Intervention

Le parallèle structurel entre la situation des jeunes LGBT et celle des organismes les desservant : quelques constats pour l’intervention[Record]

  • Bruno Laprade

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  • Bruno Laprade
    Coordonnateur de Projet 10

Lors des entrevues d’embauche à Projet 10, on pose systématiquement la question : « Quels sont les défis rencontrés par les jeunes LGBT ? » La réponse que l’on recherche de la part des candidats, au-delà des mentions du taux de suicide, de l’intimidation ou de la sortie du placard, est simple : les jeunes LGBT sont comme tous les jeunes, ils sont à la recherche de leur identité et de leur autonomie. Au Projet 10, on croit fortement à la capacité des jeunes à contrôler leur vie et à prendre leurs propres décisions. Cependant, de nombreuses barrières viennent limiter leurs possibilités d’action. L’âgisme à l’égard des jeunes est sans doute une des dernières discriminations systémiques encore acceptées dans notre société. À preuve, il existe non seulement un discours de délégitimation de la jeunesse (quand, par exemple, en entrevue Pauline Marois dit que Léo Bureau-Blouin, l’ancien porte-parole étudiant, est trop jeune pour devenir ministre), mais également des institutions juridiques et sociales chargée de lui reconnaître – ou non – son autonomie : pouvoir consentir à recevoir des actes médicaux (14 ans), consentir à des actes sexuels ou obtenir un permis de conduire (16 ans), droit de vote, droit de boire et de fumer (18 ans), etc. Quand bien même un jeune aurait acquis tous ces « droits » en atteignant la majorité, les effets de l’âgisme continueront de se faire sentir. On accordera davantage de crédibilité à un homme de 40 ans en veston cravate qu’à un jeune de 20 ans. Et les discours qui visent à « protéger les jeunes » ne sont souvent que des moyens de les contrôler ou de se faire du capital politique sur leur dos. Comme lorsque le gouvernement Harper a rehaussé l’âge de consentement à des actes sexuels. C’est ainsi que l’âgisme a certainement des impacts sur le développement des organismes jeunesse, et plus particulièrement sur ceux qui cherchent à leur laisser une place pour s’exprimer sans leur imposer un programme de santé publique. J’aimerais m’attarder dans un premier temps à la place laissée à la parole des jeunes, notamment en ce qui a trait aux lieux où ils peuvent s’exprimer. À partir de l’histoire de deux organismes voués aux jeunes, je montrerai comment leur situation est similaire à l’isolement que vivent les jeunes eux-mêmes. À partir de mon expérience, je tirerai par la suite quelques constats quant aux capacités d’intervention du réseau de la santé dans les conditions actuelles. Bien sûr, il faut s’entendre ici sur une définition de jeune. Le concept en lui-même est flou. Projet 10 et Jeunesse Lambda acceptent les personnes jusqu’à 25 ans. Pour le Forum jeunesse de l’île de Montréal, un jeune a en dessous de 35 ans. Pour plusieurs programmes de loisirs municipaux, ils ont entre 12 et 17 ans. Cette variation a sûrement son importance puisqu’une personne de moins de 18 ans a généralement bien moins d’autonomie mais cela ne se résout pas magiquement le jour où elle quitte le foyer familial. En 2010, les États-Unis et le Canada furent choqués par une vague de suicide chez des jeunes victimes d’intimidation. La plupart d’entre eux (et elles) étaient gai(e)s. Certains ont même laissé des messages sur leur blogue. Les médias s’en sont emparé et l’on a vu une vague de sympathie pour la cause, menant notamment à la création du projet It gets better. Des milliers de vidéos de soutien ont afflué, notamment de personnalités célèbres telles que le président Obama. Le message principal de It gets better est de demander aux jeunes de la diversité sexuelle de s’accrocher à la vie, de passer …

Appendices