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« Les entreprises qui croient qu’elles peuvent se traîner les pieds indéfiniment en matière d’environnement devraient y penser à deux fois : la société ne le tolérera pas… D’autres entreprises qui démontrent une sensibilité authentique et un engagement à l’égard de l’environnement seront là pour s’occuper de vos clients lorsque vous aurez disparu. »

E.S. Woolard (cité dans Chambre de commerce du Canada, 1991 : 10).

Au Maroc, le tourisme représente un enjeu économique d’une importance capitale (Hillali, 2003[1]) puisqu’il contribue considérablement au produit intérieur brut (PIB) (± 9 %), qu’il réduit le déficit de la balance de paiements, qu’il procure des emplois (500 000 directs) et draine des recettes importantes en devises (± 60 milliards de dirhams). Ces séduisantes performances économiques ont encouragé de nombreux investisseurs locaux à se lancer dans des projets d’hébergement touristique, d’une part, et de grandes chaînes hôtelières internationales à s’installer au Maroc (Accor, Hilton, Sheraton, Mövenpick et autres), d’autre part.

Considéré comme le noyau dur de l’activité touristique, l’hébergement, élément clé des services touristiques par son importance économique et son impact environnemental (Robinot et Giannelloni, 2009), connaît une concurrence accrue qui a obligé les gestionnaires de ces établissements à innover dans leurs démarches entrepreneuriales en essayant de devancer les concurrents tout en répondant aux exigences de la demande touristique, caractérisée par une mutation permanente, et en respectant une éthique qui normalise leurs relations internes et externes et forge leur image de marque (Delisle et Jolin, 2007).

Cette innovation s’inscrit dans la prise en compte de l’environnement dans les activités de services et s’avère donc être un sujet porteur (Robinot et Giannelloni, 2009), d’autant plus que le going green ou l’économie verte dans le tourisme prend de l’importance dans plusieurs secteurs allant du transport aérien (Lynes et Dredge, 2006) à l’hébergement (Camus et al., 2013), en passant par les autres maillons de la chaîne des services touristiques.

Ce going green, dit aussi corporate greening, désigne le processus mis en œuvre par l’entreprise touristique en matière de gestion environnementale. Ces entreprises adoptent progressivement des mesures environnementales, allant des pratiques externes aux équipements et à la formation de leur personnel (Lynes et Dredge, 2006 ; Tzschentke et al., 2008 ; Mair et Jago, 2010 ; François-Lecompte et Gentric, 2013). Cette notion de going green et cet engagement dans le domaine environnemental se caractérisent par trois aspects : l’intégration de l’environnement dans la stratégie, le volontarisme du dirigeant pour diffuser ses valeurs personnelles au sein de ses équipes et la formalisation de la stratégie environnementale à travers la mise en place d’un système de management environnemental au sein de l’entreprise (François-Lecompte et Gentric, 2013).

S’inscrivant dans ce contexte international de découverte, d’évaluation, de benchmarking et d’exploitation des opportunités entrepreneuriales (Dupuich, 2012), les établissements d’hébergement au Maroc montrent un intérêt grandissant pour l’environnement, inspirés par plusieurs expériences internationales[2], notamment françaises, et essaient de rompre avec les accusations de gaspillage d’eau, d’énergie et de production de déchets… (Scheou, 2009).

Nombreuses structures d’hébergement marocaines, particulièrement dans les grandes villes touristiques, innovent dans leur management environnemental, effectuent de fréquents audits environnementaux et essaient d’obtenir des labels qui sont des signes de reconnaissance et les témoins fiables de leurs démarches.

Les labels sont aussi un baromètre de l’engagement des acteurs locaux à la préservation de leur environnement tout en répondant aux attentes des touristes. Ces labels se trouvent alors à la croisée d’une demande de plus en plus soucieuse de préserver l’environnement et de participer au bien-être de la population visitée – qui sélectionne minutieusement toute la chaîne de services répondant aux critères du tourisme durable – et d’une offre qui s’adapte aux nouvelles tendances de la demande pour ne pas être déphasée et pour conserver son positionnement (Bouaouinate et Boumedian 2015 : 146).

Depuis 2007, année d’introduction du label la « Clef Verte » au Maroc par la Fondation Mohamed VI pour la protection de l’environnement, certaines structures d’hébergement – au fait de l’importance de cet écolabel tant sur le plan environnemental qu’économique – n’ont pas hésité à déposer leur dossier de candidature pour l’obtenir.

Le présent article essaie de suivre l’évolution de ces établissements d’hébergement labellisés de 2008 à 2013 pour comprendre un tel engouement pour l’environnement et vérifier s’il s’agit d’une tentative de réparer les dégâts causés par l’activité touristique sur son milieu naturel ou d’une opération de « marketing vert » qui ne serait que la concrétisation d’une démarche entrepreneuriale, une sorte d’éthique environnementale qui cacherait un green business.

Pour analyser cette problématique, nous avons recensé le nombre d’entreprises d’hébergement touristique labellisées de 2008 à 2013 en nous basant sur les statistiques officielles de la Fondation Mohamed VI pour la protection de l’environnement et les avons classées par catégorie et par localisation géographique (aire urbaine, rurale, montagne, oasis, etc.). Notre hypothèse de départ était de vérifier si l’assiduité annuelle au label est un indicateur de conscience environnementale, et si son abandon s’inscrit dans la « théorie du signal » de Michael Spence (1973), comme un signe distinctif, ponctuel, sans réelle politique de management environnemental.

La théorie du signal se fonde sur le fait que l’information est inégalement partagée ou asymétrique et que les dirigeants d’une entreprise disposent d’une information supérieure à celle de leurs pourvoyeurs de fonds. Dès lors, une politique de communication efficace est nécessaire et les dirigeants doivent non seulement prendre des décisions justes, mais aussi en convaincre le marché. Pour ce faire, ils ont recours au signal, décision financière porteuse de conséquences financièrement négatives pour son initiateur au cas où ce signal se révélerait erroné. Cette théorie met aussi en évidence l’importance de la crédibilité du signal et incite à s’interroger sur la perception qu’auront les destinataires – soit leurs rétroactions – ainsi que sur les dimensions psychologique et contextuelle du message transmis (Lohisse, 2009).

Nous avons par ailleurs envoyé un questionnaire par le biais d’Internet à tous les propriétaires, assidus et non assidus. Malheureusement, seulement une minorité d’entre eux ont répondu. Les réponses étaient néanmoins très intéressantes et nous ont permis de dégager les résultats présentés ici. Pour combler ce déficit en informations, nous avons aussi visité quelques établissements de la ville de Marrakech en particulier et nous avons cette fois mené des discussions informelles avec les gérants d’établissements pour repérer les facteurs de motivation des assidus et les motifs ayant empêché les autres de réitérer leurs démarches de labellisation annuelle. Les entretiens directs ont été beaucoup plus fructueux que les questionnaires envoyés par courriel, pourtant courts (une seule page).

Nous avons en outre opté pour une étude de cas, puisque du point de vue méthodologique ce genre d’étude induit des réflexions de portée générale. Nous visions ainsi deux objectifs complémentaires : d’une part, mieux raisonner sur un territoire réduit, d’autre part, accéder à une compréhension globale de phénomènes touristiques en prenant appui sur ladite étude (Yin, 2003 ; Latzko-Toth, 2009).

Notre étude de cas a porté sur un gîte situé dans l’oasis de Ferkla (province d’Errachidia) labellisé assidûment depuis 2010, afin de suivre les impacts de cet écolabel ainsi que ses limites. Le choix de ce gîte en particulier est justifié du fait qu’il soit le premier et le seul hébergement touristique à l’intérieur du ksar El Khorbat, au cœur de la palmeraie de Ferkla, en plus d’être pionnier dans la labellisation Clef Verte, et ce, rappelons-le, de façon assidue. Son existence en soi présente un défi majeur en raison des caractéristiques géographiques du milieu où il évolue. L’oasis de Ferkla souffre d’un stress hydrique où l’eau dépensée par les touristes est péniblement recherchée par les rares agriculteurs qui maintiennent leurs terres. C’est aussi un territoire qui connaît de plus en plus de flux migratoires, les habitants quittant l’oasis pour aller travailler dans les grandes villes marocaines ou quittant même le pays pour tenter leur chance à l’étranger, notamment en Espagne et en France. Le tourisme apparaît donc comme une source d’emploi fixant la main-d’œuvre sur son territoire et stimulant le développement local.

Les structures d’hébergement touristique : des entreprises aux caractéristiques particulières

Dans le monde entier, les établissements d’hébergement sont connus pour être des structures hétérogènes, marquées par une profonde disparité. La taille, le chiffre d’affaires, la catégorie, l’emplacement géographique, l’origine de la clientèle, les réseaux de clientèles sont autant d’éléments qui rendent la concurrence très rude et multiforme. Ils sont aussi caractérisés par la rigidité de leur offre en termes de lits ; ils ne peuvent ni élargir leur capacité d’accueil pour absorber un éventuel surbooking, ni la diminuer en basse saison alors que l’affluence des clients est moindre. Les structures d’hébergement doivent aussi faire face à la « non-stockabilité » de leur offre, puisqu’une nuitée non vendue ne peut être stockée pour être vendue par la suite. Une chambre invendue représente donc une réelle perte pour ces entreprises (Lanquar, 1987).

La structure du parc hôtelier aussi change et cède la place de plus en plus aux grandes structures et aux réseaux de clientèle à l’international. L’écart entre les structures d’hébergement luxueuses, aux énormes capitaux d’investissement et aux meilleures étoiles ou catégories, et les petites structures d’hébergement, parfois non classées et, souvent, classées mais au modeste budget de fonctionnement, est très flagrant (Niel, 2008).

Au Maroc, les établissements d’hébergement parviennent tant bien que mal à gérer ces contraintes, propres à tout produit touristique. Ils tentent plus particulièrement de gérer le problème de la saisonnalité qui affecte non seulement leur chiffre d’affaires, mais aussi le personnel engagé ou les travaux entamés et qui reflète un dysfonctionnement touristique.

Toutes ces contraintes, qu’elles soient communes au reste des régions touristiques du monde ou qu’elles soient propres au Maroc, amènent les établissements d’hébergement à imaginer diverses formules commerciales pour attirer les touristes et améliorer leur taux de fréquentation. Ces formules prennent la forme d’un renouvellement de l’établissement sur plusieurs plans : réseau de clientèle, yield management, certification ou labellisation, notamment environnementale, pour s’inscrire dans la « durabilité », concept largement vulgarisé au Maroc ces dernières années et séduisant la clientèle-cible, notamment internationale (Conseil de l’Europe, 2000).

Désormais, la compétitivité du secteur de l’hébergement touristique est liée aux défis du développement durable. Cette durabilité est ainsi devenue un moteur influençant le contexte de l’industrie touristique en général et de l’hôtellerie en particulier, car, « plus que jamais, le développement durable ne se décrète pas. Il doit se démontrer pour être lisible auprès des consommateurs, des réseaux de commercialisation, et être créateur de valeur pour l’entreprise. » (Christian Mantei, directeur général d’Atout France, cité par Perretta, 2013.)

La labellisation des structures d’hébergement : un signe de distinction dans un marché fort concurrentiel

Puisque le développement durable ne se décrète pas, l’hôtellerie doit conséquemment communiquer de manière crédible à sa clientèle qu’elle est consciente de sa responsabilité entrepreneuriale.

Les labels associés au tourisme[3] sont très souvent gérés par des associations, des fédérations, ou des organisations officielles et ils se multiplient d’année en année, notamment dans les pays industrialisés. En France, dans le domaine du tourisme durable, il existe de très nombreuses initiatives prises par des chaînes, des associations, des réseaux et des établissements : charte paysagère du réseau « Camping Qualité » ; label « Chouette Nature » pour le tourisme associatif à vocation sociale ; marque « Parc » ; label « La Clef Verte » ; et « Écolabel européen » pour les hébergements touristiques. Et comme la France est le premier marché émetteur de touristes au Maroc (3 435 000 arrivées en 2013), le Maroc tente d’adapter son offre en hébergement à cette demande et opte pour des labels connus en France.

Les moyens de distinction sont nombreux et visent à rendre mesurables et vérifiables les efforts en faveur de l’environnement et du développement durable. Véritable signe de confiance, l’obtention d’un label ou d’un certificat reconnaissant la crédibilité d’une offre touristique responsable est donc devenue une nécessité. Désormais, les administrateurs des unités d’hébergement des diverses destinations touristiques dans le monde sont conscients de l’opportunité et de la crédibilité que leur offre l’adoption d’une démarche de labellisation ou de certification du tourisme responsable, voire durable, dans la légitimation d’une stratégie de développement et sa communication auprès des consommateurs.

De nos jours le rôle important de la question environnementale au regard de l’attractivité, de la compétitivité et de la durabilité des destinations touristiques est largement reconnu, d’où le foisonnement des écolabels[4].

La labellisation écologique d’une structure d’hébergement est une concrétisation de l’esprit d’entrepreneuriat et d’une prise de risque qui renouvelle en permanence le tissu de l’industrie d’hébergement, stimule le progrès technique et satisfait au mieux le marché (Douba, 2002 : 3). En effet, intégrer la dimension environnementale à la stratégie de l’entreprise d’hébergement et labelliser cette démarche permet de réduire ses coûts d’exploitation, de mieux maîtriser ses charges et d’attirer de nouvelles clientèles sensibles aux démarches écoresponsables (Perretta, 2013).

Au Maroc, cela se traduit aujourd’hui par des actions concrètes dont certaines sont bien engagées[5] : labellisation, certification, code et charte de conduite, système de management environnemental interne, guide BGH (bonne gestion en hôtellerie)[6]. Si cette labellisation touristique n’en est qu’à ses débuts, elle est néanmoins déjà considérée, de plus en plus, comme un avantage concurrentiel clairement identifié (Marcotte et al., 2011). Il s’agit d’une nouvelle tendance que les établissements d’hébergement, toutes catégories et régions géographiques confondues, veillent à suivre au risque d’être dépassés par la concurrence et de perdre une bonne part de marché touristique fort sensible aux écolabels (El Boudribili, 2014). Cela laisse supposer que les administrateurs des établissements d’hébergement labellisés au Maroc, ou en voie de l’être, sont convaincus que les labels permettent d’améliorer leur positionnement sur le marché ainsi que leur communication avec les parties prenantes (clients, fournisseurs, collaborateurs…) et ainsi d’attirer de nouvelles clientèles en plus d’assurer leur fidélité.

Le domaine de l’environnement est particulièrement sensible, car le management environnemental d’une structure hôtelière permet, d’une part, de réduire son impact et de pérenniser son activité et, d’autre part, de réaliser des économies sur les charges d’exploitation, notamment en ce qui a trait aux dépenses énergétiques, grâce à une meilleure gestion et à la mise en place de solutions alternatives (Robinot et Giannelloni, 2009).

L’industrie hôtelière est fortement concernée par cet enjeu puisque son besoin en énergie est étroitement lié au confort de la clientèle. Et dans un contexte où le réchauffement climatique et la menace de l’épuisement des ressources pétrolières se font ressentir, les acteurs économiques sont incités à reconsidérer leur utilisation de l’énergie (PNUE/PAM, 2005) tout en maintenant les standards de confort promis à leur clientèle.

Alors cette tendance à la labellisation et, plus encore, environnementale, au Maroc, est-elle cet indicateur que les structures d’hébergement s’inscrivent dans la durabilité ? Ou est-ce un effet de mode qui vise à plaire aux touristes éventuels ?

L’écolabel « La Clef Verte » au Maroc : une implantation timide, qui évolue rapidement

Le Maroc, séduit par les écolabels touristiques et s’inspirant de l’expérience de ses voisins méditerranéens[7] de la rive Nord en la matière (PNUE, 1998), tente une démarche de labellisation écologique et importe le label « La Clef Verte » (illustration 1). Il s’agit d’un label international, exclusivement touristique, créé au Danemark en 1994, qui fixe des critères de référence internationaux pour les campings, les hôtels, les auberges de jeunesse, les maisons d’hôtes, les centres de vacances, etc.

Fig. 1

Illustration 1

Illustration 1

Logo du Label « La Clef Verte »

http://www.clefverte.ma/fr

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Ce label international récompense les hébergements touristiques pour leur dynamisme en matière de gestion environnementale. Les exploitants touristiques qui souhaitent s’engager dans une démarche de labellisation gratuite, avec des exigences graduelles au fil des éditions, peuvent se tourner vers ce label qui est volontaire et attribué chaque année par un jury indépendant. Les critères sont communs à tous les pays adhérents : Portugal, Chypre, Italie, Japon, Lituanie, Pays-Bas, France, Suède, Danemark, Grèce, Tunisie, Belgique, Estonie et Maroc.

Les critères d’obtention du label « La Clef Verte » : évolutifs et incitatifs

« La Clef Verte » est un label gratuit, volontaire, renouvelable annuellement, dont l’octroi est basé sur un référentiel international élaboré par la Fondation pour l’éducation à l’environnement (FEE)[8] et adapté au contexte national par la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement.

Ce référentiel couvre différents champs, tous inscrits dans le quatuor des objectifs éducatifs, environnementaux, économiques et sociaux du label « La Clef Verte », dont : la gestion environnementale, l’implication du personnel, l’information des clients, la gestion de l’eau, de l’énergie et des déchets, les achats écoresponsables, la valorisation des produits du terroir, la sensibilisation des partenaires, la réalisation d’activités vertes. Les établissements d’hébergement candidats doivent respecter les procédures de mise en œuvre et se conformer à une série de critères classés en trois grandes familles. Ces critères (voir illustration 2) sont adaptés à la taille de la structure et ils sont classés en deux catégories : critères obligatoires à respecter dès l’adhésion au programme « La Clef Verte » et critères optionnels à prendre en considération pour une mise en œuvre graduelle, au fil des années de labellisation. En effet, certains critères optionnels deviennent obligatoires au fil de trois années consécutives de labellisation, au moment où de nouveaux critères apparaissent. C’est donc un processus évolutif qui incite les établissements d’hébergement à une performance environnementale soutenue.

Fig. 2

Illustration 2

Illustration 2

Les critères d’octroi du label « La Clef Verte »

Source : gracieusement fournis par la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement.

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Démarches de labellisation « La Clef Verte » : volontaires, annuelles, incitatives, évolutives

La démarche pour l’obtention du label « La Clef Verte » a été prédéfinie par la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement selon quatre bases :

  • Volontaire : l’adhésion se fait à la demande du candidat ;

  • Annuelle : « La Clef Verte » n’est pas attribuée une fois pour toutes, elle est réévaluée et renouvelée chaque année ;

  • Positive : le label est un outil de valorisation des efforts locaux. Les candidats sont assurés de la confidentialité de leur candidature et du contenu de leur dossier ;

  • Évolutive : les critères internationaux liés à son obtention sont réévalués tous les trois ans, soit en rendant obligatoires des critères optionnels et/ou en introduisant de nouveaux critères.

Au Maroc, la décision de l’octroi du label est prise en charge par un jury national indépendant qui examine de manière collégiale les dossiers de candidature. Si le jury est présidé par la Fondation Mohammed VI, il est composé de représentants du ministère du Tourisme, de l’Office national marocain du tourisme, de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière, du Département de l’environnement, de la Direction générale des collectivités locales, de l’Office national de l’eau potable et de l’électricité et de l’Agence de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (Fondation Mohammed VI, 2011).

Le dossier de candidature peut être préparé soit par l’hébergeur lui-même et son équipe, soit par un bureau d’étude spécialisé dans ce type de dossier. Les deux démarches sont possibles et ont chacune leurs propres atouts et contraintes, dont le respect d’un échéancier prédéfini. Par ailleurs, la démarche d’octroi du label (illustration 3) peut sembler a priori longue et contraignante, notamment au cours de la première année de labellisation, puisqu’elle consiste en une série de formulaires à remplir, d’audits à effectuer, de formations du personnel à dispenser et d’efforts en matière d’innovation à fournir en gestion environnementale, processus qui requiert au minimum six mois de procédures administratives et qui pourrait freiner l’élan des hébergeurs et atténuer leur engouement.

Fig. 3

Illustration 3

Illustration 3

Démarche d’octroi du label « La Clef Verte » par la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement

Source : gracieusement fournie par la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement.

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Toutes les démarches exposées ci-dessus sont à renouveler chaque année dans le respect du même circuit administratif, en innovant en matière environnementale, et suivant un cahier de charges évolutif qui correspond aux exigences du label à l’échelle internationale.

« La Clef Verte » : sa plus-value séduisant hébergeurs et touristes

Le programme « La Clef Verte » vise à changer les comportements des acteurs touristiques tels que les entreprises d’hébergement, les autorités, les individus ou la communauté locale, et à les impliquer en les conscientisant davantage à leur responsabilité en matière d’environnement.

Devenu un label très prisé par les hébergeurs du Maroc, grâce notamment à sa gratuité et à la publicité gratuite sur le site de la Fondation Mohamed VI pour la protection de l’environnement, « La Clef Verte » comporte un certain nombre d’avantages aussi bien pour l’établissement d’hébergement touristique que pour le touriste. Comme le démontre le tableau 1, de réels avantages compétitifs sont offerts à l’établissement d’hébergement labellisé, lui permettant en outre de contribuer à la préservation de l’environnement et à la mise en place d’une responsabilité sociale. Le touriste, aussi, devient le temps de son séjour un acteur dans le tourisme durable et responsable, et encourage l’offre d’hébergement à innover en matière environnementale pour mieux satisfaire ses attentes et ses motivations écologiques.

Fig. 4

Tableau 1

Tableau 1

Avantages du label « La Clef Verte » pour l’entreprise labellisée et pour son client

Source : Auteurs

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C’est cette constante volonté d’adapter l’offre d’hébergement à la demande touristique qui explique l’engouement pour ce label, qui gagne de plus en plus d’espaces touristiques marocains et qui le démarque de son concurrent direct qu’est la Tunisie, qui ne comptait en 2014 que huit hôtels labellisés Clef Verte (ONU, 2015).

Évolution spatiale des structures d’hébergement labellisées « La Clef Verte » au Maroc

Depuis 2008, année de première labellisation « La Clef Verte » au Maroc, le nombre des structures labellisées a quintuplé, passant de 14 à 69 en 2012, avec une légère baisse en 2013, année au cours de laquelle le chiffre des établissements labellisés n’est que de 57. Au-delà de l’évolution quantitative durant les cinq premières années de labellisation, on assiste à une évolution spatiale ventilée aussi bien dans les grandes villes que dans les contrées rurales, des villes côtières à celles qui sont continentales, avec néanmoins une nette prédominance de l’aire urbaine et notamment de la ville de Marrakech (illustrations 4-5) au détriment de l’aire rurale, des oasis ou du pied de montagne.

Fig. 5

Illustration 4

Illustration 4

Les structures d’hébergement labellisées Clef verte en 2008

Source : Auteurs

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Fig. 6

Illustration 5

Illustration 5

Les structures d’hébergement labellisées Clef verte en 2013

Source : Auteurs

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En effet, Marrakech apparaît clairement tel un pôle, majoritairement labellisé, confirmant son statut de capitale touristique du Royaume. Labellisée « patrimoine mondial de l’UNESCO » et concentrant le plus grand nombre d’établissements d’hébergement labellisés « La Clef Verte », Marrakech présente un signe distinctif et identitaire de son espace qui se démarque de plus en plus sur la scène touristique aussi bien nationale qu’internationale.

Cependant, la concentration des établissements labellisés, hormis l’exemple de Marrakech, ne correspond pas nécessairement au rang et à la réputation des villes touristiques du Maroc. À titre d’exemple, on ne trouve qu’un seul hôtel labellisé dans la station balnéaire d’Agadir, deuxième ville touristique à l’échelle nationale, contre trois à Taroudant, capitale du Souss, sept à Casablanca, capitale économique, et cinq à Rabat, capitale administrative. Ces trois villes sont loin, derrière Agadir, en termes d’arrivées et de nuitées touristiques.

L’évolution de « La Clef Verte » ne semble donc pas obéir au rang qu’occupe une ville ou une région sur le plan touristique, mais dépend plutôt du mouvement d’émulation déclenché par le groupe d’hébergeurs qui se rivalisent.

Le cas de Marrakech permet dans ce cas confirmer qu’il y a un réel benchmarking et que la concurrence est très serrée, au point qu’un mouvement d’émulation est déclenché aussitôt qu’un acteur d’hébergement innove et développe certaines stratégies de différenciation et de positionnement sur le marché touristique.

Les catégories hétérogènes des structures d’hébergement labellisées « La Clef Verte »

Le label « La Clef Verte » évolue bel et bien en nombre, en espaces mais aussi en catégories labellisées (illustration 6). Les hôtels appartenant aux grandes chaînes hôtelières étrangères viennent en tête des structures labellisées, talonnés par les maisons d’hôtes, les auberges et les gîtes, notamment dans les projets en joint-venture (marocains-étrangers). Toutes ces structures sont classées et elles ont une politique environnementale engagée comme préambule à la labellisation. De même, elles ont des moyens financiers consistants pour respecter les critères évolutifs du label et pour procéder aux transformations et aux travaux requis.

Fig. 7

Illustration 6 

Illustration 6 

Les structures d’hébergement labellisées « La Clef Verte » depuis 2008

Source : graphique gracieusement fourni par la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement.

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L’évolution rapide et soutenue du label « La Clef Verte » reflète qu’il semble avoir séduit bon nombre d’hôteliers qui y ont vu une possibilité de minimiser ou d’éviter des atteintes dommageables à l’environnement tout en maintenant ou en améliorant leur compétitivité (El Boudribili, 2014) et d’adhérer au réseau mondial « Clef Verte » de la FEE.

Un effort de sensibilisation au label a été aussi mené par la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement pendant les premières années, où les avantages à tirer sur les plans environnemental, éthique et commercial ont été bien expliqués lors des ateliers et des tables rondes qu’elle organisait.

Cependant, à la lecture des noms des structures labellisées sur les six années, on relève, malgré le chiffre croissant – à l’exception de 2013 –, que les noms changent et qu’ils sont très rarement renouvelés pendant les six années consécutives. Les aires géographiques changent aussi, certaines apparaissent une année (Chefchaouen, Béni Mellal, Kelaât Mgouna…) et disparaissent l’année suivante pour céder la place à d’autres régions (Er-Rachidia, Taroudant, Dakhla…). Seules les régions de Marrakech et de Casablanca semblent s’imposer comme étant fortement labellisées, et ce, de manière permanente au fil des éditions.

Des questions sont soulevées à la lecture de ce panorama : À quoi peut être due la baisse du nombre des structures d’hébergement labellisées en 2013 ? S’agit-il, tel le cycle de vie d’un produit, du début du déclin de ce label vert ou n’est-ce qu’une baisse conjoncturelle ? Que des établissements abandonnent dès leur première année de labellisation la démarche verte soulève aussi plus d’une question. Les critères de « La Clef Verte » seraient-ils trop contraignants pour l’hôtellerie marocaine ? Comment expliquer un engouement pour ce label une année et un désintérêt l’année d’après ? En sachant que la démarche environnementale, labellisée ou pas, ne donne des fruits qu’après quelques années de labeur, comment se fait-il que les hébergeurs s’arrêtent en beau milieu du chemin alors que d’autres décident de labelliser leurs établissements plusieurs années de suite ?

« La Clef Verte » : une assiduité des uns contre l’abandon des autres

L’assiduité des établissements d’hébergement à être labellisées « La Clef Verte » : un critère de distinction

L’assiduité à un label est un indicateur des efforts fournis en continu en matière de gestion environnementale par un établissement. En effet, à la lecture de l’illustration 6, on remarque un léger recul du nombre des structures labellisées en 2013. Doit-on supposer que l’aura de « La Clef Verte » s’essouffle ? En principe, l’obtention de ce label n’est valable que pendant l’année octroyée et elle est renouvelable chaque année. Cependant, certaines structures d’hébergement affichent sur leur site web le logo « La Clef Verte » et déclarent dans leurs brochures publicitaires qu’ils sont labellisés, sans pour autant préciser l’année de labellisation. On assiste donc à deux cas de figure. Soit « La Clef Verte » n’est qu’un élément ponctuel, un effet de mode d’une année ; le label est alors automatiquement abandonné l’année d’après. Soit le label est un maillon de toute une chaîne de politiques environnementales ; il est alors renouvelé puisque l’entreprise ne peut plus faire marche arrière. En contrepartie, cette dernière capitalise sur ses acquis au niveau environnemental et commence à enregistrer un retour sur son investissement écologique. L’économie verte donne ses fruits.

On remarque alors que les deux groupes coexistent : quelques unités d’hébergement assidues labellisées plusieurs éditions de suite, d’une part, l’abandon rapide de plusieurs autres, d’autre part, faisant supposer des freins de divers ordres.

Lors de nos entretiens avec quelques propriétaires, assidus et non assidus, nous avons remarqué que les premiers ne trouvent pas le label contraignant, bien au contraire. Ils considèrent la labellisation comme « la porte des engagements » et trouvent que ce label les motive à faire mieux chaque année et se greffe parfaitement à leur politique environnementale. Ils reçoivent par ailleurs de plus en plus de clients qui déclarent les avoir choisis grâce à leur labellisation et les félicitent pour leur démarche responsable, confirmant une fois de plus que le discours et les actions écologiques font partie des attentes des consommateurs (Camus et al., 2010). Ils considèrent même la labellisation non plus comme un choix, mais comme une obligation. Ils aimeraient par contre que le ministère du Tourisme ainsi que la Fondation Mohamed VI pour la protection de l’environnement soient plus mobilisateurs, par exemple par une promotion particulière pour encourager davantage les établissements primés et inciter d’autres établissements à s’engager dans cette voie.

Au contraire, d’autres gérants de structures labellisées assidûment nous ont déclaré que c’est le profit commercial plus que l’empreinte environnementale qui les a encouragés à se lancer dans la démarche de labellisation « La Clef Verte ». Un profit triple : celui d’attirer plus de touristes, de se démarquer de la concurrence et d’économiser sur les charges, notamment d’eau et d’électricité.

Quant aux hébergeurs qui abandonnent leur démarche de labellisation, ils trouvent la procédure un peu lourde et contraignante et ils ont du mal à innover chaque année en matière environnementale, surtout pour en arriver à une meilleure gestion. Certains nous ont confirmé que leur engouement pour la gestion environnementale de leur structure n’a pas diminué, mais qu’ils ne sont plus labellisés et n’y ont pas apporté d’amélioration. D’autres gestionnaires ayant abandonné le label au bout d’une édition ou deux n’ont pas senti une amélioration au niveau du chiffre d’affaires ni une satisfaction accrue de la part de leurs clients, et encore moins une fidélisation.

Enfin, un dernier groupe de ces hébergements ayant abandonné le label ont même eu des plaintes de clients à cause, entre autres, de la piètre qualité de l’éclairage de l’ampoule à basse consommation, du débit de la douche jugé insuffisant, de la température de l’eau qualifiée d’à peine tiède… Les gestionnaires de ces établissements touristiques se trouvent donc devant un dilemme entre assurer la qualité des services (confort, accueil et services divers nécessitant une forte consommation d’eau et d’énergie…) et préserver l’environnement (entretien du paysage, limitation des aléas climatiques…) (El Boudribili, 2014).

Ce qui est commun à tous les hébergements non assidus au label, c’est leur affichage du logo dans leurs outils promotionnels sans précision de l’année de l’octroi, ce qui, à notre sens, reflète l’objectif mercatique de leur démarche de labellisation discontinue.

Ainsi, en comparant les deux groupes, assidus et non assidus au label, deux grandes tendances se dégagent : un intérêt soutenu à la labellisation « La Clef Verte », au Maroc, reflète la politique environnementale adoptée à long terme par l’entreprise d’hébergement touristique assidue ; contre une simple démarche éphémère mercatique qui ne désire plus, pour une raison ou pour une autre, renouveler sa démarche, mais pérennise l’effet du signal déclenché par l’ancienne labellisation Clef Verte.

Repérant dans la base de données – à laquelle la Fondation Mohamed VI pour la protection de l’environnement nous a donné accès – le premier gîte labellisé « La Clef Verte » à la palmeraie de Ferkla, et toujours assidu, nous l’avons pris comme étude de cas pour approcher les motivations reconduites en matière de gestion environnementale du gîteur et de son personnel et comment il a pu tirer profit des contraintes hydriques pour une éco-labellisation continue et une contribution directe dans la gestion de l’eau, considérée comme « un luxe touristique ».

« La Clef Verte » dans les oasis : le cas du gîte El Khorbat dans l’oasis de Ferkla (bassin de Gheris)

Parmi les régions les plus soumises au stress hydrique figurent la Méditerranée et plus particulièrement les zones d’oasis et de désert. Paradoxalement, celles-ci se retrouvent parmi les destinations phares pour le tourisme. La situation est préoccupante compte tenu du fait que les besoins des touristes dépassent de loin les consommations locales. En effet, à titre d’exemple, un client d’un hôtel international consomme en moyenne 300 litres d’eau par jour (PNUE/PAM, 2013). Cette situation met donc en péril la qualité et les ressources disponibles en eau pour les populations locales. Des actions de rationalisation de l’usage de l’eau au sein des établissements hôteliers sont par conséquent nécessaires pour endiguer le problème, ou tout du moins le restreindre, notamment avec la labellisation environnementale.

C’est le cas des établissements d’hébergement implantés au cœur d’oasis, notamment celle de Ferkla, à 50 kilomètres à l’est de Tinghir dans la basse vallée du Todra, au sud-est du Maroc (illustration 7), où le climat est caractérisé par des précipitations faibles et très irrégulières dans le temps et dans l’espace avec une moyenne annuelle qui varie de 40 à 283 millimètres. Ces précipitations se démarquent par des irrégularités et des variabilités annuelles très prononcées qui diminuent du nord vers le sud.

Fig. 8

Illustration 7

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Localisation géographique du gîte El Khorbat

Source : Auteurs

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Au milieu de toutes ces contraintes, aussi bien climatiques qu’économiques, un gîte a vu le jour en 2004 à Ksar El Khorbat, un ancien village fortifié, bâti en terre crue au XIXe siècle et récemment restauré grâce à une action de coopération internationale ainsi qu’au tourisme qui s’y développe[9]. Le projet de gîte se voulait un catalyseur de tourisme responsable pour les trois partenaires – un Marocain natif du ksar et ses deux associés espagnols – qui ont fondé une Association pour le patrimoine et le développement durable afin d’améliorer les conditions de vie des habitants et de permettre un développement économique de l’oasis. Autour du gîte, qui offre dix chambres, se greffent, entre autres, un écomusée, un atelier d’artisanat féminin, une école préscolaire, ainsi qu’un marché solidaire hebdomadaire.

El Khorbat est alors devenu le point de départ idéal pour des excursions dans les oasis du sud marocain, les gorges du Todra et du Gheris, les grandes dunes de l’Erg Chebbi, connues sous le nom de Merzouga, et la route des Mille Kasbahs. Cependant, conçu dans un milieu fragile où l’eau se fait rare, le gîte ne pouvait qu’adopter une démarche environnementale. Le propriétaire marocain reste totalement convaincu qu’« actuellement, il est pratiquement impossible d’envisager un développement touristique durable sans tenir compte de son impact sur l’environnement » (communication personnelle, le 8 mai 2014).

Dès le début de son activité, le gîte s’est lancé dans un tourisme responsable et « La Clef Verte » n’est qu’un élément de ce processus de gestion durable visant à contribuer pleinement au bien-être des habitants du ksar El Khorbat, à la valorisation de l’oasis et à la sauvegarde des ksour (habitations fortifiées en terre crue). Tous ces efforts en matière de tourisme responsable ont été récompensés par deux titres octroyés au gîte et à son écomusée et affichés sur son site web[10], rappelant le « marketing du tourisme durable » (Häcker, 1998) :

  • Le trophée Maroc du tourisme responsable, édition 2010, thématique des Valeurs, Traditions et Culture. Ce prix, accordé par le Comité marocain du tourisme responsable, vise à récompenser les projets touristiques qui contribuent à préserver et à promouvoir l’identité culturelle du territoire et de ses habitants et à favoriser la mise en valeur du patrimoine local, régional ou national.

  • « La Clef Verte » octroyée quatre éditions de suite, depuis 2010.

La labellisation « La Clef Verte », selon le propriétaire du gîte, a permis une légère baisse de consommation, à peine perçue en 2014, au niveau de l’eau et de l’électricité. Cependant, les pics de la surconsommation en eau enregistrés en haute saison sont toujours ressentis, spécialement pendant les vacances de Noël et celles de Pâques (illustrations 8-9). Au niveau de l’électricité, même en installant des ampoules à basse consommation et des panneaux photovoltaïques pour profiter de l’énergie solaire dans une région fortement ensoleillée, la surconsommation est aussi importante que l’eau en haute saison (illustrations 10-11).

Fig. 9

Illustration 8

Illustration 8

Consommation d’eau potable au 1er trimestre 2013, en mètres cubes

Graphique : gracieuseté du Gîte El Khorbat, mars 2014.

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Fig. 10

Illustration 9

Illustration 9

Consommation d’eau potable au 2e trimestre 2013, en mètres cubes

Graphique : gracieuseté du Gîte El Khorbat, mars 2014.

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Fig. 11

Illustration 10

Illustration 10

Consommation d’électricité au 1er trimestre 2013, en mètres cubes

Graphique : gracieuseté du Gîte El Khorbat, mars 2014.

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Fig. 12

Illustration 11

Illustration 11

Consommation d’électricité au 2e trimestre 2013, en mètres cubes

Graphique : gracieuseté du Gîte El Khorbat, mars 2014.

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Néanmoins, s’il est vrai que ce label a permis une légère réduction au niveau des factures, un effort considérable a été déployé en ce qui a trait à la sensibilisation continue du personnel, et notamment auprès des nouvelles recrues. Il est à souligner par ailleurs que c’est au niveau des ressources humaines que le propriétaire du gîte admet qu’il avait le plus de problèmes (formation, sensibilisation) et non aux niveaux technique et financier.

Le propriétaire confirme toutefois que le label Clef Verte a permis d’accroître le nombre des touristes et qu’il a beaucoup contribué à faire valoir sa réputation, quoique ce soit un élément dans tout un processus entrepreneurial de tourisme responsable et durable.

Le cas du gîte El Khorbat résume à notre sens la logique du label « La Clef Verte » qui est greffée dans toute une politique environnementale (illustration 12), vecteur de développement, mais aussi utilisée comme un moyen de commercialisation efficace et donc, en retour, de rentabilité. Les dépenses générées par les travaux mis en place dans le gîte en vue de l’obtention de la labellisation sont largement couvertes par l’arrivée de nouveaux touristes en quête d’un hébergement « écolo » et prêts à payer davantage pour contribuer à la préservation de l’environnement.

Fig. 13

Illustration 12

Illustration 12

La chaîne de l’excellence dans la politique environnementale d’une entreprise

Source : élaboration des auteurs à partir de Chambre de Commerce du Canada, 1991 : 5.

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En principe, la labellisation Clef Verte ne doit être qu’une étape – renouvelée assidûment – de toute une politique environnementale adoptée par l’entreprise d’hébergement touristique au risque de se transformer en une banale démarche de distinction des concurrents et une simple démarche éphémère.

Notre étude de cas semble ainsi résumer les raisons éthiques, commerciales et environnementales de labellisation « La Clef Verte » et notamment l’intérêt à obtenir d’autres labels et d’autres distinctions, aussi bien nationaux qu’internationaux. Enfin, cette étude confirme que les convictions du dirigeant du site et ses valeurs humaines comme éléments moteurs de l’engagement environnemental (Tzschentke et al., 2008) surpassent les motivations uniquement financières. En effet, le dirigeant, convaincu de l’intérêt d’agir pour l’environnement comme « moteur du changement » (Mair et Jago, 2010), identifie les problématiques majeures de sa démarche et les freins à lever ; il cherche des solutions et les diffuse au sein de son gîte et même au-delà, dans la palmeraie.

Le cas de ce gîte réunit aussi les trois dimensions citées précédemment du going green évoquées par Agnès François-Lecompte et Michel Gentric (2013) – l’intégration de l’environnement dans la stratégie, le volontarisme du dirigeant pour diffuser ses valeurs personnelles au sein de ses équipes et la formalisation de la stratégie environnementale à travers la mise en place d’un système de management environnemental au sein de l’entreprise – et il montre enfin qu’une initiative touristique durable peut s’inscrire dans un cercle vertueux, sous l’effet de l’apprentissage et des boucles de rétroaction (Camus et al., 2010).

Conclusion

L’intégration de la composante environnementale dans la gestion des établissements d’hébergement au Maroc gagne du terrain et passe par l’éco-labellisation comme signe garant des efforts entrepris et signe distinctif de la concurrence.

Au Maroc, le label « La Clef Verte » est un processus entamé par certaines structures d’hébergement avec une visée à long terme voulant aussi bien séduire les (éco)-touristes que réduire leurs charges. Il est tenté par d’autres établissements lors d’une édition ou deux, conformément à la « théorie du signal », comme un argument clignotant de vente, en affichant la labellisation, non datée, dans leurs affiches publicitaires.

L’évolution du label au Maroc reflète donc, d’une part, une conscience environnementale chez une minorité d’hébergeurs assidus et, d’autre part, une démarche marketing pour les autres qui n’ont pas essayé, pour différentes raisons, d’obtenir une labellisation soutenue qui aurait un impact positif sur l’environnement.

Spatialement, Marrakech, capitale touristique du Royaume, concentre la majorité des structures labellisées et assidues, reflétant ainsi le rôle d’émulation joué par le réseau professionnel où les acteurs d’hébergement se comparent, s’imitent et avancent collectivement vers un même objectif (François-Lecompte et Gentric, 2013).

L’étude de cas du gîte à l’oasis de Ferkla a démontré que l’assiduité au label « La Clef Verte » nécessite une volonté de la part du propriétaire, sa maîtrise d’une politique environnementale, son implication auprès de la Fondation Mohamed VI pour la protection de l’environnement, et la mobilisation des ressources humaines et financières.

Eu égard à la distinction entre deux groupes aux démarches entrepreneuriales divergentes, rien de plus logique que de suggérer que des critères de durabilité, notamment environnementale, entrent dans la classification hôtelière sous une forme utile aux hôteliers comme à leur clientèle. Ainsi, parallèlement aux traditionnelles étoiles et catégories, intégrer des critères de durabilité – dans la Loi 61.00 relative aux normes de classement des unités d’hébergement au Maroc, en s’inspirant de ceux obligatoires de « La Clef Verte », ainsi que l’exigence d’une bonne gestion hôtelière dès l’octroi du classement définitif –, obligera tout investisseur à appréhender la dimension environnementale de son projet et à se préparer plus facilement à une démarche de labellisation.

L’intégration de labels tels que « La Clef Verte » dans la classification hôtelière incitera les hôteliers à pratiquer une gestion d’entreprise durable et à la communiquer. Cependant, ce label ne concernant que l’environnement et se désintéressant des autres aspects de durabilité, il repose donc sur des critères d’évaluation incomplets (François-Lecompte et al., 2014). Or, de nouvelles donnes font évoluer la demande touristique : respect des cultures locales, recours aux produits de terroir et aux services locaux, protection des paysages et conditions de travail équitables sont autant d’éléments garants de vacances authentiques invitant les hôteliers à chercher des labels appropriés pour ces créneaux afin de mieux communiquer l’importance et les priorités de leurs stratégies entrepreneuriales.

Enfin, l’écolabel « La Clef Verte » est un label international, mais il doit prendre en considération les spécificités géographiques des espaces où il évolue afin d’adapter sa grille de critères. L’environnement est certes l’affaire de tous, mais il doit être distingué géographiquement. Dans ce cas, les critères de labellisation seront-ils à la portée de ces espaces ? « La Clef verte » est-elle plus accessible aux grandes villes qu’aux lointaines contrées rurales ? Enfin, est-elle garante d’une meilleure gestion environnementale du tourisme au Maroc ?