Article body

Dans le domaine touristique, la visite de parents et d’amis (VPA[1]) correspond à une raison de voyager ou à un mode d’hébergement. Dans tous les cas, le séjour comporte une relation avec des parents ou des amis qui résident sur le territoire de destination. Elisa Backer (2007 ; 2010 ; 2012) est, à notre connaissance, la chercheure qui s’est le plus penchée sur le phénomène des visites de parents et d’amis. Même si ses recherches prennent place en Australie, ses études restent pertinentes pour le Canada et ailleurs, car elle demeure encore aujourd’hui une des rares personnes à s’être autant intéressée aux VPA. Selon elle, les visites de parents et d’amis figurent parmi les plus importantes formes de voyage qui existent et c’est une des plus anciennes et des plus marquantes socialement. Le phénomène des VPA est important pour les voyages domestiques, mais aussi pour les voyages internationaux. Pourtant les chercheurs, les agences de marketing, les organismes de marketing et de management d’une destination (OMMD) et les entreprises touristiques en général s’en sont très peu préoccupés.

À la demande la Ville de Trois-Rivières (Innovation et développement économique [IDÉ]) et de l’Association touristique de la Mauricie (Tourisme Mauricie), nous avons vérifié l’importance économique et stratégique des VPA sur ces territoires et identifié des façons d’interagir plus efficacement auprès de cette clientèle (de Grandpré et Royer, 2014a ; 2014b). Cet article rend compte des travaux réalisés dans le cadre de ce mandat et veut contribuer à une meilleure connaissance de ce phénomène.

Dans un premier temps, nous présentons un état de la situation s’appuyant sur les études recensées sur le sujet. Elles sont relativement rares et proviennent pour la plupart de l’étranger. Ces études permettent tout de même de démystifier le phénomène et de conclure à l’importance stratégique de cet important segment de marché. Il ressort que nous aurions tort de croire qu’il s’agit là d’un phénomène marginal, surtout en ce qui concerne le volume de visiteurs qu’il représente, mais aussi sur le plan des impacts économiques qu’il génère. Il serait aussi faux de penser qu’il soit possible d’intervenir efficacement auprès de cette clientèle de la même manière que nous intervenons auprès d’autres types de visiteurs. Nous pensons que nous aurions tout aussi tort de ne pas intervenir, sous prétexte qu’il s’agit d’une clientèle « naturelle » qui ferait une visite de toute façon.

Dans un deuxième temps, nous décrivons la méthode que nous avons utilisée pour mieux connaître cette clientèle et explorer certaines pistes d’actions susceptibles de la rejoindre plus efficacement. Quatre groupes de discussion (focus groups) nous ont permis d’une part de vérifier si ce qu’en disent les études se vérifie sur le terrain et d’autre part de connaître les demandes des citoyens en vue de les aider à mieux réussir ce type de visite.

En troisième partie, nous présentons et discutons de nos résultats et identifions et proposons des pistes à privilégier pour intervenir efficacement auprès de cette clientèle. Cet exercice ne vise pas uniquement à trouver des stratégies pour favoriser les retombées économiques pour le territoire d’accueil, il vise aussi à aider l’hôte à bien réussir l’accueil et ainsi maximiser l’expérience vécue, par lui et ses visiteurs.

À la lumière des informations recueillies, nous concluons en identifiant des pistes qui mériteraient d’être explorées davantage pour mieux réussir la visite de parents et d’amis. Même si l’étude prend pour terrain d’analyse Trois-Rivières en Mauricie, nous pensons que les constats sont valables pour la plupart des destinations comparables (milieux urbains de moyenne dimension). Les leçons qu’il est possible de tirer de cette démarche peuvent inspirer d’autres destinations, au Canada comme ailleurs.

Soulignons enfin que cette étude s’insère dans une nouvelle tendance qui cherche à atténuer l’écart qui existe entre le visiteur et le visité, entre le citoyen et le touriste. D’autres travaux, comme ceux portant sur l’accueil, les « greeters » ou les lieux de rencontres et d’échanges communs (tiers lieux) sont autant d’exemples de ce rapprochement.

État de la situation

Les écrits sur le sujet révèlent que l’apparente simplicité du phénomène de visites de parents et d’amis cache une réalité complexe, qui concerne plusieurs acteurs et qui se traduit par une certaine confusion. On ne sait pas très bien qui ils sont, combien ils sont, ce qu’ils font, ou ne font pas, comment ils le font ni pourquoi. La méconnaissance du phénomène, l’impression qu’il présente peu d’intérêt du point de vue économique et la perception qu’il répond mal aux incitatifs promotionnels traditionnels du monde du tourisme seraient les principaux facteurs qui expliqueraient ce désintéressement par la communauté scientifique et par les professionnels du tourisme. Backer (2012) élabore et nuance ces explications et y ajoute le manque de lobbying et la connotation peu captivante du phénomène des VPA. Il est effectivement difficile d’imaginer un regroupement d’hôtes qui revendiqueraient des études ou des privilèges pour bonifier leurs interactions avec les personnes qui les visitent, comme le font les lobbyistes sectoriels ou idéologiques, comme l’hôtellerie et les institutions muséales le font pour leurs propres « marchés ». On préfère aussi s’intéresser à des segments de clientèles qui peuvent sembler à première vue plus importants et porteurs de retombées économiques et qui sont peut-être moins « naturels », pour ne pas dire consanguins. Nous pensons que la nécessité pour les OMMD de travailler avec des acteurs autres que les acteurs traditionnels, notamment les commerces de détail, les épiceries et la population en général, peut aussi peser dans la balance, en particulier parce qu’un OMMD compte rarement ces acteurs dans sa liste de membres. À l’instar de Backer (2007 ; 2010 ; 2012), pratiquement tous les auteurs cités en référence abondent dans le sens de la méconnaissance de ce segment de marché, du manque de considération qui lui est accordée sur le plan stratégique par les acteurs touristiques et surtout de la sous-évaluation qui en est faite.

Backer (2010) suggère en outre que même le secteur de l’hébergement commercial aurait intérêt à s’y intéresser davantage. Le pourcentage de VPA qui résident en hébergement commercial varie considérablement d’une étude à l’autre et d’un territoire à l’autre, allant de 4 % à 56 %, mais il semble souvent considérable.

Les écrits ne répondent que partiellement à la problématique des stratégies pour agir efficacement auprès de ce marché. Encore aujourd’hui les besoins de recherches sur ce sujet sont grands. Quelles sont les motivations des VPA ? Quelles sont les meilleures façons de les rejoindre ? Ce sont des questions pour lesquelles il n’existe pas de réponse satisfaisante. Par « satisfaisante », nous entendons des réponses validées. Sans compter que plusieurs des études qui abordent la question remontent au temps où les technologies de l’information n’avaient pas encore le potentiel qu’on leur connaît aujourd’hui. Ce sont pourtant des questions fondamentales pour qui voudrait s’intéresser sérieusement à cet important segment de marché.

Selon Cheri Young et ses collègues (2007, cités dans Shani et Uriely, 2012), il existerait quatre types d’hôtes : 1) les ambassadeurs ; 2) les aimants (magnets) ; 3) les parleurs (talkers) et les neutres (neutral). Les deux premiers se distinguent en attirant un grand nombre de visiteurs, mais les ambassadeurs se démarquent en étant des promoteurs beaucoup plus actifs de leur lieu de résidence que les « aimants », qui auraient pour leur part un rôle promotionnel plus passif. Les « parleurs » et les « neutres » reçoivent quant à eux peu de visites, mais les parleurs se distinguent en étant plus actifs que les neutres pour ce qui concerne l’incitation à venir visiter leur coin de pays. Les études citées s’entendent généralement pour dire que l’hôte est la clé pour rejoindre ce segment de marché et, pour cette raison, il faudrait réussir à augmenter la proportion d’ambassadeurs.

L’importance du marché des VPA

Les études statistiques estiment généralement le nombre de VPA à partir du mode d’hébergement utilisé ou en fonction du but de la visite. Dans les deux cas, ce serait sous-estimer l’importance du marché, car le VPA peut se retrouver dans une de ces statistiques sans pour autant être dans l’autre. Une troisième façon de les identifier est de prendre en compte les activités pratiquées pendant le séjour, sans que les visiteurs ne résident ou n’identifient cette activité comme un des buts visés de leur déplacement. Le nombre obtenu à partir des statistiques officielles (celles de Statistique Canada dans le cas du Québec) est donc sous-estimé.

Dépendant des études, les VPA représentent généralement entre le tiers et la moitié des séjours, et parfois davantage. Ces chiffres sont même beaucoup plus élevés dans certaines villes. À Trois-Rivières, par exemple, l’extraction des données de Statistique Canada (Beaudoin, 2013) suggère que 76 % des touristes résident chez des parents ou des amis pendant leur séjour. Rappelons ici que nous avons observé que les sources statistiques sous-estiment le nombre réel.

Si nous voulions vraiment obtenir le portrait complet des VPA, il faudrait tenir compte du mode d’hébergement (commercial ou non commercial), des motifs du voyage (primaire et secondaire), et du fait de pratiquer ou non l’activité « visite de parents et d’amis » (sans que cela ne soit pour autant indiqué dans les buts du voyage). Si le chiffre de 76 % pour Trois-Rivières est exact, car il y a toujours un risque de biais d’échantillonnage, et si nous ajoutons ceux qui ont pour but primaire ou secondaire la visite de parents et d’amis, mais qui résident en hébergement commercial ou ailleurs que chez des parents ou des amis, nous pouvons facilement penser que la proportion de personnes pour qui un parent ou un ami a joué un rôle dans le périple trifluvien est supérieure à 76 %.

Qui sont les VPA ?

Pour répondre à cette question, il serait pertinent d’identifier ce qui motive les visiteurs et quels sont leurs intérêts. Cette information est peu traitée dans les écrits que nous avons consultés. Une étude américaine (Hue et Morrison, 2002) arrive toutefois à produire un certain profil des VPA (une « tripographie ») en les comparant à ceux pour qui toute forme de relation avec un parent ou un ami est absente du séjour. Les résultats de l’étude montrent que comparativement aux autres types de voyageurs, les VPA voyagent davantage avec des enfants, ils font plus de séjours de type « vacances », ils séjournent plus longtemps (ce qui a un effet positif sur les dépenses), ils ont plus tendance à voyager les fins de semaine, leurs voyages sont mieux répartis dans l’année (ils subissent moins l’effet de la saisonnalité) et, enfin, une proportion non négligeable d’entre eux (10 %) font de la VPA une étape à l’intérieur d’un séjour comptant plusieurs destinations. Ce dernier point ajoute à la complexité de les dénombrer.

Certaines études (Seaton, 1995 ; Hue et Morrison, 2002 ; Backer, 2010) suggèrent qu’il faudrait distinguer entre les visites de parents (VP) et les visites d’amis (VA). Dans ce dernier cas, le visiteur a un comportement qui ressemblerait davantage à celui du voyageur moyen, alors que celui qui visite un membre de sa famille s’en distingue sur plusieurs points. Les grandes enquêtes statistiques (Statistique Canada) ne permettent malheureusement pas de les distinguer.

A.V. Seaton (1995) suggère que ceux qui visitent des parents (les VP) sont plus limités dans le choix de la destination que ceux qui visitent des amis (les VA). En effet, la décision de visiter des parents se prend indépendamment de la valeur « touristique », de la saison et de la distance. Les événements rituels, comme les mariages et les jours fériés, sont autant d’incitatifs à visiter la parenté indépendamment de la valeur touristique de la destination. Ce ne serait pas totalement le cas pour les VA, pour qui les atouts attractifs de la destination, comme les festivals et les spectacles, jouent un rôle non négligeable et les événements rituels ont moins le poids de l’obligation. Les VA se distinguent aussi des VP en dépensant davantage et ils seraient plus enclins à utiliser l’hébergement commercial. La visite d’amis serait d’ailleurs plus fréquente chez les mieux nantis financièrement.

Ces différences amènent à penser que les stratégies pour rejoindre les VA et les VP pourraient être spécifiques à chacun des sous-groupes, en partie du moins. Les moyens financiers plus modestes des VP, par exemple, pourraient entraîner une stratégie plus agressive au niveau des prix. Pour les VA, il serait peut-être plus pertinent d’insister sur la qualité et la quantité de l’offre de la destination.

Quelle est l’importance économique des VPA ?

Backer (2007 ; 2010 ; 2012) fait partie des chercheurs qui contestent l’idée que les VPA ne présentent pas un grand intérêt du point de vue des retombées économiques. Pour en faire la démonstration, elle a réalisé une enquête auprès de 1441 VPA australiens et de leurs hôtes. Suivant son analyse, les dépenses additionnelles occasionnées aux hôtes qui reçoivent des visiteurs comptent pour 14 % des dépenses totales attribuables aux VPA. Du point de vue « impact économique », l’ajout de ces dépenses locales faites par un résident reste justifiable du fait que si ce n’était de la venue de ces visiteurs, cette dépense n’aurait peut-être pas été faite dans la communauté d’accueil.

Les dépenses attribuables aux VPA ne sont que de 18 % inférieures à celles attribuables aux non-VPA. C’est peu, surtout si nous considérons que cette étude (Backer, 2007) ne tient aucunement compte des dépenses en hébergement commercial. Si nous excluons l’hébergement, nous remarquons que les dépenses attribuables aux VPA et à leurs hôtes sont toutes supérieures à celles des non-VPA. Dans l’ordre décroissant, ces dépenses sont liées à la restauration, au magasinage, à l’épicerie, aux attractions, aux boissons alcoolisées, à l’essence, aux activités et aux spectacles. La seule exception est le taxi (14 % en moins chez les VPA et leurs hôtes), mais cela représente à peine 2 % des dépenses totales dans l’étude de Backer.

Nous remarquons que les dépenses en activités de loisirs et en magasinage sont nettement plus importantes chez les VPA (deux tiers de plus). C’est aussi vrai, mais dans une moindre mesure (un tiers de plus), pour l’épicerie et l’achat d’alcool. Nous ne pouvons donc pas étiqueter les VPA de casaniers ni de personnes qui ne génèrent pas de retombées économiques.

Il y a au moins deux limites à transposer les chiffres de Backer à d’autres destinations. Il s’agit d’une étude australienne et elle date de 2002. Cela dit, faute de mieux, nous pouvons tout de même nous en inspirer pour dire que les dépenses des VPA ne sont pas négligeables et qu’elles semblent globalement au moins aussi importantes que celles des non-VPA, exception faite de l’hébergement : si l’auteure avait considéré les dépenses des VPA qui utilisent les hébergements commerciaux (les VPAC), la différence observée de 18 % entre VPA et non-VPA (N-VPA) aurait été encore moindre.

À la suite de cette première étude de 2007, Backer (2010) a effectivement démontré que les dépenses des VPA qui résident en hébergement commercial dépassent en moyenne de 28 % les dépenses des N-VPA.

La situation des VPA au Québec et en Mauricie

Une analyse spécifique aux VPA du Québec a été réalisée par Claude Péloquin (2005) du Réseau de veille en tourisme de la Chaire de tourisme Transat. Cette analyse se base sur les enquêtes de 2004 de Statistique Canada. Comme tous les auteurs cités précédemment, celui-ci observe que ce segment de marché est sous-estimé et mal compris.

Péloquin rapporte ainsi qu’en 2004 les dépenses attribuables aux VPA étaient estimées à 1,8 milliard de dollars au Québec. Les dépenses proviennent du marché domestique pour 1,2 milliard, des autres provinces canadiennes pour 291 millions, des États-Unis pour 130 millions et d’outre-mer pour 177 millions (principalement de la France).

En ce qui concerne le but du voyage des Québécois, les VPA compteraient pour la moitié des déplacements (49,3 %) au Québec en 2011 (Beaudoin, 2013). Par ailleurs, sur la base des modes d’hébergement, ils compteraient pour 54,8 %. Si Backer a raison de dire que ce type de statistiques sous-estime habituellement le nombre réel de VPA, nous devons alors convenir que ce phénomène est très important au Québec.

Stratégies pour mieux rejoindre les VPA

Les écrits sont discrets pour ce qui concerne les stratégies pour mieux rejoindre les VPA. Certains auteurs, comme Alastair Morrison, Barbara Woods, Philip Pearce, Gianna Moscardo et Heidi Sung (2000), disent que la visite de parents et d’amis est une décision de voyage qui apparaît naturellement et que, pour cette raison, il est difficile d’influencer le voyageur dans le choix de sa destination. Sur la base des études citées plus haut, il semblerait y avoir un peu de vrai dans cette affirmation pour ce qui touche la visite de la parenté, mais ce serait moins vrai pour la visite d’amis. Nous pensons aussi, et nous y reviendrons, qu’une bonne stratégie pourrait inciter les adeptes de ce type de voyage à vouloir le faire plus fréquemment, à rester plus longtemps et aussi à tirer davantage de plaisir de cette expérience de séjour. Les programmes marketing typiques visant les touristes « réguliers » ne sont pas adaptés aux VPA. Il faudrait donc innover sur ce point.

Une étude de Backer (2007) montre que 92 % des voyageurs qui visitent des parents ou des amis ont été influencés par le bouche-à-oreille dans le choix des activités et des endroits à visiter pendant leur séjour. Plusieurs des auteurs consultés prétendent que le message adressé aux VPA devrait passer par l’entremise de l’hôte. Parmi eux, Bob McKercher (1995, cité par Backer, 2010) va même jusqu’à affirmer que les hôtes seraient à blâmer pour le peu d’utilisation que font les VPA des attractions et des activités locales. La raison principale serait le manque de connaissances des hôtes sur ce qui est offert localement et régionalement.

Dans une étude récente sur l’accueil touristique au Québec, François de Grandpré, Marc LeBlanc et Chantal Royer (2012) faisaient le constat que même les travailleurs du tourisme étaient peu informés des offres à l’extérieur de leur propre entreprise. Sur cette base, il serait difficile de blâmer le citoyen pour son manque de connaissances de l’offre touristique, culturelle et récréative sur son territoire. Cette même étude mentionne que le fait d’informer adéquatement le visiteur et de lui faire profiter de son réseau de contacts sur le territoire de destination représente un facteur déterminant de la qualité de l’accueil, dans sa dimension « hospitalité », et contribue fortement au succès d’un séjour. Ainsi, le fait de mieux informer les hôtes de l’offre locale contribuerait à améliorer l’expérience vécue par ces visiteurs.

Morrison et ses collègues (2000) sont ceux qui, à notre connaissance, ont le plus examiné cette question des moyens pour rejoindre les VPA. La pertinence de ces méthodes visant les hôtes des VPA n’a toutefois pas été démontrée par les auteurs. C’est par l’entremise d’entrevues réalisées auprès des OMMD de deux grands territoires (États-Unis/Canada et Australie/Nouvelle-Zélande) que sont évoquées ces stratégies. Pour les OMMD de ces deux territoires, l’offre de rabais dans les entreprises visant à recevoir des résidents locaux accompagnés d’amis ou de parents arrive au premier rang. Il est intéressant de constater que cette stratégie devance celle où le rabais est offert aux visiteurs. L’envoi d’une documentation imprimée chez les hôtes présentant l’offre locale se classe quant à elle au deuxième rang. L’utilisation de la télévision pour informer les hôtes et les VPA arrive en dernière position. Nous ne disposons toutefois pas de données sur le succès de ces initiatives. Les résultats de ces chercheurs s’appuient en effet sur les perceptions énoncées par les représentants des OMMD et non sur le succès mesuré de ces stratégies.

Il est surprenant de ne pas voir de stratégies utilisant Internet (forums, sites web dédiés, liste d’envoi personnalisée, par exemple), ni de stratégies visant directement l’hébergement. La possibilité de créer des partenariats et de conclure des ententes particulières avec des entreprises ciblées est également peu présente. Tel qu’indiqué plus tôt, nous en sommes encore au début de l’identification des moyens et des stratégies à mettre en place pour recevoir efficacement les VPA.

La même étude identifie par ailleurs ce que les OMMD d’Australie/Nouvelle-Zélande et des États-Unis/Canada perçoivent comme des avantages et comme des inconvénients liés à ce segment de marché. Nous remarquons d’abord que le phénomène des VPA semble plus considéré en Australie/Nouvelle-Zélande qu’en Amérique du Nord. Ceux-ci sont peut-être plus conscientisés grâce aux travaux de Backer. Nous observons aussi que le principal avantage perçu est économique, mais que les OMMD d’Amérique sont nettement moins conscients de ce potentiel, même s’ils reconnaissent pour la plupart l’ampleur (le volume important) de ce segment de marché. Une explication de ce désintéressement serait que les endroits où il est possible d’agir ne sont pas des endroits habituels pour les OMMD. La résidence privée des hôtes, les commerces de détail comme ceux qui vendent de l’alcool, les services de traiteurs, les stations-service ne sont pas les partenaires coutumiers des OMMD ; ces entreprises sont rarement membres de ces organisations. Même les bars et les restaurants ne sont pas proportionnellement représentés au sein des OMMD.

Pour ce qui est des perceptions négatives des OMMD à l’égard des VPA, nous remarquons d’abord celle voulant que les dépenses soient faibles, en particulier du côté de l’hébergement, mais aussi de la restauration. Backer a pourtant contribué à montrer l’impact positif des VPA sur l’économie locale et régionale, l’étalement de la saison touristique et chez l’ensemble des producteurs de produits et services touristiques et non touristiques (stations-service, commerces de détail et autres). C’est comme si la moins grande fréquentation de l’hébergement commercial était le seul indicateur valable de la consommation « touristique ».

Une autre perception négative est que les locaux et leurs invités n’utilisent pas et ne connaissent pas les produits locaux. D’autres perceptions négatives sont à l’effet que les VPA viennent naturellement et qu’ils sont tributaires de leurs hôtes, donc qu’ils ne nécessitent pas de stratégie particulière. Il y a d’autres perceptions négatives, comme celle persistante pour certains qu’il s’agit d’un petit marché, qu’ils voyagent uniquement en haute saison, etc., alors que ces réticences semblent invalidées par les études empiriques citées plus tôt. Il y aurait donc une distorsion entre ce que représentent les VPA aux yeux des OMMD et leur potentiel réel.

Lors de la mise en place des différentes stratégies visant les VPA en Mauricie et ailleurs, il serait important d’établir une stratégie de collecte de données pour vérifier si les aspects négatifs identifiés dans cette liste sont des mythes ou non. L’absence de validation des stratégies évoquées est présentement, croyons-nous, la principale lacune de la recherche sur les VPA.

L’intérêt que portent les OMMD de la Mauricie et de Trois-Rivières aux VPA, en commandant l’étude à la base de cet article, semble tout à fait justifié. Même en sous-estimant l’importance réelle des VPA, nous remarquons qu’ils forment un segment de marché considérable. De plus, certains a priori vis-à-vis de cette clientèle, comme ceux voulant qu’ils dépensent peu et qu’ils ne soient pas actifs, ne seraient pas justifiés. Les façons d’intervenir efficacement auprès de ce segment de marché sont peu connues. Les hôtes (résidences privées), l’implication d’entreprises non traditionnelles au monde du tourisme et l’absence de stratégies éprouvées augmentent d’autant le niveau de difficulté.

Néanmoins, la documentation existante fournit des pistes qui permettent de structurer l’effort à consentir auprès de cette clientèle. À titre d’exemple, la piste qui consiste à agir principalement par l’intermédiaire de l’hôte. Que ce soit par le bouche-à-oreille, la transmission d’informations aux visiteurs par des moyens électroniques, les hôtes semblent être la principale clé pour accéder à ce segment de marché. La distinction entre ceux qui visitent des parents et ceux qui visitent des amis semble également importante à considérer. De plus, le sous-segment des VPA qui résident en hébergement commercial (VPA-C) semble offrir une bonne occasion d’affaires, dans la mesure où les opérateurs acceptent de contribuer à l’effort nécessaire pour les rejoindre. Les VPA, surtout les VP (ceux qui visitent la parenté et non les amis), semblent particulièrement sensibles aux prix. Ce sont là quelques-unes des pistes que nous avons testées à Trois-Rivières.

Notre étude consistait à rencontrer des hôtes dans le cadre de groupes de discussion (focus group) dans le but de mieux connaître leurs intérêts et de vérifier certaines actions marketing concrètes qui pourraient être mises en place à l’intention des VPA à Trois-Rivières.

Méthode

Les VPA représentent un segment de marché important qui comporte des particularités qui les distinguent des autres touristes. Des questions restent sans réponse. Celle touchant les stratégies pour les rejoindre efficacement nous préoccupe particulièrement. Le groupe de discussion est la méthode qui a été privilégiée pour tenter d’en apprendre davantage sur ces stratégies car elle permet d’explorer un phénomène encore peu documenté, comme c’est le cas pour les VPA, ce qu’un sondage, par exemple, permet plus difficilement de faire. Cette étude qualitative reste exploratoire puisque l’échantillon est relativement petit (ce qui est typique des études qualitatives). Elle permet toutefois de mieux comprendre les motivations de chacun, ce qu’un sondage encore permettrait plus difficilement de faire.

Quatre groupes de discussion comptant chacun de quatre à huit personnes allant de jeunes adultes à des personnes retraitées ont été rencontrés entre mars et mai 2014. Au total, 23 Trifluviens ont exprimé leurs opinions sur la question de la visite de parents et d’amis. En plus d’être résidents de Trois-Rivières, le seul autre critère de sélection était qu’ils aient reçu des parents ou des amis venant de l’extérieur de la région au cours de la dernière année. Trois de ces rencontres ont eu lieu dans les locaux de Tourisme Trois-Rivières, et une quatrième à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Deux chercheurs ont animé ces rencontres. Un représentant de Tourisme Trois-Rivières était présent à trois des quatre rencontres.

Les rencontres ont duré d’une heure et demie à deux heures. Une compensation symbolique en argent a été remise aux participants. Les procédures éthiques standards de l’UQTR ont été suivies (certificat d’éthique no CER-14-198-07.01). Le recrutement des participants s’est fait par le biais des médias et des réseaux sociaux.

Les thèmes abordés lors de ces rencontres étaient :

  • Une description de la visite type de parents et d’amis (période, fréquence, durée des séjours, activités pratiquées, logistique, dépenses) ;

  • Les motivations à venir en visite et à recevoir à Trois-Rivières ;

  • Les besoins et les attentes en tant qu’hôtes ;

    • Présentation du contenu d’une éventuelle trousse destinée à l’hôte, contenant cartes, revues, coupons-rabais, passeport[2] et objets promotionnels ;

    • Discussion autour de différents types de rabais s’adressant aux hôtes et à leurs invités ;

    • Discussion autour de différents formats (papier et électronique) pour la promotion et l’information et les divers canaux de distribution ;

  • L’intérêt que représente Trois-Rivières comme destination pour recevoir des parents et des amis.

Lors des entrevues, nous cherchions dans un premier temps à explorer ce qui caractérisait les pratiques des hôtes, et ainsi à vérifier ce que nous apprend le cadre de référence. Dans un deuxième temps nous avons exploré le niveau de réceptivité des participants à différentes stratégies mises en place à leur intention. Les discussions ont été enregistrées. Des transcriptions partielles en ont été faites, ainsi qu’un compte rendu résumant les faits saillants après chacune des rencontres. Les comptes rendus étaient ensuite validés par les chercheurs présents lors de la rencontre et par un représentant du mandant. L’analyse a consisté essentiellement à regrouper les propos en fonction des thèmes et des caractéristiques des participants. Nous présentons dans la section suivante les principaux constats observés.

Constats

Les discussions de groupe ont fait écho à presque toutes les idées avancées par les auteurs consultés sur le phénomène des VPA et qui cherchaient à démystifier le phénomène. Les entrevues de groupes font émerger près de quarante constats (identifiés dans le texte qui suit par des nombres entre crochets [n]). En résumé, nous avons observé que les visiteurs de parents et d’amis, ainsi que leurs hôtes sont actifs culturellement [1] et physiquement [2] ; ils consomment [3] les produits et services offerts (de préférence des produits locaux et qui sortent de l’ordinaire [4]) et ils dépensent nettement plus [5] quand ils ont de la visite qu’en temps normal. Ils disent presque tous que la diffusion de l’information sur l’offre locale et régionale est inadaptée ou insuffisante [6] et que l’autre principale contrainte pour être encore plus actif est d’ordre financier [7]. Ce dernier point est important et nous y reviendrons un peu plus loin. Ils disent aussi que la planification de la visite se fait généralement dans la semaine qui précède le séjour [8] et souvent dans un délai très court (quelques jours). Le temps de planification est un peu plus long quand le visiteur vient de loin [9], par exemple d’une autre province ou d’un autre pays. Le fait que l’hôte soit natif de l’extérieur de la région [10] ou qu’il y fasse un retour après avoir passé une partie de sa vie professionnelle et personnelle à l’extérieur [11] a une incidence positive sur le volume de visiteurs qu’il reçoit. L’appartenance à un large réseau [12] dans le cadre de son travail aurait aussi une incidence positive, que ce soit pour mieux connaître l’offre locale et régionale ou pour multiplier les occasions de recevoir des visiteurs. Des différences importantes ressortent selon le style de vie et l’âge [13]. Être étudiant, jeune, en couple, vivre avec des enfants jeunes, des enfants d’âge adulte, être âgé, appartenir ou non à un réseau, être « branché » sur l’informatique [14], la grosseur et la localisation du logement [15], sont autant de contextes de vie qui font varier les opinions émises par les participants.

De plus, tel que suggéré dans les écrits consultés, nous avons observé qu’il existerait une différence entre le fait de recevoir des parents et celui de recevoir des amis [16]. Les premiers sont un peu plus casaniers et même quand ils sortent, ils sont plus enclins à résider dans la maison de l’hôte, ils sentent moins la pression de dépenser pour « impressionner la visite » ou profiter de l’occasion pour se gâter, et sont moins influencés par l’offre locale et régionale et les saisons. Les visiteurs parents sont plus sensibles aux questions de coûts [17] que les visiteurs amis, en particulier quand il s’agit de sorties avec de jeunes enfants.

Il est plus difficile de valider ce que disent les études à leur sujet en ce qui concerne l’utilisation de l’hébergement commercial et le magasinage. L’échantillon comptant peu d’hôtes dont les visiteurs fréquentaient un lieu d’hébergement commercial, il a été difficile d’approfondir cette question. Le magasinage, en dehors de celui visant l’achat de souvenirs et de produits locaux spécialisés, n’est pas ressorti aussi fortement que les statistiques semblent le suggérer. La petitesse de l’échantillon explique peut-être l’absence de constats clairs sur ces points. Au volet du magasinage, les visiteurs et leurs hôtes préfèrent les petites boutiques typiques [18] de produits locaux et régionaux, comme les microbrasseries, les traiteurs spécialisés, les chocolateries et les « saucisseries », plutôt que les magasins à grande surface et les grandes bannières, qui de toute façon, selon leurs dires, se trouvent déjà près du lieu d’origine de leurs visiteurs. Un sondage visant un grand nombre de répondants serait utile pour compléter cette lecture des VPA, en particulier pour isoler les phénomènes plus rares, comme l’utilisation de l’hébergement commercial.

Dans le cadre des groupes de discussion, nous avons exploré l’idée qui consiste à confectionner une trousse d’accueil destinée aux hôtes. Pour ce faire, cinq exemples de contenu de ce genre de trousse ont été soumis aux participants. L’ordre d’intérêt pour ces contenus est le suivant : des cartes, un passeport, des coupons-rabais, des revues et, enfin, des objets promotionnels. Ainsi, dans l’éventualité où une telle trousse était confectionnée, les participants ont été invités à discuter de chacune des propositions et à dire quels contenus les intéressaient le plus, et pourquoi.

Les cartes identifiant le territoire, les attraits et les attractions [19] ressortent comme l’élément le plus pertinent à insérer dans une trousse qui leur serait destinée. La pochette en démonstration contenait une carte touristique générale de Trois-Rivières, la même qui est utilisée au bureau d’information touristique (BIT), une carte des pistes cyclables, une carte des circuits thématiques et une carte des activités hivernales.

C’est surtout la carte touristique générale qui a attiré l’attention des participants. Divers aspects de celle-ci sont appréciés, comme le fait d’avoir un objet palpable (contrairement aux outils web) autour duquel on peut s’asseoir et discuter du planning de la visite. De même, le fait de disposer d’une liste de services, d’activités et de produits sur un seul médium est très apprécié. La possibilité de pouvoir localiser géographiquement l’offre sur le territoire est également ressortie comme un élément utile [20], notamment chez les participants qui connaissent moins bien le territoire. Une telle carte existe déjà à Trois-Rivières, mais est peu connue des hôtes. Le fait qu’elle s’adresse à des touristes fait qu’ils ne se sentent pas concernés [21] et n’ont pas le réflexe d’aller la chercher au BIT local.

La présentation objective et complète de l’offre [22], qu’elle soit sur la carte touristique, dans un éventuel passeport ou autrement (dans un guide touristique local par exemple), est ressortie comme quelque chose qui serait souvent utile à l’hôte et à ses invités. Les participants déplorent en effet l’absence d’information exhaustive et objective de l’offre. Ils disent ne retrouver dans les médias que les principales attractions, surtout celles dont les promoteurs peuvent payer des espaces publicitaires, et qu’ils passent à côté d’événements, de produits et de services moins publicisés qui, pourtant, pourraient les intéresser, eux et leurs visiteurs [23]. Ce sont des habitués de la destination, ils se distinguent en effet des visiteurs qui en seraient à leur premier séjour et qui se limiteraient aux attraits et aux attractions les plus évidents. Les VPA, après avoir fait le tour des attractions qui sont davantage mises à l’avant-plan, recherchent en effet des occasions moins connues pour se divertir. Dans une promotion à leur intention, il importerait donc de présenter l’information de manière objective, dépouillée de publicités, et incluant les petites entreprises qui sont moins visibles dans les médias et ailleurs.

L’autre élément qui est ressorti fortement pour l’éventuelle pochette est l’intérêt manifesté à l’égard des rabais [24] permettant d’accéder aux différents services et produits disponibles à prix de groupe avantageux. Deux formules sont proposées dans la pochette (passeport et coupons-rabais), et une troisième formule est apparue au fil des discussions, les coupons-rabais web personnalisés.

La première formule « rabais » proposée est le passeport ; il vise quatre objectifs : servir de répertoire neutre (sans publicité), compact et facile à transporter sur soi ; offrir des rabais si son détenteur est accompagné de visiteurs provenant de l’extérieur de Trois-Rivières ; fidéliser l’hôte ; et enfin le faire sentir important en lui offrant un traitement de faveur. La seconde formule est celle des coupons-rabais en version papier : une « liasse » de coupons-rabais, issus d’ententes avec des partenaires, se trouverait dans la pochette. La dernière formule est celle de « coupons-rabais » électroniques et personnalisés [25]. Un avantage de cette formule est la flexibilité dans le temps, même si la nécessité d’imprimer les coupons ou d’avoir un téléphone intelligent est perçue comme une contrainte par certains participants plus âgés ou moins « branchés ». Elle a par ailleurs l’avantage de permettre la tenue d’une comptabilité fine des rabais les plus populaires et du profil de ceux qui les utilisent. Ce type d’information serait très utile, car l’évaluation empirique de la popularité des stratégies visant les VPA est très peu documentée.

La teneur précise des coupons-rabais dépendrait il va sans dire de la capacité de convaincre certains partenaires de participer à une éventuelle offensive pour stimuler le segment des VPA. Les entreprises participantes devraient par ailleurs s’inscrire dans une stratégie de « yield management » pour éviter de perdre d’un côté ce qu’elles gagneraient de l’autre. Les coupons-rabais qui apparaissent les plus prisés auprès des participants portent sur la restauration et les institutions muséales. Plusieurs participants ont été surpris d’apprendre que le type de rabais spécifique aux musées et présenté dans la pochette existe déjà depuis plusieurs années à Trois-Rivières. Le problème se situerait donc au niveau de l’information quant à l’existence de ces rabais auprès des hôtes. Fait intéressant concernant les musées, les hôtes ne recherchent pas nécessairement la gratuité d’accès, car ils trouveraient inéquitable l’idée de ne pas payer pour un service. Par contre, ils aimeraient ne pas avoir à payer plus d’une fois par saison s’ils accompagnent fréquemment des visiteurs de l’extérieur [26].

Des coupons-rabais pour le stationnement apparaissent aussi pour plusieurs comme une bonne idée (même si cela ne fait pas l’unanimité), à l’instar des rabais visant des produits de luxe [27] comme l’accès à un spa ou les épiceries fines, plus que les coupons-rabais pour les épiceries régulières, généralement associées au quotidien.

Des coupons-rabais pour l’hébergement commercial intéressent moins les participants, même si certains y voient une occasion de prolonger le séjour des visiteurs. Tel que déjà mentionné, le groupe consulté comptait peu de personnes dont les visiteurs utilisaient ce service, ce qui ne permet pas de conclure davantage sur ce point.

Ce qu’il faut retenir, c’est que tous les types de coupons-rabais présentés ont trouvé preneurs, ce qui montre l’intérêt pour des réductions de prix et la diversité des besoins, selon le style de vie de chacun. Cet intérêt a été très clairement exprimé lors des discussions où les aspects financiers ont été souvent mis en lumière.

Les participants préfèrent clairement des réductions qui seraient offertes dans une formule équitable [28], qui s’adresserait donc autant à l’hôte qu’à ses invités. Nous avons en effet observé un malaise si la formule de rabais proposée visait exclusivement soit le visiteur, soit le visité.

La pochette factice utilisée lors des rencontres contenait des revues qui présentaient l’offre culturelle, récréative et commerciale à Trois-Rivières. Les revues et les magazines, bien que prisés par certains participants (principalement les plus âgés), arrivent à l’avant-dernier rang de ce que pourrait contenir une trousse destinée aux hôtes. Les participants estiment que le coût de production serait prohibitif. Par contre, certains disent regretter de perdre les articles présentés dans les revues, car ils sont considérés comme des sources d’inspiration [29] susceptibles d’aider à sortir de ses habitudes. Ils aident à répondre à la question souvent difficile : « qu’est-ce qu’on fait ? »

Le dernier type de contenu de l’éventuelle trousse consiste en des cadeaux corporatifs à l’effigie de la destination (stylos, « post-it », cartes postales, calendriers, etc.). Aucun des objets ne semblait faire l’unanimité et, tout comme c’était le cas pour les revues, ces objets sont perçus comme un gaspillage de fonds publics, surtout s’il fallait les produire en grande quantité.

Tel que décrit dans les études consultées, l’hôte serait le vecteur principal de communication entre l’offre locale et le visiteur. La plupart des personnes rencontrées en entrevues jouent déjà ce rôle et souhaiteraient qu’on les aide à être encore plus performantes [30] dans cette fonction pour ainsi améliorer l’expérience de séjour vécue par eux et par leurs visiteurs.

Une panoplie de moyens numériques est ressortie lors des discussions, mais à la condition d’être une personne « branchée » [31]. C’est là un aspect qui est nettement moins présent dans les écrits consultés. Or, ces derniers commencent à dater un peu et c’est ce qui, selon nous, expliquerait cette omission.

Voici en outre quelques exemples de pistes identifiées qui font appel à la technologie numérique : constituer une banque de noms regroupant les hôtes ; personnalisation du profil pour éviter d’être envahi d’informations non pertinentes ; des informations « poussées » vers l’utilisateur plutôt que des informations latentes sur un site web [32]. Ce sont autant de suggestions qui sont ressorties des groupes de discussion, sans toutefois avoir fait le tour de l’ensemble des possibilités qu’offrent les technologies de l’information. Cela reste en conséquence une piste à explorer.

Il est intéressant de noter que lorsque l’hôte ou son(ses) visiteur(s) ont sélectionné une activité, le web permet assez facilement d’obtenir de l’information au sujet de ce produit ou de ce service. Là où le web arrive plus difficilement à faire son travail d’information, c’est quand vient le temps de répondre à la question « qu’est-ce qu’on fait avec la visite ? ». C’est ici que les articles inspirants qui se trouvent parfois dans les magazines, les forums et les médias en général sont particulièrement utiles.

Mentionnons aussi que l’impression générale qui ressort de ces groupes de discussion est que le fait de recevoir de la visite rend plus actif [33]. En effet, celui qui reçoit est plus enclin à être actif que celui qui ne reçoit pas au sein de sa propre ville, que ce soit pour la consommation de produits culturels, de plein air ou commerciaux.

Signalons enfin trois autres constats soulevés lors des discussions de groupe avec les hôtes. D’abord, la simplicité des méthodes par lesquelles les hôtes seront rejoints ressort comme condition essentielle au succès de la stratégie [34]. Si les outils qui leur sont offerts sont complexes, ils ne seront pas utilisés (surtout pas par les plus âgés). Par ailleurs, ils ne se sentent pas vraiment concernés par les messages qui s’adressent spécifiquement aux touristes [35]. Pourtant leurs besoins en information sont très similaires. Ils n’ont pas, par exemple, le réflexe de visiter leur bureau d’information touristique local ou encore d’aller sur les sites web dédiés aux touristes. Signalons enfin que les Trifluviens consultés sont tous satisfaits de Trois-Rivières comme lieu où recevoir la visite [36] ; ils sont particulièrement fiers de faire « passer » la visite au centre-ville en été, comme on la ferait passer au salon. L’offre hivernale est toutefois jugée moins intéressante.

De manière à ne pas alourdir le texte, nous nous sommes limité à résumer les constats émis par les participants, sans relater pour chacun les commentaires émis lors des rencontres. Il faut rappeler aussi que ces constats, même s’ils étaient partagés par plus d’un participant et faisaient souvent consensus, ont été formulés dans le cadre d’une étude qualitative auprès d’un échantillon relativement petit.

Discussion des résultats

Le volume de visiteurs qui participent d’une manière ou d’une autre à une VPA est très grand. Les données de Statistique Canada, rapportées par Réjean Beaudoin (2013), montrent que plus de la moitié des séjours effectués au Québec par des Québécois comprennent au moins un aspect lié aux VPA. Cette proportion dépasserait les trois quarts dans le cas de Trois-Rivières.

Les groupes que nous avons rencontrés en entrevues, comme le suggèrent Backer (2007 ; 2010 ; 2012) et plusieurs autres auteurs, ne sont pas casaniers. Ils sont au contraire actifs et dynamiques, en particulier quand ce sont des amis qui les visitent. La distinction souvent faite (Seaton, 1995 ; Hue et Morrison, 2002 ; Backer, 2010) entre ceux qui reçoivent des amis et ceux qui reçoivent des parents se reflète pareillement dans les résultats obtenus à Trois-Rivières.

De plus, les hôtes dépensent et ils sont à l’affût des offres régionales originales et spécifiques, et ce, peut-être plus que les citoyens qui ne reçoivent pas de visiteurs. À l’aide d’études empiriques, Backer montre que les VPA sont la source d’une activité économique importante. Les constats de notre étude, que nous avons énumérés plus haut, tendent à lui donner raison : les VPA sont actifs, ils consomment et ils font consommer leur hôte plus que s’il n’avait pas reçu de visiteur.

Les principaux points contenus dans les écrits consultés qui n’ont pas été corroborés par notre étude, ni infirmés d’ailleurs, sont ceux qui portent sur l’utilisation de l’hébergement commercial et le magasinage en général. La taille restreinte de notre échantillon ne permettait pas d’obtenir des résultats exploitables sur ces questions. De toute façon, notre objectif n’était pas de quantifier l’importance relative de chacune des pistes envisageables, mais plutôt de légitimer l’intérêt que nous devrions porter aux VPA et d’identifier des pistes d’actions éventuelles et d’en discuter.

Conclusion

Dans le but d’augmenter l’activité économique locale et d’améliorer la qualité de l’expérience de séjour de personnes qui visitent un ami ou un parent, cette étude suggère que les pistes à explorer par les OMMD et les entreprises qui s’intéressent de près à ce segment de marché sont les suivantes :

  • Utiliser adéquatement les hôtes comme canal de diffusion de l’information et de promotion de l’offre, et ce, de manière simple, peu intrusive et stimulante, sur une base hebdomadaire.

  • Consentir des ressources conséquentes aux stratégies innovantes pour aider les hôtes à rejoindre cette catégorie de visiteurs (les VPA).

  • Utiliser les outils qu’offrent les technologies de l’information pour aider efficacement les hôtes à répondre aux besoins de leurs visiteurs, en fonction de leur style de vie.

  • Les aider à répondre à la question difficile : « Que fait-on avec nos visiteurs cette fin de semaine ou pendant les prochaines vacances ? »

  • Développer une stratégie de partenariat entre la Ville et les citoyens pour accroître le nombre d’« ambassadeurs » et limiter le nombre de citoyens « neutres » (c’est-à-dire ceux qui ne sont pas actifs dans la promotion de leur ville).

    • Le mot « ambassadeur », tel que décrit par Young et ses collègues (2007, cités dans Shani et Uriely, 2011), a tout son sens dans ce contexte-ci, mais nous avons des réserves quant à son utilisation dans les outils de communication avec les citoyens hôtes.

  • Adopter des stratégies différenciées pour les visites d’amis (VA) et les visites de parents (VP) :

    • dans le cas des VA, insister davantage sur l’offre de loisirs, les attractions et la programmation, en particulier ce qui n’est pas mis en évidence dans les médias ;

    • dans le cas des VP, miser davantage sur une stratégie de prix avantageux.

  • Intéresser des partenaires traditionnels et non traditionnels pour tester des stratégies dynamiques de réduction de prix.

  • Mener des études pour mieux connaître les VPA, leurs motivations et leurs besoins, pour en faire de meilleurs « ambassadeurs » et de meilleurs hôtes.

  • Faire des suivis systématiques de chacune des initiatives marketing et de partenariat qui seront testées, de manière à faire avancer les connaissances dans ce domaine et mesurer l’efficacité et l’efficience des techniques utilisées.

  • Favoriser des stratégies qui pourraient réduire le clivage entre les citoyens et les touristes.

Dans le cadre de cette étude, des stratégies pour rejoindre les hôtes et les visiteurs ont été explorées à l’aide de quatre groupes de discussion organisés de mars à mai 2014. En plus d’explorer ces stratégies, ces groupes ont aidé à mieux comprendre ces visites et les disparités qui peuvent exister entre les différentes situations. Même si les constats relevés dans la littérature trouvaient généralement échos dans les groupes de discussion, des différences ont été identifiées en fonction principalement de quatre facteurs : l’âge, le fait que l’on reçoive des membres de sa famille ou des amis, la saison, et finalement le type et la localisation de la résidence de l’hôte.

Considérant le volume important de touristes concernés par les VPA, il s’agit d’un sujet hautement stratégique, en particulier pour une ville comme Trois-Rivières où ce type de visiteur est majoritaire. Un des objectifs est économique. Il consiste à les faire rester plus longtemps, à multiplier leurs visites, à réduire l’effet de la saisonnalité et en bout de ligne à les faire dépenser davantage lors du séjour. Les hôtes y trouvent aussi leur compte. En les informant mieux des opportunités qui s’offrent à eux et à leurs visiteurs, en offrant à certaines clientèles moins bien nanties l’occasion de faire des économies, ou à tout le moins de faire autre chose avec ce qu’ils auront épargné, on contribue à bonifier l’expérience vécue par les citoyens et leurs visiteurs.

En terminant, signalons que cette étude sur les VPA s’inscrit dans la nouvelle tendance qui souhaite une réduction du clivage entre le touriste et le citoyen et qui tend à reconnaître le rôle actif de ce dernier dans le succès d’une destination. Parmi ces exemples nous pensons à l’étude sur l’accueil touristique (de Grandpré et al., 2012) qui fait jouer un rôle de premier plan à l’hôte, qu’il soit acteur touristique ou non ; nous pensons aussi au phénomène des « greeters » tel qu’expérimenté dans certaines destinations, dont Sherbrooke au Québec, où le citoyen se charge personnellement de faire visiter sa ville à un visiteur ; ou encore au fait que l’hôte représente un actif pour la communauté (Griffin, 2013) ; ou enfin à l’approche des tiers lieux, préconisée entre autres par la Mission des offices de tourisme et pays touristiques d’Aquitaine (MOPA), qui vise à réduire l’écart entre le visiteur, le citoyen et les offices de tourisme. Comme le dit Luc Gwiazdzinski (2011), le touriste est au fond un citoyen temporaire qui utilise l’espace public au même titre que le résident et le résident quant à lui est de plus en plus touriste sur son propre territoire.