Article body

L’écrivain au travail est certes essentiellement plongé dans le langage, au point même de juger que cette activité intransitive, écrire, le soustrait au monde, l’isole du social, mais malgré qu’il en ait, il ne peut pas plus empêcher que son atelier ne soit aussi boutique, ouverte sur la rue, la foule, le marché, qu’il ne peut éviter que ce lieu de l’oeuvre ne soit celui d’un travail en commun. « Ensemble des documents reçus ou constitués par une personne physique ou morale, ou par un organisme public ou privé, résultant de leur activité, organisé en conséquence de celle-ci et conservé en vue d’une utilisation éventuelle [1] », selon la définition classique, les archives dévoilent de surcroît qu’écrire est une activité sociale tout autant que textuelle. Bien loin de ne recueillir que quelques vestiges épars de l’écrivain en société, les archives ou, pour mieux dire, la production d’archives, relèvent en fait pour une part non négligeable de la dimension sociale de la vie littéraire. Interagir avec les confrères, les éditeurs, les directeurs de revue, les critiques, les lecteurs, cela laisse des traces. Souvent, même, les écrivains se font archivistes de leur activité sociale, conservant les documents pouvant constituer la mémoire active, dynamique, des multiples relations entretenues par eux, avec un soin pouvant parfois faire rougir les organisations les plus minutieuses.

Du souci de gérer efficacement ses relations sociales à l’intuition quant à la valeur symbolique et commerciale des documents en passant par les précautions d’ordre juridique ou historique, le geste créateur d’archives peut surgir, chez l’écrivain, de motivations complexes. Alfred DesRochers dactylographiait ses lettres pour pouvoir faire le point sur l’état de sa correspondance — « J’ai pris la résolution qu’à l’avenir je ferai un “carbone” de toutes les lettres que j’adresserais aux poètes de ma connaissance. Ainsi, je saurai la date de ma dernière réponse et je ne me casserai plus la tête pour savoir si c’est à moi de leur écrire ou à eux de répondre [2] » —, non sans arrière-pensées sur l’importance des propos tenus dans ses lettres et la possibilité de les « recycler » ailleurs. Michelle Le Normand et Louis-Ferdinand Céline, deux écrivains aussi dissemblables qu’on puisse l’être, prirent tous deux extrêmement soin des contrats, états de compte et lettres reçues de leurs éditeurs, tant pour suivre de près la promotion de leurs ouvrages que pour veiller à ce que les ententes soient fidèlement et intégralement respectées [3]. Dans une tout autre perspective, c’est la valeur de la lettre elle-même, évaluée en fonction du destinateur, qui guidait les Daudet dans le tri et la conservation de leur courrier ; ainsi rangèrent-ils immédiatement les lettres de Marcel Proust dans leur collection d’autographes, pariant sur la valeur ultérieure de cette signature [4].

Pour divers qu’ils soient, ces exemples montrent tous l’archive en train de se constituer, dans l’atelier même de l’écrivain, comme témoin d’une littérature dans le siècle, d’une écriture « sociabilisée ». Cette constitution s’avère d’ailleurs révélatrice d’une pensée du social, chez l’écrivain-archiviste, du choix des documents à conserver à leur réutilisation ultérieure en passant par leur mise en ordre. « Un fonds dont le classement a été respecté est, d’ailleurs, le fidèle reflet de l’organisation et de l’histoire d’une institution, voire d’une politique [5] » : ce commentaire, essentiellement formulé à propos des fonds émanant des rouages administratifs et institutionnels, vaut tout autant pour les fonds d’écrivains.

L’archive littéraire garde donc à la fois les traces d’une activité sociale et le tracé d’une dynamique textuelle, d’un « texte en devenir [6] ». Cet éclairage réciproque permet d’ailleurs de mieux comprendre les complexes mécanismes de médiation qui mettent en rapport texte et société. Dans une première perspective, issue des réflexions sociologiques, le recours aux archives ouvre sur un niveau d’analyse spécifique, distinct mais complémentaire de ceux du champ littéraire et du texte, celui des réseaux sociaux : « Ce lien, intrinsèque mais si implicite entre le littéraire et le social, reste le chaînon manquant de toute théorie sociale du littéraire, tant et aussi longtemps que l’on ne se donne pas les moyens d’observer la nouvelle réalité créée par la formation de noeuds littéraires [7] ». La plongée dans la dimension sociale concrète de la vie littéraire que permettent, entre autres, les archives, aide à reconstituer le rôle des liens entre acteurs dans les trajectoires littéraires, dans la circulation d’informations, de discours et de textes, dans l’évolution des pratiques littéraires. On peut ainsi brosser un portrait à la fois plus fidèle et plus complexe de l’écrivain en société, du plus sociable au plus solitaire, et faire émerger, grâce à la lecture croisée des archives, une autre topographie du monde littéraire que celle du champ. La trame des interrelations concrètes entre acteurs ne correspond jamais tout à fait avec la représentation de relations objectives, telles que conçues par le modèle de Pierre Bourdieu [8] : des ennemis « objectifs » entretiennent des liens forts, des personnages qui ne sont ni écrivains, ni éditeurs, ni journalistes exerceront une influence marquée sur la vie des lettres, des associations inconnues des manuels d’histoire littéraire s’imposent au défricheur d’archives, etc.

Dans cette perspective, le texte n’est pas envisagé uniquement comme prise de position justiciable d’une analyse bourdieusienne ou comme enjeu d’un trajet génétique d’ordre individuel, mais comme objet qui circule entre acteurs, qui est lu, annoté, commenté et parfois transformé par d’autres que l’auteur. Ni linéaire ni solitaire, le parcours conduisant du manuscrit au texte imprimé voit en effet divers intermédiaires intervenir sur le cours et la matière même de l’oeuvre. Ses travaux sur les cercles littéraires conduisent ainsi Heather Murray à réaffirmer : « La production textuelle n’est pas attribuable à un seul individu, pas plus que l’auteur est la force motrice qui met le texte en marche [9]. » Se dessinent donc, du fait de la circulation des textes, des axes, des noeuds, des communautés dont les journaux, revues et maisons d’édition ne sont que la partie émergée. Tout en tenant compte aussi des déterminations sociales générales, souvent indirectes, telles que retraduites dans la logique du champ, l’étude des réseaux permet aussi de voir comment, concrètement, le social infléchit le tracé d’un texte, comment l’écriture se fait à plusieurs mains.

L’intersubjectivité inhérente aux réseaux fait par ailleurs de ceux-ci le lieu d’un autre phénomène de médiation entre texte et société, propre aux discours. Pour reprendre la formule de Michel Espagne, « les textes font […] souvent partie d’un ensemble plus vaste de l’ordre du discours », de telle sorte que « la question de la genèse des discours […] fait apparaître aussi d’autres dimensions de la genèse des textes [10] ». Inséparables, sans doute, de toute manifestation de sociabilité, les discours ont une importance cardinale dans les réseaux intellectuels et littéraires. Il n’y a pas, dans leur cas, de distinction a priori entre les discours alimentant la sociabilité et une finalité non discursive. On est toujours, avec eux, dans l’ordre du discours. Les archives le démontrent sans équivoque : ces réseaux vivent dans et de la production et circulation de discours. Il n’est d’ailleurs guère de travaux biographiques qui ne convoquent correspondance et journaux intimes pour dresser des itinéraires ou préciser des positions.

Les acteurs membres d’un réseau sont certes directement plongés, par le biais des médias et de leurs lectures diverses, dans l’intertextualité généralisée caractéristique du discours social [11]. Cependant, les réseaux dans lesquels ils sont inscrits, par les reprises, rejets, ignorances, obsessions et transformations des diverses composantes du discours social, en proposent des versions locales, partielles et orientées (même si potentiellement conflictuelles), versions qu’ils peuvent, ou non, rendre publiques. De ce point de vue, les réseaux constituent des creusets où, entre le discours social et la prise de parole individuelle, s’élaborent des discours, des esthétiques, des thématiques, des rhétoriques partagées. Dans les réseaux, même ceux où l’on ne cherche pas directement à échafauder un discours commun, le discours social est passé au crible d’une interlocution collective. L’étude de ces « laboratoires discursifs » que sont les réseaux offre ainsi à l’analyste un moyen terme entre les discours produits ou reproduits par un acteur et les discours circulant dans l’ensemble d’une société donnée, en même temps qu’un champ d’observation pour les rapports extrêmement complexes entre discours privés et discours publics, lesquels tiennent tout autant de la circularité — on commente les discours publics dans le réseau en même temps qu’on y lance des idées qui seront éventuellement reformulées publiquement — que de l’opposition ou du décalage. L’insertion des écrivains dans des réseaux de sociabilité oblige par conséquent l’analyste à étudier les effets de la circulation des textes et discours sur leur genèse, à plonger dans les archives pour découvrir les implications de la dimension sociale des parcours génétiques.

Itinéraires textuels

Du nombre des relectures étonnantes que les archives conduisent à mener, celle de la publication en 1938 d’un régionaliste canadien-français sous le signe de la très prestigieuse NRF éveille aisément la curiosité. L’évolution contemporaine du champ littéraire français témoigne de la légitimité croissante du roman régionaliste [12] et explique partiellement la parution quasi simultanée des Engagés du Grand Portage de Léo-Paul Desrosiers chez Gallimard et de Trente arpents de Ringuet chez Flammarion [13]. La correspondance de Desrosiers, mais surtout celle de sa femme, Michelle Le Normand, dévoilent toutefois que l’intérêt pour la littérature canadienne-française était mitigé, et que l’implication de deux intermédiaires, Henri Pourrat et Jean Paulhan, fut déterminante. Mieux encore, elles indiquent que le rôle de ces derniers ne fut pas limité à des interventions pour défendre les manuscrits de Desrosiers, puisque tous deux lurent, commentèrent et modifièrent ces textes. Le réseau littéraire prend ainsi l’aspect d’un réseau éditorial étendu au sein duquel les acteurs interviennent sur les manuscrits qui circulent entre eux. Quels rôles les membres du réseau adoptent-ils alors ? Quel type d’intervention osent-ils proposer ou imposer à l’auteur ? Quelles formes de capital sous-tend le travail sur les manuscrits ? Ce sont là quelques-unes des interrogations que soulève la circulation des textes dans le réseau Desrosiers-Gallimard ; nous essaierons de retracer l’itinéraire de ces manuscrits, à la lumière des archives disponibles [14], pour en expliquer les tenants et aboutissants.

Quand Michelle Le Normand entreprend d’écrire à Henri Pourrat, en janvier 1933, des manuscrits circulent depuis plusieurs années déjà au sein de la triade Pourrat-Paulhan-Gallimard, certains destinés à la maison d’édition, la plupart à la revue [15]. Un de ces derniers, quelques mois plus tôt, est le compte rendu du premier roman de Léo-Paul Desrosiers, Nord-Sud [16]. Rapidement, les manuscrits de Desrosiers vont s’ajouter au flot général de textes échangés par les membres du réseau. Ainsi, le 2 août 1933, Michelle Le Normand écrit :

Cher Monsieur Pourrat,/ Ci-joint, grand article promis, sur Gaspard [17]. Mon mari vient de l’achever ici, sans dictionnaire, et vous permet, au besoin de le corriger. Il aimerait bien, que grâce à vous, on l’accepte à la N[ouvelle] R[evue] Française. Jean Paulhan vous accordera cela — il me semble [18] ?

Déjà, s’esquissent deux traits qui marqueront la circulation des manuscrits : l’espoir d’une publication sous le sigle de La Nouvelle Revue française, fondé sur la croyance du pouvoir de décision de Paulhan et sur l’influence présumée de Pourrat sur lui, de même qu’une invitation à des interventions éditoriales, sous le prétexte apparent d’une écriture accomplie sans les outils nécessaires [19]. Le Normand frappe toutefois à la mauvaise porte, dans la mesure où la section des chroniques et notes de la NRF est d’accès extrêmement difficile. Bien peu des auteurs au catalogue de la NRF peuvent accéder aux pages de la NRF ; encore moins nombreux sont ceux qui peuvent collaborer à la partie réservée à la critique. Évidemment intéressé au sort de ce manuscrit, mais mieux informé de la faible probabilité de la publication dans la revue de Paulhan, Pourrat ne tentera pas l’aventure de ce côté [20], préférant s’adresser ailleurs. Il réussira à lui trouver un point de chute dans une autre revue, Les Amitiés [21].

L’écrivain auvergnat endosse ainsi le rôle d’un aiguilleur occupé à diriger la circulation des manuscrits de Desrosiers au sein du marché éditorial français. Outre l’indispensable confiance qu’ont en lui les Desrosiers, le capital social dont il dispose est le facteur majeur de cette délégation de pouvoirs. Ami intime de Paulhan [22], collaborateur régulier de la NRF, de La Revue des jeunes et d’autres revues, écrivain publié chez Albin Michel et chez Gallimard, lauréat du grand prix de l’Académie française (en 1931), Pourrat ne peut que nourrir l’impression qu’il jouit de relations littéraires influentes aux yeux du couple de Canadiens français [23]. Il dispose par ailleurs d’une autre ressource enviable, celle liée à l’information. Connaître les lieux d’édition et de diffusion, distinguer quels sont les journaux, revues ou éditeurs intéressés par le régionalisme ou par la littérature canadienne-française, savoir à qui s’adresser sont des atouts majeurs, que négligent souvent les travaux sur les réseaux littéraires.

L’importance de l’information apparaît nettement lors du deuxième projet de publication en France, à l’automne 1934. Michelle Le Normand annonce alors à Pourrat : « Je viens d’avoir la bonne surprise de lire de mon mari le manuscrit d’un volume de nouvelles qu’il intitule Le livre des mystères. Le titre est épatant et les nouvelles le sont aussi ». Malgré l’enthousiasme, le couple hésite :

Nous n’avons pas décidé où publier. Gaston Gallimard avait demandé de lui soumettre le prochain manuscrit. Le roman serait mieux, et mon mari ne trouve pas encore à point son « À l’hostellerie de la lune ». Dites-nous donc ce que vous en pensez. Faut-il risquer les nouvelles… ou attendre pour envoyer et soumettre en même temps le roman ?

14 novembre 1934, CHP

Il ne s’agit plus seulement d’adresser un manuscrit au bon endroit, désormais, mais de planifier une stratégie littéraire, en soupesant l’intérêt de Gallimard et les degrés respectifs de légitimité accordés au roman et à la nouvelle. Pourrat les conseille alors de son mieux. Il trace un portrait, plutôt sombre, du champ littéraire — « Je sais seulement que la situation de toute l’édition est de plus en plus difficile. Albin Michel me disait cet été que la vente de ses vedettes, Pierre Benoît, etc. avait baissé de 50 % » —, rappelle que « les nouvelles sont sans doute d’un placement plus difficile encore [24] », tout en notant que Morand en dirige une collection chez Gallimard, pour conclure : « mieux vaudrait envoyer là ». Il suggère aussi d’annoncer le roman à l’envoi des nouvelles, afin d’appâter l’éditeur, plus friand de romans, non sans souligner le caractère approximatif de ses remarques, du fait de sa position de provincial : « D’ici, je n’oserais guère vous conseiller. […] [T]out cela, ce sont des idées un peu en l’air » (1er décembre 1934, MLN-LPD).

L’aiguilleur se double ainsi d’un conseiller, mais son implication reste encore extérieure, limitée à l’itinéraire social du texte. La situation change l’été suivant, une fois le manuscrit des nouvelles finalement mis au point par Desrosiers. Le Normand demande alors, au détour d’un paragraphe, de lire le revueil et de suggérer les corrections nécessaires : « Si vous acceptiez de lire le manuscrit et de signaler les défauts. Notre langue est si difficilement absolument pure » (3 juin 1935, CHP). Quoique réticent, Pourrat annonce qu’il s’inclinera et annotera le manuscrit : « si vous le voulez, l’exigez, je vous dirai quelles observations je crois pouvoir faire ; sur votre réponse, je porterai sur le [manuscrit] les corrections que vous indiquerez et j’enverrai à Jean Paulhan [25] » (25 juin 1935, MLN-LPD). Du même souffle, il revient sur la question de la langue et de sa pureté. Cherchant à prolonger, à sa manière, le projet d’intégration des forces vives de l’oralité paysanne dans le cadre du roman régionaliste mis de l’avant par Ramuz [26], il était favorable aux particularismes du français « canadien ». Il annonce ainsi à sa correspondante les critères qui le guideront dans ses commentaires :

Il me semble que s’il y a quelques provincialismes, il faut les laisser ? Aimez-vous Ramuz ? Ne croyez-vous pas qu’il est dans la juste note ? Très peu de mots spécialement locaux, quelques tournures particulières que tous peuvent comprendre, on sent que le dialogue est très vrai, très juste, et il garde une certaine allure, un certain style.

Sans l’exiger ouvertement, Le Normand revient à la charge dans sa lettre suivante, quoiqu’en offrant de le compenser pour son travail : « Je suis, nous sommes bien confus de vous imposer une tache [sic] pareille, et nous nous demandons de quelle façon vous dédommager. […] Je voudrais vous envoyer d’avance l’argent que cela prendrait, mais n’ai aucune idée de la valeur de ce travail » (24 juillet 1935, CHP). Parallèlement, l’épistolière s’inscrit elle-même dans la communauté éditoriale qui se dessine. Elle se substitue en effet à son mari pour la mise au point du manuscrit — « j’ai recopié, retranché ce que j’ai pu » —, comme elle le fait depuis le tout début pour la correspondance, qu’elle écrit au nom du couple [27]. Elle va même jusqu’à suggérer à Pourrat de retrancher des nouvelles en entier : « [s]ur ces nouvelles, moi j’en supprimerais que j’aime moins, je ne vous dis pas lesquelles. Mais mon mari aime mieux s’en remettre à votre jugement » (24 juillet 1935, CHP).

Devant l’insistance de Le Normand, Pourrat sort le crayon du censeur — « Je me suis permis dans ce sens de rayer un mot ou deux ou un petit bout de phrase » (12 août 1935, MLN-LPD) —, puis du critique littéraire — « Ce que je crois, en gros, c’est que par endroits il vaudrait mieux suggérer que dire. Suggérer par un trait, un geste, un incident qui ferait sentir les choses et marquerait le sens de toute la nouvelle » —, mais comme « ce sont des corrections que seul l’auteur pourrait faire », il préfère intervenir au nom de Desrosiers, comme épistolier, qu’intervenir dans son texte. Il écrit ainsi à Paulhan, pour défendre le manuscrit du « Livre des mystères », s’engage à demander leur avis, éventuellement, aux Éditions Mame et offre d’entamer des démarches pour « faire passer en revue, à Sept, aux Études, ailleurs peut-être » des nouvelles détachées du recueil.

Pourrat écrira quatre fois à Paulhan, d’août à octobre, pour envoyer puis défendre les nouvelles de Desrosiers, suggérant de lire les deux dernières — « ce sont les meilleures », « certainement ce que j’ai lu de mieux comme choses canadiennes » —, notant qu’on y trouve « le sentiment d’une autre civilisation. Une espèce, comment dire, de largeur, un peu brute, un peu crue », tout en avouant : « Je ne puis pas dire que je suis très emballé » (1er octobre 1935, IMEC). Paulhan fut encore moins enthousiaste, rebuté qu’il fut par les « lenteurs » et « platitudes » qu’il y trouvait. Il annonce à Pourrat qu’il insistera pour que Gallimard publie malgré tout le recueil, mais on peut supposer que l’insistance ne fut pas véhémente, étant donné la déception exprimée par Paulhan et Pourrat. Le manuscrit fut définitivement refusé en janvier 1936 [28]. Desrosiers publia son recueil la même année aux Éditions du Devoir. Au cours des échanges suscités par « Le livre des mystères », une série de contacts a mené de Léo-Paul Desrosiers à Gaston Gallimard ; tour à tour, les anneaux de la chaîne ont fait circuler le manuscrit, l’ont défendu auprès du maillon suivant. Tous l’ont commenté [29], mais seuls Le Normand et Pourrat sont intervenus sur le texte lui-même.

À la fin de 1936, le jeu reprend, mais les axes de circulation et les rôles ne sont plus distribués de la même manière. Desrosiers envoie cette fois le manuscrit d’un roman, alors intitulé « À l’hostellerie de la lune », directement chez Gallimard, sans passer par l’intermédiaire de Pourrat et Paulhan. Pourrat se trouve cependant intéressé malgré lui au sort du roman car Desrosiers en a fait son « délégué éditorial » : « Comme le roman est long, près de 400 pages, j’ai écrit que s’il était accepté, et que si on le trouvait trop long, j’accepterais les coupures que pourrait conseiller M. Henri Pourrat ; j’espère que je n’ai pas trop présumé de votre bonté et de votre obligeance » (28 décembre 1936, CHP). Quelque temps après cette toute première lettre de Desrosiers, signe d’un intérêt plus grand pour le sort du manuscrit, Pourrat écrit à Paulhan pour lui demander de veiller au sort du manuscrit : « Pourrais-tu y jeter un coup d’oeil, ou du moins dire un mot pour lui ? Tu te rappelles ses nouvelles que tu avais conseillé de prendre. J’espère que ce roman est mieux encore, et je te le recommande bien » (7 février 1937, IMEC). Tout se passe alors très vite pour le roman de Desrosiers. Deux semaines plus tard le directeur de la NRF l’a lu et apprécié, et écrit le même jour à Desrosiers et Pourrat qu’il compte « décider Gaston Gallimard à […] retenir [cette] oeuvre austère et forte [30] ». Cette fois-ci la démarche réussit, puisque le 27 du même mois Gaston Gallimard propose à Desrosiers d’éditer son roman, moyennant quelques remaniements. Entre autres conditions, on lui demande d’abréger la première partie, de changer le titre et d’enlever les épigraphes, jugées inutiles [31].

De l’envoi du manuscrit à l’acceptation par l’éditeur, Pourrat n’a pas eu à servir d’aiguilleur, de conseiller, de lecteur ou de correcteur. Désormais, Desrosiers sait qu’il peut s’adresser directement à Gallimard, qui a manifesté son intérêt pour une oeuvre romanesque. Réaliste, le romancier canadien devine cependant qu’il ne suffit pas d’envoyer le manuscrit rue Sébastien-Bottin, qu’une lettre à son correspondant auvergnat peut générer des appuis cruciaux dans le processus d’évaluation. Plus limité, dans cette première étape, le rôle de Pourrat fut néanmoins crucial, dans la mesure où son intervention conduit un des plus importants personnages de la NRF à s’occuper du manuscrit de Desrosiers, lui épargnant une attente interminable ou un lecteur mal disposé. L’acteur majeur de cette première étape s’avère en somme Paulhan, qui lit le texte et le défend victorieusement auprès de Gallimard, en plus d’être le rédacteur probable des recommandations énoncées dans la lettre de Gallimard à Desrosiers du 27 février.

Commence alors une seconde étape, beaucoup plus longue, qui conduira de cette entente de principe à la publication, en avril 1938, des Engagés du Grand Portage, étape pendant laquelle le texte subira de nombreux changements, comme le signale le changement de titre. Déjà, on l’a vu, Desrosiers s’en était remis à l’autorité de Pourrat ; il revient maintenant à la charge, non sans une certaine gêne :

Je viens vous demander de bien grands services, en effet, et tellement grands, que je ne puis vous en parler sans parler en même temps de vous rémunérer, modestement, mais du mieux que je peux le faire. Il s’agirait de lire le manuscrit de mon roman, la plume ou le crayon à la main, pour retrancher dans la première partie, qui compte une centaine de pages, un nombre de pages non déterminé encore, mais que M. Paulhan ou M. Gallimard pourraient vous indiquer [32]

12 mars 1937, CHP

Il a lui-même tenté d’abréger la première partie, mais a « tellement travaillé, repris, refait, condensé et recondensé » qu’après avoir « biffé une trentaine de pages », il se décourage et s’en remet à Pourrat. Perspicace, Desrosiers invite l’acteur à l’origine des recommandations du 27 février, « M. Paulhan ou M. Gallimard », à entrer dans la danse des variantes. Ce sera effectivement le tandem Paulhan-Pourrat qui se chargera de la révision du manuscrit. Paulhan, de passage chez les Pourrat, « a pris lui-même le manuscrit, parce qu’il l’avait bien lu et le possédait bien, et voyait quelles coupures il y avait à faire. Il les a faites tandis qu’il était ici, lui tout seul, je n’ai pas eu à l’aider [33] » (20 avril 1937, MLN-LPD). Puis, ensemble, Paulhan et Pourrat cherchent un nouveau titre :

« À l’Hostellerie de la lune » aurait donné une fausse idée du roman. Paulhan avait dressé une liste d’une douzaine [de titres]. Finalement j’ai suggéré « Les Engagés » et il a ajouté « du Grand Portage ». Le directeur commercial L.-D. Hirsch approuvera-t-il ? On avait pensé à « Canada Nord-Ouest » ou d’autres de ce genre. J’aimais moins.

L’essentiel du travail éditorial semble alors accompli, puisque les lettres suivantes n’abordent plus le sujet, le délaissant au profit d’interrogations sur la date de sortie du roman, qui persisteront longtemps. Restent toutefois les corrections d’épreuves, qui échoient d’abord à Pourrat, en octobre, puis aux Desrosiers, en novembre, ainsi que la rédaction du paratexte, qui incombe lui aussi à Pourrat [34].

« Son amitié est une des chances de ma vie »

Roman du voyage, le manuscrit de Desrosiers cumule les kilomètres dans ses allers-retours entre Ottawa, Ambert et Paris. Annoté, commenté, corrigé et réécrit, il se transforme peu à peu, jusqu’à changer de titre. Le parcours du manuscrit, tel que reconstitué grâce aux archives, dévoile ce que j’appellerais la genèse sociale du texte. Les acteurs de ce travail de réécriture collective en deviennent d’une certaine façon co-auteurs, à des degrés divers. Outre Desrosiers et Gallimard, qui laissent leurs noms sur la couverture, Paulhan et Pourrat contribuent eux aussi à « produire » Les engagés du Grand Portage, titre compris, mais rien ne signale ouvertement leur apport [35]. Certes, le sceau de l’éditeur constitue une signature collective, celle de la « maison », qui subsume les interventions diverses de ses agents. Or, d’une certaine manière, c’est « pour » la NRF que Pourrat et, surtout, Paulhan corrigent le roman de Desrosiers. Dans cette perspective, l’histoire de ses avant-textes ne constituerait qu’un exemple parmi d’autres des contraintes et exigences liées à la publication, l’éditeur, ses comités de lecture, directeurs de collections et directeurs commerciaux évaluant et transformant le manuscrit en fonction de stratégies de positionnement dans le champ. La genèse sociale du texte se résorberait, en somme, dans l’histoire du champ.

Pour éclairante qu’elle puisse être, cette explication ne suffit pas. Car, si la lecture et la critique des manuscrits entrent dans la nature des fonctions assumées par Paulhan comme membre du comité de lecture de la NRF, là s’arrête normalement sa tâche. Une fois la décision de publier prise et les exigences de réécriture formulées, le travail de correction incombait à l’auteur. De son côté, Pourrat n’assume aucun rôle éditorial à la NRF ; c’est donc bien plus au nom de Desrosiers qu’au nom de la NRF qu’il s’implique dans le sort de « L’hostellerie de la lune ». On ne pourrait que malaisément faire d’eux de simples agents de la NRF, tout particulièrement dans la deuxième phase du travail sur le manuscrit. Pas plus qu’on ne saurait rabattre leurs interventions sur des stratégies individuelles d’accumulation du capital symbolique. D’une part, ces interventions de nature privée n’affectent guère leur statut dans le champ ; elles n’ont d’ailleurs pu être découvertes qu’à la faveur des archives, près de soixante-dix ans plus tard [36]. D’autre part, les éléments du travail collectif de genèse textuelle qui mettent en jeu le capital symbolique ou économique des acteurs impliqués doivent être replacés dans le tissu des relations concrètes. La quantité de travail effectuée par Paulhan doit bien peu, de toute évidence, au statut dans le champ littéraire français de Léo-Paul Desrosiers ou au prestige potentiel de la publication d’un roman régionaliste canadien-français destiné au grand public. Il doit tout, en revanche, aux liens qui unissent Paulhan à Pourrat et Pourrat à Desrosiers, liens qui se nouent et s’enchevêtrent à la faveur d’échanges de toutes sortes.

Toutefois, il y a autre chose que du capital symbolique parmi les « ressources » qui circulent entre les acteurs. Du couteau de trappeur aux photographies de famille, des denrées et vêtements aux informations sur les éditeurs ou la possibilité d’une guerre, en passant par des fragments de discours sur la paysannerie, la condition des écrivains ou l’oralité en littérature, la relation canalise des échanges de toutes sortes, interreliés entre eux. Quand, par crainte d’une demande exorbitante, source potentielle d’une « dette » trop lourde à porter, Desrosiers offre mille francs à Pourrat pour la correction du manuscrit « À l’hostellerie de la lune », il entend compenser économiquement un travail littéraire mettant en jeu la réception de son texte en France. Quand Pourrat, de son côté, formule plutôt le souhait d’un couteau de trappeur, parle de la relation des contes à l’oralité, à propos du livre d’une des amies du couple Desrosiers ou donne des nouvelles de sa famille, dans les lettres qui répondent à l’offre d’argent de Léo-Paul, il opère un décentrement, place l’échange de services dans un cadre irréductible à la seule comptabilité économique ou symbolique, celui de l’amitié.

En ouvrant la correspondance à l’expression de l’intimité, Le Normand et Pourrat en ont fait un vecteur de rapprochement, de reconnaissance profonde. Les « chers amis » que l’on se découvre représentent des interlocuteurs avec qui on peut partager vie affective, conjugale, familiale, horticole, sportive, etc., dont on attend des nouvelles, qu’on espère rencontrer un jour [37]. L’envoi de portraits et de photographies contribue d’ailleurs à symboliser la proximité : « Chers cousins Canadiens. Nous avons été bien contents de recevoir la photo. Elle est très belle et semble très parlante. […] Il me semble qu’on fasse mieux amitié avec Léo-Paul Desrosiers, le voyant ainsi. Il semble que l’on vienne de lui serrer la main et qu’on l’ait devant soi [38]. » Le geste même d’envoyer ses ouvrages, dans cette optique, change de sens : on voit qu’il s’agit aussi de découvrir s’il y a disponibilité et ouverture chez le destinataire, si un partage est possible, s’il existe entre les acteurs un intérêt réciproque minimal. Il importe d’insister sur cet aspect, tout en l’intégrant à une lecture des intérêts stratégiques des acteurs, pour bien voir la double nature du lien amical, qui s’avère à la fois « solidarité instrumentale (l’ami est celui sur qui on peut compter) et […] solidarité expressive (l’ami est celui à qui on peut se confier) [39] ». Dans cette perspective, « il apparaît que la relation amicale, censément “gratuite”, tire en réalité une partie de son sens des ressources, “expressives” ou “instrumentales” qu’elle procure aux individus qu’elle engage [40] ».

Ainsi, l’amitié entre les Desrosiers et Pourrat crée un sentiment de communauté, de proximité, de confiance qui favorise les échanges et place sous le signe de l’obligeance les services rendus. Nul doute que ce ne soit elle qui rende possibles les envois de manuscrits, les demandes de corrections et la délégation de signature par laquelle Desrosiers confie à Pourrat le soin d’apposer son nom « au bas du contrat de la maison Gallimard » (12 mars 1937, CHP). De même, c’est l’amitié entre Paulhan et Pourrat qui explique la participation du premier au travail éditorial collectif. La lettre où Pourrat évoque ce travail commence d’ailleurs par traiter d’affabilité, avant de rendre compte, on l’a vu, des corrections apportées au manuscrit : « Jean Paulhan a passé huit jours ici, réconfortant, charmant. Je lui dois beaucoup, et son amitié est une des chances de ma vie. Il a pris lui-même le manuscrit, parce qu’il l’avait bien lu et le possédait bien, et voyait quelles coupures il y avait à faire. Il les a faites tandis qu’il était ici » (20 avril 1937, MLN-LPD). Dans les deux cas, ce qui permet, explique et même justifie l’intervention éditoriale volontaire, c’est « l’amitié littéraire », qui fonde la relation affinitaire sur une commune adhésion au jeu littéraire, sur une solidarité d’ordre esthétique, en même temps qu’elle sublime cette alliance, en la plaçant sous le signe de l’électivité, de l’affection, et en l’intégrant dans un système d’échanges où circulent de multiples ressources.

Écartelée entre les lectures idéalistes qui en font un ineffable et celles qui n’y voient que des alliances stratégiques voilées par l’illusion de la gratuité, l’amitié littéraire n’attire guère l’attention des chercheurs. Pourtant, son rôle s’avère crucial dans la constitution des groupes, réseaux et revues, dans la circulation des textes et discours. La magistrale reconstitution des débuts de la NRF par Anglès l’a démontré [41], et l’aventure éditoriale des Engagés du Grand Portage le signale à nouveau : la part de l’autre dans la genèse des textes doit beaucoup au travail de sociabilité qui amène les écrivains à s’identifier les uns aux autres, dans le cadre d’échanges fréquents, durables, intenses, qui mettent en mouvement les multiples ressources dont ils disposent.

Serait-ce qu’on n’écrit guère à plusieurs qu’entre amis ? Évidemment non. Toutefois, l’importance de l’affectivité donne une configuration distincte aux rapports qui se nouent entre capital économique, capital social et capital symbolique, du fait que les « réseaux d’affinité ont ceci de spécifique […] d’être au même titre que les réseaux de parenté des réseaux de reconnaissance des liens et des statuts [42] ». Le lien lui-même, dans les réseaux amicaux, importe plus, en définitive, que les bénéfices qu’il permet d’obtenir : « comme dans les réseaux de parenté, […] la transmission des ressources relationnelles et statutaires importe davantage que celle des ressources matérielles [43] ». L’amitié pourra ainsi conduire jusqu’à des « pertes » de capital symbolique ou économique. Et, plus les liens sont forts, plus l’idéal de communauté, de partage imprègne les membres du réseau, plus le travail de sociabilité sera important. L’exigence d’unité induira ainsi bien souvent un intense échange de manuscrits et une discussion continuelle sur les publications des uns et des autres.

D’autres modes de genèse collective sont cependant possibles. À côté des cas comme celui des Engagés du Grand Portage, où le réseau éditorial amical supplée à l’appareil éditorial de la NRF [44], on peut en voir d’autres où les liens au sein des appareils, déterminés par la hiérarchie formelle et les postes occupés par les acteurs, comptent davantage. Ainsi, à peu près à la même époque que celle des échanges Desrosiers-Pourrat-Paulhan au sujet de « À l’hostellerie de la lune », le manuscrit de ce qui deviendra La nausée circule dans les bureaux du 5, Sébastien-Bottin. Les liens d’affinité joueront tout de même un peu pour conduire à l’acceptation du manuscrit, car après un premier refus, au printemps 1936, Jacques-Laurent Bost, ancien élève de Sartre devenu l’un de ses amis intimes, intervient auprès de son frère Pierre, membre du comité de lecture de la NRF pour demander une réévaluation. Entre l’acceptation, en avril 1937, de « Melancholia », et sa publication, un an plus tard, sous son titre définitif, le manuscrit sera corrigé par Sartre avec l’aide de Brice Parain, secrétaire de Gaston Gallimard, et de Maurice Garçon, avocat de la maison. Le travail de réécriture est donc soumis au contrôle éditorial serré de l’appareil NRF. Il y aura cependant, tout au long de ces mois, une circulation informelle, au sein même des Éditions Gallimard : « un petit nombre de lecteurs de choix se transmit, dans l’escalier, au détour des portes fermées, des réunions à huis clos, commentaires, compliments, questions. Très vite, on sut, dans la maison, que c’était gagné [45] ». Ce « comité de lecture » clandestin, sans court-circuiter complètement le processus institutionnel, imposa définitivement le roman, alors que Gaston Gallimard hésitait encore à le publier.

Enfin, il y a d’autres cas où, bien qu’informels, les liens qui canalisent le processus de réécriture prennent la forme d’une relation entre maître et élève. On demeure alors dans un cadre affinitaire, mais explicitement fondé, désormais, sur une inégalité foncière, pour ce qui est du capital symbolique. Les échanges entre Alfred DesRochers et Louis Dantin correspondent tout à fait à cette variante de réseau éditorial informel, comme le montre l’étude réalisée par Richard Giguère [46]. Les analyses conjuguant génétique et sociabilité sont trop rares encore pour que l’on puisse tirer des quelques cas étudiés l’ébauche d’une typologie. Néanmoins, l’on peut d’ores et déjà poser que ceux qui voudront suivre les trajets sociaux de l’invention, pour reprendre en la modifiant légèrement l’expression de Bernard Beugnot [47], devront tenir compte des multiples variables qui distinguent les réseaux les uns des autres : quantité de ressources disponibles, type de ressources échangées, axes et rythmes des échanges, position des acteurs au sein du réseau, degré de formalité dans les relations, intensité de l’identification au réseau pris comme un tout, distribution des formes de pouvoir, etc. L’analyse des réseaux sociaux offre de multiples outils pour éclairer ces aspects concrets de la vie littéraire [48] ; cependant, bien qu’un certain nombre de chercheurs aient tenté de jeter des ponts entre littérature et analyse de réseaux [49], ces démarches restent exploratoires. Il reste donc fort à faire avant d’intégrer ces apports au chantier des études génétiques. L’importance des diverses formes de sociabilité littéraire et leur influence directe sur les pratiques d’écriture sont telles que l’on peut appeler de nos voeux l’émergence de ce que l’on pourrait appeler une « sociopoétique de l’invention », poétique de la littérature faite à plusieurs, à défaut de l’être par tous.