

Taux salariaux horaires moyens selon les fonctions exercées dans différents types d'établissements au Canada (1999)
Source : McMullen et Schellenberg, 2003.

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À l'intérieur même du troisième secteur, il existe des différences salariales entre les domaines d'activité. L'avance relative des salariés des centres de la petite enfance vient sans doute du rapport de négociation qui leur a été favorable pendant et depuis leur syndicalisation.

L'hypothèse d'une structure inégalitaire des salaires entre les femmes et les hommes n'a pas été confirmée dans trois études (Comeau et collab., 2001, 2002 et 2003). L'influence des mouvements sociaux dans le troisième secteur et celle du mouvement féministe en particulier sont sans doute déterminantes à cet égard.

En ce qui concerne les avantages sociaux, près de la moitié des organismes affirment offrir aux salariés des avantages qui dépassent les normes minimales du travail. Les deux principaux avantages offerts sont une assurance-groupe payée en partie par l'employeur (33,2 % des organismes) et les congés sans solde (28,8 % d'entre eux). Très peu d'organismes rendent accessible à leur personnel un régime collectif de retraite (4,4 %) (Comeau, 2003).

Le fait d'accorder des avantages particuliers au personnel est lié au domaine d'activité et à la taille des organismes. Pratiquement tous les centres de la petite enfance offrent des avantages particuliers à leurs salariés, alors que moins de la moitié des autres organismes le font. La présence d'avantages particuliers pour le personnel croît également en fonction de la taille des organismes. Il est plausible d'imaginer qu'un nombre important de cotisants et un volume élevé du chiffre d'affaires augmentent les capacités financières des organismes à offrir certains avantages sociaux.

Les aspects organisationnels du rapport salarial dans le troisième secteur

Le tableau suivant suggère une synthèse des constats sur la dimension organisationnelle du rapport salarial dans le troisième secteur, les phénomènes qui leur sont associés, de même que des éléments d'interprétation.

Tableau 4

Synthèse des aspects organisationnels du rapport salarial dans le troisième secteur

Synthèse des aspects organisationnels du rapport salarial dans le troisième secteur

1. Des relations significatives ont été établies dans les études à l'aide de tests statistiques.

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La coordination

En moyenne, 2,3 personnes sur 10 assument une fonction de coordination dans les organismes. Les dirigeants des organismes du troisième secteur dans une région périphérique occupent leur poste depuis moins longtemps que ceux de la métropole. Ces derniers ont acquis une expérience plus longue en gestion et possèdent une scolarité plus élevée que leurs collègues en périphérie. On comprend que le bassin de recrutement de la main-d'oeuvre dans la métropole est relativement large en quantité et en qualité.

La proportion de femmes occupant les postes de cadres correspond à la proportion de femmes salariées dans le domaine d'activité. On retrouve plus souvent une femme à la coordination dans les organismes de la métropole que dans les organismes en périphérie.

Les régimes d'emploi

Globalement, le non-profit sector se démarque des autres secteurs avec une forte proportion d'employés à temps partiel (25,6 % de la main-d'oeuvre; les femmes, 28,2 %). L'emploi temporaire se retrouve dans les mêmes proportions dans le non-profit sector que dans le secteur parapublic; les femmes qui ont un emploi dans le secteur parapublic sont plus nombreuses à occuper un poste temporaire que celles qui travaillent dans le non-profit sector (McMullen et Schellenberg, 2003).

Les organismes de la région périphérique et ceux de la métropole ne présentent pas tout à fait la même structure en ce qui regarde le régime d'emploi. Les organismes de la métropole créent plus d'emplois à temps plein pour les femmes que ceux en région éloignée. On attribue ce phénomène à une stratégie des ménages pour favoriser la qualification des hommes à l'assurance-emploi, puisque les prestations dépendent du nombre d'heures travaillées.

Dans le troisième secteur, il existe des emplois d'insertion dans la majorité des organismes et leur nombre varie en fonction du territoire et du domaine d'activité. En ce qui concerne le territoire, les zones les moins favorisées contribuent le plus à la participation de personnes à des programmes d'insertion. Ce constat est compréhensible dans la mesure où les besoins d'insertion professionnelle sont plus aigus dans les zones défavorisées qu'ailleurs, et également parce que ces programmes peuvent procurer de nouvelles ressources pour les organismes qui, dans ces zones, comptent relativement peu d'employés et des budgets plutôt restreints. En ce qui a trait au domaine d’activité, on compte 1,4 emploi d'insertion dans les centres de la petite enfance, comparativement à 25,1 emplois d'insertion, en moyenne, pour la catégorie regroupant les centres de travail adapté et les entreprises d'économie sociale en aménagement forestier. Le nombre élevé d'emplois d'insertion dans ce domaine est attribuable aux centres de travail adapté dont la mission sociale concerne précisément l'insertion professionnelle de personnes handicapées avec l'aide de programmes gouvernementaux spécifiques.

L'organisation du travail

Puisque les études statistiques comportent des limites pour comprendre l'organisation du travail, on s’appuie sur une analyse réalisée à partir de dix monographies de coopératives de travail (Comeau et collab., 2002b). On retrouve autant de cas d'entreprises restreignant l'autonomie au travail que de cas d'ouverture à l'implication des travailleurs. Les situations d'ouverture se manifestent par : 1) la polyvalence : enrichissement et rotation des tâches intégrant notamment des activités de gestion et de production; 2) la possibilité pour les travailleurs de modifier les postes de travail; 3) le travail en équipe; et 4) la formation. Par ailleurs, on retrouve dans les situations de restriction : 1) une différenciation marquée de catégories de travailleurs à cause des tâches (bureau et production, par exemple) et des lieux de travail qualitativement différents (travail en industrie et à domicile pour la même coopérative); 2) le taylorisme qui se manifeste par un travail répétitif, la mesure du temps et des mouvements, la division sociale du travail (séparation des domaines de la décision et de l'exécution) et la division technique du travail (séparation et distinction étanche des sphères d’activité); 3) l'isolement des travailleurs qui ne permet pas une socialisation de la production; 4) la sous-traitance.

Au moins trois phénomènes sont associés à ces situations. Premièrement, la concurrence explique une bonne partie des situations d'ouverture ou de fermeture à l'autonomie au travail. La configuration économique et technique d'un domaine d’activité influence l'organisation du travail, à moins que l'entreprise ait suffisamment de ressources pour faire de l'innovation technologique. Par exemple, dans une coopérative de travail de couture, c'est la vitesse des couturières qui influence le coût de production et la marge bénéficiaire relative qui permet à l'entreprise de survivre. Dans un autre domaine, la coopérative en imprimerie préfère limiter ses investissements et recourir à la sous-traitance étant donné la férocité de la concurrence et ses faibles marges excédentaires.

Deuxièmement, le produit ou le service lui-même influence la plus ou moins grande ouverture à l'autonomie des producteurs. En effet, la fabrication de certains produits rend difficile le morcellement des activités de production parce que l'émiettement du travail serait contre-productif. La fabrication de certains produits exige chez une même personne l'intégration complexe de plusieurs activités; c'est notamment le cas de la pâtisserie artisanale et de l'impression de matériel publicitaire sur des objets promotionnels. Par ailleurs, d'autres produits entraînent une taylorisation pratiquement inévitable. Ainsi, la culture des champignons est si délicate qu'elle fait appel à des spécialistes qui prennent la plupart des décisions techniques.

Troisièmement, il arrive que les règles institutionnelles externes limitent les décisions de gestion et imposent, d'une certaine manière, des manières de produire ou des caractéristiques de la main-d'oeuvre. Ce phénomène est perceptible dans une coopérative de travail qui bénéficie du programme de centre de travail adapté à condition d'intégrer des personnes handicapées qui présentent des capacités variables d'autonomie au travail. Cette main-d'oeuvre doit bénéficier d’arrangements particuliers dans l'organisation du travail et limite, dans certaines situations, les possibilités d'autonomie au travail.

En ce qui a trait à la formation en emploi dans le troisième secteur, les organismes ayant dix employés et plus consacrent les sommes les plus importantes à la formation et l'offrent au plus grand nombre de salariés. Enfin, les données indiquent que les thèmes de formation relatifs aux aspects techniques et à la formation en gestion sont les plus fréquents; par contre, la vie associative est un sujet peu souvent abordé dans les activités de formation destinées aux salariés.

La variété des formes du rapport salarial et les phénomènes explicatifs

L'analyse d'études statistiques et de monographies sur les organismes du troisième secteur a examiné l'inclusion politique des salariés sur le plan institutionnel et la qualification de l'emploi sur le plan organisationnel. Nous avons vu, sur le plan institutionnel, que les mécanismes collectifs d'inclusion des employés, tel un syndicat ou un comité ayant un pouvoir significatif, ne se retrouvent pas dans tous les organismes du troisième secteur. Dans bien des cas, les mécanismes de négociation demeurent individuels, le conseil d'administration et la direction jouant un rôle prépondérant dans la définition et l'application des règles. Sur le plan organisationnel, on remarque que certains organismes cherchent à introduire des innovations favorables à une requalification du travail, alors que d'autres pratiquent une forme de taylorisme qui renforce la déqualification du travail pour des raisons parfois indépendantes de leur volonté.

Il apparaît que le rapport salarial dans les organismes du troisième secteur prend des formes variées. On peut imaginer que ces formes situées à la croisée des dimensions institutionnelle et organisationnelle comportent plus ou moins d'inclusion politique et de qualification.

Tableau 5

Formes du rapport salarial dans les organismes du troisième secteur

Formes du rapport salarial dans les organismes du troisième secteur

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En centrant l'analyse sur le rapport salarial, il apparaît que dans les organismes plutôt clivés on remarque l'individualisation des rapports avec la direction, un affaiblissement des règles permettant la négociation collective et une logique davantage orientée vers la réponse aux besoins des usagers. Dans les organismes plutôt démocratiques, on cherche à concrétiser une approche moderne de la gestion favorable à une définition collective des règles, une inclusion formelle des employés dans les instances décisionnelles, la présence de comités paritaires et multipartites, une participation des employés aux décisions stratégiques, un élargissement de la négociation et de la démocratie, et le développement du sentiment d'appartenance en véhiculant l'image de l'entreprise comme un lieu de coopération.

Les organismes clivés ou démocratiques peuvent être plus ou moins qualifiants pour les employés. Dans les organismes déqualifiants, on donne la priorité à la compétence individuelle et on réalise une séparation entre la conception des tâches et leur exécution. Dans les organismes qualifiants, on favorise la mobilisation et la formation des travailleurs pour augmenter la qualité des services, on cherche leur participation à l'amélioration des services et on appuie la reconnaissance des différentes compétences.

On peut regrouper les explications de la variété des formes du rapport salarial autour de cinq phénomènes : les tendances sociétales en matière d'emploi, l'intervention étatique, le territoire, le domaine d'activité, la taille des organismes et l'action des mouvements sociaux.

Premièrement, des tendances sociétales observables dans le domaine de l'emploi influencent le rapport salarial dans le troisième secteur. Ces tendances font que s'y manifeste notamment une division sexuelle du travail.

Deuxièmement, l'appui étatique se manifeste en termes de financement et de réglementation. En matière de financement, les organismes qui doivent compter sur l'État pour une part relativement importante de leurs ressources peuvent avoir peu de contrôle sur leur marge de manoeuvre financière. Ils risquent alors de ne pas s'engager publiquement dans une politique de rémunération et de ne pas pouvoir offrir des conditions de travail et des avantages sociaux comparables à ceux offerts dans d'autres secteurs de l'économie. La réglementation peut, quant à elle, avoir des effets sur la dimension organisationnelle du rapport salarial comme la formation de la main-d'oeuvre.

Troisièmement, le territoire influence le rapport salarial de plusieurs manières. Le territoire où l'organisme mène ses activités représente un phénomène global (il comprend les dimensions économique, politique, sociale et culturelle d'une société) et complexe (il regroupe plusieurs communautés et conditionne plusieurs aspects de la vie quotidienne). Il s'y manifeste donc une culture politique plus ou moins favorable au mouvement ouvrier qui pourrait éventuellement vouloir agir sur l'inclusion institutionnelle des salariés et sur les conditions de travail. Il détermine en grande partie les caractéristiques de la main-d'oeuvre disponible. Le territoire influence également le niveau des ressources financières auxquelles peuvent avoir accès les organismes en raison des réseaux qui existent ou non.

Quatrièmement, le domaine d'activité s'avère déterminant sur plusieurs aspects du rapport salarial. Par son type de services ou de produits, il encourage une certaine division sexuelle du travail et l'engouement d'une génération. Le domaine d'activité se caractérise en outre par une logique dominante de priorité aux usagers qui amène les organismes à privilégier ceux-ci dans les instances décisionnelles et à favoriser une formation plutôt technique de la main-d'oeuvre. On retrouve également dans le domaine d'activité une culture politique des salariés qui encourage plus ou moins le militantisme en faveur de l'amélioration de leurs conditions de travail et de leur inclusion institutionnelle. Puisque la très grande majorité des organismes du troisième secteur sont présents dans le domaine des services, on peut comprendre les raisons pour lesquelles on retrouve une forte proportion de salariés à temps partiel. Lorsqu'il s'agit de services professionnels, on peut remarquer des exigences particulières de qualification; lorsqu'il s'agit de la fabrication de produits, la configuration techno-scientifique du secteur peut imposer une forme d'organisation du travail.

Cinquièmement, la taille des organismes entraîne une complexité plus ou moins grande qui incite à introduire des mécanismes formels de représentation des salariés. Plus la taille des organismes est grande, plus les capacités de cotisation de la part des salariés s'accroissent et plus il devient possible d'offrir des avantages sociaux de type assuranciel. Un chiffre d'affaires élevé permet en outre aux organismes de bénéficier d'économies d'échelle pour la formation des salariés, par exemple.

Sixièmement, les mouvements sociaux et la capacité pour les salariés de créer un rapport de force influencent le rapport salarial. Un rapport de force favorable aux salariés les place en bonne position pour leur inclusion institutionnelle, la codification et l'amélioration des conditions de travail, de même que pour l'équité en emploi. Le militantisme des employés est toutefois souvent placé face à un dilemme qui pourrait n'être qu'apparent : leur allégeance aux personnes manifestant des besoins ou l'amélioration de leurs propres conditions de travail.

Conclusion

Pour conclure, quelques pistes stratégiques peuvent être proposées pour la démocratisation du rapport salarial et la qualification du travail. Si les phénomènes structurels qui s'imposent et qui conditionnent le rapport salarial ne peuvent pas être changés à court terme, l'action des mouvements sociaux peut faire la différence sur la structuration du rapport salarial. La constitution d'un rapport de force par les salariés apparaît incontournable. À cet égard, le mouvement syndical peut avoir une contribution à condition de renouveler ses rapports avec le troisième secteur, et à condition que sa pratique de syndicalisation dans le troisième secteur tienne compte du fait que l'employeur est une association où prévalent les mêmes formes démocratiques que celles qui caractérisent les syndicats (Mayné, 1999). Plusieurs innovations sont nécessaires sur le plan des mécanismes éventuels de négociation, puisque l'État finance en bonne partie le troisième secteur sans être l'employeur. Le mouvement féministe peut également contribuer à faire reculer les stéréotypes sexuels qui ont cours en emploi, comme il le fait depuis un certain temps déjà dans l'ensemble de la société et dans le troisième secteur.

La question de l'organisation du travail dans le domaine des services mérite également une attention de la part des salariés. L’un des projets du troisième secteur consistant à renouveler le travail, les expérimentations et les innovations en matière d'organisation du travail dans un univers d'entreprises démocratiques de services doivent être suivies de près.

Enfin, les salariés du troisième secteur doivent s'engager dans une réflexion collective afin de recadrer certaines idées reçues. Ils pourraient être amenés à considérer que l'amélioration de leurs conditions de travail va de pair avec l'amélioration des conditions de vie de la population qu'ils rejoignent.