Abstracts
Résumé
Depuis les années 1980, nous trouvons plusieurs romans québécois autothanatographiques, racontés à la première personne par un mort. Parmi les cas de figure rencontrés, celui de l’enfant-narrateur décédé constitue une singularité que le présent article approfondit à partir de trois oeuvres contemporaines : L’ingratitude de Ying Chen, La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy et Tu aimeras ce que tu as tué de Kevin Lambert. Des points de recoupement entre ces oeuvres sont relevés pour mieux penser les spécificités énonciatives de l’enfant-narrateur mort, notamment la transgression narrative qu’il implique et la critique sociale portée par son énonciation et les thèmes qui le taraudent (l’emprise, la violence, la marginalisation). Ces romans abordent la mort frontalement et leur jeune narrateur énonce un discours qui tient de la révolte contre les sacrifices à faire au profit d’un futur pensé de manière fixe et fondé sur la transmission. Pour l’enfant qui meurt, l’asservissement du présent en vue de l’avenir reste vain et il préfère la mort – choisie dans les trois oeuvres – à la reproduction servile des traditions. Pour lui, l’avenir relève d’une idéation qui reste imprévisible et inachevable, deux caractéristiques qui rejoignent d’ailleurs la poétique des auteurs qui le mettent en scène.
Abstract
Since the 1980s, a characteristic of a number of Quebec novels is a posthumous first-person narrator who recounts their death. Among the examples encountered, the specific case of the dead child-narrator is examined here using three contemporary works: L’ingratitude by Ying Chen, La petite fille qui aimait trop les allumettes by Gaétan Soucy and Tu aimeras ce que tu as tué by Kevin Lambert. The overlapping points between these works are highlighted to better discuss the specific statements of the dead child-narrator, notably the narrative transgression this narrator implies and the social criticism expressed through their statements and the issues that preoccupy them (power, violence, marginalization). These novels discuss death up front, and their young narrator formulates a discourse based on a revolt against sacrifices made for the benefit of a future that is fixed and founded on transmission. For the child who dies, the enslavement of the present to the future is in vain, and death—chosen in the three works—is preferable to the servile reproduction of traditions. For this narrator, the future remains a concept both unpredictable and unachievable, two characteristics that connect, moreover, with the poetics of the authors depicting it.