Liminaire[Record]

  • Robert Dion and
  • Manon Auger

…more information

  • Robert Dion
    Université du Québec à Montréal

  • Manon Auger
    Université du Québec à Montréal

Dans la foulée du retour du sujet, depuis les années 1980, les écritures biographiques et autobiographiques ont réinvesti massivement la scène littéraire. Or, c’est bien connu, il ne s’agit pas d’un retour naïf qui n’aurait pas pris acte des remises en question radicales de la période précédente, mais plutôt d’une prise de position à la fois esthétique, poétique et éthique, souvent accompagnée d’un questionnement sur la valeur même de l’entreprise (auto) biographique. Les spécialistes de la littérature contemporaine, en France comme au Québec, n’hésitent pas, par conséquent, à inscrire ces écritures au sein de leur cartographie des pratiques actuelles, considérant les « variations autobiographiques » et les « fictions biographiques  » comme des vecteurs importants du renouvellement des formes. En fait, il n’est pas exagéré de ranger les écritures autobiographiques et biographiques d’aujourd’hui au nombre de ces « fictions critiques » qui non seulement adoptent une position critique envers les présupposés de l’écriture de soi (clarté du pacte, sincérité, vérité, etc.), mais qui fictionnalisent l’activité critique elle-même. Dominique Viart en France  et Robert Dion au Québec  ont beaucoup insisté sur cette caractéristique déterminante de la littérature contemporaine ; le second, tout particulièrement, a mis en lumière la composante critique et autocritique de textes « biographoïdes » (le mot est de Daniel Madelénat) qui interrogent les postulats du récit égotiste et qui, en jouant sur les effets de miroir possibles entre « l’homme et l’oeuvre », se penchent sur les déterminations réciproques, affirmées ou au contraire niées, entre celle-ci et celui-là . Il apparaît en somme que les écritures (auto)biographiques telles qu’elles se sont développées au cours des trente dernières années, en réaction aux innovations introduites par l’autofiction ou dans le sillage des évocations biographiques à la Marcel Schwob, ont pris en charge un discours soutenu sur les modes de représentation de soi, sur les formes légitimes du récit rétrospectif, sur le rôle de l’imaginaire dans la restitution de son propre passé, d’une part, et sur la manière dont un texte biographique ou autobiographique, centré en principe sur la personne de l’écrivain considéré, peut dire quelque chose, depuis ce point de vue même, sur l’oeuvre de ce dernier, sur sa pratique et sur le rapport de cette pratique aux autres éléments de l’existence qui la nourrissent, d’autre part. Bref, il semble tout à fait pertinent de se demander à quels enjeux critiques renvoient les entreprises (auto)biographiques contemporaines. Sont-elles susceptibles de véhiculer un savoir spécifique sur la littérature, configuré à la fois par les modes de l’écriture de soi et par la posture que ces modes autorisent ? Voilà qui, sans doute, mérite qu’on s’y arrête. Dans le dossier proposé ici, il s’agira d’interroger cette posture critique particulière des écritures (auto)biographiques contemporaines, qui prend pour objet tant la littérature que le langage ou les discours, mais aussi les modèles, voire l’héritage, la tradition et la mémoire qui les fondent. À cet égard, si l’on a beaucoup questionné l’usage de la biographie en critique et si de nombreux ouvrages se sont penchés sur les particularités génériques et esthétiques des écritures (auto)biographiques, il appert, en revanche, qu’on n’a à peu près jamais interrogé la fonction critique proprement dite du biographique . C’est donc le biographique en tant que discours ou récit critique que nous entendons mettre au centre de nos préoccupations, par le biais de l’étude de ses modes d’expression les plus divers (autobiographie, biographie plus ou moins imaginaire, autofiction, journal, roman, etc.). En nous appuyant sur le postulat que certaines prises de position de ces écritures reflètent aussi, de façon plus générale, celles de l’ensemble de la littérature narrative contemporaine, nous souhaitons parvenir …

Appendices