Liminaire[Record]

  • Anne Martine Parent,
  • Julie Lavigne and
  • Martine Delvaux

Depuis plus d’une vingtaine d’années, les représentations explicites de la sexualité hors du cadre des productions érotiques/pornographiques se multiplient sur nos écrans de télévision – comme, par ailleurs, dans plusieurs autres médias culturels (magazines, publicité, cinéma, etc.), ce que Brian McNair nomme le Porno chic. Ce mouvement irait de pair avec une sexualisation de la culture occidentale. Dans Screening Sex. Une histoire de la sexualité sur les écrans américains, Linda Williams replace la prolifération d’images sexuelles (ou « pornographisation » de la culture contemporaine) dans le cadre d’une histoire sociale et culturelle de la sexualité, en lien avec la révolution sexuelle des années 1960 et 1970, révolution qui « a permis une présence accrue du sexe sur les écrans ». Selon Williams, c’est dans les médias que la révolution sexuelle a été la plus manifeste. Iris Brey, quant à elle, souligne que le média le plus révolutionnaire pour cette question est la série télévisée et que ce sont les sexualités féminines qui sont l’objet principal de cette révolution. La série Sex and the City, diffusée sur HBO de 1998 à 2004, marque un véritable tournant dans la représentation de la sexualité des femmes à la télévision : pour la première fois, des personnages féminins ont des discussions franches et détaillées sur leur sexualité. La diffusion de Sex and the City s’inscrit dans un mouvement plus général de représentation explicite de la sexualité, en particulier sur les chaînes de télévision de type « premium » (chaînes de télévision payante), comme HBO et Showtime. Les chaînes « premium » ne sont en effet pas soumises aux mêmes règles de censure que des chaînes câblées comme ABC, NBC, CBS, etc. – ou, au Québec, des chaînes comme Radio-Canada ou TVA. Par exemple, une série comme Grey’s Anatomy (diffusée sur ABC depuis mars 2005) s’est vue interdire l’utilisation du mot « vagina », ce qui a amené la showrunneuse (showrunner) Shonda Rhimes à inventer le terme « vajayjay ». Une série comme Sex and the City ne pouvait pas voir le jour ailleurs que sur une chaîne « premium ». La série raconte l’histoire de quatre femmes vivant à New York et innove en mettant en scène pour la première fois à la télévision un discours sexuel explicite centré sur la vie sexuelle des femmes du point de vue de ces femmes. Sex and the City offre une vision plutôt libérée et libératrice de la sexualité tout en en montrant les difficultés et les contradictions. La présence de quatre personnages permet également de varier les points de vue, de l’aventurière sexuelle assumée qu’était Samantha à la romantique et plus pudique Charlotte. Plusieurs facettes de la sexualité féminine sont ainsi explorées. Par exemple, un épisode de la première saison (« The Turtle and the Hare », épisode 9) porte sur les vibrateurs (les ventes du modèle dont il était question, le « rabbit », ont d’ailleurs augmenté significativement à la suite de cet épisode au point d’en faire un « best-seller »). Dans l’épisode, c’est la pudique Charlotte qui devient « accro » au « rabbit », qu’elle dissimule dans sa chambre derrière un lapin en peluche. Comme l’a remarqué Jane Arthurs, le traitement du sexe dans Sex and the City s’apparente à celui qu’on trouve dans les magazines féminins comme Elle, Glamour et Cosmopolitan (qui est aussi le nom du cocktail préféré des quatre filles de Sex and the City). Une des filles est confrontée à une situation – par exemple, Samantha ne sait pas quoi faire avec son amant qui a un micropénis – et les …

Appendices