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L’intention de Martine Duperré dans son ouvrage L’organisation communautaire. La mobilisation des acteurs collectifs consiste à repasser derrière l’histoire de la naissance et de l’évolution d’une association communautaire régionale oeuvrant dans le champ de la santé mentale afin d’en disséquer les éléments constitutifs et de dégager autant de points de repère au regard de la pratique de l’intervention communautaire. Ainsi, à travers l’étude de la naissance et de l’évolution de l’Association des ressources alternatives et communautaires en santé mentale du Saguenay–Lac-Saint-Jean (ARACSM), l’auteure nous convie à un exercice de réflexion pratique-théorie sur les facteurs liés à l’émergence et à la pérennité d’un groupe organisé et mobilisé autour d’un projet commun. À partir de cet exercice d’analyse d’un cas unique, l’auteure dégage avec beaucoup de maîtrise et de justesse des applications concrètes pour le processus d’intervention communautaire, plus particulièrement pour la phase associée à la préparation de l’intervention où se pose le défi majeur de l’intervention communautaire, celui de la mobilisation d’un milieu autour d’un enjeu commun.
Le premier chapitre traite du concept d’acteur collectif et présente les trois phases du processus d’intervention communautaire, en insistant davantage sur la phase de préparation de l’intervention, laquelle est directement liée au chapitre suivant, centré pour sa part sur l’analyse des facteurs d’émergence d’un acteur collectif à partir du groupe étudié. Ce second chapitre représente à notre avis le point fort de l’ouvrage par l’éclairage qu’il apporte sur les facteurs internes et externes liés à l’émergence d’un groupe organisé. On peut voir notamment combien l’expérience individuelle et la croyance dans la capacité de provoquer le changement que recèle la communauté peuvent expliquer en partie l’engagement d’individus dans un projet collectif. La seconde section de ce chapitre porte sur l’analyse des facteurs externes d’émergence, qui, bien que sommairement menée, montre la pertinence d’une connaissance la plus précise possible des éléments conjoncturels et structurels pouvant influencer l’action d’un groupe et sa nécessaire mise à jour du point de vue de l’intervention.
Quant au troisième chapitre, il met en lumière les processus à l’oeuvre lorsqu’un groupe, une fois constitué, évolue et se maintient. L’auteure puise dans son observation des pratiques de l’Association pour faire valoir les processus qui, du point de vue de l’intervention, renforcent le maintien de l’identité d’un groupe. Elle fait valoir l’importance de reconnaître et de renforcer des processus internes (la triangulation, la jonction et l’extension) et des éléments liés à l’environnement externe (l’opposition et l’investissement de lieux de pouvoir) de manière à favoriser la pérennité d’un groupe. Le quatrième chapitre, plus sommaire mais tout aussi pertinent, expose les mécanismes à l’oeuvre dans le maintien de l’identité d’un groupe, notamment par le biais de l’intégration des nouveaux membres et de la transmission de la culture du groupe.
Le contenu de cet ouvrage pourra s’avérer particulièrement utile aux intervenants communautaires, et plus particulièrement à ceux et celles oeuvrant au sein du réseau public de services sociosanitaires dans la mesure où ces derniers peuvent être appelés à soutenir ou à accompagner la formation d’organismes regroupant des associations locales ou régionales dans un champ précis de l’action collective (santé mentale, toxicomanie, enfance-famille, jeunesse…).
Globalement, le livre de Duperré analyse les facteurs liés à l’émergence et à l’évolution d’un regroupement régional formé de diverses associations locales oeuvrant dans le champ de la santé mentale. Ce faisant, il met aussi en lumière l’influence qu’exerce l’appartenance à un regroupement provincial dans la mobilisation d’associations locales, tant sur le plan des facteurs internes (ressources des membres du groupe) que des facteurs externes d’émergence (engagement dans les structures locales et provinciales). La question qui peut alors se poser pour poursuivre plus loin la réflexion est celle des conditions qui favorisent et soutiennent l’émergence de groupes organisés lorsqu’ils se composent d’individus non préalablement issus d’associations affiliées à des organisations provinciales. Par son ouvrage, l’auteure nous invite à continuer cette réflexion sur les conditions qui favorisent l’engagement des individus et des communautés locales dans des processus de changement social que l’intervention communautaire s’applique à faciliter, accompagner et renforcer.